Bonjour... ? Je suis de retour ! Un peu en retard de quelques mois, mais tout de même de retour. J'essaierais de revenir plus vite avec la suite, promis.

D'ailleurs :

lili365 : Ravie d'apprendre que cette histoire te plaît ! Je ne sais pas si je parlerais d'imagination plutôt que de folie totale pour la définir, mais elle devenue si importante dans mon imaginaire que je me devais de la mettre à l'écrit. En dehors de cette fic, j'ai effectivement d'autres projets personnels. Des originaux, que je ne peux pas poster ici mais dont les premiers chapitres se trouvent sur Ao3, et une autre fanfic Zelda que je développerais sans doute plus tard en apparté. Dans l'espoir qu'elle intéresse également !

Maeve Carl : Merci pour ton message ! En ce qui concerne l'art, j'en ai moi-même réalisé quelques uns, mais je n'ai jusque là réussi à les mettre que sur Wattpad. Je suis par contre curieuse de voir ce que tu proposes !

Sur ce, bonne lecture !

[Aucun avertissement ne s'applique à ce chapitre]


Chapitre 20 - L'héritage de l'eau

D'aussi loin qu'il soit possible de remonter dans l'histoire de ce monde, l'eau avait toujours côtoyé les mortels. Ils s'étaient installés au plus proche d'elle, sinon un peu plus éloignés, mais, sans qu'une seule exception ne soit à déplorer, en vue d'un point où elle leur serait accessible. Il était impossible, savaient les déesses, qu'ils vivent sans cet élément, il s'agissait du vœu de l'une des trois dames fondatrices. Nayru, pensaient certains, et ils n'auraient pas nécessairement tord. D'autres arguaient qu'en tant que créatrice de la vie, il s'agirait plutôt de Farore. Au final, cela aurait tout aussi bien pu être Din que personne n'en aurait rien su. Très vite, à voir que personne ne trouvait de réponse, on s'éloigna de la question.

Himari y pensait sans cesse.

La grande prophétesse de la Sagesse, celle qui avait été choisie entre tous pour représenter sa dame, n'avait pas toujours été prophétesse, ni même proche de ce titre ô combien prestigieux. Il y avait un avant, une époque, celle qui avait suivi la création divine, durant laquelle elle n'avait été qu'une servante de Nayru comme tant d'autres avant elle. Une Hylienne sans prétention, ne possédant pas ne serait-ce qu'une seule goutte de sang Rosarien, juste une fille aux origines douteuses mais incontestablement Hyliennes.

Elle était petite, alors, quand on l'abandonna dans un temple de Nayru. Elle était toujours bien trop jeune quand, suite à une attaque vicieuse perpétrée à l'encontre des Sheikahs, certains d'entre eux se tentèrent à voler l'artefact divin. Quel outrage, avait-elle pensé au début. Les déesses devraient punir cette race entière, ne surtout pas les laisser s'en tirer à si bon compte.

Farore avait prêché pour le pardon total, dans toute sa volonté de déesse de l'amour. Din avait demandé la fermeté la plus cruelle, de sa force sans mesure. Nayru avait tranché, décidé que l'emprisonnement des uns et le pardon des autres serait la punition appropriée.

Une fois qu'elle avait découvert la magnanimité de sa dame à l'égard de ce peuple coupable, Himari avait cherché à comprendre ce geste. Le pardon pour des prisonniers, le droit de s'excuser de leurs actes, rien de cette action insensée ne ressemblait à la froide directrice de l'Ordre. A trop pardonner, on se laissait tenter au désordre. Que Farore se jette à corps perdu dedans ne la surprenait honnêtement pas, mais que la Sagesse accorde de l'importance à la naïveté du Courage laissa la gamine ignorante de l'époque perplexe, trahie. Ce ne fut qu'une fois en possession du fragment solaire qu'elle comprit.

