Perseverance Killick : Se remémorer le passé
Mes vieux os ne sont pas faits pour monter des marches à longueur de journée. Bien des hommes auraient pris leur retraite mais je ne suis pas de cette nouvelle vague libérale. Alors je reste, et je compte bien rester dans cette maison jusqu'à ma mort.
Je ne l'avouerai jamais à voix haute mais l'Iran me manque un peu. Surtout son soleil, je ne suis plus habitué à l'humidité de l'Angleterre. Et il n'y un avait pas d'escaliers là-bas.
-"Madame Pattemore! Il y a le Lord David Fell pour le thé, pouvez-vous prévoir un peu plus?
- Bien sûr Monsieur Killick, j'en ai toujours un peu plus.
- N'oubliez pas les scones à la confiture, ce sont ses préférés."
Je repars en la laissant houspiller son aide-cuisinière pour qu'elle se dépêche. Maintenant je dois monter au troisième étage, les enfants ont leur cours du week-end avec Monsieur Farad.
Les marches sont pénibles mais je préfère aller chercher les enfants moi-même. Il est impossible d'entendre le gong du thé dans le Bureau, la lady a bien insonorisé la pièce. Heureusement parce-que les petits sont tout sauf discrets, ça parle de créatures magiques, de transfiguration, de sortilège à tout va. Ils ont de la chance que je sois dans le Secret. La semaine dernière j'ai dû nettoyer les restes d'une expérience de potion qui a mal tourné dans la chambre de la petite Lady. Si l'on apprend que Lady Daniella sort des ingrédients du Bureau elle sera punie, mais depuis qu'elle est en internat on ne la voie presque plus. Alors je ne dis rien, si c'est pour la voir enfermée tout le week-end.
Enfin le Bureau, je cogne au heurtoir en forme de tête de bouc. C'est qui monsieur Farad m'ouvre.
"- C'est l'heure du thé."
Il consulte sa montre comme si je disais des sornettes. Il aurait pu rester en Iran celui-là, il ne m'aurait pas manqué avec son air supérieur.
"-Ils descendent dans cinq minutes.
-Bien, mais qu'ils ne soient pas en retard."
Pour être honnête la dernière phrase sert juste à le faire enrager. Cela fait plusieurs années qu'une guerre couve entre nous deux. À celui qui craquera le premier. Je l'ai même vu faire disparaître les chemises du Lord pour me mettre en porte à faux. Ce qu'il ne sait pas c'est que j'ai toujours des chemises cachées quelque part, au cas où. C'est aussi parce-qu'il est un domestique de la Lady alors que moi je suis au service du Lord. Je pense que chacun croit son maître mieux que l'autre. Ce qui est un peu absurde vu que nos maîtres sont mariés, mais bref.
Ça y est je suis dans la bibliothèque, le Lord David est déjà là avec son frère. Les deux parlent à voix basse, préoccupés. Le Lord Erza a l'air souvent inquiet depuis halloween, des cernes lui mangent le visage. Je le vois souvent réveillé la nuit à parcourir la maison de haut en bas. Le sommeil le fuit et lui fuit ses cauchemars.
Je me rappel encore de ce mois d'avril 1945. Le Lord Jophiel Fell, qui n'était pas encore lord à ce moment m'avait transmis la photographie de ses deux enfants et de sa femme. Du haut de mes 26 ans je pensais déjà tout connaître après six années de guerre. Je tenais le commandant Fell en très haute estime à cette époque et j'étais très fier de ma mission.
La libération du camp de Bergen-Belsen était imminente, mais plus nous nous rapprochions plus il y avait des cadavres. L'immense portail gardant l'entrée était ouvert, il y avait encore quelques allemands mais à genoux les mains sur la tête. Un drapeau blanc prenait le vent devant eux, les bosh devaient penser qu'ils avait plus de chance avec nous plutôt qu'avec les soviétiques.
Il y eut aucune bataille, mais nous avions fait le tour des prisonniers du camp pendant des heures. Donnant à manger et à boire à tout le monde. J'ai regardé le visage de tous les enfants et fais circuler la photographie que j'avais mais sans résultat. Les dernières informations concernant les garçons remontaient à plusieurs mois mais je ne voulais pas perdre espoir.
"- Vous devriez voir du côté de l'Infirmerie."
C'était un môme qui m'avait parlé, il devait avoir le même âge que le plus âgé des enfants.
"- Il y a des garçons qui servent d'aide aux infirmiers."
