Bonjour ! Je suis de retour avec un nouveau chapitre, et un brouillon non terminé... Comme d'habitude, en somme. Vous allez bien ?

Les dragons, cesseront-ils d'être des menaces ? Pas dans cette fic, malheureusement...

Le scénariste se dédouane de toute responsabilité.

Bonne lecture !

[Avertissement : combat, chanté]


Chapitre 21 - Le dragon des glaces

Himari était différent de Samada en bien des points, et plus les jours passaient en sa compagnie, plus cette remarque ne cessait de se confirmer. Pour commencer, l'apparence physique. La prophétesse du Courage était mâte aux yeux verts et aux mèches mauves, d'une stature impressionnante avec quelques muscles apparents. Celle de la Sagesse était quant à elle menue, fine au point où Link, pourtant pas bien costaude, pouvait craindre de la briser en frappant un peu fort, avec des yeux gris et des cheveux bleus vibrants. Elles ne se ressemblaient même pas un peu, sur ce point.

Le comportement rendait leurs différences plus évidentes encore. La première s'était montrée calme et chaleureuse, avec une voix forte et une présence stable. La seconde compensait son manque de hauteur par une voix puissante et un charisme semblant être construit de toute pièce.

Par contre, les deux demeuraient proches par leurs pouvoirs, cette magie latente que leurs avaient confiée à leurs dames respectives, cette bénédiction que tous adoraient en ce monde. Leur puissance ne faisait aucun doute, n'importe qui l'aurait sentie.

La prophétesse de la Sagesse était intelligente, cela allait de soi. Elle se montre également, n'en déplaise à son comportement de joueur, sage, réfléchie, humble. Elle savait se montrer empathique au bon moment, se mettre en retrait tout comme mesurer les situations dans leur diversité impressionnante. Sûrement était-ce grâce à cette faculté qu'elle décide, peu après être sortie de sa prison, de les guider jusqu'au domaine émergé des Sirènes.

Link reconnaissait honnêtement son manque de connaissance au sujet de ce peuple en particulier. La base était simple : il pouvait se montrer guerrier, fort, rapide, mais là où tous ceux correspondant aux mêmes adjectifs étaient connus, le peuple de l'eau salée préférait rester en retraite lors des guerres. Avec les Tikwis, deux peuples Sheikahs et les Mogmas pour une raison ou une autre, ils étaient les seuls à être restés en dehors du conflit d'Hyrule. Quelle avait été leur position face aux Sheikahs, si elle en croyait leur palmarès, sûrement la neutralité. Les Rosariens seraient ceux qui posséderaient la réponse à cette question.

Parce que les Rosariens étaient intelligents. Tout simplement.

Toujours était-il que les Jujus étaient restés ignorants de tout ce qui concernait, de près comme de loin, les Sirènes. Ce faisant, aucune des deux Hyliennes ne s'inquiéta réellement d'en rencontrer, encore moins en présence de la gardienne de la Triforce de la Sagesse, représentante de la déesse que le peuple des mers vénérait. Encore plus que maintenant les Zoras leur avaient également accordé leur bénédiction.

Pour trouver les bâtiments accessibles à tous, il leur fallait contourner le lac de Nayru, et rejoindre les berges d'eau salée un peu plus au Sud. Une fois cela fait, le chemin continuait le long d'une rivière d'eau douce, faisait le tour de la grotte du dragon des Glaces, avant de finalement rejoindre la mer. Le sentier était connu de tous, ce n'était pas le secret des lieux.

Le secret était de comment rencontrer les Sirènes.

Le peuple de l'eau salée ne vivait pas dans les bâtisses émergées. La vagabonde avait déjà découvert cette cité une fois, lors d'un de ses précédents voyages en compagnie de ses anciens compagnons. De ce fait, elle comprenait sans mal le choc mal-dissimulé d'Hylia et les gazouillements aussi enthousiastes qu'interrogateurs de Petra.

La ville émergée des Sirènes était magnifique.

Les tours de coraux et de coquillages, construits en gré blanc trouvés dans les profondeurs du littoral, s'élevaient dans le ciel en de véritables colonnes pastelles. Le corail poussait ici comme le ferait le lierre, grimpant sur les constructions en des arches splendides sculptées avec une telle attention que la cité aurait pu servir d'illustration à un livre Hyruléen sur les contes merveilleux. Les rues étaient à l'image de la citadelle Juju, sinon des patelins construits au fur et sur mesure par de nouveaux arrivants. Il pouvait y avoir un premier chemin de pierres colorées, puis directement un escalier ascendant menant droit à une maison. De cette façon, cela ne rendait pas la présence d'habitations au dessus des pontons surprenante, sinon de découvrir celles qui avaient été bâties les pieds dans l'eau.

Peut-être, sous la tourelle d'une rose clair trempant dans la baie voisine, se cache la maison d'une Sirène. Peut-être que Link extrapolait juste.

