Bonne année, bonne santé ! J'espère que cette année sera bonne pour tous !
Ma bonne résolution à moi, c'est enfin d'avancer dans chacun de mes projets. Cette fanfic en fait partie évidemment. On va essayer de l'avancer sans interuption prolongée cette fois... J'espère pouvoir la tenir.
Sur ce, bonne lecture !
[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]
Chapitre 12 - Le début d'une légende de vert de rouge
- Toutes mes félicitations.
Petra cessait tout juste de gronder dans une direction abstraite quand une voix douce les interpella. Link fronçait toujours les sourcils au vent qui lui fouettait toujours le visage, une brise plus calme la saisit brusquement. Le souffle divin chuchotait des secrets réconfortants, la femme inconnue n'eut même pas à se présenter pour qu'elle sache de qui il s'agissait.
La grande prophétesse du Courage se tenait face à elles.
L'Hylienne était grande, de taille comme de prestance. Toute parée des plus beaux tissus verdoyants, une robe drapée de voiles formant des vagues, et des épaules recouvertes d'une sorte de toge, un corset d'or ceignait sa taille et brillait sous le soleil de l'après-midi. Des bracelets, des boucles d'oreille en forme de triangle, une coiffe de ce même matériau retenait de longues mèches d'un mauve pâle, mais richement entretenu. Dans sa main gauche, elle tenait un long bâton de bois serti d'une perle aussi verte que celle que la vagabonde avait attachée à sa ceinture.
Ses yeux verts étincelaient d'une connaissance profonde, d'une joie courageuse.
Farore avait sans doute bien choisi sa représentante, pensa Link négligemment.
- Enchantée de te rencontrer, Link de Juju, continua la dame de la bravoure. C'est également un honneur, ajouta-t-elle avec un sourire, de faire face à ma sauveuse.
La mercenaire rougit brusquement, omettant la partie où elle n'avait rien dit de son identité à la femme presque divinisée, alors que Petra piaillait, fière de son amie. Un coup de bec dans son dos, le célestrier rouge la poussa en avant.
- De même, déglutit la vagabonde, soudain intimidée.
La prophétesse sourit d'un air paisible. Après avoir assuré sa prise sur son sceptre, elle se présenta finalement.
- J'écoute les murmures, je vis, et je meurs. Je suis Samada, la grande prophétesse du Courage. Il me semble que vous êtes venues me trouver pour répondre aux attentes d'une mission dangereuse, je ne me trompe ?
Comme attendu de la servante de la déesse qui ne pouvait rien ignorer, elle était déjà au courant de leurs problèmes. Profitant de l'absence d'Hylia pour poser ses propres questions, Link jeta un coup d'œil à l'émeraude qu'elle avait récupérée du monstre.
- Comment un mortel peut-il rendre fou les dieux ?
Si l'ancienne prisonnière était surprise, elle n'en montra rien. A la place, Samada ferma les yeux, son sourire remplacé par une grimace triste.
- Tout ceci est bien plus compliqué qu'une simple guerre pour la gouvernance de la Triforce. Kohana est venu pour la voler, l'emmener en un lieu où jamais nous ne pourrons la retrouver.
- L'emmener ? Et, attendez, c'est pas ce que j'ai demandé ?!
La prophétesse sourit à sa confusion évidente, bien que son regard demeurait blessé, mais continua ses explications.
- Tout est lié, malheureusement. La folie des dieux dragons, la Triforce, la destruction de ta maison. Tout.
Elle s'arrêta, lui faisant signe de la suivre dans les escaliers dangereux. Malgré sa tenue peu pratique et ses chaussures cassées, la dame du Courage ne leur accorda pas de réel intérêt.
- Il y a longtemps, continua-t-elle à la place, les déesses assuraient elles-mêmes l'équilibre de notre monde. Néanmoins, quand elles décidèrent de partir, elles laissèrent derrière elles la Triforce. Le rôle de cet artefact n'a jamais été d'exaucer les vœux.
