Je suis... vivante ! Quel miracle, je sais. Sur une autre note...

Pour commencer, j'ai remarqué... que j'ai mal ortographié le nom des Tikwis jusqu'à présent. En effet, ils sont devenus les Twikis. C'est corrigé à partir de ce chapitre, mais sachez que je suis au courant pour les précédents. Mon erreur.

Autre chose, je serais de retour pour un moment maintenant. En effet, j'ai écrit plusieurs chapitres en avance. Il ne me manque plus qu'à les réécrire. Autrement dit, je serais de retour la semaine prochaine avec un nouveau chapitre, sinon plus tôt. Restez à l'écoute !

Le prochain chapitre sera d'ailleurs le premier donjon. Il était temps, mine de rien.

Sur ce, bonne lecture !

[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]


Chapitre 9 - Au cœur de la forêt des égarés

- Les Tikwis sont-ils dangereux ? Demanda Hylia pour ce qui lui semblait être la deux-centième fois.

Link retint un grognement en reprenant le décompte - qu'elle avait miraculeusement tenu, ce qui semblait être le plus incroyable dans tout cela. Non, il s'agissait seulement, et très exactement, de la cent-quatre-vingt-douzième fois.

- Non, ils sont même le peuple le moins dangereux de cette planète, excepté les Minishs. Bon sang, ils paniquent dès qu'ils se trouvent face à un inconnu !

Cela venait en grande partie de son unique souvenir d'eux, la seule et unique fois qu'elle avait vus, cette nuit d'horreur et de fête. Les Tikwis avaient été, dans un premier temps, calmes, mais étaient partis dans tous les sens dès que les enfants s'étaient approchés pour leur parler. L'un d'entre eux, quand ils étaient parvenus à le sortir de sa cachette - c'est à dire après un long monologue de Link sur la beauté de leur village et la gentillesse de ses amis - leur avait expliqué qu'ils étaient simplement timides de nature. A cela, l'Hylienne avait eu mille autres questions, notamment en quoi la timidité les avait poussées à fuir trois enfants, mais elles n'avaient pas été bien importantes.

A la place, elle se rappelait des avertissements de ses anciens camarades. Amèko avait été particulièrement patient face à leurs interrogatoires.

- Les Tikwis ne sont pas dangereux quelle que soit leur taille, expliquée-t-elle après quelques minutes de silence. Ils ont peur des gens, dès qu'ils en voient, ils courent se cacher. Le plus dur sera de leur parler. En général, il faut être vraiment patient avant qu'ils ne veuillent même te regarder.

La prêtresse hocha la tête, les sourcils froncés.

- Avant de partir, je me suis renseignée sur les endroits dangereux du monde...

- C'est à dire le monde entier, renifla la mercenaire en esquivant une branche perdue.

La femme au céleste ne répliqua rien pendant quelques secondes, les yeux dirigés sur le sol instable. Ne manquerait plus qu'elle trébuche sur une racine.

- La forêt était indiquée parmi eux. Le livre racontait que les peuples étaient particulièrement hostiles.

La vagabonde dégaina sa seconde lame - elle n'allait pas utiliser son épée là-dessus - pour trancher la broussaille envahissante. Le désavantage d'explorer la forêt était que personne ne s'y promenait assez pour laisser des chemins sûrs dans son sillage. Il leur fallait donc en créer un, entre les troncs épais et les buissons épineux.

Évidemment, tout cela en espérant ne pas croiser de vipère ou tout autre animal discret mais venimeux.

- Ce serait les Pestes alors, finit-elle par répondre. Ils attaquent à vue, eux.

- Comment les Tikwis vivent-ils avec eux ?

- Personne ne sait.

Elle revint au chemin en construction pour croiser le regard d'un renard perplexe. Ce ne devait pas être tous les jours qu'il croisait deux Hyliennes en compagnie d'un oiseau géant en exploration loin des sentiers battus. L'animal reste figé quelques secondes avant de glapir, surprenant Oko qui sort de derrière un tronc tordu, et de sauter dans son terrier. Le célestrier piaffa, Hylia grommela en lui retirant les branchage fiché dans son plumage. Link s'arrête.

