[Avertissement : crise de nerfs]
Chapitre 14 - La grotte des joyaux
D'après Mira, la grotte des joyaux n'était pas bien grande mais possédait tout de même une rivière souterraine la reliant au pays des Sheikahs. Si la première information la fit sourire, le souvenir de la tour interminable de Samada encore en mémoire, la seconde ne lui apporta pas beaucoup plus que le rappel de la rivière Bel, celle qui traversait le territoire des Rosariens avant de se jeter dans celui des Jujus.
Rien de bien intéressant donc.
Revenant à son exploration, elle avait appris de la jeune femme prisonnière que des Lizalfos - tel était le nom de ces crocodiles anthropomorphes maudits - se promenaient dans les dédales encore non-explorés. Elle chercha un instant à se rappeler comment les tuer, avant de convenir d'un fait : tomber à l'eau n'était pas une option. Tous les monstres de cette grottes nageaient sans aucun doute mieux qu'elle, à quelques exceptions près.
Laissant Petra tenir compagnie à Mira, Link traversa une première arche pour se retrouver face à un problème. La pièce voûtée s'ouvrait en trois chemins : deux sentiers, et une rivière.
Rivière d'où jaillirent évidemment quelques ennemis.
Esquivant habilement les trois nouveaux Lizalfos, elle analysa du mieux qu'elle put la situation. Les Lizalfos étaient rapides, agiles, mais leur force laissait à désirer. Ils compensaient leur manque de capacité au corps à corps par des techniques assez embêtantes, notamment celle qui consistait à copier les lézards. Leur langue, de loin, pouvait devenir un véritable problème et lui faire perdre ses armes.
Ce qui n'était pas une option.
Gardant une poigne serrée sur son épée, la mercenaire se prépara au combat. Les trois monstres crocodiles semblaient avoir préparé un plan car, dès l'instant où elle en attaqua un, les deux autres s'écartèrent pour la combattre de loin. Lançant un premier coup de pied dans les tibias de son ennemi le plus proche après avoir bloqué une épée dentelée, elle grimaça en sentant l'une des langues s'accrocher à sa lame, rapidement suivie d'une traction.
Elle n'en menait pas beaucoup large en la sentant glisser de sa prise.
Trébuchant en essayant de garder main sur Fay, elle grogna en sentant l'arme de l'un des monstres s'accrocher à son bras. Une longue coupure déchira la manche de son haut noir, elle fit la grimace, cherchant ce que Marion aurait pu inventer pour se sortir de cette situation. Malgré leur taille impressionnante, les Takeihs n'étaient en réalité pas très forts. Les rares exceptions demeuraient des exceptions, à l'image de la femme rougeoyante de son enfance. De ce fait, son ancienne amie avait appris à ruser.
Link sourit au monstre qui l'agressait de loin, une idée folle en tête. Le genre qui ferait hurler certains de ses anciens compagnons et toute personne sensée existante. Le genre qui pousserait sans doute Hylia à s'évanouir. Le genre qui ferait rire les Jujus, puis leur donnerait, contre toute logique, l'envie d'essayer à leur tour.
Elle relâcha toute résistance pour laisser Fay filer vers le Lizalfos. Surpris, le monstre ne pensa pas à bouger immédiatement après avoir lâché l'arme à ses pieds. Link se déplaça rapidement, échappant à l'agression d'une deuxième bête pour dégainer sa seconde lame.
Elle ne l'utilisait vraiment que rarement. Quand elle se retrouvait seule pendant une embuscade, généralement. Cet objet était en réalité très pratique pour la survie en terre hostile peuplée de monstres et d'ennemis divers. Son langsax chanta, la lame luisait encore.
Poignardant l'ennemi qui essayait de lui trancher le bras avec son fouet, elle se glissa sous la faucille maladroite d'un second, laissant les deux créatures s'entrechoquer plutôt violemment. Les abandonnant pendant qu'ils se remettaient de leur choc, la vagabonde en profita pour rejoindre celui qui ne parvenait toujours pas à calmer sa surprise, pour le planter à l'œil. Récupérant Fay d'une roulade, elle le fit tomber en balayant ses jambes sous lui, avant de l'achever d'un coup de langsax dans la carotide.