En bas des marches recouvertes de mousse, sous le soleil radieux laissé par le passage de la lune, Samada lui jeta un regard sérieux.
- La Triforce doit préserver l'équilibre et nous protéger de la corruption.
Ce n'était rien de ce que la jeune femme avait déjà entendu, mais cette révélation n'était pas vraiment une surprise. Ce qui avait créé le soleil ne pouvait être autre chose que d'une importance sans commune mesure, c'était une évidence. Elle se pencha donc sur le deuxième élément.
- Que fait la corruption ?
La prophétesse avait rejoint la seconde porte et entamait la descente.
- Nos astres, nés de la Triforce, permettent la conservation de l'équilibre cosmique. Mais quand cet équilibre est rompu, donc quand l'un des astres se trouve manquant, la corruption s'infiltre dans notre monde. Une lune a disparu, donc... la corruption se glisse peu à peu dans nos êtres. Quiconque est touché souffre de vives douleurs, jusqu'à ce que l'inévitable se produise.
Elle s'interrompit pour allumer la pièce de l'étrange chevalier en armure. Son regard, quand elle se retourna, reflétait une dureté cruelle, une tragédie terrifiante.
La révélation n'en serait que plus douloureuse.
- La corruption transforme en monstre ceux qui la touchent.
La réalisation lui fit l'effet d'un lac de glace.
En monstre.
Des monstres comme ceux qu'elle avait appris à combattre, des monstres à la peau bleue, au ventre proéminent, au groin renifleur, tenant des lames effilées recouvertes de sang, qui beuglaient en abattant des innocents. Des monstres qui avaient détruit le monde tel qu'elle l'avait connu dans son enfance, des monstres qui terrorisaient les populations depuis dix ans maintenant. Des monstres qui, assoiffés de chair fraîche, attaquaient tout ce qui bougeait.
Des monstres comme ceux qui avaient détruit Juju.
Samada demeurait immobile, les yeux remplis du liquide des larmes, la désolation s'échappant de son corps en une expression de compréhension et de tristesse.
- Tu as parfaitement compris de quels monstres je voulais parler.
Cette pensée la rendit malade.
Malade parce qu'elle se souvenait de leurs yeux.
Malade parce qu'elle se rappelait de ce jaune vif.
Malade parce que cela signifiait que les monstres qui avaient massacré Juju étaient eux-mêmes des Jujus.
Et elle les avait tués.
Petra gazouilla de désolation dans son dos, passant sa tête sous son bras pour lui jeter un coup d'œil empli d'inquiétude.
Son regard posé sur son amie aux plumes rouges, Link déglutit difficilement.
Ils étaient morts. Les dieux s'occupaient d'eux désormais.
- Pourquoi y a-t-il de la corruption de toute manière ? Et où est Kohana dans tout ça ?
Samada baissa la tête.
- Pour ce qui est de Kohana, tout ce que je peux te dire, c'est qu'il s'agit d'un étranger venu d'ailleurs. Son objectif est la Triforce, il veut la faire disparaître. Sans elle pour gérer notre monde, les dieux deviendront complètement fous, nous succomberons à la corruption, nos peuples se transformeront en monstres... Nous ne pourrons rien faire face à elle.
Il y avait tellement de questions maintenant. Que signifiait réellement « étranger venu d'ailleurs », où la Triforce menaçait-elle d'être emmenée, pourquoi les divinités avaient-t-elles perdu l'esprit. Trop de questions, trop d'inconnues, et encore une fois, la survivante d'un massacre se demanda pourquoi, pourquoi cet homme, ce meurtrier, faisait-il tout cela, pourquoi voulait-il la Triforce, commettre un crime qui avait jeté les Sheikahs qui s'y étaient tentés dans un monde où la lumière était absente, et où l'obscurité ne commençait jamais.
Une lune avait disparu, avait dit Samada. Une lune, tout comme le soleil protégeait la terre de lumière. Qu'est-ce que cela signifiait, alors que la lune brillait encore les soirs sur ce monde ? Et si la Triforce disparaissait, était-ce le soleil qui mourrait ?
