Le nouveau personnage me fait honnêtement rire... J'espère que ce sera votre cas aussi.

Bonne lecture !

[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]


Chapitre 15 - Amaris

L'éboulement lui déchira les tympans, son cri se perdit dans le grondement assourdissant. Ou, du moins, elle pensait qu'elle criait. Dans le chaos, elle fut incapable de savoir si c'était bien son cri qui résonnait, ou simplement le son de la pierre tombant tout autour d'elle. Trébuchant en arrière, la vagabonde savait très bien qu'il fallait sortir en urgence de sous l'explosion. La poussière s'écroulait en masse sur elle, les craquements résonnaient jusque dans son dos, mais, après une éternité de cris inquiétants et une maladresse devenue évidente par la désorientation, elle parvint à reprendre pieds.

Bizarrement, ce fut à ce moment-là qu'un autre couplet de la comptine de son enfance lui revint.

- Pourquoi tout se passe comme dans cette foutue chanson ?!

Toussant sous l'assaut des granulés en chute libre sur sa peau et ses cheveux, Link grinça méchamment, les yeux gonflés de larmes. Il fallait qu'elle s'éloigne du point de chute, mais ses sens demeuraient confus, et ce sans parler de son esprit tourmenté. Reculant jusqu'aux barreaux tenant encore debout d'une manière ou d'une autre, elle commença par respirer calmement, des grommellements lui échappant, entrecoupés d'insultes virulentes. Quand enfin sa toux cessa, elle essaya d'ouvrir les yeux. Sa vue restait floue, mais entre la poussière s'estompant finalement et ses capacités de base se remettant doucement, elle mettait admirative avec horreur sa nouvelle situation.

Si elle s'en sortait, Hylia voudrait sa peau.

La paroi menant à la sortie s'était écroulée sur elle-même, pas même le moindre soupçon de lumière ne s'échappait des rochers extrêmement solides tombés dans l'arche sculptée. Les joyaux brisés reflétaient une certaine luminosité, quand elle tenta d'en retirer un, il resta solidement en place. Une main sur la roche, elle fronça les sourcils.

Il fallait être fort à un niveau indécent pour parvenir à détruire un mur fortifié par du diamant.

Ce nouvel adversaire était terriblement puissant.

Tenant ses oreilles vers ce qui était autrefois une ouverture, son mécontentement s'approfondit. Pas un fils ne lui parvenait. C'était inquiétant pour Mira et Petra, mais d'un autre côté, elle savait que celle qui avait le plus de problèmes actuellement était elle. Le monstre expérimentait n'avait pas été bien puissant, juste un Bokoblin rouge, et Mira semblait pouvoir encore se battre. Petra était rapide, et aurait pu attraper la Zora avant que la femme inconnue ne l'agresse à son tour. Qui plus est, malgré leurs détours de volatiles, les Takeihs n'étaient pas si rapides que cela. Petra pourrait sans aucun doute la semer sans problème.

Link envisage sa situation.

La Takeih les avait attaqués pour une raison inconnue, elle ignorait complètement son identité. Toujours était-il qu'elle ne devait pas être alliée à son propre peuple. Les semi-oiseaux, qu'ils vivent sur une calotte glacière ou au plus proche de la lave du volcan, ne se battaient pas entre eux, à l'exception des luttes pour la couronne, les fois où le roi ou la reine actuelle décédait . Hors, la souveraine n'avait encore rencontré aucune complication, sinon, qu'elle s'entende ou non avec eux, elle en aurait entendu parler.

En bref, cette femme surpuissante ne pouvait être que du côté de Kohana.

Que disait la chanson ? L'alliée du Néant provoqua le carnage... Et scella dans les joyaux le Courage. Telle était la raison pour laquelle elle avait trouvé une similitude à sa propre vie. C'était inquiétant, menaçant, cette étrangère serait un adversaire compliqué, au même titre que le mage surpuissant. A ce stade, si elle avait été quelqu'un d'autre, elle aurait craint la puissance présumée de leur ennemi final.

Mais Link n'était pas quelqu'un d'autre et, en tant qu'enfant adoptée par les Jujus, avait hérité de la folie suicidaire de ce peuple.

A moins que tous les enfants de Farore n'aimaient le danger.

A voir.

