Il faut que nous nous disions les choses telles qu'elles sont : je ne respecte aucune date de mise à jour. Aussi, attendez-vous à voir les chapitres futurs apparaître sans prévenir. Désolé.

En dehors de ça, bonne lecture !

[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]


Chapitre 18 - Entre chaleur et fraîcheur

Le temple des glaces se situait au centre du lac de Nayru, sur une petite île de la partie supérieure. La cascade gigantesque tombait à son bord le plus abrupt, son ombre s'étendait sur une distance terrifiante. L'îlot de terre dominait jetées et rapides, sa tour tenait en un équilibre parfait au dessus d'arbres secoués, et d'un fort aux murailles solides et décorées des symboles de la déesse attitrée. Des restes de givre recouvraient les piliers et certaines parties de la surface lisse de la construction. Deux immenses portes se dressaient au loin, closes, scellées par un sort divin.

Amaris les guidait jusqu'à elles. Link plissa les yeux dans sa direction. Plus ils s'approchaient du temple, plus il se crispait. Comme si la tension grimpait, quelque chose n'allait pas avec l'île. Les gardes qui les accompagnaient surveillaient les alentours avec des yeux de faucon, la situation n'avait rien de normal. Ce n'était pas surprenant, étant donné qu'ils devaient désormais sauver la prophétesse de leurs ennemis. Mais leur attention accrue, couplée à la crainte refoulée de leur prince, ne faisaient que préparer davantage la jeune femme à un accueil plus que violent.

Hylia était la première victime de ce malaise ambiant. Les mains serrées en une prière, ses doigts devenaient blancs. Sa peau mâte se teintait de pâleur, Oko commençait, lentement mais sûrement, à se presser contre elle. Sentant son regard peser, la prêtresse se tourna vers elle.

- Nous avons été devancés, justifia-t-elle d'un ton clair.

La mercenaire hocha la tête, l'un des soldats sur le côté trébucha sur une plaque de verglas. Amaris ne se retourna pas.

- Il y a une dizaine de jours, une femme Takeih est venue, expliqua-t-il. Sans doute celle qui vous a attaquées, Imy et toi. Sans qu'on ne puisse l'arrêter, elle a brisé la glace qui recouvrait la tour. Depuis, le temple se réchauffe et le lac se remplit de plus en plus.

Link fronça le nez en se rappelant de la femme fautive. Grande, forte, les plumes mauves, comme ternies par le passage des miasmes, la puissance pour briser le diamant sous sa poigne. Le contrôle des monstres, d'en invoquer d'un claquement de doigts. Et cela, c'était sans parler de ce qui l'avait le plus marquée, l'assurance, parfaite, droite, ce charisme qui attirait l'attention de tous comme un magnétisme incommensurable...

Un adversaire terrible, si elle devait choisir des mots à mettre sur elle.

Contrairement à elle, Hylia restait concentrée sur la conversation.

- La glace ? Donc cette fontaine n'est pas normale ?

Leurs regards se tournèrent vers la tour surplombant la construction massive. Ce qui aurait pu passer pour un cône de tuiles de loin se révélait désormais être un rideau d'eau la recouvrant en un jet ininterrompu. Un instant, la mercenaire rejoignit la question de la prêtresse. Rien ne semblait sortir de l'ordinaire, du moins pas à sa connaissance. Pour les Zoras, par contre, ce fut la seule preuve nécessaire.

- C'est l'eau de la source-mère de la déesse, répondit le prince d'une voix grave et alarmée.

- Attends, c'est super mauvais ça ! S'exclama Link.

L'eau de la déesse, à la rare exception des contenants, devait rester à la source, c'était aussi simple que cela. Les fontaines des divinités d'or naissaient d'une concentration du pouvoir de l'une des trois dames célestes, elles ne pouvaient de ce fait jaillir qu'à de très rares endroits. La fontaine de Farore, unique au monde, se cachait dans un coin reculé du vieux Juju. Celle de Din, la génitrice des oasis, se trouvait quelque part dans le désert. Celle de Nayru, mère de trois autres sources plus petites, n'avait jamais été trouvée par les vagabonds.

Hylia s'inquiéta immédiatement.

- La fontaine-mère de Nayru se trouve donc sous le temple des glaces ?

Link commençait à comprendre le problème qui paralysait les Zoras et les Sirènes. Si l'eau de la déesse bleue se déversait dans son lac, la première victime de ce drame serait l'Ordre qu'elle prônait, le même qui régissait l'équilibre et la magie. Avec leur chance déjà terrible, cela atteindrait le dragon des glaces, installé à quelques pas de l'étendue d'eau. Si lui aussi perdait l'esprit, les deux peuples aquatiques s'en retrouveraient menacés.

