Je ne serais pas chez moi demain, donc je poste le chapitre aujourd'hui. Nous en sommes enfin à la dernière étape avant le deuxième temple : la capitale Zora !
Bonne lecture !
[Avertissement : spécisme, mention de massacre]
Chapitre 17 - La protection de la Noblesse
Le voyage pour traverser le pays des Cascades dans l'autre sens dura plus longtemps qu'elle ne le pensait. Petra ne paraissait pas reconnaître certains recoins, sans parler du fait que la vagabonde était la seule des deux à connaître la rivière menant à la capitale. N'ayant jamais aperçu le monde de ce point de vue, Link n'en menait malheureusement pas large. Il leur fallu s'arrêter au domaine de l'aval pour demander leur chemin, et même alors, les explications des Zoras n'étaient que légèrement meilleures que leur recherche infructueuse. Indiquer le chemin à un oiseau n'était pas aisé, surtout quand on était incapable de même imaginer son point de vue.
Ce fut donc après quelques péripéties qu'elles atteignirent enfin le Nord du pays. La rivière recherchée était grande, beaucoup plus imposante et profonde que celles qu'elles avaient croisées au travers des vallons verdoyants. Sa clarté expliquait à elle-seule l'origine de son nom. C'était en grande partie dû aux galets nacrés jonchant le fond. Elle en avait ramassé un, une fois, pour l'offrir à un enfant de la capitale Juju en quête de découvertes originales.
Décidant qu'il valait mieux descendre le plus loin possible et terminer le trajet à pieds, les Zoras ne pensant pas forcément à lever la tête pour voir les invités arriver, Petra atterrit gracieusement au bord du petit marécage. Les deux s'avancèrent vers l'eau tumultueuse, la cascade s'écoulait non-loin en un rideau transparent. Maintenant qu'elle savait quoi chercher, la mercenaire ne pouvait pas manquer de remarquer la grotte cachée derrière les flots incessants. Quelques Zoras jouaient dans les rapides, un enfant apprenait visiblement quelques tours de nageoires dedans. Les parents - ou ceux qu'elle pensait être les parents - les regardèrent arriver.
Le domaine clair était ouvert d'esprit, curieux d'un rien, capable d'accueillir l'ennemi qui venait de tenter de les tuer si celui-ci se révélait intéressant. Le domaine de l'aval se révélait bien plus suspicieux, mais écoutait encore les explications compliquées des voyageurs égarés. Sans pour autant les laisser entrer, ses habitants pouvaient encore répondre aux questions et désigner des chemins. Des rumeurs décrivaient le domaine des cimes comme cruel, refusant tout lien avec quiconque n'était pas de leur peuple. En réalité, même ceux qui ne possédaient pas d'écailles bleues, ce qui était le cas pour une partie de la population, seraient rejetés. Quant au domaine des coraux, ils ne parlaient qu'aux Sirènes, en raison de leur place si proche des berges salées.
La capitale Zora, d'après ce qu'elle avait entendu, était inaccessible à quiconque n'était pas Zora. En tant qu'Hylienne, Link ne pourrait théoriquement pas y entrer. Néanmoins, la situation actuelle était critique et particulière, il fallait obtenir l'autorisation pour se rendre au temple de la Sagesse. Samada leur avait expliqué que l'émeraude fonctionnait comme une pierre à potins, elle pourrait donc parler au travers, mais la vagabonde préférait ne pas en arriver à ce point.
Il fallait que le roi l'écoute.
Faisant un signe de la main aux adultes, Petra et elle s'arrêtèrent. Foncer sous la cascade n'était pas une bonne idée, cela effraierait les civils plus qu'autre chose. Même si la situation était urgente, il valait mieux prendre son temps pour se présenter. Qui plus est, elle était déjà en retard sur le programme, avec tous les imprévus rencontrés, attendre quelques minutes ou heures ne poserait sans doute pas de réel problème.
La prophétesse de la Sagesse attendait depuis une dizaine de jours, si elle ne se trompait pas. Samada avait été capable de tenir un mois, et pourtant, d'après ses dires, elle n'était pas la plus endurante. La meilleure mage était très clairement la servante de la déesse bleue, pendant que la plus physique demeurait sans surprise celle de la dame de la Force.