Cela faisait désormais un moment qu'elles exploraient la forêt. Les arbres gigantesques surplombaient leurs têtes en un toit de verdure, de nombreux buissons obstruaient le passage. Pas qu'il y en ait pour commencer. Étant donné que c'était la première fois de la mercenaire dans les bois centenaires, elle ne connaissait que mal, voire pas du tout la direction à prendre. A tout moment, plutôt que de trouver les Tikwis, elles allaient tomber sur les Pestes. Ce qui serait une mauvaise idée, si ce qu'elle savait de ce peuple était juste.

Entre les Tikwis qui fuyaient à vue et les Pestes qui attaquaient à vue, le choix semblait incroyable.

Link garda son grondement pour elle, préférant s'intéresser à la suite de leur exploration. Les bois inconnus s'étendaient sans fin dans toutes les directions, elles devraient arriver, si tout se passait bien, à obtenir une quelconque indication. Il devait bien y avoir un chemin à emprunter les guidant jusqu'à la tour, quelque chose pour les aider à se repérer. Si elles continuaient ainsi, elles tourneraient en rond pendant une durée indéfinie, et pourraient même mourir avant d'arriver quelque part. Elles pourraient même perdre de vue la sortie, ce qui n'était pas une option.

Alors qu'elle ruminait en silence, elle faillit manquer le signe qu'elle cherchait.

Au départ, aucun des trois camarades de malchance ne le remarqua. Oko, car c'était trop petit et peu intéressant. Hylia, car elle ne pensait pas que cela pouvait être utile d'une quelconque manière. Link, parce qu'elle n'avait jamais vécu cette situation auparavant. Néanmoins, après un deuxième piaillement aigu bien trop proche à son goût, ce fut la mercenaire qui se retourna, les sourcils froncés de confusion. Elle en avait entendu des rumeurs, avait même pu assister à un exemple concret, mais cela faisait bien dix ans qu'elle n'en avait pas croisés...

- Hé...

Un buisson tremblait de manière suspecte. La mercenaire s'arrêta encore une fois, la plus proche manqua de lui rentrer dedans. Lentement mais sûrement, après leur avoir intimé le silence, elle cacha du mieux qu'elle put ses armes, et s'accroupit jusqu'à arriver à ce qui devait être une taille raisonnable. C'était là sa seule chance, elle le savait. Cette race serait prompte à la prendre comme une menace au moindre faux pas.

- Excuse-moi... ?

Le buisson trembla de plus belle, avant qu'il ne se soulève légèrement, sa curiosité gagnant du terrain. Un nouveau petit cri, tout aussi aigu que le premier, l'envoya se rouler en boule plus profondément dans la terre. La vagabonde se retourna juste le temps de demander silencieusement à Oko et Hylia de reculer, avant de revenir à la boule de plumes et d'herbe.

- Nous sommes pas là pour attaquer... En fait, nous cherchons quelque chose, mais nous savons pas où ça se trouve.

Un petit œil noir osa la fixer quelques secondes en une bravade suspicieuse, avant de se terrer à nouveau dans sa sécurité relative. Deux petites ailes, trop pour le rendre capable de voler, frottèrent l'endroit où ils devaient maintenant se trouver, comme pour sécher ses larmes.

- Q... Quelque... chose ?

- Oui, juste ça !

Elle tenta de garder sa voix la plus rassurante possible, sachant d'avance que cette conversation ne serait pas simple. Les Tikwis étaient réputés pour leur timidité maladive, celui-ci, à s'obstiner dans une cachette découverte, en était un exemple parfait. D'ailleurs, elle ressentait une légère surprise. Ce peuple possédait-il un village ? Ils ne paraissaient pas savoir combattre, surtout pas des créatures plus grandes qu'eux, et la forêt, sans en être truffées, recelait de certains monstres lui étant propres. Pour venir jusqu'ici, elle avait dû en combattre une partie.

Autrement dit, si un Tikwi se trouvait aussi loin de chez lui que celui-là, la situation en devenait étrange. Peut-être grave, aussi.

Ce qui ressemblait à un petit oiseau recouvert d'un buisson trembla encore une fois, elle sut qu'il n'arriverait pas à lui répondre. A la place, elle chercha. Il fallait le mettre à l'aise, pour commencer. Le ramener chez lui ? Ce serait faire paniquer le reste de son peuple. Néanmoins, cela la rassurerait également. Le laisser tout seul dans la nature revenait à se rendre coupable de « non-assistance à personne en danger », pour autant qu'elle sache.