De l'autre côté, les deux autres s'étaient repris, se préparant très clairement à terminer le combat en vitesse. Leur stratégie n'avait pas changé, mais cela ne voulait pas dire qu'elle était mauvaise. L'un des deux se jeta au corps à corps, le second s'occupa de l'attaquer de loin. Malheureusement pour eux, cette fois, elle avait appris de ses erreurs, sans compter qu'il était beaucoup plus simple d'esquiver les assauts d'une seule langue plutôt que deux.
Déjouant une agression maladroite avec une lame effilée, Link asséna un coup mortel au plus proche, avant de se rapprocher aussi vite qu'elle le put du dernier.
Une fois le corps tombé, elle reprit son souffle, son regard balayant la scène de meurtre. Après avoir guetté quelques minutes dans un silence entrecoupé des sons violents de la rivière souterraine, elle fronça le nez. Une méduse jaillit, des étincelles sortaient de ses tentacules, sans parler du poulpe qui manqua de la décapiter d'une boule de roc dans le crâne.
Echappant de peu à la charge du canon, la mercenaire fronça le nez. La méduse ne semblait pas tenir l'électricité trop longtemps, il fallait attendre le moment importun pour s'en débarrasser. Le second serait tout de suite beaucoup plus problématique. A moins de trouver un moyen de lui renvoyer ses attaques à la tête, elle ne voyait pas comment le vaincre.
Sautant pour éviter une charge électrique, la vagabonde regarda autour d'elle pour une idée. Une bombe ne paraissait pas être la solution à envisager, surtout dans une grotte susceptible de s'écrouler sur elle, il fallait trouver autre chose.
Affirmant sa prise sur son langsax, elle gronda à l'intention du poulpe qui ne cessait de la mitrailler de rochers. Il fallait croire que sa réaction ressemblait à une provocation car, sitôt il remarqua qu'elle évitait ses attaques, sitôt il se glissa sur la terre ferme.
Sa perte.
Plantant son coutelas dans son crâne, elle acheva la méduse électrique d'un coup qui la trancha en deux. Six carcasses l'entouraient désormais, elle souffla difficilement, un œil partant surveiller ses blessures. Aucun autre monstre ne lui sautait dessus, il fallait croire qu'elle en avait fini avec cette pièce, bien qu'il faille encore se méfier de cette rivière souterraine. Elle fronça les sourcils en remarquant l'une de ses plaies salies, heureusement qu'elle se trouvait à proximité d'un point d'eau relativement propre.
Oui, des monstres avaient trempé dedans, mais de là où elle était, le courant était censé avoir emporté toute leur crasse.
Au pire des cas, elle n'était plus à cela près.
Légèrement tremblante, elle attrapa de son sac l'une des trois bouteilles pleines qu'elle possédait sans forcément vérifier de quoi il s'agissait. Au goût, elle le reconnut bien vite comme du lait. Un instant, elle se demanda depuis combien de temps elle se promenait cette boisson. Normalement, elle l'avait achetée juste avant de quitter le domaine clair. Pour une raison quelconque qu'elle ne saurait expliquer étant donné que ce n'était pas censé faire partie de leur alimentation, les Zoras élevaient des vaches.
Bizarre, mais pas le plus étrange qu'elle ait vécu.
Revenant à la grotte en elle-même après avoir terminé sa bouteille, Link vérifia les parois. Quelques monstres avaient appris à se camoufler sur la roche, et, malheureusement pour leurs victimes, ils avaient tendance à pouvoir se montrer extrêmement patients. Normalement, ils l'auraient attaquée bien avant qu'elle ne commence à vérifier leur cachette, ce qui était déjà un bon indice vis à vis de leur présence. Mise à part certaines plantes intéressantes, il n'y avait rien.