Logiquement, elle pouvait se permettre un peu de retard.
Les adultes Zoras se dépêchèrent de faire rentrer les enfants, avant que l'un d'entre eux ne traverse la cascade blanche. Les trombes étaient violentes, mais il était tout de même possible de repérer l'entrée. Une immense trou dans la roche, si elle ne se trompait pas.
L'un des hommes sortit du bassin pour les rejoindre. Un garde, si elle devait deviner à partir de sa lance et son épaulière. Il les dévisagea quelques instants dans le silence avant de se reprendre.
- Qu'est-ce qui t'amène ici, Hylienne ?
Petra lâcha un gazouillis vexé après avoir été ignorée de façon aussi flagrante. A son honneur, l'homme ne broncha pas. A la place, il garda son regard fixé sur la mercenaire, ses yeux surveillant très clairement l'arme à sa hanche. Se retenant à grandes peines de l'attraper sous la tension, Link sentit toutefois ses épaules se redresser.
- Nous sommes censées rejoindre ma camarade ici, expliqua-t-elle d'une voix forte. Une certaine Hylia, aussi accompagnée d'un célestrier, mais bleu. Est-ce qu'ils sont arrivés ?
Cette fois, il se recula légèrement. Ce fut la seule confirmation qu'elle obtint avant qu'il ne se calme. Comme pour la réduire au silence - ce qui ne fonctionnerait pas beaucoup, elle avait vu des monstres plus intimidants que lui - il la toisa clairement.
- Elle a demandé audience à notre roi, oui.
Il resta silencieux après cette courte réponse, comme si cela lui en coûtait beaucoup pour ne serait-ce que lui parler. La vagabonde ne prit pas la peine de sourire face à ce mépris flagrant. Elle n'avait encore croisé personne d'aussi ouvertement spéciste jusqu'à présent, à l'exception de ceux qui avaient très clairement essayé de la tuer. Mais étant donné qu'ils s'en étaient aussi pris à la compagnie mercenaire, elle ne leur avait jamais accordé beaucoup de crédit.
Si les Zoras refusaient de la laisser avancer, cette quête ne se ferait pas paisiblement.
- Je peux la rejoindre ? Demanda-t-elle tout de même.
Son interlocuteur la regardait de haut. Elle se retint de gronder, ne serait-ce que pour la forme. Rester ainsi devant l'entrée d'un repaire qu'elle devait rejoindre depuis un moment ne servait à rien de plus qu'à ralentir encore sa progression, déjà qu'elle comptait s'entraîner un peu à l'arc avant d'entrer sauver la dame de la Sagesse.
Voyant qu'il ne bougeait toujours pas, elle reprit.
- Est-ce que je peux rencontrer votre roi ?
Le garde laissa paraître une grimace de dégoût qu'il ne prit même pas la peine de dissimuler.
- Vous les Hyliens, vous êtes tous les mêmes...
- Ça, c'était quoi ?
Elle grognait définitivement, sa bienséance venait de mourir. Sa patience n'était déjà pas bien grande, l'autre ne faisait rien pour l'améliorer.
Il ricana de plus belle.
- Toujours à vouloir ce qui ne vous appartient pas et à vous prendre pour meilleurs que les autres, voilà ce que c'est !
- Oh par Farore, je demande pas la lune là ! Je dois voir votre roi, Hylia a bien dû vous expliquer pourquoi !
Il agrippa sa lance d'une main ferme, Petra trilla de colère, la forçant à reculer.
Alors qu'elle était sur le point de crier une injure, une voix bien plus calme et ennuyée les interrompit.
- Je peux savoir ce que tu fais, Sabel ?
Trois regards se tournèrent vers le nouvel arrivant. Link s'étrangla en réalisant de qui il s'agissait. Le soldat impétueux perdit toute sa férocité pour une raison complètement différente.
- Votre... Votre altesse ! Ce n'est pas ce que vous pensez !
Un reniflement moqueur lui répondit.
- C'est exactement ce que je pense, contra Amaris de son ton fatigué. J'ai tout entendu.