Elle se pencha un peu plus, la voix petite.

- Est-ce que tu as besoin de quelque chose ?

Il la regarda un peu plus longtemps cette fois.

- Quelque... chose ?

Elle hocha la tête, veillant à laisser quelques secondes de répit entre la question et sa demande.

- T'es pas chez toi, non ? Du coup, tu cherches quelque chose ? On peux t'aider si tu veux.

- Vous ferez ça ?

Il se redressa, semblant soudain plus excité. Oui, il avait quitté les siens pour une affaire importante. Si ce n'était pas clair auparavant, maintenant, elle en était certaine. Aucun Tikwi ne se relèverait aussi vite sinon.

Question de bon sens.

Il resta silencieux quelques secondes de plus avant d'enfin raconter ses problèmes. Ses yeux pleuraient, il semblait désespéré.

- On a perdu nos grenouilles !

… Hein ?

Il continua à gigoter, paniquant dans tous les sens, la mine toute à fait sérieuse.

Elle avait peut-être mal entendu.

- Des méchants monstres ont attaqué notre village, mais ils nous ont pas trouvés ! Mais quand nous avons commencé à tout reconstruire, nos grenouilles avaient disparu ! Ils les ont emmenées ! Elles ont été kidnappées !

Link resta interdite.

Une attaque de monstres. Quelque chose de grave, donc.

- Des... grenouilles ?

- Oui ! Ils les ont emmenées, ils vont les manger !

Des grenouilles.

La mercenaire jeta un coup d'œil à Hylia qui empêchait physiquement Oko de rire de toute l'absurdité découverte. Bien. Donc ce n'était pas qu'elle était victime d'hallucinations auditives. Ils cherchaient des grenouilles, et étaient prêts à se mettre physiquement en danger pour les trouver. Même s'ils n'avaient aucune compétence en combat, si leur manie à se cacher révélait quoique ce soit à ce sujet.

La situation n'avait aucun sens. Il fallut quelques secondes à la jeune femme pour s'en remettre, avant d'accepter finalement que l'histoire devait ressembler à quelque chose pour le Tikwi. Culture différente, et pour ne rien arranger, elle n'était personne pour en juger. Les Jujus possédaient des animaux domestiques sortant de l'ordinaire - un chimpanzé, entre autre - et Hylia se promenait littéralement avec un oiseau géant. Des grenouilles ne pouvaient pas être si étranges, en comparaison.

Elle hocha la tête, calmant ses pensées critiques, avant de continuer la discussion.

- Où est leur camp ? Je peux les ramener, si tu veux.

Le Tikwi trembla à nouveau, mais ce n'était plus de la timidité. Redressé, complètement debout face à elle, la peur pour ses petites amies avait pris le dessus.

- Il est pas loin ! Vraiment pas, j'y étais presque !

Hylia pencha la tête, un regard dangereux en direction d'Oko. Link tenta de comprendre ce qu'elle essayait de communiquer à son célestrier pour qu'il finisse tête baissée de tristesse, mais elle ne faisait pas partie de leur lien. A la place, elle se retourna à nouveau vers le Tikwi soudain décidé à leur servir de guide, rebondissant sur ses petites pattes comme pour se préparer à courir droit dans l'antre de leurs ennemis.

Juste pour être sûre, la mercenaire lui bloqua le chemin.

- Il faut ramener les grenouilles !

Ceci était la mission de sauvetage la plus bizarre à laquelle elle avait pu participer à ce jour.

Mais elle n'allait pas le remettre en question.

Plutôt que de douter de toutes ses connaissances jusqu'à présent, la mercenaire se releva, ses genoux tirant légèrement à cause de la position accroupie prolongée, et opina du chef en direction de leur nouveau camarade. Le petit être fouilla autour d'eux pour retrouver ses repaires.

- Le camp des monstres est par là !

Hylia refusa net de laisser le Tikwi monter sur le dos d'Oko pour une raison qui lui échappait. Sans doute que cela avait à voir avec ce pourquoi le célestrier bleu semblait correctement châtié. Elle ne saurait jamais, sûrement. Plutôt que de s'en émouvoir, elle commença à donner des directives à celui qui était, sans nul doute possible, le plus faible de leur petit groupe.

