Hello,
Je m'excuse platement de ne pas avoir publié plus tôt mais j'ai eu une petite baisse de régime. C'est probablement le mois de novembre qui veut ça (ou juste que je traine trop sur AO3).
Comme toujours si vous voulez laisser un petit commentaire, ça m'encourage à écrire lors de mes baisse de morale.
Voilà, c'est tout pour moi.
Bonne lecture.
Chapitre 50: Souvenirs d'Halloween
Albus se sentait parfois vieux et fatigué en regardant les nouvelles générations de sorciers attablés à s'émerveiller face aux décorations d'halloween. Les professeurs s'étaient une fois de plus surpassés avec des chauves-souris effectuant un ballet aérien au-dessus des élèves, des citrouilles qui faisaient des bonds pour effrayer ceux qui passaient à côté et d'autres tours qu'il avait déjà vus cent fois.
Le directeur avait vu cette salle décorée bien trop souvent pour vraiment en savourer la beauté, surtout que maintenant halloween était autant un rappel de la menace de Voldemort que celui de ses échecs personnels.
Les huit dernières années s'étaient écoulées en un claquement de doigts, pleines de solitude et d'angoisse depuis que Harry avait disparu. Deux fois, en plus. Comment les gens pouvaient-ils l'appeler le plus grand sorcier des îles de Bretagne? Ça dépassait Albus, il n'était même pas capable de retrouver un môme de huit ans. La seule consolation du sorcier était que les kidnappeurs ne l'avaient pas maltraité la première fois.
Mais Albus n'avait pas encore renoncé et il comptait bien aller voir un ancien camarade de poudlard qui vivait à Powder Keg. Severus n'avait pas assez de contact là-bas, le monde du sous-sol était un cercle très fermé et même lui avait du mal à y entrer.
Le sorcier le plus âgé jeta un coup d'œil à son confrère assis à ses côtés, le professeur de potion avait le visage encore plus fermé que d'habitude. Pour lui aussi, la période d'halloween était difficile à passer. Ses cheveux noirs de Severus retombaient de part et d'autre de son visage et il fixait son assiette presque vide comme s'il était responsable de tous ses malheurs.
Oui, halloween avait bel et bien perdu toute sa splendeur.
Albus grinça des dents et passa le reste de la soirée aussi fermé que son collègue. Dès que l'heure fut assez avancée, il quitta la grande salle pour se rendre à Londres.
Le chemin de Traverse était lui aussi très festif, les sorciers s'étaient déguisés, ils buvaient et célébraient leur liberté. Albus passa son chemin pour trouver l'entrée de Powder Keg, caché par une lourde trappe en bois. Les escaliers couverts de mousse étaient en cette occasion éclairés par quelques torches. Le sorcier s'y engagea avec prudence pour arriver face au canal qui traversait la partie la plus calme de Powder Keg.
Albus ne mettait pas souvent les pieds dans les sous-sols de Londres, il n'y avait rien de bien ici. Seulement des causes perdues.
Le sorcier marcha d'un pas calme vers la zone que les locaux appelaient Murder District, le lieu de prédilection des tueurs à gage. C'était la zone la plus dangereuse des sous-sols, le genre de quartier où vous pouviez vous faire poignarder au coin de la rue, simplement parce que vous étiez au mauvais endroit au mauvais moment. C'était là bas-que vous ne deviez attirer l'attention de personne, raser les murs, sauf si vous étiez Albus Dumbledore. Paré de sa robe violette agrémentée de lunes et d'étoiles, les visages des personnes se tournaient vers lui sans oser l'approcher. L'homme dégageait une aura, celle d'un sorcier qu'il ne fallait pas approcher, pas si vous teniez à votre santé.
Alors que ses pas résonnaient sur le pavé, les yeux d'Albus se portaient vers les voûtes du sous-sol envahies par le smog, pas une seule lumière ne pénétrait ici. Dire que des gens vivaient et mouraient ici, sans jamais avoir vu une seule fois la lumière du soleil.