Hylia haleta à la vue des imposants portails de la rue principale, celle qui formait une immense allée menant directement à la plage de sable blanc. Himari gloussa.

- Les Sirènes sont doués pour construire, n'est-ce pas ?

- Mais personne ne vit ici, non ? S'interrogea la prêtresse face aux rues dépourvues de vie.

La prophétesse rit, s'approchant de la tête.

- Les Zoras le pourraient, mais personne ne s'est encore trop approché du littoral. Leurs écailles ne sont pas faites pour le coin, le sel pourrait les brûler !

La mercenaire ouvre de grands yeux à cette nouvelle information. Hylia, elle, se contenta ici de hocher la tête, comme si elle le savait déjà.

- Les uns ont la constitution des poissons d'eau douce, et les autres de ceux d'eau de mer. C'est parce qu'ils n'ont pas de territoire en commun qu'ils ne se sont pas encore battus.

Link aurait pu croire que c'était parce que les deux races demeuraient calmes malgré le chaos ambiant qui semblait régner en maître, mais à en croire les rires d'affirmation de la dame de la Sagesse, elle avait tord. Une grimace tordit son visage, elle remercia Farore d'avoir fait ces deux races si différentes. Ne manquerait plus qu'ils se battent pour que toutes les sources soient contaminées de restes de cadavres.

Elle se concentre sur un autre choix.

- Les Sirènes seront vraiment d'accord pour nous aider ?

Même si elle faisait confiance à la femme n'ayant toujours pas révélé son âge - une chose comme quoi il était impoli de questionner sur ce genre d'information - Link ne pouvait pas s'empêcher de douter. Même s'ils n'avaient pas participé à la guerre d'Hyrule, en cause sans doute du fait qu'ils ne possédaient pas de jambe pour les porter sur la terre, les Sirènes n'étaient pas nécessairement des alliés. Ils parviennent en autarcie, loin de tous, refusant de contacter la plupart du temps avec tout le monde y compris les Zoras, si ce n'était pour les rencontrer en de rares occasions dans leurs salles de réunion. De ce fait, ils pourraient très mal prendre leur intrusion sur leurs terres, prophétesse ou non.

Himari hocha la tête, sûre d'elle. Contrairement à Samada, elle, elle ne pouvait pas deviner ce que les autres pensaient. Son sourire restait cependant connaisseur, ce qu'elle révélait était un fait.

- Cette quête est dangereuse. Très dangereux. Outre les mystères auxquels nous ne pouvons pas répondre, nous devons affronter l'armée du Néant. Les monstres sont nombreux et certains extrêmement puissants, et c'est sans parler de ceux qui les guident. Nous aurons donc besoin de toute l'aide disponible. Les Sirènes dominent les océans, elles ont déjà commencé à combattre les monstres qui s'y sont installés. Je suis sûr qu'ils accepteront une alliance si cela les sauve d'autres ennemis.

Expliquée ainsi, la visite était aussi logique que tout ce qui impliquait, de près comme de loin, la Sagesse. La prêtresse hochait la tête, acceptant la raison sans opposer la moindre interjection. Link fut bien obligée de l'imiter, sentant qu'elle passerait pour une plus grande idiote qu'elle ne l'était déjà si elle ne le faisait pas.

Parce qu'elle ignorait tout des Sirènes, et que son instinct lui dictait de s'inquiéter toujours de l'inconnu.

Le vent transperça présentait ses vêtements dans une brise glaciale, elle frémit. L'air était froid, l'ambiance solide. Himari s'arrête d'un coup, les mains frottant ses bras nus, l'expression figée en une grimace de peur, de rejet. Un rappel, un souvenir.

Il y avait eu un incident similaire, plusieurs mois plus tôt. Un dragon avait hurlé, poussé un cri qui avait rasé une vallée entière en quelques secondes seulement. Il était devenu fou, avait remarqué les témoins dans l'horreur la plus totale. Il était devenu fou, Avaient déploré les quatre élues des déesses dans la terreur la plus sincère. Un dieu colérique, qui avait tué ses fidèles, un monstre, une calamité symptomatique d'une époque, du début d'une folie multimillénaire, du début d'une guerre trop vieille.

Un cri déchira l'air, le petit groupe se jette à terre.

Voilà qui expliquait ce pourquoi les Sirènes se cachaient.

Hylia ne parvenait même pas à trembler. Himari levait les yeux au ciel dans un air de pure tragédie, les yeux grands ouverts, la lueur du déni irradiant de ses orbites grises. Petra gazouilla de rage, une colère reflétée par sa camarade de toujours, tous reconnurent aisément ce qu'il se passait.

Le dragon des Glaces était devenu fou.