Trop occupée à rester choquée par la présence de celui qui avait failli la tuer quelques jours plus tôt, la vagabonde manqua la plupart des signaux jusqu'à ce que l'oiselle géante ne la secoue d'impatience. Le Zora épuisé soupira longuement, comme s'il ne voulait pas avoir à s'occuper de cette affaire. Ses yeux mauves se tournèrent vers elle, étudiant attentivement Petra.
- Eh, tu ne l'avais pas, la dernière fois que je t'ai vue.
Son amie retournait la curiosité, roucoulant des questions à l'Hylienne restée muette de surprise. Le garde paraissait avoir avalé de travers. Amaris se tourna vers lui une dernière fois.
- Tu es congédié Sabel. Mais ne t'attends pas à revenir à ton poste.
- C'est...
Un regard cinglant le laissa silencieux. Link resta encore quelques secondes coi face à cette démonstration de pouvoir. Finalement, elle se reprit, dévisageant Amaris avec autant d'incrédulité qu'il était humainement possible d'en démontrer.
- Votre altesse ?
Le pêcheur imprudent aurait haussé un sourcil s'il en avait eu un.
- Je ne te l'ai pas dit ? Je suis le troisième prince du peuple Zora, Amaris de Cascades.
- Non, tu l'avais pas dit !
Il haussa les épaules, comme il semblait de coutume avec lui, et se détourna pour retourner à la capitale. Si Petra ne l'avait pas poussée à le suivre, elle aurait sans doute manqué le coche. Se rattrapant rapidement, elle se plongea dans ses pensées immédiates. Comment cette personne sans instinct de survie et accidentellement meurtrière pouvait être le prince d'un peuple aussi... quoique soient les Zoras. Mais, question plus importante, comment un prince s'était-il retrouvé au fond d'une grotte criblée de monstres, à pêcher sans prêter la moindre importance à ses possibles agresseurs ?
La première question aurait sous doute dû être : comment Amaris n'était-il pas encore mort ?
Grommelant dans sa barbe, elle suivit cet homme si bizarre que l'univers semblait lui avoir donné de la chance en trop au plus proche de la cascade. Ses oreilles cotonneuses frémirent face au bruit sourd de l'eau se déversant sans interruption, elle l'observa avec une certaine appréhension. Il était simple d'accéder au domaine clair, ce ne serait sans doute pas le cas de cette cité. Le rideau pâle s'écrasait avec une violence qui ne pouvait être égalée que par le courant de la grotte des joyaux, se le prendre sur la tête était une façon simple mais expéditive de finir avec une commotion cérébrale.
- Tu viens ou pas ?
Elle jeta un coup d'œil à Amaris qui l'attendait au plus proche d'un recoin. L'eau y tombait plus légèrement, à cet endroit, elle pouvait voir ce pourquoi il avait choisi d'emprunter ce chemin.
- Ah oui ! Se rappela-t-elle de répondre juste à temps pour voir le prince disparaître sous le rideau aqueux.
Elle gronda en le suivant précipitamment.
- Oh ! C'est quoi tout...
Son souffle se coupa à la vue.
La capitale Zora était grande. Pas de la même manière que l'avait été le domaine clair, ni de ce qu'elle avait aperçu du domaine de l'aval. La cité cachée n'avait rien en commun avec l'étendue de Magdatéré, encore moins avec le trou béant laissé par la ville Hyruléenne disparue. La capitale Zora était grande et splendide à sa façon, dans ses souterrains gigantesques, ses cascades plus ou moins gargantuesques, ses dédales profonds s'engouffrant jusqu'à ce qui devait être les tréfonds du Mont Péril. Elle était belle dans les mousses fluorescentes et les cristaux lumineux qui éclairaient les recoins sculptés par l'eau, dans les roches colorées ouvertes par des chemins et des escaliers tortueux. Des broderies et des verres teintés descendaient en colonnes à figures abstraites, des ponts reliaient les passages entre eux en un labyrinthe vivant.
Alors qu'elle demeurait postée devant l'un des escaliers aux rambardes soignées, Link voyait très bien ce en quoi cet endroit méritait le titre de capitale.