C'est plongé dans ses réflexions morbides qu'Albus arriva devant la boutique qui l'intéressait, celle de Benz, dans une rue qui portait le nom évocateur de Knif Street. Le sorcier poussa la porte qui gémit tristement et entra dans la boutique surchargée de son ami. Elle était pleine de bizarreries que le vieil homme affectionnait tant et collectionnait dans son bureau à Poudlard. Mais il n'était pas là pour ça ce soir, non, il voulait des réponses aux questions concernant Harry ou la mystérieuse enfant qui l'avait aidé à s'enfuir.
Benz était derrière son comptoir, une paire de lunettes perchée sur l'arête de son nez dangereusement près de la chute, pendant qu'il examinait une araignée dans un tube à essai. Benz était un homme solide, corpulent qui, sous son apparence, cachait un savoir-faire peu commun et une minutie qui forçait le respect. Il tenait la boutique de réparation d'objets en tout genre depuis quinze ans et avant ça c'était son père qui la tenait et le père de son père encore avant. Il faisait aussi partie des rares privilégiés à remonter voir la lumière du soleil une fois de temps en temps.
"-Albus." Salua tranquillement l'homme, sans lever les yeux de son travail. "Je ne pensais pas te voir ce soir. Ce n'est pas un bon soir pour circuler dans les rues, les gens deviennent tous fous le soir Halloween.
-Je n'ai pas grand-chose à craindre, même ici.
-En fait, je pensais plutôt à moi. Je n'aime pas beaucoup attirer l'attention sur ma boutique.
-Les gens ont bien trop peur de toi pour oser s'en prendre à ta boutique."
Albus avait lancé ça sur le ton de la plaisanterie, mais c'était pourtant la vérité. Benz avait eu son lot de batailles pour gagner sa place dans les sous-sols, et en gardait les traces sur sa peau. Il avait aussi une solide réputation auprès des aurors, ayant toujours refusé de se soumettre aux forces "d'en haut" comme il le disait lui-même. Le gouvernement Fudge avait essayé à plusieurs reprises de "nettoyer" Powder Keg comme il pensait l'avoir fait avec les mangemorts. Mais les sous-sols n'étaient pas une assemblée de sorciers noirs en robe, c'était un chaos en constante évolution et les fouilles des aurors n'avaient rajouté que de l'huile sur le feu. Il y avait eu beaucoup de morts, donc les parents du petit garçon que Benz avait accueilli sous son toit. L'enfant avait transformé Benz en maman ours, une chose dangereuse.
"-Je veux savoir." Dit simplement Albus en s'appuyant sur le comptoir.
"-Pour ton garçon." Acquiesça l'homme en posant enfin son ouvrage pour le regarder. "Je garde l'œil ouvert, mais je n'ai rien de neuf.
-Il y a beaucoup d'enfants ici, il est peut-être parmi eux.
-Peut-être, mais c'est peu probable. Il doit y avoir une cinquantaine de mômes qui vont à l'école, mais tous viennent d'ici. Il n'y a pas beaucoup de sang neuf ici, je l'aurais vu, le gamin. Mais j'ai autre chose pour toi, la rouquine. Il paraît qu'elle a été vue à plusieurs reprises, surtout au cours de l'été.
-Et tu ne m'a pas prévenu?" S'indigna le directeur en se redressant. Benz lui jeta un coup d'œil mauvais, il n'aimait pas être interrompu.
"- Je ne l'ai appris que récemment. Ta gamine rouquine serait venue plusieurs fois sur le marché, souvent seule et parfois avec un loup-garou. Jamais avec ton gamin, ça c'est certain."
Albus soupira longuement, "Harry ou es-tu?"
Alors qu'Albus échangeait des murmures dans une boutique insalubre de Powder Keg, Severus Snape quittait les murs austères de Poudlard. Pas un mot, pas un regard en arrière. Ce soir n'appartenait qu'à lui et à son secret, une douleur qu'il portait comme une seconde peau depuis des années.
C'était le jour. Le seul rendez-vous qu'il ne manquait jamais. Celui de Lily.
Chaque année, il refaisait le chemin. Le trajet était gravé en lui, un itinéraire qu'il aurait pu parcourir les yeux fermés. Pourtant, cette fois encore, un espoir stupide persistait. Peut-être qu'il le verrait, ce môme insaisissable. Ce garçon qui portait les yeux de Lily mais tout le reste d'un autre. Un garçon pire que de la fumée : à chaque tentative de l'attraper, il disparaissait entre ses doigts, le laissant seul avec sa frustration et sa colère.