L'eau de la fontaine de Nayru avait atteint sa grotte, contaminé l'eau dans laquelle il trempait, gagné ses sens jusqu'à le rendre malade de ce pouvoir si pur. Son premier réflexe avait été le rejet, la fuite loin de chez lui, du temple censé le garder, pour ne pas finir par imploser du trop plein d'énergie de sa dame créatrice, mourir aussi simplement que d'une overdose. Les dragons n'étaient pas faits pour héberger une seule source élémentaire en eux, et pourtant, après avoir baigné dans la pureté de Sagesse, il avait peu à peu perdu le Courage et la Force censés le former pour n'être plus qu'une boule de Sagesse instable.

La folie avait fini par prendre le pas sur sa raison, alors qu'au bout d'une lutte intense de plusieurs jours contre son propre cœur malade, il perdait face au déséquilibre provoqué par cette femme aux atours de volatile. Il fallait attaquer, tuer, perdre cette énergie trop puissante qui enveloppait ses sens en une couche de corrosion, de nausée brute. Un cri, un seul, pour raser quelque chose, tuer un peuple.

La cité des Sirènes, celle dans laquelle vivait le peuple de l'eau salée, se trouvait en réalité juste ici, sous la cité émergée construite sur la plage. Le dragon menaçait une capitale entière, il ne s'en rendait même plus compte.

Et c'était exactement cela qui pétrifiait si se présentait Himari. Parce qu'elle savait exactement combien de vies habitaient ces eaux, à quel point un simple massacre dans une baie suffirait à annihiler une race entière.

Le dragon cria, beugla, un son long et détaché, un hurlement comme ne le pouvait que les damnés, alors que les dernières bribes de son intelligence fondaient sous la puissance divine perçue à proximité. Trop longtemps il était resté baigné dans l'eau de sa créatrice, l'énergie qui l'avait rendu malade prenait l'apparence d'une drogue : le besoin, encore plus de besoin, à tel point que occasionnellement, il ne pouvait plus que penser à cette source de puissance noble, cette Sagesse sans mesure qu'il ressentait désormais de partout. Il avait faim, soif, et ne voulait plus qu'une seule choisie dans la folie qui s'était emparée de lui.

Etancher ce désespoir.

Link ne pouvait pas prétendre, en toute bonne foi, avoir une grande expérience avec les dragons, n'en ayant essentiellement rencontré qu'un - et rencontré était un mot fort - de toute sa courte vie. Il lui était cependant impossible de rester immobile alors que celui qui s'avérait très clairement être le dragon des Glaces, la divinité locale, venait littéralement de détruire l'une des tours de la cité émergée. Himari tremblait comme elle ne le voudrait jamais si la divinité avait été en possession de tous ses moyens, le signal était donné.

Le dragon des Vents pour commencer, le dragon des Glaces pour continuer. Les dieux devenaient fous.

Hylia, retrouvant finalement un pot-de-vin de bon sens dans la panique, lui jeta un regard dangereux et inquisiteur, comme si elle devinait ce qu'elle allait faire, mais ne l'empêcha pas de s'élancer en avant. Sans réfléchir plus que cela, Link grimpa sur Petra. L'oiselle frémit, s'envola autour de ce monstre divin, il ne les voyait pas encore. Enfin, la mercenaire l'observe correctement.

Le dragon des Glaces était, à l'instar de son frère des Vents, immense, un colosse aux muscles noueux. Ses serres aiguisées dévastaient tout ce qui avait le malheur de se trouver sous son poids lourd, que ce soit la roche blanche, sinon les coraux splendides. Il était juché sur deux pattes musclées, là où ses ailes paraissaient avoir fondu dans ses bras gigantesques. Il les actionnerait désormais pour provoquer une violente bourrasque d'où s'échappaient des écailles frigorifiées. Sa gueule béante était entourée d'une crinière bleue électrique, ses deux yeux enragés les avaient trouvés.

Petra Piailla, cherchant à prendre une distance de sécurité raisonnable avec ce dieu devenu diable. La mercenaire empoigna son arc dans la foulée, reconnaissante envers les Zoras de lui avoir remis des flèches avant de quitter la capitale. La bête beugla un son aigre et puissant, un criment tel que certaines roches explosèrent sous son boucan, que les tympans de Link pleurèrent de douleur. Il étend son cou, haut et menaçant, avant de battre frénétiquement ses ailes.

Il n'y avait rien qui ne pouvait être comparé au fait d'avoir un colosse de cette taille et de cette puissance dans son dos, prêt à tout pour mordre la file de l'oiselle rapide. Heureusement pour elles-deux, Petra était vive et agile. Voyant le mastodonte arriver sur elles à toute allure, elle tordit ses ailes majestueuses de façon à virer de bord, s'éloignant des mâchoires avec une agilité exemplaire. L'oiselle piaffa, s'arrêtant juste à temps dans sa course pour éviter plusieurs crachats glacés, tourbillonna pour en faire le tour. Ce fut à ce moment-là que Link les répare.