Les questions étaient nombreuses, trop, mais une chose était sûre.
Cette situation, prise dans son ensemble, n'en devenait que terrifiante.
Samada resserra sa poigne sur son sceptre, la mine fermée.
- Pour ce qui est de ta première question... Une lune a disparu, oui.
Link releva la tête, Petra passa une aile dans son dos.
La prophétesse qui sait tout.
La dame du secret.
La gardienne de la bravoure.
La servante du Courage.
- Quelle lune maintenant...
Celle qui ne pouvait rien ignorer.
- Je ne sais pas.
Venant d'elle, ces mots sonnaient comme une condamnation à mort.
- Donc il s'agit bien d'une guerre... Marmonna Hylia.
Les deux célestriers se faisaient face dans un étrange duel - de l'extérieur, cela ressemblait à une sorte de parade nuptiale, mais au vu de leur regard respectif, Link suspectait qu'il s'agissait en réalité d'un type d'intimidation, mais rien n'était moins sûr. Pendant ce temps, les trois Hyliennes avaient discuté. La prêtresse du soleil s'était décomposée en apprenant le rôle véritable de la Triforce. Si l'artefact agissait bel et bien comme une barrière protectrice, alors sa disparition sonnerait le début de la fin.
L'idée en elle-même sortait tout droit d'un cauchemar.
- Les déesses... Chuchota Link dans un éclair de lucidité. Les déesses ne peuvent pas nous sauver ?
Samada, à sa déception, secoua la tête.
- Cela fait des siècles qu'elles ont renoncé à ce rôle. La protection de notre monde ne dépend plus que de la Triforce.
Ce que Kohana voulait.
Au départ, Link ne voulait pas participer à cette quête. Il y avait déjà tellement à faire. Sauver son peuple, reconstruire Juju, bâtir de nouvelles villes, assurer leur avenir. Mais maintenant... Quel avenir ? Si la Triforce disparaissait, alors tous ceux qu'elle avait laissés à Magdatréré allaient se transformer...
En monstres.
Il en était hors de question.
- Comment on l'arrête ?
La prophétesse du Courage leva les yeux vers les branches les plus basses des arbres titanesques, celles qui tapissaient le sol d'un nuage ombreux aux épines de pin. Les Tikwis avaient tout entendu, de leur place tout autour d'elles, la panique les avait poussés à se terrer le plus loin possible sous leurs feuilles. Samada les ignorait d'une manière ou d'une autre.
- Il n'y a pas de bon plan dans cette situation, commença-t-elle après quelques secondes de réflexion. Pour le moment, il vaut mieux suivre le vôtre.
Il fallut aux deux Hyliennes se rappeler de ce pourquoi elles s'étaient lancées à la recherche des prophétesses. Une fois le souvenir revenu, elles sursautèrent. Oko piailla, les plumes gonflées. Même sans avoir reçu trop d'informations, Petra trilla douloureusement.
D'une voix tremblante, Samada confirma leur objectif.
- Il faut que les quatre prophétesses se réunissent. Nous avons besoin de la Triforce.
L'effondrement de la statuette de renard décorant l'entrée parut sonner un glas.
Samada les regardait désormais grimper sur leurs montures respectives, Petra paraissait folle de joie à l'idée de monter dans les airs avec son amie retrouvée. Link ne cachait absolument pas le fait qu'elle était également pressée, nerveuse à l'idée de sentir à nouveau le vent fouetter son visage à plusieurs mètres de hauteur, comme s'il s'agissait d'un instant qu'elle avait attendu toute sa vie. Tout autour d'eux, les Tikwis dansottaient, certains babillant des explications sur leurs perles respectives, leurs grenouilles croassaient en chœur.
De ce que la mercenaire avait compris, sa perle lumineuse pouvait, en plus de cela, contenir des affaires, à l'image d'une dimension parallèle. Elle se devait de l'essayer le plus rapidement possible.