Les deux chemins disponibles lui firent de l'œil, il fallait toujours qu'elle trouve la clé de la cellule de Mira. Par contre, rien n'indiquait lequel était le bon. Par pur hasard, elle en choisit un.
Le chemin se séparait en deux.
Jurant un bon coup en se rendant compte que cette grotte ressemblait à un mini-labyrinthe, Link partit pour la droite, à nouveau incapable de déterminer par où passer. Malheureusement, ce chemin était long, serpentait, la rendant certaines fois incapable de savoir ce qui pouvait se cacher au prochain virage. Avançant plus prudemment, comptant plus sur son ouïe que sa vue, la vagabonde arriva enfin dans une nouvelle pièce. Petite et circulaire, elle ne débouchait sur aucun autre chemin qu'un trou d'eau dont elle ne connaissait certainement pas le bout et...
Un Lycan.
La bête blanche la repéra rapidement, un rugissement profond fit trembler certaines parois particulièrement friables. Link fronça les sourcils, se préparant à bouger. C'était la première fois qu'elle en croisait un de cette couleur, elle n'avait de ce fait aucune idée de ce que cela pouvait signifier. Une force accrue, une meilleure résistance, ou simplement un camouflage, à l'image des loups blancs des cimes enneigées, ce pouvait être tout à la fois, ce qui ne la rassura pas du tout.
Plus encore quand elle repéra une clé autour de son cou.
La bête gronda une seconde fois, ses yeux fauves la suivant du regard, avant de commencer à courir au travers de la pièce, cachant son thorax à l'aide de l'une de ses pattes. Maintenant qu'elle savait comment les affronter, il fallait encore réussir à lui faire ouvrir sa garde, ce qui ne serait possible qu'à l'aide d'une feinte.
Elle suivit ses gestes, gardant une distance appréciables avec les longs membres velus. Il ne fallut que quelques tentatives infructueuses, un duel de regard et un saut sur le côté pour que la vagabonde remarque que ce loup anthropomorphe semblait plus intelligent que ses pairs. Pas que les Lycans n'étaient pas malins, de manière générale, il s'agissait de l'une des créatures les plus intelligentes à croiser. Mais celui-ci était différent. Là où la bête qu'elle avait affrontée dans la tour avait rapidement ouvert sa garde face à elle, celle-ci paraissait guetter chacun de ses mouvements et préparer une contre-attaque.
S'il y avait bien un adversaire que Link détestait, c'était bien celui qui faisait preuve de ruse. Les Lycans entraient totalement dans cette catégorie.
Finalement, quand elle cessa de marcher pour reprendre son souffle et perdre le léger tournis qui s'installait, le loup gargantuesque gronda avant d'ouvrir grand sa garde, sa patte la plus puissante levée haut au dessus de sa tête. Sans qu'elle ne trouve le moment de le toucher, il asséna un violent coup sur elle. Heureusement, ses réflexes demeuraient bons, et son endurance n'avait qu'un peu baissé, elle parvint donc à esquiver l'attaque.
Sautant en arrière, elle comprit finalement ce que ce loup avait de différent. Il était plus rapide, plus malin, mais sa force et ce qui semblait être sa résistance générale aux coups paraissaient correspondre à ses cousins bruns.
Reprenant pieds, la mercenaire jaugea son adversaire du regard, observant son approche prudente, son long bras reprenant sa place précédente. Immédiatement, elle courut autour de lui, attendant l'ouverture parfaite. Le dos était recouvert d'une fourrure solide, les os ne seraient pas brisés par ses misérables coups - bien qu'elle n'était pas si faible, elle n'aurait jamais la force nécessaire pour casser quoique ce soit qui se trouvait sous ces muscles noueux et résistants, sans même parler des poils durs comme la roche. Contrairement à la première fois, elle savait comment s'y prendre.
Le monstre ne sembla pas avoir pensé qu'elle aussi pouvait réfléchir à une stratégie car il parut particulièrement surpris quand, une fois qu'il tenta de lancer un second coup, elle l'attaqua sans lui laisser le temps de la blesser.