La créatrice de l'Ordre était avant tout celle de la Sagesse. Il était donc de son devoir, même de sa nature, de faire primer la Justice la plus parfaite, ni trop gentille, ni trop cruelle. Les Sheikahs avaient subi des assauts violents à leur encontre des années durant, beaucoup étaient morts à cause de la jalousie des autres peuples. Ceux qui s'étaient tournés vers l'artefact divin voulaient faire le vœu de sauver les leurs, ils n'étaient qu'une minorité à se révéler aussi égoïstes que ce qu'elle avait pensé. Nayru, gardienne de l'Ordre, savait qu'il fallait montrer l'exemple pour être respectée, aussi punit-elle les coupables. Mais elle savait aussi qu'il fallait épargner aux victimes les conséquences, aussi s'était-elle contentée de leur retirer cette mission qui les avait tués.

Nayru était Juste. Elle ne devait jamais l'oublier.

Les espoirs de paix de sa désormais sœur Samada furent réduits à néant alors qu'une nouvelle guerre fratricide débutait pour la Triforce. Les déesses avaient commis une seconde fois cette erreur terrible, déplora la prophétesse dans un éclair de lucidité. Elles n'auraient pas dû confier leur trésor à une unique race, cela ne pouvait que provoquer de longues années de conflits, des morts à ne plus savoir qu'en faire, une tragédie à échelle mondiale. C'était ce pourquoi les Sheikahs avaient souffert par le passé, la raison de leur crime. La jalousie dévora le territoire Hylien, ne laissa de son passage que des hameaux en ruines remplis de corps, fit tomber les célestriers des airs, de nouvelles victimes étaient à déplorer encore et toujours.

Un jour, finalement, arriva le pire de tout, la séparation des trois tribus aux cheveux blancs. C'était le début de ce qu'Himari considérait comme la fin des combats. Hylia envoya les survivants de la capitale au delà des nuages, loin de toute la guerre, du massacre, les quatre sœurs choisies par leurs dames ne pouvaient plus qu'attendre. Quoi, pourquoi, elles l'ignoraient encore.

Un jour, sœur Samada pleura la disparition d'une lune.

Une nuit, le pire drame de l'humanité eu lieu.

Himari avait assisté à tellement de drames au court de sa courte vie qu'elle n'aurait pas cru pouvoir être encore surprise de la cruauté que certains pouvaient faire subir à autrui. Malheureusement, le choc fut total, y compris pour les attaqués. Juju n'avait jamais perdu de son histoire. Sans être les plus forts, ils étaient les plus habiles, leur maîtrise du combat et leur détermination à combattre leurs peurs n'avaient aucun équivalent. Les deux autres peuples Sheikahs, réconciliés depuis la fin de la guerre, soutenaient cette nation malgré les disputes et conflits passés, la protégeaient, l'appréciaient. Fou était celui qui faisait de ce peuple son ennemi.

Cette nuit-là, Sagesse douta. Cette nuit-là, Force recula. Cette nuit-là, Equilibre trembla.

Cette nuit-là, Courage tomba.

Les monstres étaient étranges, le contraire des êtres nés de la Sagesse et de l'Ordre, des aberrations tenant de l'absurde pur. Ils étaient tordus, abstraits, des formes d'énergie nées d'une magie qui lui était inconnue - et Nayru savait à quel point la Sagesse détestait ignorer quelque chose. Les Zoras qui l'hébergeaient les combattaient avec autant de crainte que de hargne, les Sirènes non-loin empêchaient ceux des abysses de jaillir sur les plages. La dame de la Sagesse ne pouvait pas surveiller le monde entier, surtout pas quand ce dit-monde survivait face à ces êtres nés des Ténèbres, quand des malheureux payaient pour les erreurs des plus lâches, quand Juju n'avait rien pu faire face à eux.

Kohana voulait la Triforce, révéla sœur Samada.

Une lune avait disparu, avait dit la même femme.

L'énigme qui se présentait à eux sous l'apparence d'un diable venu d'ailleurs, celui qui tenait une épée gorgée du vermeil de dizaines de vies, ne trouvait aucune réponse à ses yeux. La lune se levait chaque soir, elle n'était pas tombée, rien ne pouvait expliquer ce présage de la dame du Courage. Alors quel mystère avait-elle pu entrevoir? Quelle horreur leur cachaient leurs fondatrices? Himari chercha, seule dans son temple, se prit à la mission qu'était de comprendre les travers de ce monde. Une capitale est reconstruite en Hyrule, observa la sœur de l'Equilibre. Une bonne nouvelle attend d'être annoncée, sourit la sœur de la Force. Ce fut deux ans après le début du drame et des combats contre les monstres qu'Himari prêta à son tour attention à ce territoire ravagé.