Alors que la prophétesse s'approchait du petit attroupement, elle lâcha une exclamation victorieuse, son sac disparu. Un second coup, il réapparut. La dame du Courage s'empressa de lui offrir l'émeraude à ce moment-là.
- Pour que vous puissiez parler en ma parole, expliqua-t-elle à leurs regards perdus. Si certains ne veulent vraiment pas vous laisser communiquer mes mots, alors il vous suffira d'y injecter de la magie. Je vous répondrais.
Son assurance calma les dernières craintes de la plus prudente. En deux jours de pause, la servante de Farore avait expliqué une grande partie du monde aux deux Hyliennes. Les dangers pouvant être rencontrés, les alliés improbables, les peuples divers et variés peuplant ces terres, les alliances qui les liaient les uns aux autres. Elle riait quand Hylia lui posait des questions avec inquiétude, comme si elle ne se sentait pas concernée par l'apocalypse et les lunes sanglantes, Link était presque sûre de l'avoir vue glousser de son ancienne captivité.
Samada correspondait aux Jujus, avait-elle compris dans une crise de rire. Il fallait croire que quiconque s'approchait trop près de Courage était fou.
- Je vais vous dire une dernière chose avant votre départ.
Link rangea son sac à nouveau dans la perle sous les acclamations des Tikwis, Petra attira son attention sur la gardienne aux yeux verts. Cette-dernière les balaya du regard, des étincelles joueuses pétillantes, à l'image d'une enfant préparant une farce.
Mais ce n'était pas une farce, ce qu'elle s'apprêtait à dire. Juste des conseils.
- Hylia, sœur du Soleil, tu es sage. Entends par là que tu réfléchis à tout ce qui vis, tout ce que tu vois, et tout ce que tu ne vois pas. Tu rejettes l'ignorance comme un péché et ignore ce que toute personne non-sage peut penser. Telle est la raison pour laquelle nous avons tant de mal à nous entendre.
L'Hyruléenne parut surprise de cette analyse pendant que la vagabonde cligna des yeux d'incompréhension. Oui, Hylia pouvait manquer d'empathie et cherchait toujours à calmer les folies passagères dans lesquelles elle se lançait, sans compter sa peur et sa rationalité durant les quelques moments de panique qu'elles avaient pu vivre, mais de là à parler d'ignorance, elle ne serait pas allée aussi loin.
Mais la prophétesse qui savait tout avait sûrement raison, elle qui pouvait entendre tous les secrets chuchotés par le vent.
Samada se tourna vers elle, un sourire amusé éclairant son visage.
- Quant à toi, Link, mercenaire de Juju, tu es brave. Comprends par ceci qu'aucun de tes actes ne sera motivé par ta panique ou ta raison, mais par tes instincts, tes pensées intrusives. Actuellement, tu crains encore de laisser chacun de tes réflexes prendre le dessus sur tes plans, tu freines ta progression. Quant tu saura enfin faire face au courage, tes combats n'en seront que plus en ta faveur.
Petra trilla une question, la mercenaire fut quelque peu secouée. C'était étrange, ces explications, mais pourtant, elle ne pouvait même pas commencer à les mettre en doute. Parce que la femme qui les donnait souriait d'un air confiant, ses yeux brillaient de la couleur de la déesse qu'elle avait vénérée toute sa vie.
Parce que la femme en face d'elle n'était nulle autre que la prophétesse du Courage, celle à qui on ne pouvait rien cacher, pas même des vérités pourtant inconnues à tous.
Alors Link hocha la tête, hésitante, ne sachant pas quoi répondre à la dame qui n'ignorait rien. Samada sourit, complice, comme si elle avait parfaitement compris ses incertitudes, avant de s'éloigner pour les regarder s'envoler.
Farore surveille, avait raconté une fois un vieil homme de Juju. Plus encore au travers des yeux de ses élus.