S'éloignant de la paroi écroulée, la mercenaire regarda autour d'elle. Impossible de sortir par l'entrée, il faudrait donc trouver un autre chemin. Les sourcils froncés, elle chercha dans sa mémoire si elle avait croisé une ouverture. Normalement non, elle aurait tenté de l'explorer plus tôt sinon.

Il ne restait donc qu'une possibilité, et ce n'était pas celle qui lui plaisait.

La rivière souterraine avait légèrement débordée depuis la dernière fois, mais avec les secousses provoquées par le coup de la Takeih mauve, ce n'était pas surprenant. La vagabonde plissa le nez, un regard vers les chemins terrestres.

Sa raison lui dicta un conseil qu'elle savait être bon : il ne fallait pas s'attarder. La grotte était grande, mais pleine de cadavres. Sans ouverture vers l'extérieur, elle manquerait bientôt d'oxygène et commencerait à agoniser. Il fallait quitter les lieux en vitesse, mais surtout rester calme.

La rivière menait quelque part, c'était un fait. Surtout s'il s'agissait réellement de la source de la rivière de Bel. Si elle la prenait, elle pourrait arriver en territoire Rosarien. Pas le peuple Sheikah le plus accueillant, mais certains la connaissaient déjà, elle pourrait le traverser en relative sécurité. Le problème n'était pas tant de trouver la sortie que de l'atteindre en vie. Pour preuve, les Zoras ne passaient jamais par la rivière de Bel.

Toutefois, Link n'avait non seulement pas le choix, le chemin principal étant fermé, mais en plus sa raison devait s'être égarée dans les dédales qu'elle avait achevés d'explorer, et elle n'irait certainement pas la retrouver. De ce fait, elle plongea une jambe dans l'eau glacée.

Elle frissonna. Même le trou d'eau avait été plus chaud.

Descendant sa deuxième jambe, elle se jeta un peu d'eau sur les membres et le cou, espérant que ce serait suffisant pour minimiser l'inévitable choc thermique qu'elle allait affronter. Une fois cela fait, elle sauta.

Le froid la paralysa quelques secondes entières, le fait qu'elle ne s'était pas noyée l'étonna presque, juste le temps qu'elle se rappelle de l'existence de la perle d'eau, toujours accrochée à sa ceinture. Se redressant quelques secondes hors de l'eau, elle replongea rapidement, voyant le mur - plafond, quoique ce soit - se rapprocher rapidement. Le courant était bien plus fort que ce dont elle avait l'habitude, les ténèbres l'engloutissaient complètement. Retenant sa respiration, ne serait-ce que pour profiter des effets de son objet en cas d'extrême urgence, la mercenaire alluma sa torche verte.

Juste à temps, un rocher lui fit face.

Agrippant la roche solide, elle crut perdre quelques instants de sa vie suite au choc. L'air s'échappa de ses poumons, elle grinça intérieurement. Le courant était violent, elle lâcha prise pour se rapprocher de la surface.

Un plafond, aucune poche d'air, il fallait qu'elle trouve une crevasse de toute urgence.

Se déplaçant aussi aisément qu'il était possible de le faire - c'est à dire quasiment impossible - Link aperçut bientôt une lumière faible traverser la surface brisée. Sa boule lumineuse n'était pas en cause. Souriant inconsciemment, l'effet de la perle arrivant à son terme, elle sortit la tête de l'eau, attrapa le bord découpé, et glissa sur quelques mètres.

Ce fut difficilement qu'elle s'extirpa hors des rapides. Admirant ses doigts devenus rouges voire saignants, elle grimaça. Elle ne pouvait pas être restée plus de quelques secondes, mais elle avait l'impression de se trouver loin de son point de départ. La rivière tonnait contre les parois de calcaire et de perles, une petite fente de lumière, trop fine pour la laisser passer, illuminait la nouvelle pièce d'une lueur faible.

Elle s'assit, étudiant son corps pour déceler les éventuelles blessures manquées. Quelques cicatrices avaient été rouvertes par les pierres qu'elle avait dû croiser en chemin, ses vêtements les plus sombres auraient certainement besoin d'être raccommodés. Sa tunique, bien plus solide, résistait encore assez bien aux épreuves.

