Bonjour !
Je dédie ce texte à Solène, j'espère que ça te plaira !
Il s'agit d'un UA saison 8 où Daenerys est montée sur le Trône de Fer et où Cersei a survécu.
Le titre vient de la chanson Le vent nous portera de Noir Désir.
Bonne lecture !
Ce parfum de nos années mortes
Chapitre 1
oOo
Il y avait certaines choses que Daenerys Targaryen redoutait – les nuits d'orage, les vents de l'hiver, l'odeur fantôme des citrons.
Elle les avait reléguées dans un coin obscur de sa mémoire, jusqu'à parfois même oublier leur existence.
Jamais elle n'aurait pensé que s'asseoir à la table de son propre conseil restreint en ferait un jour partie.
« Tout va bien, Votre Majesté ? »
La voix de Sam la tira de sa rêverie. Daenerys s'aperçut alors qu'elle avait les doigts crispés sur sa chaise depuis plusieurs minutes.
« Tout va bien. »
Tyrion ne semblait même pas avoir remarqué sa présence : il jouait avec une de ses bagues d'un air absent.
Sansa, elle, la toisait sans chaleur.
Un feu de glace brûlait dans ses yeux.
Les lèvres de Daenerys se fendirent d'un sourire forcé. Elle ne trembla pas en s'asseyant.
« Commençons. »
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« C'était une réunion fructueuse. Nous… nous formons une bonne équipe. »
Daenerys et Tyrion marchaient côte à côte dans les couloirs du Donjon Rouge. Celui-ci acquiesça pensivement.
« Oui, c'est vrai. Sauf grosse erreur de notre part, cet accord avec Pentos devrait être conclu très prochainement. »
Le sourire de Daenerys s'effaça quelque peu. Ce n'était pas dans cette direction qu'elle avait espéré voir la conversation se diriger.
Toutefois, une conversation était une conversation. C'était toujours mieux que le silence oppressant qui l'étouffait chaque nuit.
« Avec l'appui des magistrats de Pentos, nous pourrions conclure des accords similaires avec les autres cités libres. »
Il acquiesça sans rien ajouter. Leurs pas les conduisirent vers une zone détruite du château – des ouvriers s'affairaient à la reconstruire. Tyrion fit la grimace.
« Les travaux prennent plus de temps que prévu. »
Elle aurait pu faire la sourde oreille face à la désapprobation dans sa voix. Elle l'avait déjà fait au cours des semaines passées.
Cette fois, elle n'en eut pas envie.
« Dites ce que vous avez à dire. »
Daenerys avait appris à connaître Tyrion depuis le jour où Jorah l'avait jeté à ses pieds, quelques années ou une éternité plus tôt. Il était du genre à préférer les sous-entendus aux discussions à cœur ouvert. Cette fois encore, elle avait une idée très précise de ce qui le dérangeait.
« Tout ceci ne va pas aider à remplir les caisses du royaume. »
« Eh bien ? »
Tyrion soupira, agacé.
« Vous n'auriez pas dû vous amuser à lâcher votre dragon sur le Donjon. »
« Je n'ai infligé que des dégâts mineurs. C'était une démonstration de force nécessaire. »
« Une démonstration de force qui va nous coûter cher. »
Daenerys pinça les lèvres. Elle sentit ses ongles s'enfoncer dans les paumes de ses mains.
« Vous et moi savons très bien que vous vous moquez éperdument de l'état du trésor royal. Ce n'est pas pour cette raison que la destruction d'un tas de pierres vous déplaît. »
Tyrion soutint son regard sans broncher.
Elle ne savait pas que la couleur de la douleur était le vert.
« Comment est mort Jaime ? »
Daenerys ferma les yeux un moment, résignée.
« Je vous ai déjà tout raconté. »
« Racontez-moi encore. »
Les mains croisées derrière le dos, comme une fillette récitant sa leçon à sa septa, elle se répéta pour ce qui lui semblait être la millième fois.
« Après avoir infligé quelques dégâts au Donjon, j'ai ordonné aux Immaculés de fouiller le château à la recherche de Cersei. J'ai moi-même participé aux recherches. Je suis descendue dans les souterrains, et c'est là que je les ai trouvés – votre frère et votre sœur. Des rochers leur sont tombés dessus alors qu'ils tentaient de fuir. Cersei a survécu, mais Jaime a été sévèrement touché. Il a été tué sur le coup. Il était déjà mort à mon arrivée. »
Tyrion ne manifesta aucune réaction. Après un interminable silence de quelques secondes, il se détourna et s'éloigna sans rien ajouter.