Et cela était sans parler de l'ensemble des problèmes que pouvait engendrer le simple fait d'avoir de l'eau bénie se jetant en liberté dans la nature.

Le petit groupe s'arrêta aux pieds des portes du temple. De près, les battants déjà imposants paraissaient insurmontables, au point où même un géant pourrait passer au travers. La mercenaire s'en approcha, la main sur l'épée, la tension retenant ses épaules en une ligne droite. Pour entrer, il fallait connaître la complainte des glaces, avait expliqué le roi. Rejouant l'air une nouvelle fois dans sa tête, elle le fredonna pensivement.

- Ça ira ? Lui demanda Hylia en s'approchant.

Petra guettait son entrée avec inquiétude, Oko s'était installé près d'un arbre. Aucun des Zoras n'avait quitté le pont. Les deux soldats surveillaient les rives opposées, Amaris les observait avec attention.

Link prit quelques secondes pour se calmer. Elle était parvenue à gravir une tour piégée, et à vaincre un monstre qui aurait sans doute été plus simple à surpasser avec un arc. Elle avait tué un dragon fou sans monture volante, survécu à des assauts suicidaires sur des camps de monstres. Le temple de la Sagesse ne devrait pas lui être impossible.

La complainte s'éleva, sa voix était assurée.

Nayru préférait les instruments à cordes.

Farore adorait les instruments à vent.

Les portes tremblèrent, révélant ce qu'elles camouflaient à la vue de tous. Un long couloir truffé de torches et de gravures s'étendait jusqu'à d'autres battants fermés, elle se tourna une dernière fois vers sa compagne de voyage.

- Je pense que ça ira.

Rien ne pouvait être sûr, mais l'incertitude n'avait jamais arrêté la déesse verte.


Le couloir sombre menait à une salle bien plus imposante. S'étendant sur une surface circulaire, elle semblait mener à quatre autres pièces. Aucun escalier ne permettait de deviner par où il fallait passer pour accéder à la tour.

Bon.

Revenant en arrière, elle balaya la pièce du regard. Au centre se trouvait une plaque gelée, rien ne semblait pouvoir la briser, par même le feu de la torche voisine, ni la chaleur écrasante qui l'accablait désormais. Trois autres portes ne menaient à rien, comme barricadées, une seule s'ouvrait. Ce fut par elle qu'elle commença.

Trois coins et un côté incurvé, l'architecture était logique. La taille coïncidait avec ce qu'elle avait déterminé de l'extérieur, elle ne serait pas surprise d'apprendre que les trois autres salles possédaient une taille similaire. Non, ce qui la rendit inutilement aigrie n'était pas le manque d'originalité de la structure, mais bien un problème plus urgent, qui pouvait se diviser en deux raisons.

La première : il faisait noir.

La deuxième : un monstre en armure manqua de la décapiter.

Se glissant sous la lance, elle grinça méchamment alors que sa perle verte pétillait sous l'effet de la précipitation. Exactement comme son premier adversaire du même genre, il dégaina son arme et l'attaqua à plusieurs reprises. Déviant l'un des assauts avec son épée, la vagabonde roula sur le côté, perdit le contrôle sur sa magie quelques secondes, avant de se redresser à une distance qu'elle jugea respectable. La portée de la perle était juste assez suffisante pour l'éclairer au moins un peu et discerner ses mouvements, elle jura violemment en manquant de se prendre un bout de métal dans le ventre. Il fallait qu'elle trouve le moyen de lui tourner autour sans risquer un obstacle.

Courant sur le côté, elle remarqua que, malheureusement, il avait décidé de tout faire pour la garder de face. Pour l'atteindre dans le dos, il fallait qu'elle trouve une autre technique.

Alors qu'il lançait une nouvelle fois son arme en avant, Link se pencha et courut dans sa direction. Surpris, son réflexe sembla être de lui asséner un coup de pied qu'elle esquiva d'une roulade. Puis, se relevant rapidement, elle parvint à donner un premier coup dans le dos découvert. Les lanières de cuir lâchèrent, le métal claqua contre le sol, le rond noir perçait une peau mauve contre-nature.

Elle s'arrêta quelques secondes. Aucune race n'arborait de peau mauve, à l'exception des écailles des sirènes pouvant prendre cette teinte, elle ne se trompait donc pas.