Il lui fallut encore quelques instants d'égarement pour se relever, le temps de retirer l'eau de ses chaussures - comment étaient-elles restées accrochées ? - essorer ses vêtements gorgés d'eau, et vérifier que toutes ses affaires étaient à leur place et non quelque part dans la rivière. Seules les bombes auraient besoin d'être remplacées, elle se demanda où elle pourrait s'en procurer de nouvelles. Les Zoras et les Sirènes n'en utilisaient pas, il faudrait voir un autre peuple. Si elle ne se trompait pas, leur prochaine destination était le désert. Peut-être qu'avec un peu de chance, les Gérudos seraient assez amicales pour lui en vendre une dizaine.

Un coup d'œil en direction de Fay et de son langsax lui indiqua qu'ils n'avaient heureusement pas mal vécu le bain forcé, elle se nota de demander au roi un objet pour les protéger de la baignade. Ce serait utile.

Finalement, Link se releva, plus ou moins entière de son expérience malheureuse. Cette salle devait être le repaire des Lizalfos qu'elle avait affrontés plus tôt, mais également des poulpes et des méduses. Plusieurs joyaux décoraient les murs décolorés, de la mousse, des algues, même des petits poissons dans les petits bassins, alimentaient une biodiversité qui lui était jusque là inconnue.

La grotte était en réalité bien plus grande que ce qu'elle pensait. Mira avait omis de le lui dire.

D'autres renfoncements forgeaient un labyrinthe souterrain éclairé par des rochers luminescents. Elle se demanda un instant si l'un d'entre eux ne menait pas à la mine de Din. Son objectif n'était pas d'atterrir dans l'ancien Hyrule, mais ce serait au moins un lieu qu'elle connaîtrait.

Malheureusement, ce n'était pas une option. Ne serait-ce que parce qu'ils ne l'avaient pas encore exploitée avant son départ.

Continuant son exploration visuelle, la vagabonde sentit sa curiosité piquée par une malle abandonnée dans un coin. Plusieurs objets se trouvaient dedans, du matériel de pêche, des cartes du pays sur lesquelles étaient recensés les différents points d'eau, quelques flèches et harpons. Link ouvrit de grands yeux en se rendant compte que la plupart d'entre eux étaient particulièrement récents et de fabrication Zora. Étant donné que Mira n'avait emmené avec elle qu'une lance qu'elle avait retrouvée dans les mains d'un monstre, ce ne pouvait pas lui appartenir. Quant aux monstres, soit leur affaires étaient anciennes, soit ils ne construisaient plus ce genre de chose.

Autrement dit, un deuxième Zora se trouvait quelque part dans la grotte.

Quelques monstres devaient peupler les alentours, il était plus sécuritaire d'aller chercher l'inconscient qui se promenait les déesses savaient où. Empoignant son épée, la mercenaire entra dans le premier des trois chemins découverts. Le long couloir était peuplé de quelques insectes et plantes, tous recouvrant des joyaux brisés aux couleurs extravagantes, quelques raies de lumières éclairaient le tout. Si la situation n'avait pas été aussi alarmante, elle aurait trouvé l'endroit magnifique, à l'image du reste du pays.

Malheureusement, dans la salle suivante, elle ne pouvait tout simplement pas penser ainsi.

Le nid des Lizalfos occupait l'ensemble de la pièce, recouvrant le sol de galets par de la boue et des planches brisées, du vieux fil de pêche était utilisé pour assembler le tout. D'un côté, elle voulait applaudir l'exploit qu'avait dû être d'amener tout le matériel puis de construire un nid qui ressemblait à quelque chose, mais d'un autre, les monstres crocodiles l'avaient repérée.

Ils étaient quatre, elle sentit la difficulté de son précédent combat la reprendre.

Deux d'entre eux l'attaquèrent au corps à corps, elle en aperçut un autre chercher une arme. Profitant de la panique, la vagabonde attrapa son langsax de l'autre main et para une première lame, pour enfoncer la sienne dans le ventre découvert, avant de se pencher sous l'assaut d'une seconde épée au tranchant affûté. Un premier lézard mort, elle fronça le nez en direction de celui qui essayait de l'attraper avec sa langue.

Son camarade le plus proche abattit à nouveau son arme, elle la dévia avec la plus courte pour couper son cou avec la plus longue. Il s'écroula à son tour.

