Bonjour !

Merci pour l'accueil que vous avez fait à cette nouvelle fic ! Ça me fait très plaisir. J'espère qu'elle vous plaira et qu'elle sera à la hauteur de vos attentes.

Voici le premier chapitre. Bonne lecture :)

.

Chapitre 1

.

Le trousseau de clés, accroché à la ceinture, se balançait au rythme de ses pas, émettant un tintement sonore. Ses sandales élimées claquaient sur le sol et le son résonnait le long du couloir désert. Il n'y avait pas de fenêtre et la seule source de lumière provenait des chandelles à la lueur vacillante accrochées au mur. L'air sentait le renfermé.

Il s'arrêta devant une porte à la peinture brune écaillée et s'empara du trousseau. Lorsqu'il eut trouvé la bonne clé, il l'inséra dans la serrure, força un peu et un déclic se fit entendre. Il entra immédiatement, traversa la pièce plongée dans l'obscurité et ouvrit en grand les rideaux. Aussitôt, une lumière vive envahit les lieux.

-Ici, la cuisine. Là, la chambre. Et là-bas derrière, la salle de bain.

-J'avais dit discret. Pas insalubre.

Ses bottes en cuir claquèrent sur le sol poussiéreux. Depuis le seuil, Harry avisa l'espace d'un œil critique. La cuisine et la chambre formaient une seule et même grande pièce. Il n'y avait aucun mobilier, pas même une table. Le propriétaire l'observa d'un air calculateur.

-Tout est insalubre, dans ce quartier, mon garçon.

Sans un mot, le jeune homme traversa la pièce et s'approcha de la fenêtre. L'immeuble d'en face était moins haut, ce qui permettait d'avoir une vue imprenable sur les toits londoniens, tout en profitant d'une excellente luminosité. Les mains derrière le dos, il jeta un coup d'œil à la ruelle en contrebas, cinq étages plus bas. Comme toutes les ruelles de l'Allée des Embrumes, elle était étroite, sombre et mal famée.

-Le voisinage peut être bruyant mais pas importunant. Ici, chacun vaque à ses occupations et personne ne se mêle des affaires des autres.

Harry fit volte-face.

-Combien ?

-110Gallions. Le premier de chaque mois. Pas de retard, sinon je vous expulse sur le champ.

Le regard émeraude d'Harry balaya l'espace devant lui, illuminé par la lumière qui entrait à flot par la fenêtre. C'était crasseux, défraichi et impersonnel. Et beaucoup trop cher pour ce que c'était. Mais rien dont un peu de magie et un elfe de maison ne puissent venir à bout. Il hocha brièvement de la tête.

-Je prends 50 Gallions de caution, ajouta le propriétaire en jouant avec le trousseau de clés.

Harry lui jeta un regard noir. Loin de se laisser impressionner, l'autre le fixa sans ciller, son regard s'attardant sur ses traits lisses et sa silhouette mince enveloppée dans une cape de voyage élégante. D'un geste nonchalant, Harry sortit une bourse de sous sa cape et la lança dans sa direction.

-Gardez la différence, dit-il. Pour la discrétion.

D'un geste poli mais autoritaire, il lui tint la porte ouverte. Le vieil homme soupesa le sac d'or et lui jeta un regard soudain soupçonneux.

-Pas question que le Ministère vienne fouiller par ici, prévint-il en plissant les yeux. Quel que soit votre petit business, je ne veux pas de problème.

Harry sourit froidement.

-Je ferai de mon mieux, promit-il.

Il s'empara de la clé rouillée que le propriétaire lui tendait et lui ferma la porte au nez.

.

-Je sors !

Hermione sursauta. D'un geste brusque, elle referma le livre qu'elle était en train de lire, se leva et sortit en trombes de son bureau. Elle dévala les escaliers et jaillit dans le salon au moment où sa fille Rose enfilait un gilet. La jeune fille lui jeta un regard surpris et Hermione prit soin d'arborer son air le plus nonchalant.