Revenant au combat, elle sauta loin du combattant masqué, le jaugeant du regard. Le monstre hurla et recommença ses assauts, cette fois avec une vitesse vertigineuse, qui manqua de peu de la faucher. La lance volait, tranchait presque son corps, une ligne écarlate coupa son avant-bras. Il se jeta en avant dans un saut calculé, la mercenaire en profita pour glisser en avant. Dès qu'il atterrit, elle trancha son point faible. La chose hurla, elle se recula à nouveau. La lance avait laissé place à une claymore.

Il balança son épée gargantuesque dans sa direction générale, elle parvint à garder le contrôle de la perle malgré un léger trébuchement. Pendant un instant indéfini, ni elle ni lui ne pouvait voir devant soi. Perdant pied dans le noir, elle remarqua un détail intéressant. Même s'il semblait se complaire de l'obscurité pour l'attaquer, il ne paraissait pas capable de voir dedans. De ce fait, si elle se faisait discrète, il y avait des chances pour qu'elle puisse le toucher.

Un son semblable à une explosion résonna sur le côté, elle trancha dans la chair. La chose cria, elle ralluma sa lanterne en se reculant. Un troisième coup et ce serait fini.

Une noix dans la main, le guerrier à la claymore la jeta sur elle avant de sauter à nouveau. Une nouvelle parade et elle trancha son dos.

Le monstre disparut rapidement.

Se reprenant après le choc d'adrénaline, les sourcils froncés en direction du dernier endroit où se tenait la créature armée, Link resta silencieuse, à l'affût d'éventuels ennemis. Aucun autre son ne lui parvenait en dehors du son étouffé de l'eau, elle hocha la tête pour elle-même. L'exploration reprit.

La salle était grande, à peu près de la taille de la précédente. Plongée dans l'obscurité la plus totale, elle s'étendait sur trois murs droits, et un incurvé. De celui qui faisait face à la porte s'échappaient de fins rayons de lumière, comme si une fenêtre avait été condamnée par une planche de bois, elle continua son chemin. Il ne semblait y avoir aucun moyen de grimper, les blocs de roche composant la façade étaient si serrés qu'elle ne pouvait espérer glisser le bout de ses doigts dans les maigres fentes qu'elle parvenait à repérer.

Notifiant chaque détail intéressant pouvant l'aider d'une manière ou d'une autre dans son exploration des lieux, elle découvrit avec un peu de surprise une torche éteinte. N'ayant aucun moyen de l'allumer, elle tourna autour, jusqu'à trouver un autre battant de bois, sur le sol cette fois. La mercenaire grimaça en se rendant compte qu'il était bien trop lourd pour être déplacé. Néanmoins, il devait bien y avoir un autre moyen d'avancer, donc elle se recula, jusqu'à retourner dans la première pièce.

Soupirant un grand coup, la jeune femme chercha une idée. Allumer la seconde salle serait un bon moyen de commencer. Plusieurs torches brûlaient tout autour du cercle central, il ne lui fallait qu'un bout de bois supplémentaire pour l'amener. Par chance, elle en trouva un dans un coin.

Retournant dans la pièce qu'elle venait de quitter avec son feu à bout de bras, elle put enfin activer la torche jusque là inactive. Une seconde se tenait plus loin, et une troisième attendait toute proche. Une fois allumées, la pièce se fit plus praticable.

Elle avait raison quant à ses suppositions. Une planche de bois condamnait la fenêtre, impossible de l'atteindre sans une paire d'ailes. Dans un coin, une trappe fermée du même matériau était si lourde qu'elle s'arrachait les ongles ne serait-ce que pour la soulever de quelques millimètres. Link plissa les yeux, une sorte de plan en tête. Le bois était inflammable, c'était connu. Hautement, pour certains d'entre eux. Hors, elle avait réussi à amener du feu dans cette salle. Si elle avait eu moins d'objets, elle se serait évidemment demandé comment elle pouvait atteindre le battant en hauteur, mais désormais, elle possédait un arc, ainsi que les flèches tout aussi inflammables qui allaient avec.

Dégainant sa nouvelle arme, elle enflamma l'une de ses flèches suffisamment pour être sûre que le feu ne s'éteigne pas en chemin. Le battant clos de la fenêtre claqua sous l'assaut des braises invasives, avant que plusieurs échardes explosent. Les planches finirent par s'écraser au sol, disparaissant sous quelques flammèches tenaces. La pièce prit vie, les murs bleu pervenche irradiaient de couleurs pastelles. Des mosaïques représentant une seule figure divine s'étendaient sous ses pieds, son souffle se coupa quand elle reconnu la forme.

- Une baleine... S'émerveilla-t-elle.