Et ce en quoi elle était une étrangère.
Les Zoras la fixaient avec divers degrés de doute. Pas de surprise : d'un côté, ils avaient vécu la guerre contre Hyrule, croiser l'une des représentantes de cette race devait les laisser au mieux perplexes. D'un autre, Hylia l'avait devancée, personne ne devait donc être choqué de la présence d'une autre Hylienne accompagnée par un oiseau géant. Du moins, c'était ce qu'elle croyait.
Petra s'ébroua dans son dos, elle prit quelques secondes à chasser les gouttes l'ayant éclaboussée. Sa propre tunique était trempée de son passage sous la cascade, elle regarda autour d'elle, en quête de la seule personne qu'elle était sûre de connaître, sinon de quelqu'un pour la guider à destination. Heureusement pour elle, l'un des Zoras rassemblés près de la porte n'avait pas laissé les préjugés du garde l'atteindre, car il s'approcha.
- Tu es l'Hylienne que notre roi attendait ?
Se sentant soudainement quelque peu intimidée, elle se contenta de hocher la tête. L'homme aux écailles bleutées oscillant vers le vert lui fit signe de suivre son précédent guide, pas assez patient pour l'attendre. La jeune femme gronda en remarquant la distance qui s'était creusée entre eux. L'oiselle et elle s'avancèrent dans une suite de chemins cornus décorés de coquillages et autres coraux fantaisistes. Petra gazouillait sans interruption, la poussant à remarquer des arches menant à des couloirs sinueux recouverts de rideaux de perles, des guirlandes sur le point d'être retirées, à en croire les quelques personnes affairées à cette tâche, sinon des fleurs aquatiques poussant dans quelques coins épargnés. Si elle voulait être honnête avec elle-même, ce devait être l'un des recoins les plus beaux qu'elle ait explorés de sa vie.
C'était juste... magique.
Quelques enfants retenus derrière leurs parents les montraient du doigt, elle leur fit de petits signes de la main. Le célestrier se gonfla dans une parade comique, elle retint un gloussement en la regardant se pavaner sous tant d'attention. Amaris s'était arrêté à un moment donné pour les regarder, elle crut voir de l'intérêt briller dans ses yeux.
Cela changeait des fois où il avait semblé ennuyé de lui parler.
Le rejoignant rapidement, elle continua à jeter des coups d'œil autour d'elle. Le prince reprit son chemin, les torches brillaient.
Au bout d'un couloir généreusement décoré se trouvait une grotte incurvée. Magnifique, grandiose, la mercenaire n'avait tout simplement jamais foulé de lieu aussi majestueux. Des cristaux luminescents servaient de lustre - ce qui n'existait pas à l'époque, mais si elle les connaissait, elle ferait le rapprochement d'elle-même - des arabesques splendides soutenaient le plafond en céramique. De petites mares jonchaient le sol, à l'image de chaises dans lesquelles les Zoras s'installaient. Depuis l'une des plus proches de celle qui s'apparentait au trône, Imy lui faisait signe. Elle le lui rendit.
Hylia apparut d'une grotte adjacente. Elle sourit vivement en la voyant.
- Link ! Tu vas bien... ?
La jeune femme se pencha pour voir ce pourquoi la prêtresse s'était arrêtée pour grimacer. Il était vrai que ses jambes et bras n'avaient que mal vécu tout le passage dans la grotte des joyaux. Pas étonnant que l'Hyruléenne semble aussi inquiète, son apparence témoignait de ses combats et de la tentative accidentelle de meurtre de l'homme qui venait de la quitter.
- Euh... C'est pas aussi grave que ça en a l'air.
Elle secoua les épaules avant de se redresser, partant trouver le souverain. Elle cligna des yeux.
Le roi des Zoras ne ressemblait en rien à ce à quoi elle pensait précédemment.
- Il semble que la jeune Link de Juju soit enfin arrivée, constata celui qui tenait plus du poisson que du Zora d'une voix chaleureuse. Nous allons pouvoir commencer.
Ses yeux globuleux partirent trouver son fils - elle constata avec surprise qu'ils ne se ressemblaient pas.