-Tu ne manges pas avec nous ? J'ai préparé des...

-Non. J'ai promis à Roxanne de la rejoindre.

Elle était habillée d'une jupe courte -très courte- et d'un débardeur. Hermione pinça les lèvres mais se retint de faire un commentaire, anticipant la réaction de sa fille et ne voulant pas créer de vagues.

-Ah, d'accord. Et où allez-vous ?

Roxanne était la fille de George et Angelina, qui avait un an de moins que Rose. Toutes les deux avaient grandi ensemble, entourées de leurs nombreux autres cousins et cousines.

-Sur le Chemin de Traverse. On va faire un peu de shopping puis manger ensemble.

Elle attrapa son sac à main et disparut dans le vestibule. Hermione lui emboîta aussitôt le pas.

-Ne rentre pas trop tard. Tu sais que le Chemin de Traverse, le soir, c'est...

-Maman, par pitié, je n'ai plus 15 ans. Laisse-moi un peu respirer!

-Peu importe ton âge, je me ferai toujours du souci pour toi.

Rose soupira. Elle chercha ses chaussures dans le capharnaüm qui régnait dans le vestibule et n'en trouva qu'une seule. Une petite sandale à talons.

-On n'est plus en guerre, tu sais. Papi et mamie t'ont bien laissée partir à l'aventure pendant un an pour chasser un mage noir, et tu étais plus jeune que moi aujourd'hui ! Tu peux quand même arrêter de t'inquiéter pour moi quand je sors avec ma cousine, non? Bon sang, où est passée cette chaussure ?

-Cela n'a rien à voir, Rose, tu le sais bien, soupira Hermione en dénichant la sandale manquante sous une paire de vestes d'hiver.

Rose, comme son frère et toute la génération d'après-guerre, connaissait parfaitement les événements qui s'étaient déroulés pendant les deux guerres des sorciers. Elle y était d'ailleurs plus sensible que les autres, car ses parents avaient été sur le devant de la scène lors de la deuxième guerre des sorciers. Plus qu'un événement tragique, cette guerre faisait partie de l'histoire de sa famille. Elle avait grandi en écoutant les récits de ses parents et, comme tous les jeunes sorciers de son âge, elle en avait appris les événements tragiques à Poudlard.

Néanmoins, elle était née après cette période de désolation et d'angoisse et tout restait très abstrait pour elle. Hermione ne lui en voulait pas, évidemment. Tout ce qu'elle avait fait dans sa jeunesse, c'était justement pour assurer à ses enfants un avenir plus serein. Mais elle aurait aimé que Rose, maintenant qu'elle avait grandi, comprenne ses angoisses et ses peurs, exacerbées par des années terrifiantes et des traumatismes d'enfance.

-C'est justement pour que je puisse profiter et vivre une vie normale que tu as fait tout ça! Tu devrais t'en féliciter et être heureuse.

-Bien sur que j'ai fait tout cela pour toi et Hugo, et je revivrais tout sans hésiter s'il le fallait. Mais guerre ou pas, la nuit est rarement sans danger.

-Je sais me défendre.

Elle se tint au meuble à chaussures bancal pour enfiler sa deuxième sandale.

-Cela ne fait aucun doute, sourit doucement Hermione.

Rose était une sorcière très intelligente. Elle avait brillamment terminé ses études à Poudlard en obtenant onze ASPICS sur douze et allait à la rentrée suivre des études supérieures pour devenir Médicomage. Hermione était très fière.

-Je file, je vais être en retard, s'exclama-t-elle.

Sans un regard pour sa mère, elle sortit dans le jardin et disparut à peine le portail franchi. Hermione resta quelques longues secondes à observer sans le voir l'endroit où sa fille avait disparu. Le temps était passé si vite. Où était donc passé ce bébé aux cheveux roux qui gazouillait joyeusement dans ses bras?