Petra volait bien maintenant. Elle n'était plus la petite volatile maladroite qui avait pénétré par inadvertance dans un ancien fort de guerre. Désormais, sous le regard admirateur de sa deuxième âme, elle avait grandi, était devenue un magnifique célestrier au plumage plus flamboyant que les peintures rupestres qui décoraient cette vieille citadelle. Elle roucoulait toujours autant autour de Link, voltigeait joyeusement alors que, pour la seconde fois de leur vie, elles pouvaient voler ensemble.
Si la mercenaire était folle de joie, sa meilleure amie était euphorique.
Hylia et Oko avançaient plus prudemment. La prêtresse vérifiait la carte, profitant du vol plus stationnaire de son ami bleu, pendant que les deux autres partaient en avant dans de grands battements d'ailes. De toute sa vie, Link n'aurait jamais cru que voler serait aussi incroyable. Pourtant, il fallait le reconnaître. Sans qu'elle ne le sache, elle avait manqué la meilleure sensation de sa vie, sans compter celle de retrouver l'âme qui lui était sœur après tout ce temps.
Comme si elle la comprenait, Petra chanta un long son heureux.
Apercevant une clairière dépourvue de vie, une sensation étrange la prit. Tout aussi curieuse qu'elle, le célestrier flamboyant ne tarda pas à entamer la descente.
- Link ?
Hylia descendit à son tour, Oko paraissait leur reprocher leur exploration imprévue. Link lui jeta un coup d'œil avant de revenir aux lieux. La clairière était belle, si elle voulait être objective. Petite, cachée par le couvert des arbres, entourant ce qui devait être une vieille tombe. Elle se mordit les lèvres en trouvant les magnifiques fleurs jaunes et blanches, certaines bleues, qui poussaient autour de la roche sculptée par une main inconnue. Ces fleurs, elle les connaissait, et devait avouer être surprise de les trouver là, dans la forêt du Nord, alors qu'elles ne pouvaient pousser que dans le lointain Sud, au plus proche du sable jaune.
La prêtresse suivit son regard et haleta, comprenant clairement sa surprise. Lentement, la femme s'approcha de la sépulture abandonnée.
- Des fleurs de Grâce... Souffla-t-elle en en prenant une en coupe. Je pensais qu'elles ne poussaient que dans les oasis.
Link haussa un sourcil, un vieux soupçon la hantant.
- Pourquoi les oasis ?
Hylia se retourna, surprise de sa question.
- Comment ça, pourquoi ? Les fleurs sont comme toutes les espèces, elles ont besoin d'un environnement spécifique pour se développer.
- Pas celles-là, la reprit la mercenaire.
L'Hyruléenne ne paraissait pas comprendre.
- Les livres...
- Écoute, je connais ce monde mieux que tes livres. Ces fleurs ne poussent que sur un cadavre !
Hylia sursauta, de même qu'Oko et Petra. La vagabonde se retourna vers les deux célestriers en faisant des signes d'apaisement.
- Du calme, c'est moins horrible que ça en a l'air.
- Alors c'est quoi ?!
Link haussa les épaules.
- La nature ? Quand un Ikris meurt, son cadavre devient une plante. Les fleurs de Grâce et celles d'Aube poussent tout autour.
Elle jeta un regard vers le ciel, son ancien camarade Hylien lui revenant à ce moment précis. S'il avait été là, il aurait clairement été capable de faire preuve de tact.
Etaël était mort.
- Etaël m'a expliqué que ces fleurs utilisent des nutriments spécifiques aux racines de la plante créée par l'Ikris mort.
Hylia avait perdu sa pâleur soudaine face aux explications maladroites.
- Donc... C'est juste qu'un Ikris est mort, et que son corps est devenu autre chose ?
- C'est ça.
Petra tournait maintenant autour de la tombe, comme pour chercher, au travers des fleurs merveilleuses, ce que pouvait être la plante en question. En réalité, c'était également ce que se demandait Link. N'ayant jamais rencontré d'Ikris de sa vie - ce qui était sans doute pour le mieux - elle n'avait aucune idée de ce que devenaient leurs corps après leur décès. Une plante, certes, mais la variété de plantes existantes ne répondait pas à cette interrogation.