Encore une fois, le Lycan gronda mais garda l'une de ses pattes devant la blessure sanguinolente. Link grinça en se rendant compte qu'il comptait désormais la mordre. Ses mâchoires claquèrent à quelques centimètres de son buste, elle manqua de peu de se faire écraser.
Elle ne pouvait pas l'avoir comme la première fois. Se réceptionnant à quelques mètres, la jeune femme décida de le surprendre, même si cela se faisait au prix d'une attaque suicide. Lançant une bombe dans son dos, il perdit vite toutes ses défenses alors qu'il essayait de se remettre de la charge explosive. Elle profita de cet instant de flottement pour lui perforer un trou dans le ventre.
Le loup monstrueux se redressa assez vite, guettant tout geste qu'elle pourrait faire en direction de sa pochette. Il fallait encore changer de tactique, mais elle n'avait plus d'idée. Le monstre tenta encore de la blesser, chaque coup se rapprochait d'elle.
Plus tard, elle jugerait tout cela comme une farce, et en rirait de bon cœur. Néanmoins, plutôt que de se dire qu'elle était définitivement foutue, elle sourit de plus belle, attrapant la boule lumineuse. Le Lycan beugla face à la lumière soudaine et vive, elle planta Fay dans son cœur.
Après ce qui semblait être une éternité, le combat était fini.
Rattachant l'un des futurs pendentifs de vertu à sa ceinture, juste à côté de la perle d'eau, Link regarda autour d'elle. Avec un tel adversaire, cette salle devrait désormais être vide de tout monstre, mais il valait mieux faire attention. Sa raison prit le pas sur l'adrénaline, elle manqua presque l'élément le plus important. Pourtant, quand son regard atterrit sur la carcasse sanguinolente du monstre trop puissant, elle le réalisa.
Elle avait failli mourir.
Sans qu'elle ne puisse le retenir, un rire sortit de sa gorge. Elle tenta d'abord de l'étouffer mais, plus les tremblements augmentaient, plus sa crise se fit hystérique. Elle avait failli mourir. Un constat vrai, mais si... en retard. Face au dragon des Vents, elle avait failli mourir. Face à ce mage étrange, elle avait failli mourir. Face à ce démon ailé, elle avait failli mourir. Elle ne se l'était pas dit. Elle n'y avait même pas pensé. Sauf devant ce Lycan blanc. Pour une raison quelconque, elle avait failli mourir trop de fois, et s'en était sortie avec presque aucune blessure.
Et tout ce à quoi elle pouvait penser, là, alors que la réalisation se faisait réelle, était que c'était putain d'incroyable.
Elle riait, parce que c'était tout ce qu'elle pouvait faire. Tout allait mal, les monstres couraient partout, des ennemis inconnus menaçaient le monde entier, sa compagnie était morte, Juju avait été détruit, et elle, elle survivait. Juste parce qu'elle était folle.
Courage est folie, avait dit Samada dans un gloussement incontrôlable, elle riait encore plus en se rappelant des Jujus quasiment suicidaires, capables des pires folies pour ne serait-ce que ressentir un soupçon d'adrénaline.
Et elle, sa folie, c'était de partir sauver un monde foutu en se battant contre des monstres surpuissants et des dieux devenus cinglés. Juste parce qu'elle était apparue dans le rêve d'une prêtresse d'un culte qu'elle ne comprenait toujours pas, et qu'elle y tenait un rôle semblait-il important.
Elle riait parce qu'au milieu de toute cette aventure, elle était la seule à n'avoir jamais eu son mot à dire.
Elle riait parce que c'était absurde, et qu'elle essayait de rester sérieuse malgré tout.
A quoi bon être sérieux, se dit-elle entre deux crises de larmes, à quoi bon être sage.
Pour la première fois - mais pas la dernière - de sa vie, elle comprit ce que voulait dire la prophétesse du Courage.
Farore et ses enfants n'étaient pas sages.
Farore et ses enfants étaient fous.