Voyant qu'elle se débarrassait de ses amis - étaient-ils amis ? - le lézard qui venait de trouver son épée lui balança des cailloux au visage. L'un d'entre eux cogna son front, elle grogna dans sa direction, mais parvint à donner un coup de pied à celui qui s'était rapproché. Un coup d'épée dans une partie tendre l'acheva proprement, elle lança son langsax sur le suivant. S'il esquiva le coutelas, il fut toutefois touché par Fay.

Surveillant leur nid, elle trouva quelques rubis rouges.

- Ils les collectionnent, c'est pas possible, souffla-t-elle en les ramassant.

Il semblait que certains monstres démontraient une fascination pour les rubis. Cela ne la dérangeait pas forcément, elle les prenait quand elle parvenait à les battre, mais leur amour pour les roupilles colorées demeurait relativement mystérieux.

Elle ne chercha toutefois pas à comprendre. C'était juste un coup supplémentaire à s'interroger des heures pour pas grand chose.

Elle continua son observation pendant quelques secondes, admirant l'assemblage précaire mais solide, avant de convenir du fait que le Zora ne se trouvait nulle part dans les parages. Aucun autre chemin ne s'offrait à elle, il fallait faire demi-tour.

Le deuxième renfoncement menait tout droit à une source d'eau particulièrement pure au milieu de laquelle trônait une statue de Nayru à taille réduite. La déesse bleue tenait ses deux mains au dessus de sa tête en une prière et fixait le plafond. Un sourire avait été dessiné, ses yeux de saphir surveillaient quiconque entrait dans la salle. Link, curieuse, plongea une main dans l'eau claire. De manière surprenante, elle reprenait des forces. Un regard sur ses blessures gorgées de cette eau lui indiqua qu'elles se refermaient, ne laissant que quelques cicatrices tendres mais pas handicapantes.

Ce phénomène lui rappela la fontaine de Farore, à l'Ouest de l'ancien territoire Juju. Une statue de la déesse verte avait été construite au centre d'un lac verdoyant de lumière, s'y plonger guérissait tous les maux, y compris les incurables. Certains peuples allaient jusqu'à mener des expéditions pour s'y rendre.

De ce fait, elle ne serait pas surprise d'apprendre qu'elle venait tout juste de trouver une des trois fontaines secondaires de Nayru, celle qui était censée purifier de toute corruption.

Elle renifla de dérision. Pas étonnant que personne ne vienne jusqu'à elle, si seuls les Zoras pouvaient y accéder.

Son observation et soin finis, elle s'inclina en une légère prière. Quelque soit son avis sur l'accessibilité de la fontaine, la déesse bleue l'avait tout de même soignée.

Retournant dans la première salle, elle arriva face à un dilemme. Soit elle explorait le troisième embranchement, risquant au passage de tomber sur un autre nid de monstres, soit elle plongeait à nouveau dans la rivière. Le passage était plus grand, les torrents se déversaient avec d'avantage d'ardeur, et même si le plafond s'élevait cette fois un peu plus haut que la surface de l'eau, elle était presque sûre de se retrouver fracassée contre un rocher si elle ne s'y prenait pas bien.

Elle se dirigea vers le troisième chemin.

Plus proche de la rivière cette fois, elle pouvait l'entendre bruisser à quelques mètres de distance, même rattraper les salles recouvertes de joyaux et autres verdures atypiques qu'elle continuait à croiser. Quelques poulpes monstrueux se montrèrent devant elle, elle s'en débarrassa rapidement. De même pour les méduses électriques, bien qu'elle prit plus de temps à échapper à leurs attaques. Finir carbonisée parce qu'elle s'était pensée indestructible n'était pas dans ses options.

Dépassant un rocher particulièrement sculpté, le genre qui aurait fait hausser les sourcils à certains de ses anciens camarades et Hylia, elle parvint finalement jusqu'à la dernière salle de la grotte.

Avec un Zora.

Un Zora qui pêchait.

- Silence, marmonna-t-il sans lui accorder le moindre intérêt. Les poissons viendront jamais si vous continuez à faire du bruit.

Link l'observa longuement. Est-ce que ce Zora parlait ainsi aux quelques monstres venus le trouver avant elle ? Si c'était bien le cas, elle ne serait pas étonnée de découvrir qu'ils avaient fait demi-tour, choqués de tomber sur le seul être vivant qui ne les craignait pas même un peu.