Elle n'avait jamais vu de baleine, n'en avait aperçu que des dessins, mais elle savait de quoi il s'agissait. L'immense mammifère, recourbé sur lui-même, prenait l'ensemble de la salle. Immense, aux atours de joyaux, des décorassions royales recouvrant son dos cabossé en une nappe violette, la bête était d'un blanc immaculé. Deux ailes, minuscules par rapport à son corps dantesque, ornaient le mauve, teinte du rêve.

Elle tourna encore quelques instants sur elle-même, tant pour tout apercevoir du travail colossal fourni ici que pour chercher à pouvoir nommer cette créature mythique.

Le dieu des rêves, rien que cela.

Trouver sa représentation dans le temple de Nayru, sa mère, n'était pas surprenant. En réalité, c'était même logique. Néanmoins, ce qui la bouleversait réellement était que les six divinités originelles, celles nées des déesses en personne, étaient un mythe, et seulement cela. Rien de réel, de concret. Personne ne les avait jamais vues, tout ce qu'ils en avaient étaient des récits tournant autour de leur naissance et du rôle qui leur avait été attribué.

Voir la forme d'un dieu dans le temple d'une déesse créatrice confirmait son existence, et c'était exactement ce qui choquait Link.

Même si elle avait déjà découvert des dessins similaires, dans la tour de Farore. C'était juste qu'à l'époque, elle n'y pensait pas.

Elle reprit son souffle. Peut-être que la forme d'un dieu ne signifiait au final rien. Elle ne l'avait toujours pas croisé, celui-là. Pas qu'elle risquait de le rencontrer un jour, il s'agissait d'une divinité primordiale naviguant entre les réalités. Né directement de la déesse bleue, le dieu des rêves était un être au delà des dragons mêmes. Les esprits de Lumière seraient apparus à leur suite, ces lézards particulièrement dangereux auraient été créés par la troisième génération seulement. Le divin possédait une hiérarchie compliquée qui ne manquait pas de la perdre quand elle cherchait à la comprendre, la baleine géante munie d'ailes en demeurait l'un de ses plus hauts galons.

La vagabonde soupira. Elle devrait continuer plutôt que de s'interroger sur des choses impossibles à prouver.

(Un jour, des millénaires plus tard, un héros en particulier condamnerait cette façon de penser, et un second pleurerait sur les restes d'un rêve qui n'aurait pas dû en être un. Mais cela, comme tout ce qui viendra à sa suite, elle ne pouvait pas le savoir, ni le deviner.)

La jeune femme tira une seconde flèche sur la trappe au sol, la regardant s'écrouler sous l'assaut du feu soudain. Le sous-sol s'ouvrait sur cette unique brèche de lumière, la fenêtre s'assombrit l'espace de quelques secondes. Un instant, elle se demanda si ce ne pouvait pas être une bonne idée de jeter une torche dans le trou. Néanmoins, le feu risquait de s'éteindre avec la chute, sinon ruiner son atterrissage en la brûlant. Le nez froncé, la mercenaire tourna autour du passage découvert, avant d'apercevoir une flammèche bleue brûler dans un coin de la pièce.

Ce n'était pas une couleur qu'elle aurait pensé attribuer à cet élément un jour, si ce n'était dans une tour de guet...

Secouant la tête, elle sauta. Une flamme, magique ou non, restait une flamme.

Son nouvel environnement ne tarda pas à l'attaquer sous la forme d'un spectre étrange. D'abord perplexe, elle reconnut ensuite une méduse fluorescente flottant dans un coin. Tout ici était sombre, si bien que les créatures locales s'étaient adaptées d'une manière... spectaculaire. Le résultat en devenait si bizarre que, même en tant que bonne combattante et vagabonde habituée aux excentricités du monde, la mercenaire s'en retrouvait toujours surprise. Heureusement, ces méduses, à l'exception de leur couleur surnaturelle, ressemblaient en tout point à celles qu'elle avait déjà affrontées. Quelques esquives loin de leur électricité, une pirouette après s'être rendue compte qu'elle était encerclée, et quelques coups, les quatre monstres étaient morts. Par réflexe, elle alluma sa lumière. L'intérieur s'éclaira un peu, découvrant plusieurs éléments à sa vision.