- As-tu la moindre idée de ce pourquoi nous faisons appel à des Hyliennes, Amaris ?
Pour ne rien changer à son caractère, le prince haussa les épaules.
- Cela semblait être trop de travail.
Il serait ainsi jusqu'au bout, semblait-il, même s'il était au courant au moins de quelques informations.
- Prêtresse Hylia nous a raconté une bonne partie de votre histoire. Le dragon des Vents a attaqué le peuple qu'il protégeait, et vous avez pu rencontrer la prophétesse du Courage elle-même.
Ses yeux se firent perçants. Elle se tendit.
- Auriez-vous une preuve de ce fait ?
Il ne semblait pas remettre en doute toute l'affaire du dragon des Vents, donc ce ne pouvait pas être de cela qu'il voulait une confirmation, surtout avec les quelques Zoras ayant ouvertement démontré leurs connaissances de cette attaque. A la place, il demandait très certainement une preuve de leur rencontre avec Samada. Link n'était pas surprise. Les prophétesses ne se montraient qu'à de rares élus, en majorité peu susceptibles de faire partie d'un peuple Sheikah. La vagabonde ayant été élevée par l'un de ces dits-peuples, les informations lui seraient compliquées d'obtention.
Hochant la tête, elle attrapa la perle verte. Utiliser la lumière était simple, il était toutefois plus dur d'atteindre l'espace stocké. Heureusement, ce n'était pas si compliqué, il fut assez facile de sortir son sac. Quelques Zoras observaient le tout avec curiosité, elle pouvait percevoir l'amusement d'Imy de sa place. Ignorant l'attention, elle fouilla la sacoche pour en sortir le joyau verdoyant.
Le roi hocha la tête.
- Ceci est une preuve suffisante, merci.
Hylia soupira de soulagement à ses côtés. Du coin de l'œil, la plus jeune aperçut Petra rejoindre Oko en sautillant. Les deux oiseaux étaient devenus amis durant le temps passé ensemble. Être de la même race devait avoir joué, sinon ce devait être l'attachement particulièrement facile du célestrier rouge qui avait ouvert le bleu. Link ne savait pas, mais il était toujours agréable de les voir s'entendre.
Elle rangea à nouveau le joyau puis le sac, avant de se remettre droite. Amaris était parti s'installer contre un mur. Elle cligna des yeux, trouvant trois sièges devant sans doute accueillir les trois héritiers. Le roi semblait amusé.
- Cela mise à part, continua le souverain gigantesque, j'aimerais savoir pourquoi vous avez mis autant de temps avant de nous rejoindre.
Cette fois, Imy se redressa.
- L'une de mes soldates avait été kidnappée par les monstres, expliqua-t-elle rapidement d'une voix stable semblable à celle qu'elle utilisait pour donner des ordres à son peuple. Link a proposé de la sauver.
Le dirigeant du domaine de l'aval - Hylia venait de le présenter - hocha la tête.
- Cette jeune femme s'est également arrêtée à mon domaine sur le chemin. Elle cherchait la grotte des joyaux.
Sa camarade lui jeta un regard perplexe.
- Je l'ai trouvé par hasard, lui glissa-t-elle avec une moue gênée.
Puis, sur un autre ton, elle s'adressa à Petra.
- Mira va bien d'ailleurs ?
Son amie piailla un son positif. Link sourit, elle avait dû l'attraper durant la panique et l'emmener loin de l'agresseur.
- Vous ne l'avez pas raccompagnée... ? Releva Imy avec incertitude.
La mercenaire secoua la tête.
- En sortant de la grotte, nous avons été attaquées par une Takeih. Elle venait de tuer l'un des siens d'ailleurs. Elle nous a séparées et m'a jetée dans la grotte avant de faire s'écrouler l'entrée.
- La roche est renforcée par du diamant ! S'exclama le dirigeant du domaine des cimes. Personne ne peut la briser !
- La roche était belle et bien brisée, confirma Amaris de nulle part. J'ai vérifié.
Le silence s'imposa dans la salle. Quelques personnes se regardaient avec surprise, Link se demanda combien de fois ils avaient pu entendre la voix du troisième prince. Sûrement pas beaucoup, à en croire le propre choc de son père. Passant outre, la mercenaire se tourna vers la prêtresse.