Elle s'approcha de la stèle à son tour, surprise de trouver une étincelle verte. Se penchant d'avantage, elle glapit, un saut en arrière, son amie rouge piaffant dans un envol soudain.
Là, jaillissant de terre, se trouvait une jeune pousse pourvue d'un visage.
- Je suis le grand Mojo ! Qui ose me réveiller ?
Link cligna une fois des yeux.
Hylia pencha la tête.
Les deux fixèrent le haut de ce qui devait être le crâne du « grand » Mojo. Oko trilla un rire.
Il était plus petit que les Hyliennes.
Se rendant compte de son erreur, l'arbre parlant - et c'était une première pour les deux femmes - se reprit rapidement.
- J'étais grand, autrefois ! Avant mon décès, j'étais même le plus grand de tous les Ikris !
Link mima la compréhension alors qu'Hylia semblait enfin lui prêter plus de respect. Les Ikris étaient réputés pour être la race la plus grande existante. Des voyageurs racontaient que les plus jeunes - et les plus petits - mesuraient déjà aux alentours du mètre cinquante, et que des récits décrivaient le plus grand jamais né comme un géant de trois mètres de haut.
Sachant que les Gorons s'illustraient comme la seconde race la plus imposante, avec leurs deux mètres, et que les Takeihs s'élevaient dans des mesures similaires, les Ikris dominaient quiconque les rencontrait.
Malgré cette seconde impression positive, la mercenaire ne comprenait pas un détail. Ce fut Hylia qui fit part de cette incompréhension.
- Comment êtes-vous arrivés ici ? Les Ikris vivent bien plus au Sud, que je sache.
Mojo resta silencieux un instant, comme s'il prenait le temps de formuler une réponse. Ce fut d'une voix bien plus calme qu'il s'expliqua.
- Allez savoir... Durant la guerre, ma folie m'a mené bien loin de mes frères et sœurs, dans les tréfonds de ces bois. Des ennemis si nombreux que je ne peux vous en dire le nombre m'ont attaqué. J'ai pu en abattre une partie, mais ils sont parvenus à me porter un coup fatal.
Appelez la cruelle, mais Link ne s'en émouvait pas.
- Je suis Hylia, se présenta finalement la prêtresse. Et cette jeune femme ici présente est Link.
- Hé, ajouta platement la susnommée.
Après quelques secondes, elle reprit son interrogatoire.
- Vous avez retrouvé conscience comment ?
Hylia cligna des yeux, comprenant sa question rapidement.
- Il est vrai qu'un mort reste mort. Pourtant, vous, vous êtes décédé une première fois, avant de revenir dans ce qui devrait être un cadavre.
Petra reniflait curieusement l'arbre. Il grogna dans la direction de l'oiseau surdimensionné, mais cela ne la dissuada pas. Link se retint de rire.
- Je l'ignore, répondit-il après avoir compris que l'oiselle ne le laisserait pas tranquille. Un jour, j'étais mort, et le suivant, je revenais à la vie ! Quelle surprise, il faut dire !
Les deux Hyliennes n'osèrent commenter, mais son mensonge était évident. Il savait pourquoi il était vivant. Après une rapide conversation silencieuse, elles passèrent à autre chose. Ce n'était pas leur histoire, il fallait dire.
- Tout cela mise à part... Par où pouvons-nous aller pour rejoindre le pays des Cascades ? Nous sommes un peu pressés.
Presque quatre mois pour rejoindre un sanctuaire était trop, surtout dans une situation aussi critique que la leur. Heureusement, Mojo semblait assez heureux de répondre.
- Il vous suffit de trouver l'arbre au bois mauve et aux feuilles mortes. Il est dur à rater, même du ciel.
L'ayant aperçu un peu auparavant, Link sourit en hochant la tête. Un regard vers Hylia intima à la plus âgée de couper court à la conversation.