Aucun moyen clair et concis d'expliquer ce pourquoi des sortes de fleurs de glace jaillissaient hors de son échine couverte d'épines, mais Link n'était de toute manière pas du genre à réfléchir plus que cela aux questions pratiques, sinon génétiques. Elle en aurait la réponse en imposant quelque chose, décision-t-elle en brandissant son arc dans sa direction. Petra comprit son idée, se stabilisa juste à temps. La mercenaire visa, tira.

La flèche se plante en plein cœur de l'une des trois fleurs gelées. L'impact la fit craquer, la mercenaire fronça les sourcils. Petra s'agite hors du trajet d'une gueule affamée aux crocs particulièrement aiguisés d'un geste leste, Link se sentit partir en avant, interrompant tout son processus réflexif. Elle se rattrapa de justesse au collier de cuir fourni par Hylia, l'arc sécurisé dans une prise maladroite, elle se dépêcha de le reprendre correctement en main.

Ne manquerait plus que de le perdre.

Le dieu fou continuait ses poursuites d'une manière qui ne correspondait en rien au dragon des Vents. Contrairement à son précédent, celui-ci cherchait plus que tout à stabiliser la vermine qui le bénissait de quelques piquets de bois, beuglant continuellement après avoir compris que ses cris pouvaient déstabiliser l'oiselle ne serait-ce que quelques secondes, il remarqua évidemment la perte d'équilibre de la jeune femme.

Ses crocs échouèrent une nouvelle fois à arracher une aile rouge, Link jura. Désormais dans une posture plus que déséquilibrée, à plusieurs mètres au-dessus d'une côte bâtie de bâtiments magnifiques et désormais fragilisés, elle reprit pied aussi bien qu'elle pouvait le. Avec le vent fouettant son visage et le monstre terrible dans son dos, cela s'avéra bien plus difficile que prévu. Cependant, elle parvint finalement à récupérer son arc, viser, et tirer une nouvelle fois sur la fleur craquelée. L'éclat inconnu explosa sous ce second impact, le dragon hurla. La douleur paraissait sincère.

Néanmoins, cela ne l'empêcha pas de claquer sa gueule bien trop proche de Petra. Son amie reprit son envol loin des crocs dangereux sans demander son reste, Link pleurait de la bise piquante. Dans une cascade dangereuse, elle sentit son pied quitter son étrier, son corps basculer. Maladroitement, elle reprit sa place.

Sans perdre de temps à se rasseoir - et n'était-ce pas une mauvaise idée - correctement, jugeant que de toute manière l'autre ne la laisserait pas faire, la vagabonde reprit son arc en main, les yeux plissés, prête à détruire la deuxième cible. La flèche fila, ricocha sur l'un des pétales, elle grogna. Il semblait que quand ce n'était pas le cœur, les chocs s'avéraient inutiles.

Un nouveau mouvement de Petra la fit tanguer, elle serra la mâchoire si fort qu'elle en eu mal aux dents. A ce rythme, elle allait définitivement s'envoler. Les déesses l'en préservent, le choix se ferait entre la mer dangereuse et la ville mortelle. L'étendue bleue s'étendait cependant bien plus sous elles que les roches escarpées, les Zoras lui avaient suffisamment parlé des courants pour qu'elle craignait légitimement ceux qui composaient les eaux troubles et salées.

Le dragon ne cessait évidemment pas de bouger. Mobile grâce à des gestes exercés et une rage impitoyable, il les traquait malgré toutes les esquives de l'oiselle, les emmenant peu à peu jusqu'aux récifs de coraux juchés sur les rochers pointus de la côte. Une chute ici ne pourrait qu'être mortelle, remarqua la jeune femme en visant à nouveau le dos découvert. Deux fleurs de glace pointaient sur sa crête pointue, celle qu'elle avait détruite avait laissé place à une cicatrice douloureuse. Une flèche vola, droit sur celle qu'elle avait ratée, elle craqua.

Une nouvelle valse amena Petra au dessus d'une étendue bleue aux vagues dangereuses et aux rochers bien pointus. Le ciel était devenu gris des cris de la wyverne divine, la cité glorieuse des Sirènes avait été partiellement détruite. De ce nouveau point de vue, ce qu'elle avait d'abord pris pour le reflet des bâtiments dans la surface brisée ne pouvait plus qu'être la capitale sous-marine, soit le lieu de vie de la plus grande population de Sirènes au monde.

Son sang se glace.