Pour commencer, ce qu'elle pensait dans un premier temps être le reflet miroitant de la salle supérieure se trouvait en réalité être une immense pièce s'étendant sur une surface similaire à la taille globale du temple, si ce n'était légèrement plus petite. Ensuite, là où elle n'avait vu que des méduses, se cachaient en réalité plusieurs monstres. Ils l'ignoraient encore, mais il faudrait qu'elle trouve comment les vaincre dans l'obscurité. Pour terminer, et cet élément semblait être le point central de toutes ses questions, rien n'indiquait un quelconque moyen pour remonter, si ce n'était le jet d'eau impromptu s'élevant jusqu'au sommet de la tour. Son instinct de survie et sa raison restante, le peu qui avait survécu à la baignade et... à tout, l'incitèrent à ne pas s'y tenter.

Link fronça les sourcils, commençant, lentement mais sûrement, à se déplacer. Les torches bleues brillaient plus faiblement que les rouges, leur lueur s'étendaient sur une distance retreinte. Heureusement, cela lui permit tout de même de trouver la carte. Quelques mosaïques décoraient le sol et les murs, avec le peu d'indices dont elle disposait, ce devait être une représentation de la déesse elle-même. Étant donné qu'il s'agissait de son temple, ce ne fut pas une surprise.

Perdue entre son observation et les trois monstres abattus, elle ne remarqua pas immédiatement l'étincelle bleutée s'approchant d'elle. Quelques paillettes l'alertèrent, ses yeux s'écarquillèrent.

- Qui donc est venu jusqu'à moi ?

La voix claire d'une femme sans conteste jeune s'éleva autour d'elle, Link resta silencieuse quelques temps, celui qu'il lui fallait pour digérer la surprise. Samada, dans une situation similaire, l'avait rencontrée directement à l'entrée, mais il semblait que la prophétesse de la Sagesse avait erré à l'intérieur de son propre temple avant de la trouver.

Très inquiétant.

- Vous êtes la prophétesse ? Demanda-t-elle tout de même pour être sûre.

L'éclat bleuté brilla plus fort.

- Tel est le rôle que m'a confié ma dame, oui. Je dois avouer avoir été surprise d'apprendre que quelqu'un avait bravé le maléfice du sorcier pour libérer ma sœur Samada. Malheureusement, je n'ai pas pu prédire l'attaque de la Takeih.

La mercenaire fronça les sourcils. Le mage avait scellé Samada, oui, mais il semblerait que ce soit quelqu'un d'autre qui s'en était pris à la servante de la dame bleue.

- Une Takeih mauve ?

- Elle-même, oui. Elle a dit se nommer Hiraclos et être au service d'un homme prétendant être le Néant. J'ai bien peur que ce ne soit qu'une question de temps avant que la prophétie prononcée des années auparavant ne se révèle vraie.

D'accord, ce n'était pas seulement inquiétant, donc. Link se pinça les lèvres, le regard fuyant.

- Savez-vous pourquoi je suis là ?

- Est-ce la Triforce ? Si tel est le cas, alors je ne peux que rejoindre l'avis de ma sœur Samada. Actuellement, nous n'avons pas d'autre moyen pour survivre que de lui faire appel.

Sa coopération paraissait totale, la mercenaire hocha la tête. Une dernière question l'interpella, juste avant que la présence de la prophétesse de la Sagesse ne commence à flancher.

- C'est le mage qui m'a scellée. Il semblerait que la Takeih ne possède pas de pouvoir. Leur maître et camarade... Il est fort. Ce n'est pas un mage, et il ne possède certainement pas la puissance de la Takeih, mais méfie-toi. C'est un adversaire redoutable.

Ce n'était pas ce qu'elle s'apprêtait à demander, mais l'information demeurait bonne à prendre.

- En fait, savez-vous comment je peux aider ? Dans la tour de dame Samada, il y avait des escaliers, mais ici, il n'y a rien de ce genre.

La prophétesse pétilla faiblement.

- C'est... une bonne question. Il est censé y avoir des escaliers traversant le temple jusqu'au toit, mais j'imagine que la Takeih s'en est débarrassée. Néanmoins, il existe bien un moyen de les invoquer une seconde fois. Pour cela, il te faudra utiliser les perles de glace. Elles ont été détruites par notre ennemie, malheureusement, mais je suis parvenue à les régénérer. Elles se trouvent dans le temple.

Sa lueur s'affaissa plus encore, sa voix s'affaiblit.

- Malheureusement, je n'ai pas la force de t'aider à les retrouver.

Elle avait disparu.

Link plissa les yeux, soudainement alarmée. Il semblait urgent de vaincre le démon local.