Après avoir difficilement retrouvé son calme, Link essuya les dernières larmes pour jeter un coup d'œil au trou d'eau. Au point où elle en était, elle pouvait tout aussi bien sauter dedans et voir ce qu'il se passait. Elle essaya de se rappeler qui serait le plus susceptible de la reprendre pour cette idée à la limite du suicide, un ricanement secoua ses épaules.
Amèko aurait sauté en premier. Elle ne savait pas à quel moment elle l'avait cru plus sage que les autres, mais la réalité était que son ancien chef de compagnie avait été aussi Juju que n'importe quel Juju.
Donc il était fou. C'était juste qu'il le cachait mieux que certains.
Attachant correctement ses affaires, son désormais manque d'instinct de survie n'entachant pas les bons réflexes, la vagabonde plongea dans l'eau froide. Le courant n'était pas très fort, elle pouvait nager sans problème. Quelques secondes passèrent, l'eau claire ne laissait paraître aucun soupçon de lumière, elle pensa un instant s'être trompée et fut tentée de faire demi-tour. Néanmoins, en continuant sur quelques mètres, elle trouva finalement la sortie.
Remontant hors de l'eau, elle étudia la nouvelle salle. Rien de bien étrange, la grotte des joyaux portait bien son nom. Plusieurs gisements d'émeraude, saphir et rubis coloraient la pièce incurvée, l'unique raison pour laquelle elle n'avait pas vu la sortie était qu'elle était plongée dans l'obscurité. Aussi activa-t-elle sa boule lumineuse, d'abord trop brutalement.
Se frottant les yeux, elle gronda contre elle-même. Ce n'était pas ainsi qu'elle aurait dû s'y prendre, mais son précédent combat avait été plus difficile que prévu, ses instincts s'en retrouvaient chamboulés malgré l'obtention de la clé. D'ailleurs, dans un rappel soudain, elle se rappela qu'elle était censée ouvrir la cellule de Mira. Malheureusement, face à elle, les monstres avaient eu la bonne idée de poser une grille de fer. Pourquoi, elle ne le saurait jamais.
La clé l'ouvrait.
Mira devrait attendre.
Jetant un coup d'œil dans les coffres abandonnés dans la pièce, elle trouva plusieurs cartes mal-dessinées, quelques rubis aux couleurs diverses, et des textes bizarres.
Après avoir appris son analphabétisme, Hylia avait pris sur elle de lui apprendre à lire, donc ses quelques notions lui permettaient de décrypter qu'il s'agissait de textes de cuisine. Si l'information selon laquelle des monstres cuisinaient lui sembla absurde dans un premier temps, elle se rappela juste à temps des paroles de Samada. Les monstres n'étaient pas que des monstres. C'étaient des gens transformés.
Ces quelques preuves de civilisation furent un douloureux rappel.
Mais cela voulait également dire qu'il s'agissait d'un peuple sachant écrire. Plissant les yeux, elle tenta de se rappeler de la couleur des yeux des monstres rencontrés. Jusqu'à présent, elle en avait croisés beaucoup avec des yeux jaunes, donc la théorie des anciens Jujus paraissait parfaitement logique. Néanmoins, les Jujus ne lisaient pas, écrivaient encore moins, à de rares exceptions - Sauro savait lire, lui. Les Tikwis ne possédaient pas le début d'un alphabet, elle était presque sûre que les Zoras s'en fichaient éperdument. Les peuples du Mont Péril n'en avaient sans doute rien à faire, ceux du désert lui étaient inconnus. Les Bongos, par contre, malgré leur précédent lien avec les Hyliens, n'avaient jamais évoqué le moindre écrit.
Restaient les Hyliens et les Rosariens.
Autrement dit, certains des monstres qu'elle combattait en ce moment avaient été Hyliens et Sheikahs. Si elle continuait sur ce fil de pensée, alors les monstres volants pourraient être des Takeihs et des Fées, les aquatiques des Zoras et des Sirènes.