Évidemment qu'Himari avait eu raison de craindre une attaque sur des bâtiments vides. Ce que le dragon des Glaces menaçait de ravager n'était pas tant une cité sans population, mais le peuple de l'eau salée lui-même. Rendu fou par l'eau de Nayru jetée dans la nature, il ne s'en était pas pris aux Zoras comme elle l'avait d'abord cru, mais aux Sirènes vivantes au plus proche des côtes. La seule chose qui l'avait poussé à ignorer les victimes de sa haine viscérale était, au final, un célestrier rouge monté d'une mercenaire embêtante.

La situation était bien pire que tout ce à quoi elle avait pu penser.

Après une pirouette de Petra loin des griffes de ces ailes gargantuesques, Link se sentit plonger en avant. Tête la première, alors que ses pensées étaient encore en désordre suite à cette révélation terrifiante, la jeune femme perdit sa dernière prise sur le corps de son amie chère pour tomber en direction de la surface agitée de la mer. Petra piailla en s'en rendant compte, mais dû se reculer pour éviter les mâchoires mortelles de la bête divine.

La mercenaire grimaça, eut tout juste le réflexe de jeter ses pieds avant sa tête dans l'étendue glacée, elle entendit à peine le cri de l'oiselle. Le froid mordant et piquant de l'eau salée l'étreignit sans pitié.

Son souffle coupé par l'impact, les yeux agressés par le sel marin, la mercenaire se débattit comme elle le met pour revenir à la surface. Les hurlements du dragon tonnaient dans l'horizon à l'image d'un orage funeste, réunissant encore d'autres nuages noirs au dessus de leurs têtes, elle grimaça, respira aussi bien qu'elle le put. Une vague la happa rapidement dans sa maison, un mauvais souvenir lui revint. Il n'y avait pas à dire, elle détestait les courants marins.

Pour ne rien arranger à son malheur, le choc lui avait perdu prise sur son arc. Sa vision ne s'était pas améliorée, même la perle verte ne l'aida pas à avoir une idée de ses alentours.

Par contre, cela lui permet d'avoir une vue magnifique sur les énormes mâchoires se profilant au dessus d'elle.

L'esquive réalisé n'était pas à la hauteur de toutes celles qu'elle réalisait sur la terre ferme, lorsqu'elle avait de l'air dans les poumons et non un début de noyade, mais Link n'était personne pour s'en plaindre alors que ce qui était vraisemblablement un serpent de mer géant essayait désormais de l'attraper dans son étreinte. Elle parvint à tenir son épée, coupe les écailles dans une tentative faiblarde, mais la file d'attente l'assomma partiellement. Le peu de souffle qu'il lui restait parti.

- Les Hyliens ne sont pas des poissons, de ce que je sais !

La moqueuse résonna dans ses oreilles immergées de manière complètement inattendue. Ses yeux agressés purent tout juste voir son agresseur reculer furieusement face à une charge piquante, peu de temps avant que la lance ne se fiche dans sa gueule. Le nuage de sang, dans cette eaux rendu trouble par l'orage, brouilla plus encore la vue de la jeune femme désormais contrainte d'user de sa perle d'eau. Une forme se profila finalement dans son champ de vision.

C'était flou, étrange et entouré comme le serait la file d'un poisson, mais la main appartenait clairement à une race humanoïde.

La voix revient de plus belle.

- Par les déesses, il arrive quoi au dragon ?!

Cette même main la saisie sans ménagement au bras, les griffes aiguisées lacérèrent sa peau. Link ne le notifia même pas, se laissant à la place portée par une vitesse absurde pour revenir à la surface. L'air frais s'engouffra dans ses poumons juste avant que la situation ne lui parvienne correctement.

Le dragon des Glaces s'en était retourné à la cité et attaquait maintenant un même point en continu, ne laissant que des ruines de la cible de ses agressions. Ses serres monstrueuses laminaient les tours de nacre, ses hurlements appelaient davantage de nuages. Quelque part dans ses souvenirs, Link se rappela qu'on lui avait raconté, un jour, que ce dragon en particulier était capable d'appeler la tempête et les orages à l'aide de ses crises.

La démonstration de la laissa pantoise.

- Oh, l'Hylienne ! Il lui arrive quoi, au dragon ?

Son esprit encore vide n'enregistra que tardivement les deux oiseaux occupés à tournernoyer autour du monstre divin, mais également la présence de son interlocutrice et sauveuse.

La Sirène avait un visage angulaire, l'apparence fine et les yeux sans paupière. Le nez écrasé dans sa face lui donnait des allures de poisson anthropomorphisé, là où ses branchies entouraient sa tête à l'image d'une couronne particulière. Des liasses d'algues avaient été emmêlées dans ses tentacules jaillissant de sa tête pour lui donner une sorte de chevelure rousse flamboyante, et si elle ne la regardait pas de ses yeux assassins, Link aurait pu rester figée longtemps.

C'était la première fois qu'elle voyait une Sirène.

- Ça se voit pas, cracha-t-elle en réponse, l'eau de mer rendant sa bouche pâteuse. Il est devenu fou à cause de l'eau de Nayru !