Courage s'était relevé.

Elle avait souri, ri d'une folie passagère, d'une connaissance enfouie se confirmant encore une fois. Nul ne pouvait tuer Courage.

Nul ne tuait les Jujus.

De cette heureuse nouvelle en découlaient d'autres tout aussi bonnes. Les mercenaires de ce peuple intrépide, ceux aux yeux jaunes hérités de leur dame, traversaient le monde et abattaient nombre de monstres. Ils isolaient leurs points faibles, documentaient leurs modes de vie, découvraient chaque espèce dans leur curiosité folle, et, contre quelques rubis, monnayaient ces informations capitales. Les Rosariens, sans surprise, furent les premiers à profiter de ce marché, les Bongos suivirent peu après. Car si Sagesse aux yeux gris n'avait aucun mal à rester en arrière pour réfléchir, la Force possédait encore trop de fierté pour réclamer facilement de l'aide. Le fait que les informateurs soient les Jujus et non un autre peuple avait dû les encourager.

Avec les Jujus courant contre vents et tempêtes, abandonnant cataclysmes et engouement dans leur sillage, le monde prit une nouvelle direction, celle d'une ère où les monstres passèrent de variable inconnue à ennemis à abattre. Les combats se firent moins désespérés, la prophétesse put revenir à sa précédente interrogation, deviner quelle était la menace à leur faire face. Malheureusement, le manque d'indice la poussa dans ses retranchements. Une lune avait disparu, Kohana voulait la Triforce. C'était tout ce qu'elle avait. Rien d'autre.

Rien qui ne puisse expliquer les yeux si désespérés des monstres.

Rien qui ne puisse justifier le massacre des Jujus.

Rien qui ne puisse lui permettre de comprendre ce pourquoi l'Equilibre lui paraissait soudainement branlant.

La prophétesse de la Sagesse ne parvenait pas à résoudre cette énigme.

Celle du Courage n'entendait rien qui puisse expliquer tout ce drame.

Les deux dernières ne possédaient pas le début d'une direction.

Alors que le désespoir commença à happer la prêtresse de bleue vêtue, un nouveau drame vint l'ébranler. Là, sans que nul ne le voit venir ni même ne le devine, à l'horreur des quatre sœurs choisies par les déesses, le dragon des Vents poussa son hurlement.

Une divinité devenue folle.

Un cauchemar comme nul n'aurait eu l'idée d'en rêver venait d'avoir lieu.

Alors que tous commençaient seulement à comprendre l'ampleur de la menace qui pesait sur le monde, une Takeih mauve arriva à elle. Son énergie semblait tendue, son rire sonnait cassé, ses gestes étaient désespérés, et le sceau laissé par le mage si puissant brisa la glace de Nayru. La chaleur torride que sa dame avait combattue à l'aube de la création se répandit dans le temple, éclata les perles de glace, enferma la prophétesse au plus profond de la fontaine sacrée. Piégée, la femme bénie ne pouvait plus que regarder l'eau divine se déverser dans la nature. Le dragon des Vents était devenu fou, si celui des Glaces était touché par l'afflux de la fontaine, le pire pourrait se produire. Il fallait que quelqu'un vainque le démon, la libère de ce piège.

Il le fallait.

Mais personne ne viendrait.

La Sagesse oubliait souvent que nul n'arrêtait Courage.


La dame de la Sagesse se tenait debout au centre d'une rosace gravée à même la glace. La faible luminosité filtrant au travers du dôme lui donnait une teinte de peau pâle, elle souriait d'une gloire qu'elle avait dû croire éphémère. Link s'attendait honnêtement à rencontrer une personne à l'image de Samada: grande, avec une prestance ancienne et une attitude sereine, même durant ses explications les plus terribles. La jeune femme, ou du moins celle dont l'apparence demeurait jeune, la fixait de ses yeux gris perçants comme une pierre de lune polie jusqu'à la brillance. Son apparence juvénile était renforcée par son visage rond, son sourire enthousiaste, et une longue tresse bleue descendant jusqu'à ses reins. En dehors de cela, ses sandales claquaient sur le givre, sa jupe était fendue sur le côté et dansait comme des vagues, son haut court laissait paraître le ventre.