« Où allez-vous ? »
« Voir Cersei. »
Si c'était possible, sa contrariété s'épanouit davantage, comme une mauvaise herbe au soleil.
« C'est toujours ma prisonnière. »
Daenerys n'avait pas exécuté Cersei. À la place, elle l'avait jetée dans une cellule obscure avec la ferme intention de l'y laisser moisir.
Tyrion l'avait suppliée des semaines entières de lui offrir des conditions de captivité décentes. Il s'était mis à genoux, les mains jointes, comme s'il implorait la pitié d'une divinité.
Alors elle avait cédé.
« Et c'est toujours ma sœur. »
Elle ne put que le regarder disparaître au détour d'un couloir, son ressentiment en travers de la gorge.
Elle avait peine à croeire que dans quelques semaines à peine, ils allaient se marier.
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Après avoir fait un détour par la bibliothèque, Tyrion arriva devant la porte des appartements de Cersei. Dans sa grande mansuétude, Daenerys l'avait laissée regagner son ancienne chambre – avant de fermer la porte à double tour, bien sûr.
La main de Tyrion tremblait lorsqu'il frappa. Partout où il allait, il sentait les yeux accusateurs de la reine dans son dos.
« Entrez. »
Assise dans un fauteuil à bascule, les mains croisées sur son ventre, Cersei regardait par la fenêtre d'un air absent. Les quelques semaines passées dans le noir avaient fait des ravages sur son teint.
De pâle, il était devenu blanchâtre.
De gros cernes noirs fleurissaient sous ses yeux.
Tyrion s'approcha d'elle d'un pas craintif.
« Bonjour. »
Elle lui adressa un petit signe de tête méfiant. Elle n'avait aucune confiance en lui, c'était évident, et comment pouvait-il l'en blâmer ? Par tous les dieux, il était le fiancé de la femme qui lui avait tout pris – surtout ce qui comptait le plus.
« Tu as tout ce qu'il te faut ? » demanda Tyrion.
Pour s'occuper les mains et l'esprit, il entreprit de faire le tour de la chambre sans attendre de réponse. Une inspection des draps du lit lui apprit qu'ils avaient besoin d'être changés. De la poussière recouvrait la plupart des meubles. Quant au bureau, qui était jadis recouvert de coupes remplies de fruits et de biscuits, de coffrets à bijoux et de babioles en tout genre, il était désormais tristement vide.
« À ton avis ? » railla t-elle.
Il fronça les sourcils, l'air désapprobateur.
« Je vais demander à des domestiques d'arranger cette pièce. »
Cersei s'esclaffa. Plus que du mépris, il identifia de la pitié dans son rire sans joie.
« Les domestiques ont pour ordre de m'apporter à manger trois fois par jour. Ni plus, ni moins. »
Il voulut lui promettre qu'il allait y remédier. Que dès le lendemain, sa chambre serait redevenue telle qu'elle était à l'époque où c'était sur sa tête que la couronne trônait.
Il n'eut pas envie de lui mentir.
Ravalant sa mauvaise humeur, il lui tendit le livre qu'il avait pris le temps de choisir dans la bibliothèque.
« Pour toi. J'ai… j'ai pensé que tu devais sûrement t'ennuyer. »
Elle lui épargna un camouflet en ne le prenant pas, mais n'y jeta pas un seul coup d'œil.
« Pourquoi es-tu là, Tyrion ? »
Pris au dépourvu, il ne put lui offrir aucune réponse.
« Qu'est-ce que tu veux dire ? »
« Exactement ce que j'ai dit. La guerre est terminée – une guerre dans laquelle nous étions dans deux camps différents. Ta reine a gagné et, pour faire bonne mesure, t'a demandé en mariage. Une proposition que tu as acceptée. Tu vas devenir l'homme le plus puissant des Sept Couronnes. Toi plus que quiconque devrait savoir qu'au cours de l'histoire, les vainqueurs n'ont jamais festoyé avec les vaincus. Alors, je te repose la question… pourquoi es-tu là ? »
Par pur automatisme, il ouvrit la bouche, mais cette fois, aucune tournure de phrase habile ne vint le tirer de l'impasse dans laquelle il n'avait même pas conscience de se trouver.