- Je crois que la Takeih était avec le mage.
- Celui qui a scellé dame Samada ? Précisa Hylia, l'air inquiète.
La vagabonde acquiesça. La prêtresse avait raison de craindre la confirmation. Le mage était surpuissant, capable de forcer une prophétesse a rester enfermée. L'autre n'était pas meilleure, même si elle n'avait eu que quelques secondes pour faire étalage de sa puissance.
- Elle a réussi à invoquer un monstre d'un claquement de doigts, continua-t-elle d'un ton grave. En plus, elle semblait déjà connaître l'un d'entre nous... Vu comme elle m'a visée, je crois que c'était moi.
Ses sourcils se froncèrent, son regard se fit sombre.
- Elle a dit que Farore ne pourrait rien faire pour nous sauver.
Hylia la fixait désormais avec horreur. L'implication était simple à comprendre.
Si une déesse d'or, l'un des trois êtres les plus puissants de ce monde, n'était pas capable de faire quoique ce soit, alors la situation était encore plus grave que tout ce qu'elles avaient spéculé. Le Néant était censé devenir maître, mais de quoi ? Du monde ? Elle se retint de frissonner, imaginant une lande recouverte par une nuit infinie. Les explications de Samada indiquaient une apocalypse proche, une urgence sans commune mesure.
La Triforce était au centre de tout. Toujours, et c'était étrange. Pourquoi vouloir un artefact aussi inatteignable que celui-ci ? L'exemple des Sheikahs aurait dû les en dissuader, pourtant, ils persistaient. Leur puissance ne faisait qu'inquiéter davantage, surtout que Kohana ne s'était toujours pas montré. Les deux autres devaient être les compagnons qu'Hylia avait aperçus dans son rêve, alors elle craignait sincèrement les capacités de leur chef.
Le Néant grondait au loin, et la prophétesse de la Sagesse risquait la mort.
Il fallait la sauver.
Le roi médita quelques instants sur cette dernière information, avant de continuer la conversation.
- Je vous laisserais rejoindre la prophétesse.
Le gouverneur du domaine des cimes parut outré, celui des coraux hocha la tête d'accord. Imy ne chercha pas à le contredire. Le quatrième ne laissa rien paraître, mais elle savait qu'il ne s'y opposerait pas, surtout pas quand son propre peuple avait été le premier à subir les attaques des monstres les plus entreprenants.
- Le temple des glaces traverse actuellement une crise, continua-t-il avec amertume. Il est censé être froid, gelé. La neige le recouvre même en été. Néanmoins, depuis un certain temps, mes hommes ont remarqué qu'une chaleur insoutenable s'en échappait.
Link baissa la tête, la situation empirait. Hylia écoutait pleinement.
- Nul n'entre dans le temple, continua-t-il. Pour ce faire, il vous est nécessaire de connaître une chanson, et d'avoir été accepté par l'une des trois déesses d'or.
- C'est plus compliqué que pour la tour, maugréa la prêtresse, ce que la mercenaire accepta facilement.
Amaris se pencha en avant, les oiseaux laissèrent leurs plumes gonfler. Que se soit pour l'humidité ambiante ou par crainte, elle ne pouvait dire.
Le roi sourit.
- Je n'ai pas de soucis de ce côté-là, vous entrerez sans problème, enfant de Farore. Maintenant, laissez-nous vous enseigner la complainte des glaces.
Le prince s'avança, un serviteur lui apporta une lyre joliment décoré. La mélodie était douce, mélancolique. Comme si la sagesse pleurait de misère, tout en conservant son immobilité glaciale mais empathique. Une chanson pour convenir au temple, devina-t-elle.
Hochant la tête, rejouant l'air dans sa mémoire, elle revint sur le roi. Il paraissait nostalgique.
- Nous, Zoras, ne pouvons rien faire pour empêcher cette catastrophe. De ce fait, nous suivrons la confiance que vous a accordée la prophétesse du Courage.
Il se pencha en avant, elle reconnut tardivement une révérence.
- Aidez notre peuple, je vous pris.