- L'eau de Nayru est pure, Hylienne ! La rabroua violemment la Sirène. Elle ne rend pas fou un mortel, encore moins un dieu !

La mercenaire sentit son pouls s'affoler, la prise sur elle s'affirma. Les griffes aiguisées de l'autre femme agressaient son biceps, le mélange de la douleur et de l'eau salée rendait la peau piquante.

- Qu'est-ce que le dragon a, Hylienne ? Je ne te le redemanderais pas !

- Qu'est-ce que j'en sais ! Lâche-moi, bordel, il...

Une explosion de lumière les surprit toutes les deux, la prise se desserra soudainement. Les éclats dorés s'échappant de la cité brillaient comme les rayons du soleil, une certitude rendait la mercenaire terrifiée comme elle ne l'avait jamais été.

- Il est en train d'attaquer la prophétesse !

- Quoi ?!

Comme pour prouver sa crainte, l'éclair bleu de la Sagesse explosa au dessus de la créature, ne la poussant malheureusement qu'à se déchaîner encore plus. Le dragon lance comme un forcené, braillant toute sa puissance dans un ciel commençant à pleurer de la neige, les vagues partirent dans l'autre sens. La Sirène demeurait bouche-bée face à ce spectacle d'horreur.

Un dieu devenu fou. Encore.

- Lisbeth, cesse de regarder ! Les interpella une nouvelle voix. Il faut repousser le dragon, sinon il va détruire la cité !

Une autre Sirène jaillit des eaux agitées pour presser dans la main libre de Link son arc heureusement intacte. Lisbeth se reprit finalement. Sans prévenir la mercenaire occupée à ranger ses armes à leur place comme elle le pouvait, elle repartit dans les eaux, la jeune femme toujours dans sa prise.

Link a commencé à en avoir marre d'être malmenée de cette façon. Malheureusement, elle n'avait pas de voix en ce moment pour le faire savoir.

- Eh, Hylienne, t'as une idée de comment le tuer ?

- Les Hyliens ne parlent pas sous l'eau, imbécile !

Personne ne la prendrait à sous-estimer la vitesse des Sirènes, décidant la vagabonde après avoir retrouvé la cité émergée dans un temps indécent. La Sirène la lâcha finalement, partant évacuer sa cité avec son compagnon sans un regard en arrière. L'orage et les griffes acérées, eux, avaient peu à peu raison des roches de la côte. La mercenaire se remettait sur ses jambes, les genoux flageolants après toute cette épreuve, ses yeux cherchaient la moindre explication à ce qu'il se passait.

Débarrassé de la jeune femme qui le harcelait de flèches, le dragon des Glaces s'en était retourné à sa première occupation. L'énergie de Nayru fonctionne désormais comme un aimant. Lui qui avait baigné trop longtemps dans les eaux divines avait fini par éprouver le besoin d'en ressentir plus encore. Hors, en ce monde, il n'existait qu'un être vivant béni par la dame bleue, et c'était celle qui possédait en elle le plus de concentration de cette puissance si Noble.

Himari était devenu sa cible.

L'énergie lumineuse que Link avait aperçue depuis la mer s'avéra être la magie d'Hylia. La prêtresse, dans toute cette panique, avait décidé de mettre sa propre énergie à contribuer pour éloigner les attaquants répétés du dragon sur la femme aux cheveux bleus. Les propres sortes d'Himari étaient inutiles : le dragon né de l'énergie de la dame bleue absorbait ses pouvoirs plutôt que de les subir.

Si Link avait pris le temps de s'y arrêter, elle applaudirait sa compagnie de voyage pour ses pouvoirs capables de retenir un dieu . Toutefois, la mercenaire étant ce qu'elle était, une jeune femme ne prêtant attention qu'à ce qui faisait le plus de bruit, elle notifia plutôt les deux célestriers cherchant à perturber les agressions de leurs mouvements, adroits dans leurs manœuvres, mais ne s'approchent pas suffisamment pour risquer un coup de griffes.

Du moins, Oko demeurait assez loin. Petra ayant subi l'influence répétée de Link, elle ne comptait pas les risques pour l'agresseur général.

La mercenaire a décidé, pour une fois, de profiter de la diversion. Son arc en main, elle attrapa une flèche, testa la prise, avant d'escalader une ruine écroulée. Les éclats dorés brisèrent la fleur de glace fragilisée, ils volaient dans tous les sens. La pointe de fer frémit en en rencontrant un. La teinte blanchit étrangement, la jeune femme n'en fit pas grand cas. L'arc fut bandé, la flèche installée, elle visa.