- Je peux combattre les monstres mais pour ça, j'ai besoin que vous restiez en retrait. Donc même si les grenouilles semblent en danger, je veux que tu te rapproches pas, d'accord ?

- Même si elles sont en danger ?!

- Oui !

Il semblait que les Tikwis devenaient suicidaires quand cela impliquait leurs grenouilles. Elle en prit note, avant de lancer une œillade significative à la prêtresse qui observait l'interaction avec intérêt. Si l'oiseau à buisson courait en plein milieu du combat, elle ne pourrait que difficilement le protéger des attaques. A ce stade, même les grenouilles seraient plus simples à récupérer.

D'ailleurs, elle s'arrêta sur ce détail. Les grenouilles étaient petites, les monstres ne construisaient que de grandes cages, donc elles auraient bien pu passer au travers des barreaux sans difficulté et ce dans la plus grande des discrétion, non ? Autrement dit, il y avait de grandes chances qu'ils soient en train de se déplacer vers un camp de monstres dans lequel personne n'était en danger.

Elle se consola autrement. Après tout, cette hypothèse aurait pu paraître mauvaise si la menace de ces créatures à l'encontre des Tikwis n'était pas, quant à elle, bien réelle.

Sa crainte se confirma en arrivant au dit-campement.

- Non... Mentha !

Un Tikwi se trouvait actuellement attaché au centre d'une ronde de monstres dansants. Ils semblaient procéder à un rite inconnu que la jeune femme ne comprenait honnêtement pas de là où elle se trouvait. Pas qu'elle le comprendrait en étant plus proche, mais elle pourrait au moins essayer. Au milieu de cette situation, le fameux Mentha tremblait de tout son corps, absolument terrorisé par la situation, ce qu'elle comprenait honnêtement.

Malheureusement pour leur couverture, il semblait les avoir remarqués.

- Jacith ! Ils ont plus les grenouilles, cours !

Jacith piailla un son si fort qu'il était impossible que même le Bokoblin occupé à dormir dans son coin ne l'ait pas entendu.

Link se retint de les insulter copieusement.

- Bon sang, la discrétion, c'est trop demandé ?!

Hylia, heureusement pour sa santé mentale, avait déjà attrapé le Tikwi le plus proche pour s'éloigner en relative sécurité sous la couverture de l'aile d'Oko. La mercenaire dégaina son épée, mesurant le risque encouru. Quatre Bokoblins, plus un autre occupé à se réveiller de sa surprise. Pas l'espèce la plus forte, ni la plus intelligente heureusement, mais avec assez de capacité cognitive pour savoir créer des armes à longue portée, sinon user de cailloux pour l'embêter.

Ce que l'un d'entre eux fit. Elle esquiva aisément le projectile, lui envoyant un regard noir dans le processus, avant d'affronter le plus proche. Ils n'étaient pas bien puissants, ni particulièrement doués au corps à corps. En somme, il s'agissait d'un monstre assez basique, dangereux quand il formait un groupe avec d'autres espèces, pas bien impressionnant dans une meute uniforme. Hors, ici, il semblait s'agir de cela. Des Bokoblins uniquement. Link sourit, confiante, et en élimina deux assez rapidement.

Finalement, le combat ne dura pas bien longtemps. Comme elle l'avait supposé, une attaque surprise aurait été plus profitable, notamment au cas où d'autres types de bêtes se terraient dans les bois, mais cela n'avait toujours pas été une lutte terrible. Quelques contusions après avoir été arrosée de cailloux, un bleu en formation sur son bras, mais aucun blessure grave à déplorer. Du temps de la compagnie, ce genre de résultat ne sortait pas de l'ordinaire, surtout quand elle se battait avec les autres.

La réalisation lui coupa momentanément le souffle.

Elle était seule.

Personne pour couvrir ses arrières, pour proposer un plan, tenter de le suivre avant de le jeter aux oubliettes, lui reprocher son approche trop brutale et son manque de considération pour sa sécurité, avant de se faire crier dessus pour exactement les mêmes raisons. Elle avait couru dans le combat sans réfléchir, si habituée au fait d'avoir un archer dans le dos, une personne pour l'accompagner aux devants.