Le symbole de la Triforce avait été brodé sur la poitrine, l'une comme celle qu'elle avait toujours connue, dorée avec la pointe vers le haut, l'autre renversée et sombre, comme une hérésie.

La prophétesse de Nayru testa ses jambes, la perle de saphir dans une main, l'autre posé sur sa hanche, comme pour compenser sa taille maigre et sa prestance discrète.

- Enchantée! S'exclama celle qui s'était présentée comme Himari, pour tout dire, je n'attendais plus personne pour me sauver!

La mercenaire grimaça, se rappelant du mois passé à errer dans le pays des Cascades avec une prêtresse maladroite et deux célestriers envahissants, mais également de cette semaine compliquée qu'avait été celle de son séjour dans la grotte des Joyaux et toute la catastrophe rencontrée par ce biais. Cela était sans parler du mois qu'il avait fallu pour quitter Magdatéré et rejoindre le Mont Péril, puis de celui qui fut nécessaire pour rejoindre la forêt, et enfin des quelques jours passés à récupérer auprès des Tikwis.

A ce rythme, elle n'avancerait jamais.

Sortant de sa stupeur, la plus jeune se concentra sur la discussion en court. Il semblait que Sagesse ne rimait pas forcément avec calme, comme ce qu'Hylia lui avait indirectement fait croire.

- Je suis Link Faore de Juju, se présenta-t-elle finalement.

Himari renifla.

- Je passe mon temps à sous-estimer les représentants de Courage, rit-elle. Il va bien arriver un moment où je vais finir par ne plus douter de vous.

La prêtresse sourit de plus belle, vivante et énergique, si éloignée de sa présence fantomatique que la mercenaire avait croisée en venant qu'elle donnait l'impression de ne pas être la même personne. Ses pieds ne glissaient pas sur le verglas, elle se déplaçait avec tant d'expertise que Link la jalousa inconsciemment, son propre équilibre devenant branlant. Pourtant, malgré ses gestes exercés et son assurance affichée, l'expression de la femme aux cheveux bleus était crispée.

- Quelque chose ne va pas, annonça la vagabonde.

C'était un fait, un fait que l'autre ne chercha pas une seconde à nier. Sa bonne humeur affichée laissa place à un sérieux intangible, une crainte recelée derrière le gris du savoir et de l'intelligence. La prophétesse resta silencieuse et immobile un moment, l'étudiant du regard, avant de soupirer. Avec un dernier geste, elle s'engagea dans les escaliers.

- Il se passa quelque chose, confirma-t-elle après que la plus jeune avait trébuché sur deux marches. Tu sais déjà de quoi il s'agit, tu as rencontré sœur Samada.

- Kohana?

Faire le lien entre les monstres et Kohana était simple. Les uns étaient apparus en même temps que l'autre, et ce au même endroit. Dame Samada était convaincue qu'il s'agissait de leur maître, et sa rencontre avec ses deux acolytes n'avait fait que le confirmer.

- Entre autre, convint l'élue de la déesse de bleue revêtue. J'essaie, ou plutôt j'ai essayé de comprendre tout ce que cela impliquait. Les monstres sont... tordus. Ce sont des gens comme nous tous, les treize races, mais en même temps non. Leur magie est rompue, cassée. Comme s'ils avaient été normaux avant, et que quelque chose les avait corrompus.

Elle s'arrêta au centre des escaliers dangereux.

- Nous connaissions déjà cette information, par contre. Malheureusement, c'est le lien entre eux et Kohana qui m'échappe. Pourquoi ces créatures obéiraient-elles à cet homme? Et cela est sans parler de la capacité de cette Takeih d'en invoquer. Sont-ils conscients? Ne sont-ils que des pantins? Je ne sais pas, mais j'aimerais beaucoup trouver la réponse.

Elle soupira de plus belle avant de reprendre sa descente.