Elle repensait toujours au passé avec une grande tristesse. Ses enfants l'avaient rendue la plus heureuse, mais elle aurait pourtant aimé que de nombreuses chose se soient passées différemment. Soupirant, elle glissa la main dans sa poche et en sortit un bout de parchemin froissé. Il était arrivé en début de matinée, juste après que Ron soit parti pour le Ministère. Seuls deux mots y étaient apposés:

«Où ? Quand ?»

Le passé semblait revenir à elle au moment où elle s'y attendait le moins. Et peut-être était-il enfin temps de faire la paix avec lui?

.

Particulièrement bien exposé, le studio était lumineux, ce qui était, somme toute, plutôt positif. Une fois rafraichi et nettoyé, l'endroit était net, propre et sobre. Harry n'en attendait pas moins. La cuisine était petite mais bien agencée et ses tiroirs et rangements débordaient déjà d'ustensiles de cuisine, de mets et d'aliments. Le petit lit avait été installé directement sous la large fenêtre, de sorte qu'une fois allongé dessus, on avait une vue imprenable sur le ciel étoilé la nuit et les toits de Londres la journée.

Allongé sur le lit, les mains derrière la nuque, Harry réfléchissait, entre somnolence et état d'éveil, lorsque la sonnette le fit sursauter. Il émergea de son état de transe et, l'oreille aux aguets, attendit. De toute évidence, le propriétaire, bien que de nature discrète, comptait garder un œil sur lui. Cela ne l'arrangeait pas.

Lorsque la sonnette retentit à nouveau, Harry soupira avec agacement. Il semblait nécessaire de mettre les choses au point. Il se leva souplement, passa sa main dans ses cheveux d'un noir de jais pour tenter de les discipliner, en vain et traversa le studio en trois grandes enjambées. Furibond, il ouvrit la porte à la volée.

Ce n'était pas le propriétaire.

-De toute évidence, j'ai une bonne influence sur toi, dit Harry, hargneux, en reprenant contenance rapidement. Non seulement tu passes par la porte, mais en plus tu sonnes avant d'entrer.

Draco passa devant lui en l'ignorant, bien que le coin de ses lèvres semble s'être légèrement étiré en un semblant de sourire. Il entra dans le studio d'un pas souple et ses chaussures de marque ne claquèrent pas sur le parquet. La porte, elle, claqua lorsqu'Harry la referma.

Le vampire, tout en souplesse et en charisme, se figea au milieu du studio. Il était incongru de le voir ici, dans cet environnement si normal. Tiré à quatre épingles, comme à son habitude, seules quelques mèches de cheveux d'un blond presque blanc s'échappaient de sa chevelure et tombaient devant ses yeux. Sa beauté froide était hypnotisante, mais pas plus que ses yeux d'un gris anthracite profond. Il se dégageait de lui une menace sourde qu'il n'était guère bon d'ignorer et qui aurait fait fuir n'importe quel humain normal plus vite que son ombre.

Mais Harry n'était pas un humain normal et il était bien le seul sur terre à pouvoir rester, seul et sans broncher, dans la même pièce qu'un vampire. Que ce vampire. Son vampire.

-Donc ? souffla Draco dans un souffle à peine audible.

Son regard vif observait les moindres détails de la pièce.

-Donc quoi ? demanda Harry, un peu sur la défensive sans réellement savoir pourquoi.

Le vampire fit soudain volte-face et, lorsqu'il posa ses yeux orageux sur Harry, le cœur de ce dernier rata un battement. Comme il le faisait depuis vingt-sept ans. Ne s'y habituerait-il donc jamais? Ce regard implacable avait à la fois le pouvoir écrasant de le glacer jusqu'aux os et de le réchauffer agréablement. Cela dépendait des circonstances. Harry ne bougea pas, cependant, déterminé à ne pas montrer le moindre signe de faiblesse. Toujours rester maître de soi, face à Draco. Ou du moins le prétendre, sous peine de laisser au vampire l'occasion de prendre le dessus.