La compagnie mercenaire était morte, se rappela-t-elle.

Il n'y avait plus qu'elle pour se battre.

Il lui fallut peut-être une minute avant de pouvoir reprendre une respiration convenable, et calmer son cœur. Ses mouvements robotiques, il fallait libérer le Tikwi prisonnier. Ce-dernier cessa complètement de bouger quand elle pénétra sa bulle de confort, il n'osait pas lever la tête dans sa direction. Son camarade le rejoignit rapidement, aucun des deux ne semblait accorder la moindre importance aux cadavres de monstres jonchant le chemin.

Elle ne savait pas comment le prendre.

- Mentha ! Comment ça, ils ont plus les grenouilles ?

Le dit-Mentha s'étouffa dans un sanglot.

- Je sais pas... elles étaient plus là quand je suis arrivé !

Link échangea un regard fatigué avec Hylia. La prêtresse paraissait correctement offusquée par les carcasses mais semblait retenir toute critique. Oko passa dessus sans un regard en arrière, il fallait croire que l'oiseau n'avait aucune considération pour les monstres.

La femme blonde secoua la tête, loin d'être aussi inquiète que les Tikwis à cet égard.

- J'imagine qu'elles se sont échappées, non ? Elles sont trop petites pour être gardées dans la cage, je veux dire.

La mercenaire hocha la tête, à la surprise des deux compères.

- C'était... logique ? Par contre, j'ai aucune idée d'où elles sont maintenant.

- Noooon !

Les Tikwis semblèrent complètement désespérés. Ils paniquèrent, sautillèrent, oubliant tout de leur crainte envers les étrangers, ne faisant définitivement plus attention à leur environnement. Les deux Hyliennes échangèrent un regard, incapables de savoir même quoi faire. Le célestrier observait la scène avec attention, à l'image d'un prédateur.

Soudain, la mercenaire comprit mieux les mesures de prévention de la prêtresse.

Soupirant un bon coup, ce fut Hylia qui débloqua la situation.

- J'imagine... qu'on va chercher les grenouilles.

Elle ne devait pas penser à ce genre de scène en descendant de son Hyrule.

Immédiatement, Mentha et Jacith cessèrent de courir sans direction pour s'arrêter face à la femme en robe, l'espoir irradiant d'eux par lourdes vagues. Link fronça le nez, mais la plus sage secoua la tête.

Bien. Il fallait croire qu'elles n'avanceraient jamais si les Tikwis ne voulaient pas les aider.

- On vous donnera un joli cadeau en échange !

Aucune d'entre elles n'avait besoin de babiole, aussi ni l'une ni l'autre ne comprit réellement ce que les deux camarades de petite taille voulaient leur offrir. Ceux qui ressemblaient à des oiseaux dansotaient, excités. Leur frayeur était passée.

- On a trouvé des perles de couleur dans un cratère, pas loin ! Elles sont magiques !

- Oui, magiques !

Link décida de ne pas s'y intéresser pour le moment. Au pire des cas, elles l'apprendraient sur le tas.


- Comment trouve-t-on des grenouilles dans une forêt ? Demanda Hylia.

La vagabonde jeta un regard mauvais en direction d'une rénette violette.

- Comment trouve-t-on les bonnes grenouilles dans une forêt pleine de grenouilles ? Corrigea-t-elle d'un ton acide.

La prêtresse ne lui en tint pas rigueur. Elle n'en menait pas large, à quelques pas d'elle, les pans de sa longue jupe retenus contre son buste dans l'espoir de ne pas la tâcher des différentes essences de la forêt, sans parler du fait qu'elle tenait à peine en équilibre à cause des diverses racines et plantes basses qui lui barraient le chemin. Link voulait bien avoir pitié d'elle, mais tout ce qu'elle pouvait faire pour le moment était de débroussailler le chemin avec l'une de ses lames.

La route qu'elles empruntaient n'en était pas une, du moins pas pour les personnes aussi grandes qu'elles. Oko grondait à chaque nouvelle feuille dans le plumage. Autrement dit, il n'avait pas cessé de grogner depuis qu'ils avaient quitté la clairière. La vagabonde commençait à en avoir marre. Il aurait pu se douter que cela finirait ainsi, au vu des fourrés touffus. Même sa partenaire ne s'en plaignait pas autant, mise à part quelques petits accrochages qui l'empêchaient de temps à autres d'avancer.