C'était déprimant de penser ainsi, surtout maintenant qu'elle culpabilisait de les tuer sans une once de remords, mais étant donné qu'ils n'avaient aucun problème avec le fait d'essayer de la trucider à vue, elle ne savait plus vraiment comment le prendre. Qui plus est, toute cette histoire de gens transformés en monstres la mettait mal à l'aise. Y avait-il eu des disparitions ? Ou étaient-ce des gens morts depuis longtemps ?
Qui étaient les transformés ?
Achevant sa fouille en ramassant ce qui semblait être un fil de pêche, la mercenaire continua son chemin dans les souterrains colorés, s'écartant le plus possible des questions compliquées. Le tunnel lui sembla familier, elle le reconnut comme celui dans lequel elle avait dû choisir une direction. Sauf qu'elle avait tourné à droite et que désormais, elle sortait à gauche.
Notant la cohérence de son exploration, elle repartit pour la salle de la rivière. Aucun monstre ne sembla prêt à se jeter sur elle, elle se pencha, les oreilles aux aguets. Si les monstres se montraient plus malins, ils l'attaqueraient par surprise sans qu'elle ne puisse y faire grand chose. Néanmoins, ses craintes ne furent pas exaucées, la nouvelle salle était vide de tout.
Entrant dans la pièce, elle plissa les sourcils. Il semblait y avoir quelque chose de caché, mais elle ne pouvait pas dire quoi, si ce n'étaient des blocs de glace lui bloquant le chemin. En escaladant un, elle put avoir un meilleur aperçu.
C'était un puzzle.
Link retint une salve de jurons.
Descendant de son perchoir, elle partit à la recherche d'un indice. Rien ne semblait ressortir, si ce n'était un crâne gravé dans la roche. La vagabonde frotta ses mains ensemble, sentant que bientôt, elles seraient gelées. Cela lui rappelait des souvenirs.
- Ô héros, voici ton joyau, sifflota-t-elle en commençant à décaler les blocs de façon à créer la forme dessinée.
Grave ton destin dans la roche et la glace,
Dessine ton âme sur la place.
Nayru te guide, tu peux suivre son eau,
Et affronter les démons qui peuplent sont temple.
Combats les démons qui trempent et contemple,
Tes actes seront gravés dans les pierres et le temps,
Pour sauver la malheureuse enfant...
Elle fronça les sourcils, trébuchant derrière un bloc un peu trop glissant. Un boucan monstrueux résonna contre les parois, elle regarda autour d'elle. Ce ne fut qu'une fois qu'elle fut certaine de n'avoir personne pour se jeter sur elle qu'elle revint à sa perplexité.
Cette chanson était étrange. Tout semblait lié, après réflexion. Les premières paroles concernaient Farore, la déesse communiquait à son héros ses pensées et parlait d'un oiseau géant. De ce fait, tous avaient naturellement pensé que le héros en question était Hylien, bien que ce ne soit pas logique. Les enfants de Farore étaient les Jujus, pas les Hyliens. Pourtant, « L'enfant de Farore » faisait bel et bien référence à un oiseau. Les Sheikahs n'en possédaient pas, les Jujus étaient connus pour adorer tous les animaux qu'ils pouvaient chasser.
Autrement dit, un Hylien était logique. Ils possédaient un oiseau géant capable de les emmener dans le ciel, mais pourquoi Farore faisait-elle référence à la couleur de la mort ? Ceux qui l'arboraient étaient les Jujus et seulement eux, tout le monde le savait.
Cette réflexion particulière ne la mena, sur le coup, qu'à davantage de questions. Pourtant, un jour, après des combats difficiles, des découvertes improbables et des divinités bien plus présentes que ce qu'elle avait toujours cru, elle comprendrait enfin pourquoi elle trouvait tant de parallèles avec une chanson dont personne ne connaissait l'origine première.
- Bats les ténèbres, éradique les monstres,
Nous te confions notre perle bleuâtre.
Sagesse ne servira pas ton voyage,
Prépare-toi pour le Courage.