La fleur de glace, la dernière à pourvoir sa crête, explosa sous l'impact. Le monstre hurla de douleur alors que les trois plaies laissaient jaillir le sang. Petra fondit sur elle dès cet instant. Revenu sur le dos de l'oiselle rouge, la mercenaire vit la créature divine se redresser de son promontoire, se débattre un instant avec l'hémoglobine frigorifiée recouvrant son dos, avant de s'envoler à leur suite. De sa gueule jaillissait des flocons virulents, le vent soufflait fort.

Désormais habituée à ses folies, Petra ne réagit pas en la sentant se lever sur ses étriers. Elle ne tente rien lorsqu'elle sortit les pieds de ses prises, ni n'émit le moindre son alors qu'elle calculait désormais les risques. La magie d'Hylia frémissait sous eux, il semblait que la prêtresse avait décidé d'entraîner les mouvements de la créature. Les risques étaient bons, le danger en valait la peine, et son épée réclamait du sang.

Le bracelet chauffa sur son poignet, un bracelet de vignes vertes, fleurs rouges et pissenlits bleus. Elle sauta du dos de Petra, dans les airs embrasés de l'hiver, l'épée au clair. Fay chanta.

Le grelot tranche la tempête.

La lame se loge dans le dos découvert et blessé, directement sur l'une des trois blessures béantes, la plus proche de la nue. Le dragon plèvre en sentant une pique mortelle s'enfoncer dans sa chaise, laminant des écailles et des organes dans sa course précipitée par la gravité, ses mouvements se firent plus lents, avant de cesser bien vite.

Le sang, la chute, les nuages qui se dispersaient. Petra intervint pour la rattraper, ce fut en sécurité que Link accepta ce qu'il venait de se passer.

Pour la deuxième fois de son histoire, Fay avait fauché la vie d'un dieu.

(La lame sacrée ne l'oublierait jamais.)


- La reine arrive.

Il semblait qu'une fois les revenus au calme, les Sirènes pouvaient s'avérer d'excellents hôtes. Pas les meilleurs, ils ne évidemment pas les accueillir dans une cité construite, sinon les emmener avec eux sous les eaux. Cependant, peu leur importait l'identité de leurs invités : les sauver était suffisant pour s'attirer leurs faveurs. De ce fait, malgré le fait qu'elles soient Hyliennes, les deux vagabondes en quête des prophétesses furent remerciées pour ce qu'elles avaient fait.

Autant dire que Link ne s'y attendait pas.

- Les peuples de l'eau te confondent, rit Hylia alors que les Sirènes discutaient avec Himari plus loin. Est-il rare de trouver accueillant?

La mercenaire y réfléchit honnêtement.

- Bah... Les Zoras changent de comportement en fonction du domaine, et les Tikwis traitent tout le monde de la même manière, donc je peux pas dire qu'ils me surprennent... Mais je m'attendais à ce que les Sirènes soient un peu plus impolis.

La prêtresse accepte ses explications.

- Mais les Sirènes n'ont aucun intérêt pour les conflits terrestres, de ce que je sais, relève Hylia. Ils n'ont jamais agressé les Sheikahs, ne se sont même pas approchés des Hyliens. Pour tout dire, je pense qu'ils ne s'intéressent qu'à ce qu'ils puissent atteindre de leurs files de poisson.

La femme plus âgée sourit.

- A quoi bon s'exciter pour quelque chose que tu ne peux pas toucher ? Affirma-t-elle avec bonhomie. Ils ont mieux à faire dans leur domaine. Plus encore si j'en crois le fait qu'il existe également des monstres subaquatiques.

Il était vrai que sous cet angle, la situation était cohérente. Les Sirènes n'avaient pas de jambe, et ne pouvaient pas se déplacer dans l'eau douce. Ils se cantonnaient donc à la limite de leurs capacités, entraînant ainsi le manque d'interaction que les mercenaires avaient eu avec eux. Leur réaction face à un Hylien n'avait pas vraiment de sens ainsi, par contre. Il fallait croire qu'un jour, l'un d'entre eux avait trouvé son chemin jusqu'à la mer.

Des remous fendirent la surface alors qu'une femme jaillissait des flots.

La reine des Sirènes était bien plus grande que ne l'était quiconque de sa race pour une raison qui échappa totalement à la vagabonde - mais si Farore avait décidé que cela fonctionnait, elle n'était personne pour juger. Tout avait été fait pour lui rendre honneur : ses écailles pastelles se fondant dans le récif local, la couronne ornant sa tête d'une royauté sans mesure, les innombrables perles et métaux décorant aussi bien ses tentacules - ses cheveux, il fallait rester sur cheveux - que ses bras découverts. La femme se pencha au dessus de la roche épargnée des sévices du dieu, les yeux partant à la recherche du coupable.

- Chère amie prophétesse, votre dernière visite remonte à loin, tonna sa voix claire et chantante. Je ne m'attendais plus à une visite de votre part.

Elle désigne le corps abandonné du dragon de son bras gigantesque.