L'Hyruléenne s'arrêta à nouveau. En se retournant, Link remarqua que ce n'était pas qu'elle s'était bloquée sur une branche passée inaperçue. Ses yeux bleus cherchaient la cime des arbres, son attention semblait accrue.

- Quoi ? Demanda la vagabonde après quelques secondes passées sans la moindre indication.

Ce n'était pas la première fois que l'autre femme agissait ainsi. Cette action, d'ailleurs, commençait à l'inquiéter.

Hylia resta silencieuse un peu plus longtemps, la seule indication qu'elle avait entendu sa question étant ses oreilles tremblantes. Au bout d'un temps indéfini, elle baissa la tête, regardant ses mains, son corps en général. Sa voix sonnait rauque, enrouée.

- J'imagine... qu'Hyrule me manque ? Je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser... Ma fille aurait adoré les Tikwis.

Cette dernière information lança la mercenaire dans une boucle.

- Ta... fille ?

La prêtresse ne sembla pas comprendre son choc. Elle cligna des yeux dans sa direction, la surprise claire.

- Oui ? Je ne te l'avais pas dit ?

- Non ?! Attends, les prêtresses peuvent se marier ?

La société hyruléenne était compliquée, avait expliqué un Hylien de Juju après s'être émerveillé de la simplicité des règles Sheikahs. Il y avait des commandements, des déclarations, des lois, des sous-lois, des conventions sociales, et personne ne savait combien d'exceptions. Pour ne rien arranger, tout cela changeait en fonction de l'endroit où la personne habitait, de la condition sociale, du rôle dans la société, et même de la personnalité des voisins.

En croisant le regard choqué de la dame du soleil, Link comprit qu'elle avait affaire à l'une de ces exceptions qui compliquaient tout. Hylia sourit, gênée, avant de rire de bon cœur.

- Je me suis mariée il y a quelques années, oui. Ma fille avait trois ans quand je suis partie. Je l'ai appelée Zelda.

- Cinq secondes...

La plus jeune saisit sa tête dans ses mains, sentant un mal de crâne commencer à germer. Certes, elle pensait que l'autre était effectivement plus âgée qu'elle, mais pas au point d'avoir un enfant. Trois ans n'était pas vieux, oui, mais pour celle qui touchait à la fin de son adolescence, c'était toujours énorme. Si elle avait une fille de cet âge, elle l'aurait eue à... quatorze ans ? Les déesses l'aident, elle était occupée à combattre des monstres et se disputer avec ses deux meilleurs amis, à cet âge !

- T'as quel âge ?!

La prêtresse resta choquée quelques instants, avant de sourire à nouveau. Oh, elle n'aimait pas ce sourire. Il ressemblait beaucoup à celui que beaucoup faisaient avant de faire ce qu'ils considéraient être une blague. Les yeux plissés de joie, les lèvres étendues en un rire, Hylia gloussa sans méchanceté.

- Voyons très chère, tu devrais savoir qu'on ne demande pas son âge à une dame ?

Elle se moquait définitivement d'elle.

Link gonfla ses joues, ressemblant davantage à l'enfant qu'elle devait être pour la mère de famille. D'abord ronchonne, un autre fait la frappa.

- Attends, ils savent que t'es là ?

Pour les Jujus, la famille était tout. Ils la quittaient à la mort, pas avant. Il s'agissait du premier amour, le premier lien que Farore leur confiait. Ils se devaient de la chérir, l'adorer. L'abandonner purement et simplement... Pour eux, il s'agissait du contraire du bon sens. Une pure aberration, une horreur. Link avait pu quitter la capitale sans un regard en arrière pour une raison simple : sa mère était décédée depuis près de dix ans. Il n'y avait aucun lien de sang qui la maintenait sur place.

Et pourtant Hylia était partie, avait laissé la sienne derrière elle, tout cela pour une mission divine dont personne ne connaissait la conclusion.

La prêtresse hocha la tête, elle se sentit encore plus touchée.

- Le monde passe avant nous, rationalisa-t-elle. Nous ne sommes rien en comparaison.