Enfin le dessin du crâne fut formé par les blocs de glace. Les mains glacées, Link regarda la porte suivante s'ouvrir, elle sourit franchement. Elle avançait bien, assez pour se rapprocher de la fin. Mira serait libérée, le domaine clair n'aurait plus à craindre ce camp de monstres en particulier. Elle pourrait rejoindre la capitale Zora et sauver la prophétesse en détresse. Si la servante de la Sagesse était à l'image de Samada, alors elle pourrait pardonner son retard.
Du moins, elle l'espérait. De ce que leur avait dit la prophétesse du Courage, celle-ci ressemblerait davantage à Hylia.
Arrivant à la dernière pièce, elle regarda autour d'elle. Quelques chauves-souris tournaient au plafond, elle les élimina rapidement. Finalement, elle arriva au dernier coffre, heureusement sans serrure.
La dernière clé se trouvait dedans.
Se dépêchant de revenir en arrière, la jeune femme trébucha à nouveau sur la patinoire, la faisant jurer un bon coup. Avec un peu de difficulté, elle parvint tout de même jusqu'à la salle de la rivière.
Un squelette géant, en armure intégrale et à l'arme rouillée, l'attendait.
La mercenaire eu à peine le temps d'être surprise qu'elle fut contrainte de sauter sur le côté, loin de la claymore particulièrement dangereuse. Elle fronça le nez, n'ayant pas très envie de savoir à quoi ressemblerait une blessure assénée par cette chose.
Le monstre - qu'elle saurait s'appeler plus tard Stalfos, gracieuseté des Fées - semblait particulièrement lent, mais son armure rendait la contre-attaque complexe. Elle sauta une seconde fois avant de lui asséner un coup d'épée dans le ventre pour tester. A sa grande surprise, il s'écroula rapidement.
Restant éloignée, elle l'observa prendre plusieurs longues secondes à se recomposer. Une fois debout, tout aussi menaçant que la première fois qu'elle l'avait vu, il l'agressa à nouveau.
Link plissa les yeux, une idée vicieuse en tête. Un second coup dans les côtes, le forçant à se briser sur le sol, elle posa une bombe juste devant son visage inexpressif, avant de s'éloigner à nouveau.
S'il avait pu se décomposer de crainte, il l'aurait sûrement fait.
La bombe explosa - et elle se rappela rapidement ce pourquoi elle ne voulait pas les utiliser en intérieur, ne serait-ce que pour éviter les tremblements des murs - détruisant le crâne en plusieurs fragments osseux.
Elle roula les yeux devant la claymore abandonnée. Menaçant mais pas très résistant. Bien.
Retournant à l'orée de la grotte, elle sourit aux deux personnes impatientes. Petra gazouilla joyeusement, Mira paraissait sincèrement inquiète.
- C'était quoi ces explosions ?! Tu veux péter la grotte ou quoi ?!
Link renifla un rire.
- Non, un crâne. Les monstres squelettes sont chiants.
- En explosant la grotte ? T'as perdu la raison ?!
Peut-être, la question n'était pas mauvaise. La vagabonde gloussa en désignant la clé dans ses mains.
- Raison ou non, j'ai quand même réussi à trouver comment te sortir de là !
La Zora ne réfuta pas, lui laissant plutôt la place d'approcher. La clé enclencha la serrure, les deux soufflèrent. Ne manquerait plus que de devoir retourner dans la grotte infernale. La mercenaire appréciait les bons combats, mais même son endurance avait ses limites, et vaincre un camp entier de monstres était plus que suffisant.
Petra trilla, les ailes battant pour accueillir la soldate du domaine clair. Link ne s'y était pas trompée, la femme aux écailles bleutées était immense. Aussi grande qu'Imy si elle voulait être franche, ce qui relevait de l'exploit, la dirigeante étant elle-même l'une des plus grandes Zoras. Des plaques de laiton recouvraient son buste, ses épaules et ses hanches, elle portait un casque - ce qui mettrait des siècles, voire quelques millénaires avant de devenir une norme. Les habitudes étaient ainsi faites : étranges.
Mira s'étira, allongeant son corps de façon à ce que le plafond de la grotte semble plus bas qu'il ne l'était réellement.