- Mes excuses, se désola poliment l'Hyruléenne. Nous devons nous rendre le plus rapidement possible au temple de la Sagesse. J'espère que vous ne prenez pas notre départ rapide trop mal.
- Bien sûr que non, s'esclaffa l'arbre parlant - ce qui était toujours étrange - je ne vous retiens pas ! Dites bonjour à la prophétesse bleue de ma part !
Elles hochèrent la tête, avant de grimper à nouveau sur les deux oiseaux les attendant plus ou moins patiemment. Petra, dans un tournis agile, prit les devant rapidement.
Mojo regarda les deux célestriers reprendre leur envol, l'oubliant là, dans la clairière recouverte des fleurs les plus rares qui soient. Ses branches frémirent, un rire lui échappa.
Un peu de culpabilité ressurgit.
Non, il ne leur avait pas tout raconté. Pas comment, un jour comme un autre, alors que la guerre durait, il avait pris ses armes et les avait dressées contre nulle autre que la prophétesse elle-même. Cette histoire était triste, il avait cru être capable de tuer une élue de Farore, sa déesse tutélaire. Quelle erreur. La Dame verte lui en avait voulu, le dieu des âmes avait même refusé de le voir avant qu'il ne purge sa peine. Veiller sur le monde, découvrir de nouvelles cultures, pardonner le passé. Son âme colérique s'était tarie durant ces années passées sous terre, ne restait plus qu'un homme en recherche de repentance.
Il fredonna pensivement, ses souvenirs revenant à ces soirées passées autour du lac d'un oasis perdu dans le désert, avec ses camarades, à se raconter des histoires et des contes impossibles.
Peut-être que ces fleurs pouvaient être autre chose. Des enfants, une famille. De tous petits gamins farceurs mais sages qui l'écouteraient, alors qu'il repartait dans les méandres de sa mémoire, pour retrouver le début d'un récit incroyable.
- Il était une fois...
Sa voix grave résonna dans la clairière, les arbres se recourbèrent vers lui. Un gloussement lui échappa.
- Non Fado, ce n'est pas une histoire triste... Du moins, je ne le pense pas.
Les fleurs parurent hocher la tête, l'une d'entre elles se pencha plus près.
- Il était une fois... un homme idiot qui, pris dans sa propre folie, fila chercher un artefact qu'il ne pourrait jamais avoir. Pourtant, ce ne fut pas faute d'être rappelé par son propre peuple.
Une rosée tomba au sol.
- Ne pleure pas, Bojo, ce n'est que le début... L'homme traversa les lointaines plaines et ignora la guerre en court pour chercher la femme que sa déesse pensait capable. Dans son idiotie lunaire, cet idiot se crut plus fort qu'elle, plus apte.
Les feuilles parurent danser d'interrogation.
- Non Dumoria, il ne l'était pas. Quand il rencontra la femme, un beau jour, il s'en rendit compte. Elle n'était pas plus forte, non, mais elle possédait ce que lui n'avait pas.
Un silence passa.
- Oui Fagus. Le courage, voilà ce qui lui manquait. Il n'avait pas la volonté de cette femme, personne ne l'avait... C'est pour cela que Farore l'adorait, parce que, sous ses atours faibles, nul ne pouvait la vaincre.
Un silence passa.
- Le courage, Mido, n'est pas le fait de se battre sans peur. C'est le fait d'avoir peur, de craindre pour sa vie, mais de toujours se relever, de continuer malgré tout. Même si tu te figes, tu continues. C'est le courage, celui de faire face à ses peurs, et de ne plus pleurer sa mort probable.
L'assemblée l'écoutait attentivement.
- Le courage est complexe, Noïa, ce doit être pour cela que l'homme se croyait si fort. Ce que vous pensez être du courage s'appelle témérité, et cela est accessible à tous. Mais le courage ? L'homme ne l'avait pas.
Un gloussement le prit.