- Cette histoire m'énerve, avoua-t-elle devant les portes qui menaient au toit. C'est un nœud qui n'a aucun sens, et je n'arrive pas à en saisir le moindre fil pour le démêler. Une lune a disparu, qu'est-ce que je suis censée faire de cette information? Elle se lève tous les soirs pourtant. Sœur Samada ne mentirait pas, j'en suis consciente, et c'est là le problème. Elle ne ment pas et ne peut pas se tromper, mais ce qu'elle dit n'a aucun sens.

Link ne l'avouerait pas mais elle comprenait totalement la colère de la représentante de la Sagesse face à cette histoire. Les informations de Samada étaient étranges, si peu banales que tous ceux à qui elle en avait parlé par la suite en avaient immédiatement douté. La lune se levait chaque soir, rien ne semblait sortir de l'ordinaire de ce côté-là, pas même cette horrible prophétie dictée par Hylia dix ans plus tôt. Même cette histoire avec les monstres n'avait de sens que si elle acceptait le fait que quelque chose permettait de pervertir l'apparence parfaite que leur avaient conférée les déesses.

C'était fou, inconcevable. La logique voulait de refuser d'y croire.

Mais Courage n'aimait pas la logique, alors elle ne pouvait s'empêcher d'y penser.

Le toit, comme à son premier passage, était ouvert à tous les vents, la brise la secoua d'une température si froide qu'elle sentait sa tunique s'alourdir du gel causé par l'eau l'ayant éclaboussée. Un instant, la mercenaire s'arrêta pour frapper les plaques de glace apparues, avant de se rendre compte qu'il y en avait également dans ses cheveux.

Il faudrait vraiment qu'elle les coupe. Ses mèches blondes devenaient longues, bien trop, et s'avéraient plus handicapantes que nécessaire.

Himari sourit, et claqua des doigts. Son souffle se coupa, ses yeux s'ouvrirent de surprise. Une sensation qui n'aurait jamais le moindre équivalent la prit.

Des escaliers de glace se formèrent, les guidant jusqu'en bas du temple. Un petit groupe les attendait, elle pouvait voir le célestrier rouge sautiller jusqu'à la dernière marche.

La femme que l'histoire oublierait leva les yeux au ciel, l'expression sereine.

- Il serait bien bête de ma part que de vous laisser seuls à comprendre toute cette folie, n'est-ce pas?


(Quatre femmes spectrales, tel était ce que l'on retiendrait d'elles. Quatre femmes dont nul n'aurait plus les noms, la moindre idée de l'apparence, de ce qui fut l'un des rôles les plus importants de l'histoire du monde. Quatre femmes inconnues.

Mais c'était ce que les récits raconteraient de cette époque, des brumes éparses, pas même le début d'une histoire, si ce n'était un conte erroné, quelques paroles incomprises.)


Les Zoras fêtaient le retour de la dame de la Sagesse avec tant de joie que Link crut que sa première interaction avec l'un des représentants de la capitale - hors Amaris - relevait du délire fou. Pourtant, elle faisait bien face à une foule en liesse qui accueillait Himari avec des sourires, des cris, et un soulagement certain. Partant du fond pour rejoindre les trois Hyliennes et le petit groupe du peuple de la rivière, une femme d'une couleur rose et blanche, une couleur pastelle qu'elle n'avait encore jamais aperçue de semblable, se démarqua du lot. La masse la laissa avancer en une ligne droite, ce ne fut que tardivement, après avoir remarqué ses bijoux et broderies, que la vagabonde se rendit compte qu'il s'agissait d'une princesse Zora.

La souveraine s'inclina profondément.

- Je suis ravie de vous revoir, dame Himari.

Elle venait, semble-t-il, de rentrer. Le groupe l'imita rapidement, paniqué à l'idée d'avoir manqué de respect à la représentante de Nayru. Himari ne s'en émouvait pas. Les mains sur les hanches, elle rit de la gêne soudaine.

- Voyons Sakara, je t'ai déjà dit de ne pas me traiter ainsi.

Celle qui fut tardivement reconnue comme la deuxième princesse, sœur aînée d'Amaris, qui traînait désormais dans un coin de la capitale, juste derrière la prophétesse joyeuse, secoua la tête.

- Je ne pourrais manquer de respect à une représentante de nos trois dames.