Le temple des glaces avait assez attendu.
L'arc était une expérience surprenante. Link ne s'en était jamais servie jusqu'à présent, mais même alors, elle pouvait comprendre pourquoi certains préféraient en utiliser. Affronter les monstres au corps à corps était dangereux, tous n'avaient pas les compétences pour tenir un combat de face. Les avoir de loin constituait une option plus sûre. Dans son cas, elle ne savait pas vraiment quand cela allait lui servir, mais il valait mieux réussir à tirer une ou deux flèches avant de finir avec des blessures trop graves. Qui plus est, s'en prendre à des camps de monstres seule serait plus simple avec cette arme.
Les Zoras avaient eu l'amabilité de lui réparer son carquois endommagé par les intempéries, l'un d'entre eux avait même restauré les décorations rupestres. Du rouge et du bleu, en grande majorité, peignaient les recoins du petit objet de cuir. Il était assez grand pour contenir une trentaine de flèches, elle n'eu aucun scrupule à le remplir.
Hylia avait toutefois préféré la traîner sur le terrain d'entraînement. C'était exactement à cet endroit qu'elle constatait ses problèmes.
- Link... La cible n'est pas de ce côté.
La mercenaire grommela, constatant que la prêtresse avait raison. Les deux flèches qu'elle avait tirées avaient atterri à quelques mètres du bord du panneau, à tel point que le résultat en devenait particulièrement humiliant. Cela était sans parler de ses trois premières tentatives, une à gauche, une trop basse, et la dernière ayant terminé sa course sur la paroi de roche qui délimitait le domaine entier.
Le pire, dans tout cela, était qu'elle savait très bien ce pourquoi elle ne cessait d'échouer.
- Mon œil gauche voit flou, gronda-t-elle en tentant une sixième fois.
Sans surprise, la flèche manqua. Petra couina de là où elle s'était installée en bordure du terrain, la pointe s'était plantée à quelques pas seulement d'elle. Avec une grimace d'excuse, son amie partit ramasser les morceaux de bois sculptés.
Hylia, restée sagement dans son dos pour se protéger de toute tentative ratée, parut réfléchir.
- Ton œil gauche seulement ? Pourquoi donc ?
La jeune femme cessa ses tentatives infructueuses pour la regarder, des questions plein la tête. Elle ne le lui avait pas expliqué ? Elle fouilla sa mémoire, pour se rendre compte que non, elle n'avait jamais rien dit à ce sujet. Ce n'était pas une information qu'elle jugeait importante, du moins pas au même niveau que la topographie ou les chances de survie face à un autre peuple. De ce fait, elle n'avait pas pensé à le révéler.
Baissant le bras, elle chercha comment l'expliquer.
- Tu te souviens de Juju ?
- Magdatéré ?
Elle secoua la tête.
- L'autre Juju, celui qui a été détruit.
La prêtresse hocha la tête, la mine sombre. Si elles ne faisaient rien, d'autres peuples subiraient un destin similaire.
Ce n'était pas une option.
- Mon village a été... explosé. J'étais pas au centre, sinon je serais pas là, mais je me suis pris le souffle.
Hylia fronça les sourcils. Elle avait compris ce qu'elle voulait dire, mais un détail la tracassait très clairement.
- Que l'œil gauche ?
Ah, cela.
Link haussa les épaules.
- Je crois que j'étais tournée dans cette direction, quand c'est arrivé. Pas à un endroit trop dangereux, je veux dire... Sauro se l'est pris de face, et Marion a perdu un bras. Moi, j'avais juste le souffle, j'ai juste décollé de quelques mètres. Perdre un peu d'audition et une partie de la vue, c'est pas grand chose.
L'Hyruléenne parut correctement choquée. Elle s'humecta les lèvres, le regard fuyant.
- Je savais que cette nuit avait été grave mais... j'ignorais que c'était à un point tel.
La mercenaire retourna à son occupation précédente. Tenir l'épée du côté droit était une bonne idée, elle s'en sortait mieux que bien, mais l'arc ne lui réussissait pas. Imaginer à quoi ressemblait la cible n'était pas la meilleure des options. Deux flèches partirent, elle constata qu'elles ne touchaient encore une fois pas le panneau de bois.