L'Infirmerie était un mot pompeux pour désigner un baraquement en bois dont le toit percé laissait rentrer la pluie. Je me couvris le visage avant d'y entrer, surtout que le typhus faisait rage dans le camp. Tous les lits étaient occupés mais la pièce était silencieuse parce-que quelqu'un avait tué les malades.
Je sortis en courant de là, l'air se faisait trop rare pour que j'y reste. Cependant dehors m'attendait une surprise macabre, un monticule de cadavres. Ils étaient nus, le crâne rasé, la peau jaunâtre ou noire ou la décomposition avait commencé. Des oiseaux volaient au-dessus, bien heureux d'avoir autant de nourriture. Je n'y tins plus en rendit mon maigre déjeuner.
C'est Franck Bryce, un gars de mon régiment qui me retrouva là, accroupi dans la boue et le vomi. La respiration sifflante comme si l'on venait de me passer à tabac.
"- Allez mon gars, on part de là."
Je hochai la tête mais mon regard resta fixé sur le monticule de cadavres. Peut-être que ceux je cherche sont là, que je suis arrivé trop tard. Comment garder espoir face à de telles horreurs?
Un mouvement ! Là! Dans la pile, il y a une main qui vient de bouger.
Franck du me prendre pour un fou quand il me vit me précipiter vers les morts. En tout cas il me ceintura avant que j'atteigne mon objectif.
"-Qu'est-ce qui te prends mon gars? Qu'est-ce tu leur veux à ces macchabés?
- La Franck ! Regarde ! Quelqu'un à bougé ! "
Il ne du pas me croire immédiatement, le vieux Franck parce-qu'il ne me lâcha pas de suite. La main rebougea, comme pour nous faire signe. Tous les deux on se précipita pour sortir le propriétaire de la main de cette pile macabre. Je fus obligé d'escalader le monticule de corps, je sentis les os craquer sous mes bottes. J'en ai longtemps fait des cauchemars de ce moment. Le bruit atroce des morts sous les semelles de chaussures, je n'ai jamais regardé en bas. Je pense que je ne m'en serai pas remis.
Je saisissais le bras, il est tellement mince que je put faire le tour de son biceps d'une main. Je tirais pendant que Franck empêchait les autres corps plus haut de me tomber dessus. C'était un gosse, le propriétaire du bras, le crâne rasé, maigre comme un clou et déjà presque mort. Mais le gosse ouvrit les yeux, j'ai senti Franck faire un bond dans mon dos, faut dire que ses yeux paraissaient démesuré comparé au reste du corps. Il avait les yeux bleus, j'ai repris espoir à ce moment là. Le capitaine Jophiel Fell a les yeux du même bleu.
"-Prends le Franck, je regarde s'il y en a pas d'autre."
Le pauvre Franck traîna le gamin jusqu'au bâtiment, à moins que ce soit l'inverse. Le gamin traina un Franck abasourdi. Moi j'ai replongé dans la pile pour en ressortir encore deux autres gamins qui me semblait vivant. Plus tard d'autres gars sont venus fouiller la pile, mais moi je suis concentré sur les trois survivants. C'était eux, les gamins Fell. J'avais réussi à les trouver et accomplit ma mission. Il y avaient aussi un autre gosse, Joe Weiss.
La suite fut moins glorieuse puisque ma plongée dans la pile de mort me valut d'attraper le typhus. On me renvoya en Angleterre et les gamins à Berlin. Le capitaine Fell mit malheureusement encore quelques années avant de les retrouver dans les ruines de la ville.
Me voilà de retour à Belgravia, les enfants sont là pour le thé. À l'heure en plus, que demander d'autre.
La jeune Lady est anxieuse, demain elle fête ses huit ans. Un âge important pour un membre de la famille Parassabat d'après ce que j'ai compris. Demain elle se fera tatouer le serpent qui fait la fierté de la famille près de l'oreille. Moi je trouve ça barbare, dès que j'ouvre la bouche à ce sujet Farad prend un air supérieur. D'après lui je ne peux pas comprendre, je ne suis qu'un moldu. Saleté de sorcier.
Oui, je continue de veiller sur les enfants Fell. Peu importe le temps qui passe, les événements, les guerres ou même les continents. Je veille sur les enfants.
Et voilà.
Pour ceux qui ne savent pas, vous pouvez choisir le prochain personne de l'interlude dans les commentaires alors ne soyez pas timide. Pour la prochaine interlude je vous propose : Adam, David, Mme Hugues, Mme Pattemore.