Cette fois avec un meilleur objectif, la jeune femme recommença à fouiller la nouvelle pièce. Rien ne lui sautait immédiatement aux yeux, si ce n'étaient les monstres locaux. Quelques uns se montraient gênants, mais rien du niveau du chevalier, donc elle s'en sortait encore assez bien, malgré quelques coups de jus perdus dans sa direction. Néanmoins, le problème principal restait le même que celui qui l'avait menée à chercher sans but. Impossible de voir correctement autour d'elle. Sa magie s'épuisait lentement mais sûrement, elle ne pourrait pas tenir sa lumière éternellement. Il fallait trouver une solution au plus vite.

La mercenaire plissa le nez. Elle n'avait jamais fait preuve d'une grande intelligence, cette situation aurait été favorable à Hylia, sinon Marion. Les deux auraient compris la nouvelle énigme rapidement. Néanmoins, cette fois, elle était seule. Il fallait réfléchir plus que de raison, d'une manière à laquelle elle n'était pas habituée, sinon chercher des cohérences.

Son regard se porta sur une torche. Peut-être...

Peut-être que d'autres trappes scellaient le plafond.

Il n'y avait en tout que trois torches d'allumées, pour une dizaine de repérées lors de sa ronde. Du moins, de ce qu'elle avait vu dans les ténèbres. N'ayant pas d'autres options dans l'immédiat, elle attrapa son arc, alluma une flèche, et visa l'une des plus proches. Cela fonctionnait, elle recommença avec les autres. Peu à peu, l'intérieur se révéla à son regard.

La tour de Samada avait été petite en surface, mais s'élevait sur plusieurs étages en conséquence. Ce lieu, dédié à la Sagesse, sculpté dans sa pierre bleue naturelle, était différent, très clairement. Les flammes froides révélaient des couches de glace et de miroirs fragiles, cachant ce qui devait être, si elle en croyait la forme gigantesque se dressant sous ses pieds, la fontaine-mère de Nayru. Un second cercle l'attendait au plafond, ce ne pouvait être que le rez-de-chaussée. Autrement dit, les escaliers, en toute logique, étaient censés se trouver là.

Elle revint à son exploration.

La pièce brillait d'une couleur bleue camouflant presque les mosaïques soignées. De ce qu'elle devinait, une représentation gigantesque de la déesse de la Sagesse avait été faite sur le sol. La vagabonde, dans toute la piété inculquée dès sa naissance, essaya d'ignorer le fait qu'elle était en train de marcher sur une divinité primordiale pour se concentrer sur l'essentiel. Le sous-sol était plus petit que ce qu'elle avait pu penser, il devait bien y avoir une pièce dans le fond restée inexplorée. Les quatre orbes censées accueillir les perles de glace qui l'intéressaient étant éteintes et impossibles à allumer d'une quelconque manière, elle se dirigea vers la porte révélée.

Un regard vers l'intérieur la poussa à froncer le nez. Une énigme par salle. Parfait.

Heureusement, celle-ci n'était pas si difficile que cela. Une rivière coulait sur le côté, des radeaux permettaient de rejoindre une plate-forme astucieusement placée en fond. Un coffre l'attendait paisiblement, ce devait être ce qu'elle cherchait. Quelques chauves-souris tentèrent de la faire passer par dessus bord, elle s'en débarrassa de quelques flèches. Il semblait que des recharges pouvaient être trouvées relativement facilement avec un peu de curiosité, à son grand soulagement, son carquois n'était pas encore vide. Arrivée à destination, elle sourit de victoire. Plus que trois perles.

Placer une orbe ne changeait visiblement rien à la configuration du lieu. Malheureusement, il en manquait toujours, et aucun indice ne s'offrait à elle. La mercenaire se mordit les lèvres, avant de se rappeler de l'une de ses précédentes réflexions. Il devait y avoir des planches en hauteur l'empêchant d'accéder aux salles encore inexplorées. Levant la tête, elle sourit de victoire. Là, juste au Sud du passage qu'elle avait emprunté, se trouvait une série de briques déplacées suffisamment pour lui permettre d'escalader la paroi. Au sommet, par chance, se dressait une planche. Trempant une flèche dans la torche lui servant de voisine, elle visa. Un coup, le bois brûla.

La nouvelle pièce, après avoir subi un déséquilibre l'ayant presque faite tomber de son nouveau perchoir, s'élevait étrangement. Plusieurs blocs de pierre se dressaient en hauteur, pour former un chemin accidenté entrecoupé de manivelles particulières, rappelant les gouvernails de ces bateaux que les Rosariens commençaient tout juste à construire. Aucun d'entre eux ne se trouvait à sa hauteur, elle devait trouver comment les atteindre. Link, curieusement, s'approcha du gouvernail le plus proche. Un coup sur la droite guida les blocs dans une direction. Un coup à gauche les ramena à leur place d'origine. Si elle ne se trompait pas, il faudrait sans doute arriver au sommet de cet enchevêtrement étrange pour trouver ce qu'elle cherchait.