Les deux frères et sœurs étaient si différents que cela rendit la mercenaire complètement perdue. Le prince haussa les épaules quand elle se tourna vers lui pour une réponse, mais ce n'était pas à elle qu'il s'adressait. Non, dans un coin de la grande pièce se révéla une femme Zora d'un vert pâle aux reflets orangés. Celle-ci secouait la tête d'abandon, comme s'il lui donnait envie de soupirer bruyamment. Ce que Link comprenait, honnêtement. Elle n'avait pas côtoyé le prince très longtemps, pourtant elle pouvait déjà deviner les maux de crâne qu'il devait donner à son entourage.

Elle revint rapidement à la conversation originale.

- La bonne nouvelle est que je suis toujours en vie, clama Himari d'une voix assurée, de même que ma sœur Samada du Courage. La mauvaise est que nous n'avons toujours aucune idée de la raison de la guerre, ni de la puissance véritable de tous nos ennemis.

La mercenaire se ferma immédiatement. Si Laos et Hiraclos avaient semblé surpuissants à leur échelle, Kohana manquait toujours à l'appel. Le meurtrier de Demise devait être au moins un peu fort. Si les deux autres étaient des diables de puissance brute, alors leur chef avait intérêt à porter sur ses épaules des capacités supplémentaires.

Elle le tuerait.

(Qui se souviendrait encore de Kohana, des millénaires plus tard?)

La prophétesse tapa dans ses mains, son expression joyeuse contrastant avec sa déclaration précédente.

- Heureusement, c'est de vert que l'espoir se drape! Nos dames veillent encore sur nous, nous devons leur rendre honneur.

Son sourire disparut, sa prestance se grandit. Un instant, la vagabonde vit à sa place une incarnation solaire, une mélancolie palpable, une souveraine mémorable. Il y aurait un futur reluisant, chantait Farore à cette vue.

(Il était une fois une divinité réincarnée, une princesse solidifiée, une infante en quête d'avenir. Il était une fois une reine devenue impératrice, une pirate donnant naissance à un royaume, une souveraine déterminée à sauver les siens. Il était une fois deux sœurs prêtresses, une guerrière royale, une fille que tous avaient abandonnée devenue l'incarnation de leurs rêves lointains.

Il était une fois l'étincelle bleue surveillant chacune des porteuses futures, chuchotant des conseils à leurs oreilles, des prières aux plus païennes, des contes anciens aux plus incultes. Une âme veillait toujours, incarnant la magie de la déesse de bleu revêtue, gardant le rôle que lui avait confié sa dame quand elle était encore en vie.

Il était une fois une Sagesse qui n'oublierait jamais ses origines, celles d'une femme qui, la tête droite, avait fait face à sa fin.)

- Nous nous réunirons, mes sœurs et moi, pour ramener la Triforce en nos terres.


- Si je l'avais dit, on nous aurait chassées d'ici.

Hylia sourit piteusement à Link, lui communiquant silencieusement le fait qu'elle partageait son point de vue. Les mots d'une prophétesse avaient plus de poids que ceux de deux nomades Hyliennes, même si l'une s'avérait être une prêtresse du Soleil et l'autre une mercenaire connue de l'un de leurs domaines. C'était normal, reconnaissait-elle sans mal ni douleur, les Zoras avaient toujours prié Nayru, et reconnaissaient donc sa représentante terrestre dans un même temps.

Aucun sentiment amer n'envahissait la vagabonde à cette pensée, c'était un fait, rien de plus. En réalité, le fait que tous lui avaient fait confiance immédiatement était le plus étrange.

Peut-être qu'Amaris n'était pas normal.

(Peut-être qu'Amaris savait regarder plus loin.)

Hylia fredonna pensivement, la carte annotée dans les mains.

- Maintenant que la prophétesse de la Sagesse est libérée, nous devrons nous concentrer pour trouver celle de la Force. Avec notre chance actuelle, elle est également prisonnière.

Link fronça les sourcils.

- Avec notre chance actuelle, on va tomber sur lui.

Kohana.

Son sang bouillit.

(Un héros qui part en vengeance, il n'y en aura qu'un, elle. La colère imprègne sa quête, son histoire, sa fin.