-Donc, selon tes standards, ceci est « un appartement charmant, cosy et discret » ?

Harry releva la tête avec défi.

-Oui, affirma-t-il avec aplomb.

Draco haussa un unique sourcil en le dévisageant sévèrement. Même si l'impassibilité du vampire n'avait d'égale que sa froideur, Harry pouvait clairement deviner sa désapprobation. Il esquissa un sourire en coin.

-Je ne sais pas à quoi tu t'attendais. Depuis le temps, tu devrais savoir que nous n'avons pas les mêmes standards.

-De toute évidence, murmura le vampire en lui jetant un regard réfrigérant.

Il jaugea Harry d'un regard glacial avant d'évaluer sans un mot l'appartement fraîchement rénové. Harry observa les murs d'un blanc immaculé, la large fenêtre qui, directement au-dessus du lit, laissait entrer les rayons du soleil de ce début d'après-midi et la petite cuisine fonctionnelle.

-Pour utiliser uniquement la douche et occasionnellement le lit, je trouve que tu fais le difficile.

Il aimait bien cet appartement. Il n'avait pas beaucoup d'affaires et n'avait pas besoin de plus grand, de plus beau, de plus impressionnant. Du moment qu'il avait Draco près de lui, le reste n'avait que peu d'importance. Et voir le vampire, si aise dans le faste et le luxe, dans cet endroit étriqué, le faisait intérieurement marrer. C'était probablement ce qui agaçait Draco, d'ailleurs, car son regard s'échoua brièvement sur le sourire qu'Harry peinait à dissimuler.

-Occasionnellement ? releva-t-il.

Il s'approcha du lit et ses doigts pâles effleurèrent les draps défaits. Harry l'observa sans un mot, sur ses gardes. Draco n'était pas un danger pour lui, mais il pouvait néanmoins se montrer particulièrement imprévisible, tel un animal sauvage qu'on ne pouvait apprivoiser. Il était dangereux de le quitter du regard, Harry l'avait appris à ses dépends.

-Tu as dit que je pouvais choisir, lui rappela fermement Harry.

-Très bien, affirma subitement Draco en faisant volte-face. Si c'est ce que tu désires.

Il traversa la pièce et s'installa dans l'unique fauteuil. Harry l'observa d'un air satisfait. Il était toujours agréable de voir Draco céder à ses envies et lui laisser prendre des décisions sans intervenir. Cela n'arrivait pas souvent, car le vampire avait besoin de tout contrôler, Harry inclus. Néanmoins, le jeune homme avait appris qu'il avait un certain pouvoir sur Draco, notamment lorsqu'il voulait quelque chose très fort. Dans ces moments-là, et seulement dans ces moments-là, Draco apprenait à faire des concessions. Après tout, c'était fatiguant pour tous les deux d'être constamment en conflit.

Et en conflit, ils l'étaient souvent.

-As-tu mon journal ? demanda Draco d'un air autoritaire.

Le sourire d'Harry se tarit. Il était idyllique de penser qu'il pourrait un jour avoir le dessus dans leur relation. Malgré les petites victoires du quotidien d'Harry, Draco dominait et il aimait le lui rappeler.

-10 mornilles pour un numéro de la Gazette, ce n'est plus ce que c'était ! dit-il en soupirant.

Il attrapa le journal qui trainait sur la table et le lança à travers la pièce. Draco l'attrapa sans un mot et le secoua pour le dérouler.

-As-tu conscience de parler comme un vieux ? demanda-t-il en disparaissant derrière le journal.

Harry s'assit au bord du lit.

-C'est ce qui arrive, à force d'en côtoyer.

Derrière le journal, Draco claqua de la langue d'un air réprobateur face à sa répartie acerbe. Mais il ne dit plus rien et il était évident que la conversation était terminée. De son côté, en tout cas. Sur la une du journal, s'étalait la photo d'un homme aux cheveux grisonnants qu'Harry ne connaissait pas. Installé derrière un pupitre orné du blason du Ministère de la Magie, il faisait de larges gestes grandiloquents tandis que les flashs des appareils photos crépitaient autour de lui.