Et pourquoi pêchait-il ?

Non, plus important, pourquoi pêchait-il dans un repaire de monstres ?

Elle resta quelques secondes de plus à l'observer, les yeux grands ouverts, les questions tourbillonnant dans sa tête. Le Zora aux écailles bleues décorées de quelques tâches plus sombres portait des accessoires onéreux, même pour un peuple vivant aisément, des bracelets, colliers, mais également un diadème et une étrange médaille ornée d'un flocon. Même son apparence générale différait de tous les Zoras qu'elle avait rencontrés. Plus grand mais élancé, une sorte de queue de poisson sortant de son crâne comme des cheveux, il possédait d'imposantes nageoires pâles et ondulées rendant son corps plus impressionnant qu'il ne devait l'être en réalité.

Malgré tout, même l'étude la plus approfondie n'enlèverait pas le fait qu'il pêchait dans un repaire de monstres.

Link restait donc coi un moment indéfini durant lequel cet inconnu, pas gêné par sa présence, continuait ses affaires de la plus normale des façons, sans s'intéresser au fait que ces mêmes affaires relevaient de l'absurde le plus complet.

Ce type est bizarre, finit-elle par conclure.

- Euh... T'es qui ?

Chaque chose en son temps, l'homme lui était complètement étranger. Le Zora eu le culot de paraître agacé.

- Je pêche, ça se voit pas ? Tais-toi maintenant.

La mercenaire, trop choquée par son attitude, ne réagit pas tout de suite.

- Y a peut-être encore des monstres qui rôdent, tu sais ?

L'autre se moqua.

- Comme s'ils étaient dangereux.

Oui, les Lizalfos qui l'avaient trouvé avaient dû le laisser tranquille après avoir vu son attitude.

Le choc peut-être. Crédible.

Admirant la confiance en soi de l'inconnu, sinon sa bêtise, elle oublia momentanément de parler.

- Comment on sort ?

- Tu fais fuir les poissons.

Ce type avait un problème.

- Sérieux, faut que je sorte de là ! S'exclama-t-elle d'une voix trop aiguë.

Enfin il la regarda.

Ce coup d'œil fut d'abord rapide, juste le temps d'apercevoir la couleur de ses yeux - violets - puis plus appuyé, comme s'il venait seulement de se rendre compte de qui était la personne qui essayait de lui parler. Soupirant un bon coup, il se releva.

Elle ne s'était pas trompée. Il était bien plus grand que Mira.

Debout, il semblait encore plus impressionnant que ce qu'elle avait aperçu. La ceinture qu'il portait était clairement celle des dirigeants, le symbole de son peuple avait été brodé sur le tissu à sa taille. Surtout, maintenant qu'elle pouvait le noter, chacun de ses accessoires avait été réalisé à partir des matériaux de cette grotte.

Le regard qu'il lui lançait était inquisiteur.

Oui, ce type inconscient avait le culot de paraître outré de sa présence.

- Donc... que veux-tu ?

Il n'avait définitivement rien écouté.

- Je veux sortir, souffla la jeune femme, impatiente.

Le Zora clairement important - vraiment, toute sa tenue criait « dirigeant » ou « royauté » - la jaugea silencieusement.

- T'es bien passée par quelque part pour entrer, non ?

Mais il se fichait d'elle en plus !

- Si par « entrée », tu veux dire « poussée jusqu'à ce que la fameuse entrée ne soit réduite à l'état de poussière par un ennemi surpuissant », alors oui, je suis entrée par quelque part !

L'homme ne parut pas plus surpris que cela. Plutôt que de lui répondre immédiatement, il regarda les parois recouvertes de mousse, les yeux promeneurs.

- C'était ça, les bruits...

Link lui lança un regard plat. Tant d'inconscience, il demandait à se faire tuer.

Même les Jujus possédaient un meilleur instinct de survie.

Elle s'arrêta sur cette réflexion. Tout compte fait, le débat était possible.

- Doooonc... Comment on peut sortir ?

Le Zora haussa un sourcil - ou tenta, les Zoras n'avaient pas de sourcils - dans sa direction.

- Qui es-tu ?

Il n'arrêtait pas de répondre à côté ?