Peut-être était-ce pour cela qu'elle appelait Link « égoïste », à préférer ses relations au sort du monde. Peut-être que c'était cela, être sage. Placer tous avant soi, quitte à sacrifier tout ce qui comptait, son amour si cher. Hylia ne priait pas Farore, se rappela-t-elle, elle adorait Nayru. Les deux déesses n'enseignaient pas la même philosophie, de même que Din. Elle n'était personne pour remettre en doute les actions d'une autre doctrine.

Pourtant, cela lui laissa un goût amer. Une petite fille devait attendre le retour de sa mère, accompagnée d'un homme inconnu, sur une île céleste, et aucun d'entre eux ne saurait jamais si elle allait bien ou non.

Ce devait être angoissant. Terrible, pire qu'un cauchemar.

Elles ne se comprendraient sans doute jamais.

Link hocha la tête, retournant à son occupation première. Le présent, l'immédiat, pas un autre pays. Les Tikwis cherchaient des grenouilles en fuite.

Le rappel de leur situation lui fit froncer le nez. Son regard croisa celui d'une nouvelle rénette, elle n'en pouvait plus.

- Dis, tu sais où sont les grenouilles ?

Sûrement devenait-elle folle, décida-t-elle en suivant le tout petit animal jaune au travers des buissons. Une rénette ne pouvait pas avoir compris son langage, de même qu'elle ne pouvait pas avoir réussi à saisir le langage de la rénette. Pourtant, au bout d'une longue marche par des détours étranges et des paysages définitivement peu banals, la mercenaire se retrouva à repenser à sa possible folie.

Là, dans une clairière à l'abri des regards, se cachaient une dizaine de grenouilles verdoyantes.

Les Tikwis allaient être heureux, au moins.


- As-tu une idée de comment notre monde est devenu ainsi ?

La mercenaire haussa un sourcil en direction de la prêtresse. Autour d'elles, les Tikwis dansaient joyeusement avec leurs grenouilles, il semblait qu'ils avaient complètement oublié leur présence. Pas que cela la dérange, ils étaient adorables.

La présence de la tour, parfaitement cachée derrière les broussailles des arbres gigantesques, semblait jeter un voile de protection sur le petit campement. Peut-être que la dame de Farore les surveillait, avant. Pour une raison quelconque, son égide avait faibli, et les monstres en avaient profité.

Très inquiétant, si elle devait donner son avis.

- Le monde ? Pourquoi ?

Hylia regardait avec admiration les trois perles récupérées. Link tenait la verte brillante. L'Hyruléenne, quant à elle, avait récupéré la bleue. Aucune d'entre elles ne savait quoi faire de la rouge.

- Nous devons réunir les trois fragments de la Triforce. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à cette histoire.

Elle se réinstalla plus confortablement sur l'arbre tombé, laissant Oko picorer gaiement les graines données par les Tikwis. La vagabonde hésita un instant avant de prendre place à côté d'elle.

- Je sais qu'il existait autrefois une grande déesse d'or, commença-t-elle, les yeux partant en direction du ciel. Cette déesse donna naissance à six enfants. Sur le chaos qui entourait cette dame, trois des étoiles sont descendues. Il s'agissait des déesses d'or.

- D'abord Din, confirma Hylia. De ses bras forts et enflammés, elle forgea la roche et accueillit le feu. De l'union de ses deux éléments naquit la lave bouillonnante, réchauffant le sol de sa présence dans les souterrains les plus glacés. Puis, Nayru descendit à son tour. De son infinie sagesse, elle apporta l'ordre au chaos, le ciel au néant. Elle amena l'eau à refroidir le feu tout puissant, créer des rivières, amener la paix.

- Et la troisième était Farore, acheva Link, un petit sourire sur le visage, la fierté transparaissant d'elle par vagues.

La prêtresse gloussa.

- Oui. Dernière arrivée, Farore amena dans son courage, sa joie et son enthousiasme sans limite la vie elle-même. Puis, dans son amour impossible, elle conçut la mort. Ainsi virent le jour toutes âmes de la création.

Les douze premiers peuples, si la vagabonde ne se trompait pas.

- Dans les airs se disputèrent les Fées et les Takeihs. Pour la roche se lièrent les Mogmas et les Gorons. Au font des bois coexistèrent les Tikwis et les Pestes. Dans les plaines s'entendirent les Hyliens et les Minishs. Dans l'eau douce s'installèrent les Zoras, et dans l'eau salée les Sirènes. Finalement, le désert vit les Gérudos et les Ikris se faire la guerre.