Ce n'était pas encore le moment de prononcer les mots de la conclusion.)

En bas, dans un bassin assez profond, un poisson géant était nourri de divers types de poissons. Sakara l'avait nommé Jabu, quand Hylia s'était approchée d'elle pour lui demander comment un poisson pouvait avoir cette taille. Quelqu'un, dans le fond, avait commenté qu'il s'agissait du nom de son lieu de naissance, mais la princesse, qui tenait effectivement de son petit frère - bien que celui-ci avait sublimé ce trait de caractère - n'en avait eu que faire.

Donc le poisson s'appelait Jabu Jabu. Ou Jabu de Jabu. Cela dépendait de la personne à qui on le demandait.

(Un jour, une divinité se rappellerait de ses premières années de vie avec nostalgie. Ils sont loin, ces visages souriants et fascinés par la forme de vie qui s'était développée dans un petit marais, ces personnes à la curiosité maladive mais à la sagesse tenace. Il se rappelait de trois d'entre eux, deux garçons et une fille, et replongeait dans ses tourments.

La tragédie appartenait au passé, il le savait, mais qu'il était dur de tourner la page.)

Quelque part, dans la cité, se trouvait le dernier prince Zora, l'aîné de la fratrie. Aucune des deux ne l'avait encore aperçu, Hylia expliquait l'avoir raté de peu, il n'était en réalité revenu qu'une fois Link entrée dans le temple. Himari avait marmonné des incohérences à ce commentaire, la mercenaire commençait à craindre que l'apathie et les disparitions inexpliquées tenaient de la normalité dans cette famille royale. C'était, après tout, ainsi qu'elle avait rencontré Amaris.

Hylia avait refusé de la croire quand elle lui avait raconté comment elle l'avait trouvé. Logique, il faudrait être fou pour pêcher dans un repaire de Lizalfos.

Les Zoras préparaient, après quelques jours de récupération, une grande fête. Ils étaient aussi stricts qu'on pouvait l'être dans les ébats: clairs, précis, si éloignés de l'anarchie des fêtes Jujus que l'Hylienne prit un temps pour admirer leur efficacité. Dans son pays natal, il était de coutume - ou simplement parce que tout le monde s'y prenait au dernier moment - qu'on ne commence à tout mettre en place qu'à la dernière minute, en panique, charriés par les rires des invités qui n'avaient pas été invités mais qui avaient tout de même trouvé leur place dans le chaos ambiant. Ici, à l'image de ce que lui avait dit Hylia des Hyliens, les Zoras parvenaient à rester concis jusqu'à la fin, commençant le matin pour que tout soit à la bonne place le soir.

Inconcevable, pour elle. Mais décemment pratique.

Imy, qui était restée sur place pendant ces cinq derniers jours, secoua la tête face à son incompréhension fascinée.

- Les Jujus sont uniques en leur genre, commença-t-elle dans un rire. Mais bon, j'imagine que nos différences sont intéressantes à admirer.

La grande Zora s'installa à ses côtés, regardant avec elle l'empressement de ses concitoyens. Une lueur amusée brillait dans ses yeux, elle lâcha un gloussement.

- Maintenant que la prophétesse est libre, la situation va sans doute se calmer. Vous partez pour le Sud, après?

Hylia hocha la tête.

- Dame Himari m'a dit qu'elle nous emmènerait voir les Sirènes avant, pour améliorer le matériel de Link. Il semblerait qu'ils soient capables de créer des matériaux résistants à l'eau.

La mercenaire fronça le nez.

- J'espère bien.

Imy gloussa de plus belle, penchant la tête en arrière pour admirer le plafond de la merveilleuse capitale Zora. Les cicatrices commençaient à s'estomper grâce aux soins de la prophétesse, les choses paraissaient rentrer dans l'ordre.

- Les Sirènes sont un peu spéciales, mais si dame Himari vous accompagne, ils vous aideront volontiers.

Tout était calme.

Cela ne pouvait évidemment pas durer.


(Le monstre ouvre son œil, grand et avide, prêt à dévorer quiconque se terre devant lui. La folie l'emporte.)


Prochaine étape : les Sirènes ! Evidemment, tout ne va pas se passer comme prévu...

A la prochaine !