- Bon sang ! J'en pouvais plus !
- Direction le domaine clair ?
La Zora acquiesça rapidement.
Tout aurait pu se passer ainsi. Les trois sortirent, laissant derrière eux la grotte abandonnée, un camp détruit. Ils auraient pu rentrer directement, avant d'aller à la capitale Zora.
Mais c'était sans compter la chance malheureuse de quiconque priait la déesse verte.
Une explosion manqua de lui percer les tympans, un vent brûlant déchira le sol, souleva les plus légers. Petra cria, elle crut entendre Mira hurler. Le souvenir d'une nuit de fête virant au drame lui revint, elle ouvrit les yeux.
La fumée se dégagea sur une femme souriante.
Grande, plus grande que Mira, aussi grande qu'une Takeih pouvait l'être, la nouvelle venue à la peau sombre et aux plumes mauves décolorées paraissait rire du carnage à ses pieds. En baissant les yeux, Link sentit une bile amère remonter sa gorge. Un autre Takeih gisait, le crâne explosé sous ses bottes rougies.
C'était elle qui avait blessé Imy, lui souffla une petite voix.
Son instinct revint, la peur prit le dessus. Parce que cette femme n'était pas un adversaire commun, elle était celle qui se tenait aux côtés du mage maléfique qui avait scellé Samada. Sûrement était-ce elle qui harcelait la prophétesse de la Sagesse au mépris d'une quelconque éthique.
Son casque orné couvrait ses yeux perçants, l'inconnue explosa d'un rire cinglant, assénant un dernier coup de pied dans le corps sans vie.
- Bien... Une Hylienne et une Zora ? C'est pas ce qu'il avait dit pourtant...
Un ricanement suivit cette phrase, les informations erronées ne l'inquiétaient pas.
Parce que cette femme était si forte que même en sous-effectif, elle pouvait prendre une armée.
Cela lui rappela quelqu'un, une femme tout aussi imposante, aux plumes rouges, vives comme le soleil.
Dans un éclat de rire cruel, l'inconnue envoya trois plumes sur eux. Petra s'envola au loin, piaillant dans leur direction mais incapable de redescendre les sauver. Mira grogna, elle parvint à rouler de l'autre côté du camp, vers la plaine. Link, contre son meilleur jugement, sauta en arrière, elle reconnut l'entrée de la grotte.
- Pas grave... De toute manière, vous ne pouvez rien contre moi !
Sa force était incommensurable, pire encore quand elle claqua des doigts, faisant apparaître, dans une nuée noire, un monstre difforme. Les yeux rouges, suintant de sang et de rage, la bête beugla bruyamment, son côté sauvage n'en ressortait que plus fort. La mercenaire se prépara, la créature sortie du brouillard se jeta sur la Zora.
Leur agresseur rit de plus belle.
- Courage, courage... Gamine, tu as les yeux de Farore, hein ?
La Takeih gloussa, elle le pouvait, elle était surpuissante.
Link recula à nouveau. Deux plumes se logèrent dans la roche.
- Bah... c'est pas important.
La femme immense se précipita en avant. Elle entendit le claquement plus qu'elle ne le vit. Un regard sur la grotte lui indiqua que la puissance de leur adversaire en était la cause.
- Ce n'est pas elle qui vous sauvera !
Le plafond s'écroula, le noir prit place.
Cesser de les torturer ? Et puis quoi encore ?
Un nouveau personnage débarque, et elle ne jouera pas les alliées ! Plutôt les ennemies...
En dehors de cela, est-ce que quelqu'un a la moindre idée de ce que je sous-entends depuis un moment maintenant ou ai-je réussi le pari de n'éveiller aucun soupçon (je ne pense honnêtement pas que ce soit le cas, mais sait-on jamais...) ? Pour être franche, n'ayant pas de bêta, je n'ai aucun retour autre que les vôtres, donc j'aimerais beaucoup avoir une réponse...
Bref.
Le prochain chapitre contient un élément qui me fait beaucoup rire, mais je n'en dis pas plus. A la prochaine !