Cette pensée suffit à lui tordre l'estomac alors qu'il arpentait les rues de Godric's Hollow. La pluie, fine et glaciale, perlait sur son visage. Une bruine qui n'avait rien d'apaisant, mais qui semblait étrangement appropriée. Severus titubait légèrement, non seulement à cause de l'alcool qui brûlait encore ses veines, mais aussi sous le poids invisible de ses souvenirs.
Comme chaque année, il dut traverser une foule d'enfants. Des gamins rieurs qui couraient entre les maisons, leurs rires stridents transperçant le silence de la nuit. Certains portaient des costumes d'Halloween, des masques grotesques, des capes élimées. Ils se bousculaient, s'attrapaient par le bras, et bien sûr, comme chaque putain d'année, ils semblaient trouver un plaisir particulier à se jeter sous ses pieds.
"-Dégagez !" siffla-t-il, sa voix tranchante comme une lame.
Mais les enfants ne firent que rire davantage. Severus accéléra le pas, ses bottes claquant sur les pavés humides, jusqu'à ce qu'il atteigne enfin les grilles du cimetière.
L'endroit était désert, comme il s'y attendait. La lune, cachée par d'épais nuages, laissait juste assez de lumière pour illuminer les tombes dispersées. Severus connaissait le chemin. Il passa devant une rangée de pierres tombales, ses pas résonnant doucement dans l'air froid.
Et puis il la vit.
La stèle blanche de Lily.
Simple, sobre, presque trop parfaite. Le marbre scintillait sous la pluie, et des fleurs fraîches reposaient à son pied. Severus serra les poings. Ce n'était pas lui qui avait apporté ces fleurs. Ce devait être eux. Les autres. Ceux qui n'avaient jamais connu Lily comme lui l'avait connue. Ceux qui pensaient l'honorer avec leurs bouquets et leurs murmures pleins de remords.
Son regard dériva malgré lui vers la tombe voisine. James Potter. L'insupportable. Le vaniteux. Même dans la mort, cet homme semblait s'assurer qu'on se souvienne de lui. Il y avait plus de fleurs sur sa tombe que sur celle de Lily.
Severus détourna les yeux avec un grognement. Il ne lui accorderait pas une seconde de plus.
Il s'agenouilla devant la tombe de Lily, son long manteau noir effleurant la terre mouillée. Ses doigts tremblants se posèrent sur le nom gravé. Ce simple contact fit remonter un flot de souvenirs : des éclats de rires partagés, des promesses murmurées, des regrets étouffés.
"-Bonsoir, Lily…" murmura-t-il, sa voix rauque brisant le silence.
Il inspira profondément, cherchant des mots qui lui semblaient toujours insuffisants.
"-Je suis venu… comme chaque année." Il laissa échapper un rire amer. "Je ne sais pas pourquoi je m'imagine encore que tu m'entends. Peut-être parce que je n'ai plus personne à qui parler."
La pluie s'intensifia légèrement, mais Severus n'y prêta pas attention.
"-Harry n'est plus sous la surveillance d'Albus," poursuivit-il après un moment. "Avec Minerva… c'est surtout elle, à vrai dire… on a pensé qu'il valait mieux qu'il soit loin de nous. Loin de cette école. Loin de… ta sœur."
Ses doigts glissèrent sur le marbre froid, comme s'il espérait y trouver une réponse.
"-Elle lui a fait du mal, tu sais ? Cette femme était toujours mauvaise, et elle n'a pas changé. Je…" Sa voix se brisa, et il serra les dents pour contenir la vague d'émotion qui montait en lui. "Je le cherche encore. Malgré tout. Juste pour être sûr qu'il va bien."
Un silence pesant s'installa, ponctué seulement par le martèlement de la pluie.
"-Mais il doit rester loin, Lily. Minerva a raison. Albus…" Il s'arrêta, incapable de prononcer le reste. Une rage sourde montait en lui à chaque fois qu'il pensait au vieux sorcier et à ses plans alambiqués. "Il doit rester loin des manigances de ce vieil homme."
Il baissa la tête, ses cheveux noirs tombant devant ses yeux, trempés par l'eau qui coulait en ruisseaux le long de son visage.