Avec une simple question, Cersei l'avait désarmé, lui, le chevalier des mots.
« J'espère que le livre te plaira, » balbutia t-il avant de se détourner.
Lorsqu'il quitta la pièce, son cœur battait toujours aussi fort.
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Sansa, assise sous un citronnier, profitait des rayons du soleil, les yeux mi-clos. Chaque jour qui passait prouvait que les mestres s'étaient trompés.
Loin d'être exceptionnellement long, cet hiver s'annonçait comme un des plus courts de l'histoire. C'était comme si la défaite de l'armée des morts avait entraîné celle du froid et de la glace.
Sansa ne parvenait pas à s'en réjouir.
Le froid, c'était les yeux de sa mère, le sourire de son père, les rires de ses frères et de sa sœur dans la cour de Winterfell. Son enfance.
Le bonheur.
« Lady Sansa ? »
La voix de Daenerys la tira de ses pensées. Sans lui demander la permission, la reine s'installa à côté d'elle sur le banc. Un petit sourire étira ses lèvres alors qu'elle se perdait dans la contemplation du citronnier.
« Quand j'étais enfant, j'ai vécu quelque temps dans une maison avec une porte rouge, à Braavos. Par la fenêtre de ma chambre, je pouvais voir un beau citronnier. »
Sansa resta de marbre et choisit de ne pas relever.
« J'ai pu remarquer ce matin que vous sembliez… mécontente. »
Daenerys reporta son attention sur elle. Son regard était scrutateur.
« Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, Votre Majesté, » répondit poliment Sansa.
La reine ne fut pas dupe de son ton jovial, tout comme elle ne crut pas un instant à ce qu'elle lui dit ensuite.
« Je veux que vous vous sentiez comme chez vous, ici. Vous êtes ici pour que les liens unissant la couronne au Nord soient plus solides que jamais. »
C'était en effet ce qu'elle avait mentionné dans sa lettre, quelques semaines plus tôt. Juste avant de préciser qu'elle avait attribué à Sansa une place dans son conseil restreint et qu'elle l'attendait à Port-Réal le plus tôt possible.
Elles pouvaient être deux à jouer au jeu de l'hypocrisie.
« Je vous assure que j'en ai parfaitement conscience, Majesté. Je suis véritablement honorée d'être ici. »
Sans lui laisser le temps d'ajouter quelque chose, elle reprit :
« Vous n'êtes pas avec votre fiancé ? »
Le masque d'affabilité de Daenerys se fissura quelque peu.
« Il est allé rendre visite à Cersei. »
La désapprobation dans sa voix était un feu de joie dans le cœur de Sansa.
« Cela vous dérange. »
La conversation s'orientait dans une direction qui ne convenait pas à Daenerys. Ce fut donc sans surprise que Sansa l'observa se lever, plus raide que jamais.
« Je vous verrai au dîner. »
Elle eut l'impression d'avoir gagné alors que la reine s'éloignait d'elle – juste un peu.
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Sansa retrouva Tyrion par hasard dans la salle du trône. Assis sur les marches, le menton appuyé sur sa main, il était perdu dans ses pensées. Elle se laissa tomber à côté de lui.
« Vous avez contrarié Daenerys, » lui fit-elle remarquer l'air de rien.
Il grimaça.
« Vous aussi, vous désapprouvez ? »
« Pas le moins du monde, » répondit-elle d'un ton léger.
Tyrion se redressa aussitôt, sincèrement surpris.
« Ne prenez pas cet air étonné. Depuis qu'elle m'a emprisonnée ici, tout ce qui peut contrarier Daenerys me réjouit. »
Le fait qu'il ne cherche même pas à la démentir avait quelque chose de très déprimant. La reine ne lui avait pas demandé de venir à Port-Réal parce qu'elle se souciait de préserver des liens d'amitié avec le Nord.
Elle l'avait convoquée pour la garder à l'œil. C'était aussi simple que ça.
« Mais au-delà de ça… je ne trouve pas… correcte la manière dont votre sœur a été traitée. »
Nouveau haussement de sourcils surpris.