Hylia n'en avait pas fini.
- Comment... Comment peut-il y avoir autant de survivants ?
Assez pour construire une ville, sous-entendait-elle, et la mercenaire ne lui en voulait pas d'être surprise. La logique aurait voulu qu'ils soient si peu nombreux que leur race se serait inévitablement éteinte en seulement deux sinon trois générations.
Néanmoins, pour une fois, la réponse était également cohérente.
- C'était une fête Sheikah. Les autres peuples aussi y participaient. Les villages des frontières ont remarqué que le feu de Juju n'était pas normal et sont intervenus. Ceux qui vivaient au centre ont eu moins de chance, par contre.
Elle fronça le nez à la flèche fichée dans le pied de la cible.
- Et toi... ?
Link coula un regard dans sa direction.
- Moi ?
- Où vivais-tu ?
Elle resta silencieuse quelques instants.
Le feu.
Les cris.
Une chanson.
- Dans le centre.
- Comment... ?
Elle détourna le regard.
- Comment j'ai survécu ? Si je savais ! Il m'a... ignorée, je crois. Remarque, j'ai failli mourir à plusieurs reprises. Y en a qui m'ont sauvée, en chemin. Demise, Vaati, Taketi. Ils sont tous morts, eux. Quant aux autres, eh bien... Marion et Sauro étaient si blessés que les monstres les ont crus morts. C'est la même chose pour les autres survivants du centre. Ceux qui ont le moins de blessures, c'était ceux qui vivaient à la frontière. C'est tout.
Elle recommença ses tentatives. De nouveaux échecs. Hylia médita sur sa réponse, les mains fermées en une prière.
- Si je peux me permettre ?
Tenir l'arc en droitière ne l'aidait pas, elle pouvait essayer en tant que gauchère. Être ambidextre était utile, dans ce genre de cas.
- Les Jujus m'ont raconté toute l'histoire. Ils m'ont dit... que les murs étaient recouverts de sang...
Une flèche fila, elle se ficha dans le bas du panneau. Un sourire narquois étira ses lèvres.
- … que le vert des champs avait laissé place au rouge...
Une seconde s'arrêta dans le cerceau bleu. Petra piailla un encouragement.
- … et qu'il y avait tant de corps qu'il était impossible de faire deux pas sans marcher sur l'un d'entre eux.
Une troisième atteignit le cœur. Son œil droit fonctionnait parfaitement.
- Ils m'ont raconté que certaines rivières s'étaient taries sans explication, que la fontaine de Farore était détenue par une armée de monstres.
Une quatrième suivit la précédente, de même qu'une cinquième. Elle partit les chercher.
- Certains ont également dit avoir eu l'impression que la lune elle-même saignait.
Trois autres flèches atteignirent leur cible, les oiseaux roucoulaient. Link se tourna enfin vers Hylia. La prêtresse avait cessé de fixer le sol pour rencontrer ses yeux d'un regard troublant.
- Le massacre de Juju cachait plus qu'une simple attaque de monstres. C'est comme si les astres s'alignaient pour... détruire l'équilibre divin. Un jour les monstres n'existaient pas, le second ils étaient là. De même, les motivations du mage me semblent troubles... comme s'il ne voulait pas récupérer la Triforce. Il nous manque un élément, j'en suis sûre.
La lune saignait, avaient raconté certains. Une illusion, peut-être, sinon la réalité. Elle ne l'avait pas remarquée, elle.
Rengainant son arc pour chercher les flèches sacrifiées, elle se tourna vers la prêtresse. Hylia fronçait les sourcils, la détermination brillait dans son regard.
- Bien...
Quelle que soit la réalité de cette nuit de fête, Kohana devait être vaincu.
- Je suis prête.
Je n'ai pas fini d'écrire le prochain chapitre. Sachant que j'écris un premier jet, puis que je le réécris, je ne sais pas si j'aurai terminé pour samedi prochain. Si vous ne le voyez pas à ce moment-là, c'est juste que je suis en retard. J'essaierais, par contre, de ne pas trop traîner.
Sur ce, à la prochaine !