Tirant la barre vers la droite, elle parvint à trouver un bloc à la bonne hauteur. Un second pouvait être atteint d'un saut, il fallut toutefois pousser le deuxième gouvernail pour ramener le troisième bloc à elle - mais sa plate-forme ayant aussi bougé, ce pouvait être elle qui s'était déplacée.

Pas important.

Elle monta encore deux blocs avant d'arriver face à une nouvelle manivelle, et un dilemme. Un coffre naviguait tout comme elle, placé en un équilibre précaire sur une plate-forme mouvante, mais celui qui l'intéressait était encore un peu plus haut, caché dans un renfoncement du mur. La mercenaire chercha encore quelques secondes, avant de décider de commencer par la perle. Elle redescendrait plus tard.

Une dernière manipulation lui permit d'arriver face au piédestal encastré dans le mur. La perle était là, pâle, transparente, fragilisée par une apparence sphérique aux bords tranchants. En main, elle était lourde, gelée. La jeune femme la glissa dans son sac, peu désireuse de la briser.

Maintenant, avec son nouveau point de vue élevé, elle chercha le coffre. Plus bas, à quelques sauts seulement, si sa vision ne lui jouait pas des tours. Heureusement, ce n'était pas le cas, elle arriva à destination assez facilement.

- Des flèches... ?

Le contenu des coffres la laissait perplexe. Ce ne pouvait pas être les prophétesses qui les remplissaient, elles ignoraient ce qu'elle possédait - à l'exception de Samada, la dame du Courage savait tout. Autrement dit, ce tour de magie n'avait de logique que l'incompréhension la plus totale.

Link cligna des yeux, mais rangea sa trouvaille dans son carquois. Autant rester dans l'ignorance.

La porte demeurait close, la jeune femme retourna au sous-sol. Quelques monstres étaient revenus, comme si il existait un trou quelque part qu'elle n'avait pas encore trouvé. Pas que cela risquait de l'aider d'une quelconque manière. Elle devait rejoindre l'intérieur de la cascade. Escalader la façade ne lui serait pas utile, si elle se retrouvait coincée au sommet.

La deuxième perle fut déposée à son emplacement. Immédiatement, un craquement se fit entendre. La pièce entière trembla sous l'assaut de violentes secousses, Link manqua de tomber.

- Mais... !

La salle venait très clairement, et ce sans le moindre préavis, de pivoter sur elle-même. La jeune femme, encore perturbée par tout cela, dut y réfléchir une seconde fois. L'éclairage provenant des deux passages dans le plafond semblait différent, la vue qu'elle obtenait de la statue de Nayru avait changé. Les sourcils froncés, elle partit chercher ce qui avait bien pu changer, d'abord au niveau du premier trou. Aucun moyen pour grimper n'était apparu, elle retourna au second. Une nouvelle pièce s'offrit à elle.

Un Lycan se jeta sur elle.

Une danse qu'elle commençait à connaître sur le bout des doigts débuta. La bête blanche, similaire à celle qui lui avait posé problème avant de venir ici, usait des mêmes stratégies que ses confrères. La mercenaire sauta sur les côtés, esquivant les agressions répétées, avant de parvenir à décocher un premier coup. Les griffes aiguisées manquèrent de peu son visage, son regard atterrit sur un attroupement suspect de méduses dans un coin. Ne les voyant pas approcher, elle nota de ne surtout pas les rejoindre pour le moment. D'abord, éliminer la menace la plus urgente.

Il fallut une pirouette et une maladresse imprévue pour prendre de court la créature lycanthrope une seconde fois. Un dernier coup, elle passa sous la gueule béante, dévia une patte féroce, et asséna un coup de pied dans la truffe. Déstabilisé, le monstre trébucha en arrière, révélant son point faible à son regard ainsi qu'à sa lame.

Une fois le Lycan disparu, Link revint aux autres monstres de la pièce. En hauteur, au bout de ce qui semblait être un labyrinthe de ponts en tout genre - et sans doute de piège en tout genre - se cachait un coffre suspect. Néanmoins, l'attroupement de méduses l'interrogeait également, aussi les élimina-t-elle rapidement pour voir ce qu'elles cachaient. L'interrupteur déclencha un mécanisme, la porte s'ouvrit.

La vagabonde sourit. La pièce principale était à nouveau accessible.