Hylia cligna des yeux, prenant tout en compte.

- Se faire la guerre ?

- Ne mets jamais un Ikris face à un Gérudo. C'est un massacre.

Un euphémisme. Les deux peuples se haïssaient, en venant à se battre dès que l'occasion se présentait. Même les Fées et les Takeihs n'étaient pas arrivés à ce stade de colère. Personne en Juju ne savait comment ces deux races avaient réussi à obtenir le miracle de ne jamais disparaître. Avec le nombre de morts que les deux côtés comptabilisaient à la fin de chaque combat, cela tenait de l'improbable bien plus que de la norme.

L'Hyruléenne ne demanda pas, préférant retourner aux mythes fondateurs. Link grimaça intérieurement. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne comprenne ce qu'elle voulait dire par là.

- Après la naissance des mortels, les déesses créèrent leurs enfants. Din sculpta dans la terre et le feu les dieux des Continents et du Climat. Nayru fondit dans l'eau les dieux de l'Esprit et des Rêves. Farore donna naissance dans le vent aux dieux des Âmes et du Cycle de la Vie. Ensemble, ce travail achevé, elles donnèrent vie aux quatre Esprits de Lumière, destinées à garder l'équilibre sacré. Fières du résultat de leur labeur, les trois dames d'or retournèrent au ciel auprès de leur mère, ne laissant de leur passage éphémère qu'un artefact mystique.

- Et les esprits créèrent une nouvelle race pour le garder, continua Link d'une voix douce. Les Sheikahs. En hommage à leurs créatrices, ils les scindèrent en trois peuples : les Bongos, grands et forts, à la chair de Din. Les Rosariens, petits et intelligents, à l'héritage de Nayru. Et les Jujus, ni grands ni petits, ni forts ni intelligents, au sang de Farore.

- Le peuple imbattable est au final le plus normal de tous, s'amuse Hylia.

Link ne met s'empêcher de ressentir un élan de fierté à ce constat. Les Jujus, même sans capacité spéciale, étaient parvenus à se siffler en tant que meilleurs combattants de leur race. Le courage coulait dans leurs veines, ils n'avaient besoin de rien de plus que de l'amour de leur dame verte pour avancer.

La prêtresse est devenue rêveuse.

- Et ainsi le monde se créa...

- Tu as oublié un passage, la reprit la vagabonde après quelques secondes de réflexion. Quand les déesses disparurent, elles laissèrent la Triforce, oui, mais de la Triforce jaillit le soleil.

- C'est vrai, reconnut l'Hyruléenne. Je dois avouer que ce n'est pas un passage très connu du côté d'Hyrule.

Lien renifla.

- Les Jujus retiennent tout.

- La plus grande bibliothèque du monde, n'est-ce pas ?

Le peuple aux yeux jaunes avait le mérite de posséder une mémoire à long terme phénoménale. Incapables d'oublier quoi que ce soit, les Jujus passaient de parole en parole les souvenirs qui tiraillaient leurs esprits. Le peuple du secret, disaient les Minishs. Ceux qui n'oublient rien.

Ceux qui savent tout.

Avec un dernier regard pour les Tikwis, Link se tourne vers la tour majestueuse.

- Farore sait tout, donc elle aussi, non ?

Le regard d'Hylia s'assombrit.

- La prophétesse qui sait tout, oui.

Le sommet, assombri par les nuages de feuilles, tonna d'un rugissement.

- C'est elle, la gardienne de la Triforce du Courage, la servante de la dame verte.

La tour du Courage était assez attendue.


Quelqu'un a dit grenouilles ? Non ? Tant pis.

On a mis dix chapitres pour arriver au premier donjon, je me désespère tout seule... Mais il est là, la prophétesse avec ! Qui sait, on aura peut-être le deuxième donjon d'ici le chapitre 20 ! ... Comment ça, ce sont mes notes ?

Juste pour savoir, que pensez-vous de ma mythologie revisitée ? J'en suis fière, mais si ça se trouve, ce n'est clair que pour moi. Posez-moi vos questions, je tacherais d'y répondre.

Sur ce... A la prochaine !