"-Le jour où je le trouverai…" murmura-t-il, presque pour lui-même. "Je te le promets, Lily. Je te l'amènerai. Je lui dirai de te parler, de te raconter ce qu'il a vécu. Ce qu'il a vu. Il mérite de te connaître."
Les larmes qu'il retenait depuis trop longtemps dévalèrent silencieusement ses joues. Cette fois, il ne les essuya pas. Le froid, la pluie, tout cela n'avait plus d'importance. Son cœur semblait sur le point d'éclater sous le poids des regrets et des souvenirs.
On lui avait dit un jour que le temps guérit toutes les blessures. Une absurdité. Le temps n'avait rien guéri. Chaque année, à cette même date, la douleur revenait, brutale et implacable, comme si elle ne l'avait jamais quitté.
Severus resta là longtemps, agenouillé devant la tombe de Lily, jusqu'à ce que ses genoux protestent et que le cimetière soit plongé dans une obscurité totale.
Le festin avait été excellent, Dani avait mangé bien plus que de raison, mais aucune nourriture, aussi bonne soit-elle, ne le ferait oublier l'absence de sa famille. En fait, par famille, elle entendait Harry. Le petit garçon lui manquait terriblement. Elle avait hâte que le petit garçon découvre à son tour Poudlard, qu'il puisse y célébrer Halloween avec elle, entouré de lumière et de rires, comme pour effacer les ombres de son passé. Elle voulait lui rappeler que, bien avant de devenir cet orphelin errant, de Londres à Berlin, puis jusqu'aux terres d'Irlande, il avait été un enfant chéri, vivant dans un foyer empli d'amour. Même s'il résidait aujourd'hui chez le père Cunningham, elle voulait qu'il n'oublie jamais qu'il avait été le centre d'un univers heureux, celui de James et Lily, où il avait été adoré sans réserve.
Mais tout ça avait pris fin il y a maintenant quelques années. Un petit peu à cause d'elle, du moins, c'est ce que Dani ressentait.
Elle essuya quelques larmes très traîtresses alors qu'elle marchait dans les couloirs du sous-sol du château. Elle connaissait maintenant bien mieux le dédale qui constituait les fondations de Poudlard, ses coins et recoins, et marchait, la calmait. Dani laissa ses doigts glisser le long des pierres lorsqu'elle avançait.
Harry avait perdu sa famille il y a sept ans. Mais la petite fille, elle, avait perdu la sienne il y a seulement trois ans. Et parfois, elle doutait même d'avoir été aimée. Contrairement à Harry, elle n'avait pas la certitude de cet amour inconditionnel qui brillait encore dans ses souvenirs. Au fond de son cœur, ou du moins elle supposait, elle savait qu'elle n'avait jamais été aimée comme James et Lily avaient aimé leur fils. Comment aurait-elle pu l'être ? Son père, cet homme capable de tuer des dizaines, presque une centaine de gens, ne pouvait pas l'aimer. Pas avec des mains tâchées de sang. Quant à sa mère… sa mère l'avait abandonnée. Dans une gare, avec un simple billet de train. Non, il n'y avait rien à espérer.
Les pensées sombres de la fillette furent interrompues par un bruit. Un bruit qu'elle écouta quelques secondes avant d'identifier ça comme des pleurs. Il y avait une personne qui sanglotait dans les sous-sols. Mais à vrai dire, ce n'était pas une première. Les serpentards sous pression avaient l'habitude de faire plein de choses bizarres dans ces dédales. Pleurer était la moindre des choses. Dani voulait faire demi-tour, mais ses pieds étaient cloués au sol. La personne, recroquevillée dans une alcôve, semblait vraiment en piteux état. Le garçon, il semblait à la voix, il semblait que sa voix était rauque et masculine.
La petite sorcière se doutait qu'un adolescent n'aimerait pas être surpris par une première année dans cette situation délicate, mais Dani resta, parce qu'un détail avait attiré son attention. La sorcière ne savait pas encore quoi, mais son instinct lui disait qu'elle devait rester.
Il lui fallut encore une bonne minute avant de voir la cravate jetée au sol. C'était une cravate rouge et or, et le seul gryffondor qui traînait inlassablement dans les dédales de sous-sol, c'était Bill Weasley.