- Oui Labula, je continue. Quand l'homme s'en rendit compte, il planta sa propre arme en son cœur, reconnaissant sa terrible erreur. Il avait trop honte de rentrer après cette peur soudaine. Oui, s'il avait été courageux, il n'aurait pas fait cela, et serait rentré. Pas la tête haute, mais au moins, il serait vivant. L'élue de Farore lui raconta alors la rage de sa déesse à son encontre, sa colère alors qu'il se croyait intouchable. Elle lui fit part de la volonté du dieu des âmes à ce qu'il purge sa peine sur terre, de laisser son âme retrouver son corps pour se repentir de son erreur.
Une larme coula.
- Ne pleurez pas mes enfants, cette histoire n'est pas tragique. Au contraire. Grâce à sa mort, l'homme a pu comprendre sa faute et commencer à avancer dans la bonne direction.
Il sourit, clair, et s'il possédait encore son visage d'autrefois, il aurait ri à en pleurer. Quelle ironie, quelle ironie !
- Désormais, je sais que le courage n'est pas un but, ni un idéal, mais un fait. Nous sommes tous nés de courage mes enfants, c'est Farore, la grande déesse verte, qui nous a donné la vie. Sa générosité est sans pareille, elle me permet, à moi, un criminel, de retrouver sa dignité malgré tout. Je ne lui en veux pas, bien au contraire.
Les fleurs bougèrent au rythme du vent. Une étincelle verdoyante jaillit au cœur de cette assemblée, noyant les bourgeons dans la lueur de la vie, un peu de sève coula le long du visage de bois.
- Regardez mes enfants, ma punition n'en est pas une. Farore continue de veiller sur nous. Cette déesse trop bonne oublie sa colère à chaque fois.
Une fleur sembla s'exciter plus que les autres.
- La suite de l'histoire Saria ? Je pense... qu'elle serait heureuse. Oui, heureuse.
Il gloussa. Quelle ironie, quelle ironie, et quelle bonté ! Ô Farore, son cœur était trop bon pour avoir conçu la mort. A moins que ce ne soit cela, son plus beau cadeau. Le don de mourir, de ne pas vivre éternellement. Un chemin qui a une fin, une fin qui mène à un nouveau début. La déesse qui créa l'amour était sans conteste la plus grande de toutes.
- Il était une fois... l'homme devenu gardien d'une grande forêt rencontra deux femmes. L'une était sage et était prête à tout pour sauver le monde. L'autre... était brave.
Un jour, des siècles, des millénaires plus tard, un jeune homme sans souvenir abattra le monstre. Un voyageur égaré mettrait fin à un combat trop long contre une créature presque divine. Un fermier tuerait sa propre bête et ramènerait la lumière en un monde qui n'en avait plus. Un marin découvrirait une terre au delà de sa mer, concevrait un pays pour l'avenir. Un héros achèverait une guerre trop vieille pour lui. Un forgeron partirait sous les hautes herbes pour éliminer la menace. Un enfant du ciel fonderait un nouveau départ.
Un jour, des siècles, des millénaires plus tard, une femme traversera les brumes de sa forêt et, guidée par leur déesse, parviendrait à ses pieds, suppliant à la vie d'un enfant.
- La jeune femme brave avait les yeux de Farore, d'un vert parfait, d'une teinte forêt... non.
Un jour, des millénaires plus tard, veillant sur une très, très vieille lame, il réparera son erreur et fera confiance au choix de Farore.
- Elle avait les yeux à la couleur de l'espoir, et un oiseau aux ailes portant courage.
Parce qu'un jour, des siècles, des millénaires plus tard, alors que plus personne ne connaîtrait même le début d'un vieux poème, le souvenir d'une guerre s'arrêterait enfin.
- Cette histoire, mes enfants, c'est celle du premier héros, celui qui portait du vert comme du rouge.
Mojo n'était pas censé être aussi important dans ce chapitre... Mais j'aime bien. Vous en pensez quoi, vous ? Il vous semble à sa place ?
La prochaine fois, nous explorerons le pays des Cascades et rencontrerons les Zoras. J'ai tout un arc de prévu.
A la prochaine !