Elle revint au coffre qui l'intéressait. Les escaliers, positionnés contre le mur le plus éloigné de la porte, la menèrent à une plate-forme lui permettant d'accéder à trois ponts. Celui en bois, composé de cordes et de planches, craquait sous son poids, elle crut voir une planche se fendre. Sa supposition tomba juste quand elle se recula en lieu sûr. Le second, sculpté dans une roche solide, paraissait cacher des dalles piégées. Les cailloux jetés dessus en amont finir détruits par les pics.

Finalement, le seul pouvant être emprunté sans problème était le dernier. Construit en une matière claire, voire translucide, il la guida complètement à l'opposé du chemin qu'elle aurait dû emprunter pour accéder au coffre. Néanmoins, comme tout ce qui avait attrait à Nayru, la surprise la saisit quand, au bout de ce chemin, elle découvrit un couloir la menant jusqu'à sa destination.

La troisième perle de glace en sa possession, son regard atterrit sur le sol.

- Le dieu de l'esprit...

La baleine blanche aux sourcils touffus dominait une sphère appelée « monde ». En tant qu'enfant du courage, elle ne connaissait que peu les légendes entourant cette créature. Tout ce qu'elle savait de lui était que son rôle, dans la bulle spirituelle qu'il avait créé, était de protéger les esprits des mortels. Comment, pourquoi, contre quoi devait-il se battre - se battait-il même ? - elle l'ignorait.

Le voir ici, dans le temple de sa mère, de l'autre côté de la salle qui avait hébergé son frère, ne la surprit guère.

Retournant dans la salle principale après être descendue plus ou moins difficilement par la façade, elle retrouva le jet d'eau. Son bruissement tonnait si fort qu'il semblait qu'une tempête bruissait en extérieur. Cherchant à l'ignorer, elle essaya les portes. Toutes s'étaient ouvertes sous l'activation du mécanisme, elle pouvait s'y promener sans se retrouver piégée d'une manière ou d'une autre, désormais. Néanmoins, la quatrième perle devait se trouver dans celle qui demeurait encore inexplorée. Quand elle la poussa, curieuse, la mercenaire fit la moue.

Une stèle gravée.

Toujours peu habituée à lire, la jeune femme prenait trop de temps à décrypter un mot de la ligne, aussi n'éprouvait-elle aucun plaisir à exercer cette activité. Le souvenir d'un bunker enseveli, laissé à l'abandon, lui revint. La demande de la dame bleue ressemblait à une musique.

Il ne lui semblait pourtant pas que Nayru aimait chanter. Farore l'adorait, c'était un fait. Din préférait la danse. Néanmoins, Nayru devait sans doute se tourner vers les poèmes, si elle devait choisir. Alors fredonner la complainte des glaces n'aurait pas dû sembler logique. Pourtant, au centre de la pièce vide, seulement agrémentée de quelques mosaïques sans but, c'était ce qu'elle chantait.

Peut-être existait-il des paroles à cette mélodie. Toujours était-il que le temple paraissait avoir apprécié l'offrande vocale car, quelques secondes plus tard, les dalles se déplacèrent, révélant la dernière perle gelée sur un piédestal sombre.

Il ne fallut que quelques péripéties de plus avant que la mercenaire n'arrive enfin dans le sous-sol pour placer les perles à leurs places respectives. Le sol trembla une seconde fois, elle se retourna. Là, juste au centre de la pièce, au cœur du temple tout entier, le miroir de glace se déplaça. Le couvercle blanc solide se souleva en diverses planches marbrées, les marches grimpèrent jusqu'à s'élever loin au dessus de sa tête, au sommet du bâtiment infesté de créatures.

Les escaliers achevèrent leur course vers les cieux dans un grincement strident, Link fronça les sourcils. Là, de l'autre côté du toit massif, au sommet de la tour protégée par une cascade née de la source-mère de la Sagesse, se trouvait une bête. La créature qui scellait les pouvoirs de la servante de Nayru était puissante, cela allait de soi. Cette fois, Petra ne pourrait pas lui venir en aide, elle devait se débrouiller seule.

Si cela avait été quelques mois plus tôt, la mercenaire s'en serait inquiétée. Elle ne combattait pas seule, à cette époque, elle n'avait aucune idée de comment survivre en solitaire dans la nature. Néanmoins, entre temps, elle avait eu son lot de combats, d'attaques surprises, d'embuscades. Elle avait déjà traversé un temple colossal.

Au sommet des escaliers se trouvait une bête, mais également la prophétesse à sauver.

Elle resserra sa prise sur Fay, le regard sombre.

Il était temps de venir en aide à Sagesse.


Le boss apparaît au prochain chapitre, alors...

A la prochaine !