Dani avança de quelques pas, le plus silencieusement possible. Et c'est là qu'elle le vit clairement : c'était bien Bill. Recroquevillé contre un mur, son visage enfoui dans ses mains, il pleurait.
"-Hey !" tenta-t-elle d'une petite voix.
L'adolescent releva la tête, et le cœur de Dani se serra. Il avait un hématome sombre sur la pommette, à moitié dissimulé par des larmes qui glissaient sur ses joues.
"-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" murmura-t-elle, à mi-chemin entre l'inquiétude et l'hésitation.
"-Pars… s'il te plaît, Dani, pars…" La supplique de Bill n'était ni un cri, ni un ordre, mais quelque chose de bien plus troublant : une imploration douce, presque brisée.
Dani se tortilla, mal à l'aise. Elle aurait préféré qu'il crie. Elle savait comment gérer les gens en colère, ceux qui hurlaient leur douleur et leur frustration. Mais ce calme, ce calme terrifiant, lui échappait.
"-Viens, tu ne peux pas rester ici, si un serpentard te surprend, t'auras encore plus d'emmerdes."
Mais le rouquin fit non de la tête, alors la petite fille s'assit à ses côtés, contre toute logique. Le garçon reprit ses sanglots, avec plus de retenue maintenant qu'il avait un public. Et elle restait à fixer le mur à côté de Bill, sans savoir quoi faire.
À un moment, sans trop réfléchir, elle posa sa main sur celle de Bill et la serra doucement. Il ne se dégagea pas. Mieux encore, il lui rendit son geste, presque imperceptiblement. C'était peut-être peu, mais c'était tout ce qu'elle pouvait lui offrir.
"-Tu veux me dire ce qui s'est passé ?" Demanda-t-elle à voix basse, quand il se calma un peu.
-Non… non, il ne faut pas." Sa voix était rauque, cassée.
"- Ce sont les Serpentards qui t'ont fait ça ?
- Non." Il détourna les yeux, essuyant ses larmes d'un geste nerveux avec la manche de sa chemise.
"-Alors… alors quoi ?
-Je ne veux pas en parler."
Dani voulait continuer à cuisiner Bill, obtenir des réponses, mais il se redressa soudainement et s'éloigna sans un mot, la laissant seule contre le mur froid. Elle resta figée quelques secondes, déconcertée, avant de se lever et de le rattraper en trottinant. Le préfet avançait à un rythme lent et raide, ses pas lourds comme si chaque mouvement demandait un effort immense. Quand il vacilla légèrement, Dani réagit instinctivement, posant une main sur son coude pour le soutenir. Elle n'ajouta rien, respectant son silence, mais ne le lâcha pas pour autant.
Ils traversèrent le château à peine jusqu'au hall, désert à cette heure tardive. Dani jetait des regards inquiets autour d'elle, tendue à l'idée que Rusard ou un professeur surgisse de l'ombre. Mais Bill ne semblait pas s'en soucier. Bill tourna, non pas pour prendre les escaliers vers son dortoir, mais pour sortir vers la grande porte.
"- Tu ne veux pas aller à l'infirmerie ou à ton dortoir ?" Chuchota Dani, en regardant autour d'elle. Après tout, Rusard pouvait débarquer à tout moment. Mais le préfet s'obstina. Il descendit les marches pour se tenir debout au milieu de la pelouse.
Bill resta immobile, ses bras tendus de chaque côté de son corps, le visage offert au ciel noir. Les gouttes de pluie se mêlaient aux larmes qui coulaient encore sur ses joues, traçant des sillons froids et invisibles. Dani, restée en retrait, l'observait sans comprendre. La pluie s'intensifiait, glaciale et pénétrante. Elle frissonna en tirant sa cape plus étroitement autour de ses épaules, mais Bill ne bougeait pas, comme si cette averse lui était nécessaire.
"-Bill, tu devrais rentrer avant de tomber malade." Tenta-t-elle à voix basse, presque suppliant.