« Je n'aurais jamais cru vous entendre prendre la défense de Cersei un jour. »
« Elle a beaucoup de torts – seul un idiot chercherait à le nier. Toutefois… je n'apprécie guère la cruauté. »
Tyrion acquiesça et la dévisagea d'un air songeur pendant de longues secondes.
« Sansa ? Vous accepteriez de m'accorder une faveur ? »
« Cela dépend, » répondit-elle, amusée. « Est-ce que cette faveur contribuera à contrarier davantage Daenerys ? »
Pour la première fois de la journée, le visage endeuillé de Tyrion se fendit d'un sourire.
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« Tu dis que tu souhaites devenir ma… dame de compagnie. »
Cersei dévisageait Sansa d'un air interdit. Son esprit s'affolait déjà – s'agissait-il d'un petit jeu conçu par Daenerys qui s'achèverait par son retour dans sa cellule ?
« C'est exact. »
Sansa avait l'air parfaitement sereine. C'était la première fois qu'elles se voyaient depuis sa fuite de Port-Réal, des années plus tôt, mais elle agissait comme si pas un seul jour ne s'était écoulé entretemps.
« Je ne comprends pas, » admit Cersei, trop lasse pour véritablement réfléchir.
Le trou béant dans son cœur était un vrai supplice. Pas plus tard que dix minutes plus tôt, elle envisageait sérieusement de se jeter par la fenêtre de sa chambre.
Même le lionceau qui grandissait dans son ventre ne pouvait soulager l'ampleur de son désespoir.
« Daenerys ne veut pas mettre des domestiques à votre service ? Très bien. Je serai votre dame de compagnie. Je vous aiderai à vous habiller. Je changerai vos draps. Je veillerai à ce que vous ayez suffisamment à manger, et que vos repas soient à votre goût. »
Sansa avait changé. Cersei n'avait jamais entendu autant d'assurance dans sa voix. Si elle n'était pas aussi triste, elle en aurait peut-être été impressionnée.
« Pourquoi ? » fut tout ce qu'elle trouva à répondre. « Cela ne va pas plaire Daenerys, tu le sais forcément. »
Un sourire sans joie déforma ses lèvres.
« Précisément. »
Cersei plissa les yeux. Elle commençait à cerner les enjeux de cette situation.
« Tu ne l'aimes pas. »
Sansa renifla avec mépris.
« Elle m'a forcée à venir ici pour me surveiller. Elle ne me fait pas confiance, alors elle a fait de moi une louve en cage. Bien sûr que je ne l'aime pas. »
Un soupçon d'amusement fleurit dans le cœur de Cersei.
« Cela nous fait donc un point en commun, petite colombe. »
Cette perspective ne semblait pas déplaire à Sansa.
« Vous souhaitez manger quelque chose en particulier ? » demanda t-elle, estimant que l'affaire était conclue.
Cersei n'avait envie que d'une seule chose au monde, mais elle était morte en même temps que ses rêves dorés, découpée par des pierres tranchantes et engloutie dans l'obscurité. Elle s'obligea à ne pas pleurer devant Sansa.
« Des gâteaux au citron, » répondit-elle néanmoins, la gorge nouée.
La louve en cage acquiesça et, sans rien ajouter, quitta la pièce.
Deux larmes perlèrent au coin des yeux de Cersei, qu'elle essuya aussitôt.
Pour distraire son esprit, elle s'intéressa pour la première fois au livre que Tyrion lui avait apporté plus tôt dans la journée.
Réprimant un soupir, elle l'ouvrit à la première page, et se mit à lire.
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Quelque chose dans l'attitude de Sansa avait changé.
C'est ce que Daenerys remarqua dès le lendemain matin au cours de l'habituelle réunion du conseil restreint. Le même feu haineux brûlait toujours dans son regard, mais une autre étincelle s'y épanouissait désormais.
Le défi.
La reine n'était pas dupe. Elle savait que Sansa ne serait jamais venue ici de son plein gré. Qu'elle attendait la moindre occasion pour lui planter un couteau dans le dos.
L'odeur du soupçon avait celle de la glace fondue.
Elle devait trouver un moyen d'éradiquer jusqu'au dernier petit flocon insignifiant.
L'hiver s'apprêtait à prendre fin – c'était forcément un signe.