Soupirant lourdement de défaite, la jeune Hylienne commença à se rappeler de sa propre attitude envers Hylia, au début de leur quête. Ce n'était même pas comparable, il semblait être devenu spécialiste dans l'art de faire chier autrui.

- Link Faore de Juju, mercenaire. Et toi ?

Une chose qui fut rapidement oubliée, à l'avenir, était qu'il était courant de posséder deux prénoms. La culture Juju consistait à en porter deux, jamais un. Hinné, en tant que membre d'un peuple n'en utilisant traditionnellement qu'un, avait dû avoir du mal à sa naissance. Pourtant, Hylia, représentante de la même espèce, en avait un autre et, d'après ses dires, d'autres survivants aussi.

Qui plus est, à cette époque, il était normal de prendre comme avatar du futur nom de famille le nom de son lieu de naissance. A la présentation, cela ressemblait à une carte de visite, un moyen de savoir qui venait d'où. Ce qui n'était pas dit était que bien des années plus tard, une certaine famille royale garderait le nom de leur propre royaume pour parfaire leur identité.

Inconsciente de tous ces faits, Link commença à se demander si l'autre allait se présenter.

- Je suis Amaris de Cascades.

Elle sentit une partie de la tension s'échapper. Il pouvait répondre aux questions alors, ce n'était pas qu'il comprenait tout de travers. Contente d'avoir désormais un nom à mettre sur ce visage, la vagabonde posa ses mains sur ses hanches.

- Et donc ? Comment on sort ?

- Comme je suis entré.

Toute la confiance qu'elle aurait pu récupérer disparut à nouveau. Il ne semblait parler qu'en non-réponses.

Pour une fois, son nouvel interlocuteur indésirable accepta de continuer ses explications.

- Pourquoi sortir de toute manière ?

Il avait un souhait de mort, il n'y avait pas d'autres options.

- Parce que je ne veux pas mourir ? Répliqua-t-elle sèchement.

Il ne parut pas acheter son argument pourtant pas si mauvais. Elle soupira ouvertement.

- Bon, écoute, il faut que je sorte. La prophétesse de la Sagesse a des problèmes, et je suis complètement sûre que ça a un lien avec le mec qui rend les dragons fous.

- Comme le dragon des Vents ?

Elle releva la tête, surprise. L'incident du dragon des Vents n'avait pas fait beaucoup de bruit malgré sa gravité, en dehors des quelques peuples à qui Hylia et elle l'avaient dit. Les Tikwis avaient commencé à se construire des bunkers, et l'avaient sans doute raconté aux Pestes. Celles-ci seraient les dernières à raconter quoique ce soit à d'autres races, il était donc peu probable qu'elle aient fait passer l'information. Qui plus est, les Tikwis étaient extrêmement timides et la seule personne à qui ils acceptaient de parler était Samada, qui elle, demeurait cachée dans sa tour.

Pour ne rien arranger, les Zoras du domaine clair n'auraient pas pu expliquer toute la situation à Amaris, qu'importe les moyens employés. Même le plus rapidement possible, il leur faudrait quatre jours pour traverser la distance les séparant de la grotte des joyaux, et elle avait Petra pour l'aider. Autrement dit, si son peuple devait être au courant de la folie du dieu des Vents, il serait l'exception.

Le fait qu'il le sache révélait autre chose.

- Tu es allé à Magdatéré, devina-t-elle.

Magdatéré, la capitale que les Jujus reconstruisaient dans l'ancien Hyrule. Une vieille ville Hyruléenne détruite par la guerre avait été découverte par les survivants du massacre de la nuit du Crépuscule. Quelques uns la connaissaient : les Gorons, qui faisaient continuellement des allers-retours entre le Mont Péril et la cité encore recouverte de pilotis, les Sheikahs proposant des commerces ou venant aux nouvelles, des Gérudos à la recherche de leurs sœurs disparues.

Rien de plus, aucun Zora ne s'y était encore jamais rendu.

Du moins, pas à sa connaissance.

Le jeune homme haussa les épaules.

- J'en reviens.

S'il était effectivement allé à Magdatéré, alors les Jujus lui auraient raconté toute l'histoire du dragon des Vents et...

- Attends cinq secondes...

Un sourire tendu crispa son visage. Les Jujus, bavards compulsifs qu'ils étaient, auraient raconté la folie du dragon et son voyage.