Il ne répondit pas. Pas un mot, pas un geste. Il semblait perdu dans un autre monde, absorbé par cette pluie qui déferlait sur lui, comme si elle pouvait laver quelque chose en lui. Dani hésitait. Elle ne comprenait pas, et ce silence pesant la mettait mal à l'aise. Les minutes s'étiraient, interminables. Elle aurait pu partir, retourner se réfugier dans son dortoir chaud, mais quelque chose la retenait. Un instinct qu'elle ne pouvait pas expliquer. Puis, soudain, une phrase traversa son esprit, quelque chose que Jane lui avait dit un jour, avec cet air de sagesse mystérieuse qu'elle prenait parfois : « Dieu dans la pluie. »
Dani fronça les sourcils, se demandant pourquoi ces mots refaisaient surface maintenant. Était-ce pour elle, ou pour Bill ? Elle n'en savait rien. Peut-être que, comme lui, elle cherchait un sens à ce moment absurde, à cette nuit où elle se tenait trempée jusqu'aux os à côté d'un garçon qui pleurait en silence sous la pluie.
Elle soupira doucement, avant de se laisser tomber sur l'herbe détrempée à quelques pas de lui, les bras enroulés autour de ses genoux. Si Bill avait besoin de cette pluie pour trouver quelque chose, elle pouvait bien attendre un peu. Elle n'avait pas compris à l'époque ce que l'autre jeune fille voulait dire par ça. Pour elle, c'était juste un mot que les gens du désert disaient. "Dieu est dans la pluie."
Ce soir, ces paroles semblaient prendre plus de sens, au moins pour Bill.
Harry avait passé une semaine merveilleuse avec le Maître Crewe, celui qui lui avait appris les runes. Sous sa guidance, il avait découvert l'art de tracer et d'activer certaines figures magiques, tout en explorant des sites vikings fascinants. Le petit garçon, d'ordinaire si sérieux, s'était rarement autant amusé. Tracer des runes sur des parchemins, les voir s'activer sous l'impulsion de sa magie... C'était sa toute première véritable démonstration de pouvoir. Les runes répondaient à son énergie, absorbant l'eau, faisant léviter le parchemin ou repoussant les billes qu'il lançait dessus. Chaque nouvelle activation éveillait en lui une joie simple, un émerveillement sincère.
Encouragé par cette découverte, Harry s'était plongé avec enthousiasme dans l'apprentissage des figures magiques, profitant de chaque instant passé avec le Maître Crewe. Son retour dans le foyer du père Cunningham n'avait rien changé, il avait continué à garder le nez plongé dans les livres. Il aurait bien continué sans fin si ses révisions n'avaient pas été interrompues par l'arrivée de Remus. Ce dernier était venu lui proposer une excursion spéciale : visiter Godric's Hollow pour le 1er novembre.
Le 31, le petit garçon avait eu le droit de se promener dans les rues de son village à Belfast, pour faire la chasse aux moments avec ses copains de l'équipe de foot. Il avait jeté des œufs sur la maison du fermier qui avait chassé Piotr la dernière fois, les jumeaux Nelson l'avait bien aidé. Les deux petits blonds l'avaient aidé à se faufiler à travers la haie et pendant qu'Harry jetait des projectils sur la maison, les jumeaux décoraient les arbres avec du papier hygiénique. Le matin du 1er novembre, Harry dut abandonner son costume de zombie pour attendre Remus. Le soleil n'était pas encore levé lorsque le loup-garou franchit la porte de la cuisine, réveillant le garçon à moitié endormi. Avec douceur, il installa Harry dans la voiture, et celui-ci se rendormit presque immédiatement, confortablement installé sur le siège.
Harry aurait préféré transplaner, comme les grands sorciers, mais la traversée de la mer d'Irlande n'était pas sans risques, surtout avec un enfant aussi jeune. C'est donc en voiture que le duo prit la route, suivie d'un trajet en ferry, puis encore un peu de route jusqu'à Liverpool. En cours de route, ils firent une courte pause, avant de reprendre leur périple.
Ce n'est qu'en début d'après-midi qu'ils arrivèrent enfin à Godric's Hollow, le village natal d'Harry, un endroit qui semblait à la fois familier et lointain. Harry avait beaucoup apprécié ces derniers moments de conversation avec Remus, surtout depuis que le loup-garou passait de plus en plus de temps à Londres ces dernières semaines. Il lui avait raconté des anecdotes, certaines déjà entendues, d'autres nouvelles, datant de l'époque où James était encore à Poudlard. Cependant, à mesure qu'ils approchaient du village, la conversation s'était petit à petit éteinte. Remus semblait perdu dans ses pensées, absorbé par ses souvenirs.