Sa gloire de soleil et de flammes l'attendait.
« Lady Sansa, » fit-elle de son sourire d'épines et de ronces. « J'ai pensé que nous pourrions profiter de cette réunion pour discuter d'un éventuel remariage. »
Si Sansa vacilla intérieurement, elle n'en montra rien. Elle était douée pour dissimuler ses émotions, peut-être plus douée qu'elle – Daenerys lui accorderait ça.
« J'ai bien peur de ne pas avoir le temps, Votre Majesté. »
Elle se leva avec grâce.
« J'ai proposé à Cersei de devenir sa dame de compagnie. Elle doit être réveillée. Veuillez m'excuser, je dois aller l'aider à s'habiller et veiller à ce qu'elle ait un petit-déjeuner décent.
Et, après une petite courbette ironique, elle tourna les talons, laissant Daenerys avec son indignation en travers de la gorge.
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Sansa observait Cersei engloutir son petit-déjeuner avec un certain amusement. La reine déchue n'avait sans doute pas mangé à sa faim une seule fois depuis le début de sa captivité.
« Que pensez-vous des gâteaux au citron ? »
Cersei, qui avait visiblement presque oublié sa présence, releva la tête de son assiette presque vide.
« Je pense que ceci représente une réponse convenable à ta question, » ironisa t-elle.
Elle avait déjà repris quelques couleurs. À présent repue, elle se perdit dans ses pensées quelques instants.
« J'imagine que je dois te remercier. »
Sansa ne dit rien et attendit qu'elle poursuive.
« Pourquoi fais-tu ça pour moi ? Tu n'aimes peut-être pas Daenerys, mais on ne peut pas dire que tu me portes dans ton cœur. »
Sansa se mordit la lèvre. Une partie de la belle assurance qu'elle avait manifestée devant la reine un peu plus tôt s'était envolée.
Les émeraudes étaient bien plus désarmantes que les améthystes, semblait-il.
« Vous avez raison, » convint-elle. « Je vous haïssais, jadis. Mais je ne suis plus une petite fille. »
Des souvenirs de terreur et de douleur recouvrirent ses yeux bleus d'un voile d'ombres.
« Ton âge n'a pas grand-chose à voir avec le sang que j'ai sur les mains. »
Il n'y avait pas la moindre trace de remords dans sa voix. Sansa n'en fut pas surprise le moins du monde. Loin de la déranger, cela la confortait dans ce qu'elle pensait.
Cette reine-là n'avait jamais prétendu être immaculée.
Au lieu de répondre, Sansa désigna la robe qu'elle avait apportée posée sur le lit.
« Voulez-vous de l'aide ? »
Les yeux plissés, Cersei acquiesça. Sansa frissonna lorsque leurs deux peaux entrèrent brièvement en contact.
« C'est une de mes robes. Où l'as-tu trouvée ? Je pensais que Daenerys les avait toutes réduites en cendres. »
« Elle les a simplement fait disparaître de son champ de vision, » railla Sansa. « Elles étaient au fond d'une malle dans une chambre inoccupée. Je suis tombée dessus par hasard, en explorant – les journées ici peuvent être interminables. »
Sansa prit garde à ne pas trop serrer les laçages de la robe afin de ne pas comprimer le ventre arrondi de Cersei. Si celle-ci fit mine de ne rien avoir remarqué, son air approbateur n'échappa pas à Sansa.
Lorsqu'elle eut terminé, la lionne se retourna pour lui faire face. Sansa soutint calmement son regard.
« Mon âge n'en effet rien à voir avec le sang qui recouvre vos mains. »
Elle ajusta le col de la robe de Cersei. C'était une très belle pièce, faite de tissu rouge et doré. Elle l'avait choisie en pensant qu'elle lui plairait – et que Daenerys l'aurait en horreur si elle la voyait.
« Mais il a tout à voir avec celui qui recouvre les miennes. »
Une lueur d'intérêt apparut dans les yeux de Cersei, chassant pour un instant celle du deuil.
« C'est une histoire pour un autre jour, » conclut Sansa.
Après tout, la lionne n'était pas la seule à être en cage.
Elles avaient toutes les deux tout le temps du monde.
Sansa ravala le cri de rage qui brûlait tout dans le creux de sa gorge.