- Tu savais déjà qui j'étais ?!

Amaris ne sembla pas s'en repentir. Link le fixa de longues secondes, incapable de penser à quoique ce soit de cohérent. Ce n'était pas que ce type était inconscient, mais plutôt qu'il vivait dans un autre monde. Ce ne pouvait pas être autre chose.

Reprenant ses esprits, comprenant tant bien que mal que s'énerver contre celui qui était potentiellement le seul moyen de sortir ne serait pas une bonne idée, la mercenaire respira longuement.

- Bref... On sort comment ?

Le Zora ne la regarda même pas.

- Tu te laisses porter par le courant.

Un nouveau silence.

La rivière déboulait en rapides mortelles.

Des rochers perçaient la surface.

Elle pouvait déjà apercevoir une bifurcation plus longe.

- Euh...

Il lui a jeté un coup d'oeil.

- Tu veux que je meurs ?!

Aucun Hylien ne pourrait survivre à cette épreuve. Après réflexion, les Jujus eux-mêmes hésiteraient à s'y plonger, sachant parfaitement qu'ils ne possédaient pas de palmes naturelles. Il était hors de question de parler de toutes les autres races existantes, les Sirènes ne supportant pas l'eau douce.

Amaris roule des yeux.

- C'est comme ça que je suis venu.

- Au cas où tu l'aurais pas remarqué, je suis Hylienne moi, pas Zora !

Sa raison n'était sans doute pas complètement morte, elle savait encore qu'il ne fallait pas sauter dans des rapides sans contrôle. Même sur une barque, elle n'oserait pas s'y lancer. Le courant était bien trop fort, les rochers présents seraient plus que suffisants pour la faire chavirer.

Amaris ne semble pas le prendre en compte.

- Comment tu comptes sortir ?

Il était vrai que s'il s'agissait du seul moyen, elle finirait par le prendre, mais elle n'avait pas encore fini d'explorer. Avec un peu de chance, ses bombes fonctionnaient encore un peu, assez pour briser une paroi, la roche paraissait friable à un certain endroit...

Une main la poussa dans l'eau.


Le temps est venu, héros, de prendre courage,

Sagesse te guide, deux chemins s'ouvrent à ton voyage.

Au bout de l'un se terre la chanson de ta dame,

Au bout de l'autre s'élève la réponse à ton drame.

L'un aime le second, le second ne peut vivre sans l'un.

Avance au cœur des époques pour découvrir ton destin.

Tu as choisi le premier sentier,

Avance pour débuter ta tragique destinée.

Empoigne ton épée, voilà tes ennemis,

Terribles, ils ont attrapé une amie.

Sur les ailes de ta bravoure,

Envole-toi avec amour !

Entre les cascades et les rivières,

Tracez le chemin entre les pierres !

Ô héros, voici ton joyau,

Grave ton destin dans la roche et la glace,

Dessine ton âme sur la place.

Nayru te guide, tu peux suivre son eau,

Et affronter les démons qui peuplent son temple.

Combats les monstres qui trempent et contemple,

Tes actes seront gravés dans les pierres et le temps,

Pour sauver la malheureuse enfant.

L'alliée du Néant provoqua le carnage,

Et scella dans les joyaux le Courage.

N'abandonne pas ma nièce !

Tu es sous la tutelle de Sagesse !

N'hésitez pas à plonger, découvrir et aimer,

La rivière est ton alliée.

Bats les ténèbres, éradique les monstres,

Nous te confions notre perle bleuâtre.

Sagesse ne servira pas ton voyage,

Préparez-vous pour le Courage.

Alors désormais, enfant de ma sœur,

N'hésite plus dans tes actes, affronte tes peurs.

L'acte de verdure ne sera oublié,

Car des années plus tard, mes paroles seront prononcées.


Amaris est... Amaris. D'une manière ou d'une autre, je suis parvenue à le rendre pire à la conversation à l'écrit que dans ma tête. Comment, pourquoi, je ne sais pas non plus, mais c'est arrivé.

Et oui, il a jeté Link dans l'eau.

Le détour est presque terminé, la prophétesse de la Sagesse se rapproche ! Qui plus est, le prochain chapitre héberge un nouvel objet. Lequel, à votre avis ?

Sur ce, à la prochaine !