Harry tourna son regard vers la fenêtre de la voiture et observa Godric's Hollow qui se dessinait à travers la pluie. Le village n'avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois qu'il y était venu. Les mêmes maisons en pierre, les mêmes enfants qui couraient dans les rues sous le crachin froid. Non, décidément, Godric's Hollow n'évoquait en lui que peu de nostalgie. Remus posa une main douce sur l'épaule de Harry, le guidant jusqu'à la tombe de ses parents. Les pierres tombales étaient recouvertes de fleurs fraîches, mais il n'y avait personne d'autre aujourd'hui pour s'attarder dans ce lieu paisible. Harry se plaça devant la tombe, comme il l'avait déjà fait auparavant, et, fidèle à ses habitudes, il commença à leur raconter son année.
"-J'ai appris plein de choses cette année. J'ai même rencontré un maître en runes. Je suis sûr que tu te serais bien entendu avec lui maintenant. Il m'a aussi appris à pâtisser. Je sais faire des crêpes, même flambées. Et cette année, Dani est rentrée à Poudlard. Elle est à Serpentard. Je crois que j'aurais préféré qu'elle aille à Gryffondor, parce que moi, je suis presque sûr d'y être, surtout avec vous comme parents. Elle m'a envoyé des plans des sous-sols, des parties qui appartiennent à Serpentard, et aussi d'autres endroits du château. Comme ça, je connaîtrais déjà tout avant d'arriver. Remus m'a dit que vous aviez fait une carte quand vous étiez étudiants. J'aimerais bien faire pareil. Il m'a promis de m'aider si je me lance dans ce projet."
Harry se tut un instant, laissant ses pensées s'étendre dans le vent frais et la pluie légère qui continuait de tomber autour d'eux, en silence.
Après cela, le petit sorcier se tortilla, mal à l'aise, ne sachant plus quoi dire. Dans son dos, Remus attendait en silence. Harry déposa doucement le bouquet de fleurs qu'il tenait sur les pierres tombales, puis se dirigea vers le loup. Ce dernier resta un moment devant la tombe de ses parents, murmurant sans doute quelques mots, tandis qu'Harry s'éloignait pour explorer un peu le reste du cimetière.
Il s'attarda un moment devant une pierre tombale portant le nom d'Asmodée Bane. Il avait l'impression de reconnaître ce nom, mais impossible de se rappeler d'où. Peut-être qu'Anthonia l'avait emmené ici la première fois ? Harry fronça les sourcils, cherchant dans ses souvenirs, mais tout était flou.
Il se tourna de nouveau vers Remus, mais celui-ci n'avait toujours pas terminé. L'enfant se sentait de plus en plus ennuyé. C'était ses parents, certes, mais ils étaient sous terre, et les marbres froids n'avaient aucune importance à ses yeux. Il savait cependant qu'il ne pouvait pas l'exprimer ainsi à Remus, qui semblait prendre cette visite si à cœur. Au moment où il aperçut un chat, il s'en approcha, curieux. L'animal vint se frotter à ses jambes, et Harry s'empressa de le caresser. Le matou était magnifique, tigré, et semblait indifférent à la pluie battante. Le garçon passa quelques minutes à lui gratter le dos, riant doucement quand il réussit à faire chasser quelques feuilles mortes par le chat.
Après ce qui lui sembla être une éternité, le duo retourna vers la voiture. Ils ne remarquèrent même pas le chat qui, peu à peu, se transformait en humain, restant en retrait, à l'ombre de la haie.
Minerva McGonagall, qui observait la scène depuis l'entrée du cimetière, se tint là, immobile, regardant la voiture partir. Le garçon semblait apaisé, et dans son for intérieur, elle savait qu'elle avait pris la bonne décision en le laissant partir avec Remus.
Alors un avis?
Des fois j'ai l'impression de partir trop loin... mais d'un autre côté ça me semble bête de lâcher l'affaire maintenant. Je ne voudrais pas le regretter. Voilà, merci d'avoir écouté (lu) mes états d'âme.