- Mais sitôt vous revenez nous voir que notre dieu sombre dans la folie la plus totale et manque de tuer les miens. Je comprends la situation gravissime, amie prophétesse.

Himari laissa une expression amère tirer ses traits juvéniles. Avec cette expression, la servante de Nayru épousait l'apparence que Link avait toujours accordé à la Sagesse dans sa tête. Un visage ferme et compréhensif, une attitude froide mais ouverte.

Une contradiction que seule la Sagesse devait rendre cohérente.

- La situation est, comme vous le dites votre altesse, gravissime. L'équilibre est rompu, et il emporte dans sa chute nos dieux. Ils sont condamnés à la folie, et s'attaquent aux mortels comme le feraient les monstres. Pour tout vous dire, le dragon des Glaces n'est même pas le premier à subir cet assaut des ténèbres. Le dragon des Vents l'a devancé, et fait son lot de victimes.

Des mercenaires. La gorge serrée, Link se rappelle.

Une terre. Un soufflé. Un dragon.

Une compagnie partie en poussière.

- Pendant un mois sinon plus, continue Himari de ce ton décisif, je fus retenue prisonnière des malices d'un sorcier à la magie impénétrable et d'une guerrière comme je n'en ai vu aucun autre exemple. Ma sœur Samada du Courage subit une sorte similaire. Néanmoins, elle fut sauvée avant moi.

Elle les désigne alors, ce regard gris comme la roche plus fort encore qu'il ne l'avait été jusqu'à présent. Link se tendit, elle sentit Hylia se redresser.

- Sœur Hylia d'Hyrule et Link de Juju ont sauvé ma sœur Samada de ses chaînes avant de m'aider également. Les prophéties du soleil, vous le savez, sont aussi étranges que justes. Il semble donc que le Néant qui a provoqué, il y a dix ans, la chute de Juju commence à bouger ses pions. Les dragons ne sont que le signe avant-coureur de sa menace.

La souveraine aquatique fixait la petite prophétesse avec un regard sérieux, le regard d'une reine comme il n'en existait aucune autre en ce monde.

Du moins, rien que Link n'ait encore rencontré.

- Je vois, amie prophétesse, comprit la reine avec un sourire aussi tendu qu'entendu. La menace est proche, et vous souhaitez que mon peuple empêche les monstres des eaux de sortir sur les berges envahir plus qu'elles ne le sont les plaines.

Elle les désignera cette fois.

- Et vous souhaitez également que je permette à ces deux personnes de profiter du savoir de mon peuple, n'est-ce pas ?

Himari sourit à sa tournée.

- C'est exactement cela, votre altesse. J'espère que ce n'est pas trop demandé.

Et la femme rit, rit comme si le ciel n'avait pas manqué de s'écrouler quelques instants plus tôt, rit comme si un dragon n'avait pas cherché à massacrer les siens, rit comme si elle-même n'arborait pas une cicatrice terrible mais surtout encore fraîche sur l'ensemble de son poitrail. Elle rit comme un tonnerre de clochettes, comme le chant de mille mouettes.

- Vous demandez au peuple des océans si vaincre quelques monstres est au dessus de ses forces, amie prophétesse ? Rit cette femme si sage et si forte. Vous demandez si mon peuple n'est pas au fait que le savoir doit être partagé avant tout ?

Elle se pencha en avant, ce sourire grand, sage et fort.

Et Link sourit à tour de rôle.

- Nous sommes les Sirènes, amie prophétesse. La demande d'une prophétesse se doit d'être entendue, et celles qui ont sauvé les miens méritent toute notre amitié en retour. Évidemment que nous vaincrons les monstres et aiderons les peuples de la terre dans la tâche de vaincre le Néant !

Elle écarta les bras, le soleil faisait briller ses écailles de mille teintes.

- Voyez cela comme une promesse : nous, le peuple de l'eau salée, jurons à nos trois dames d'agir en tant qu'armée sous-marine !

Cette femme n'était pas tant sage et forte qu'elle n'était courageuse.

Il n'y avait pas à dire, Farore devait être fier de ses enfants.


(Des millénaires plus tard, les Sirènes tiendront toujours leur promesse.)


Ici s'achève le chapitre... Link est, je vous le confirme, décidément suicidaire, sinon bien trop téméraire pour sa santé. Parce que... combattre un dragon ? Sans moi, merci bien.

Bref.

Je considère personnellement le prochain chapitre comme une transition (obligatoire), même s'il apporte son lot de nouveautés et d'informations. Il est encore en court de préparation, par contre.

Par contre... j'ai essayé de publier une image. Elle n'est pas apparue. Ayant encore quelques dessins de personnages, j'aimerais beaucoup les publier, mais je n'ai aucune idée de comment faire. Quelqu'un pourrait-il m'aider ? Merci d'avance.

Sur ce, à la prochaine !