-C'est lui, le Ministre de la Magie ?

Harry inclina la tête et le dévisagea plus attentivement. C'était un homme grand, sec, à l'air sévère et arrogant. Ses cheveux étaient plaqués sur son crâne et aucun ne dépassait. Il portait une robe de sorcier noire richement ornée qui suintait le luxe et la richesse.

-Son air me dit vaguement quelque chose.

Le titre en lettres majuscules de la Gazette disait « Un pas en avant, deux pas en arrière ».

-Qu'est-ce qu'il raconte ?

Il était étrange, après tout ce temps, d'être de retour à Londres. Il avait toujours pensé que revenir serait comme rentrer à la maison mais, finalement, il se sentait plutôt détaché. Même si entendre à nouveau parler anglais dans la rue lui avait d'abord paru étrange, tout n'était finalement pas si différent. Du moins en apparence.

Il n'avait aucune idée de ce qui s'était passé dans le monde sorcier anglais depuis toutes ces années. Vingt-six ans auparavant, après la chute de Voldemort, il n'avait pas seulement quitté le Royaume-Uni, il avait brisé toutes les chaînes qui le retenaient à ce pays. Et pour se reconstruire, il avait appris à oublier tout ce qui y était lié. Ses souvenirs, les bons comme les mauvais car, quels qu'ils soient, ils faisaient naître en lui un immense sentiment de peine. Sa langue, sa culture, son actualité, Harry avait tout abandonné derrière lui. Ou presque. Ses racines se trouvaient encore ici, et elles le resteraient toujours.

Et, même s'il aurait aimé que cela en soit autrement, elles l'appelaient irrémédiablement.

La magie avait bien fait les choses, comme bien souvent, car Draco avait les mêmes racines que lui. Tous deux étaient irrémédiablement liés au Royaume-Uni et, quels que soient leurs efforts et leur détermination, le pays les appelait à lui avec ardeur. Draco l'avait appris depuis bien longtemps et Harry l'avait récemment appris: il n'était pas aisé de tourner définitivement le dos à ses racines.

Il était curieux de savoir comment avait évolué le monde des sorciers après la guerre. Les choses ne pouvaient pas être redevenues comme avant, il en avait conscience. Bien trop de bouleversements et d'horreurs avaient eu lieu. Mais il était curieux de savoir comment les sorciers avaient reconstruit leur société et repris leur futur en main, après les horreurs infligées par Voldemort.

-Il a dû s'en passer des choses en vingt-six ans.

Il soupira. Du bout du pied, il traça des lignes imaginaires sur le sol, songeur. Revenir au Royaume-Uni n'avait pas été une décision anodine à prendre. Il avait dû assimiler le fait qu'il allait devoir faire face à de vieux démons, ceux qui hantaient ses songes depuis des années. Mais ce n'était peut-être pas plus mal ainsi. Sa reconstruction, après la guerre et les pertes tragiques qu'il avait subies, avait été longue et pénible. Mais pour avancer pleinement et aller de l'avant en toute sérénité, il devait remettre en ordre certaines affaires laissées en plan vingt-six ans plus tôt, lors de son départ précipité.

Cette perspective l'angoissait plus qu'il n'osait se l'avouer. Il soupira à nouveau.

-Potter...

Le ton exaspéré de Draco le fit sourire. Pour ne pas agacer le vampire plus que nécessaire, il tenta de discipliner ses émotions. Depuis qu'ils avaient décidé de revenir à Londres, les émotions d'Harry étaient comme des montagnes russes. Il enchaînait entre des périodes de bonheur et d'excitation et des périodes d'angoisse et de peur. Or, Draco ressentait ses émotions fortes. Et lui qui, depuis des milliers d'années, n'avait ressenti qu'indifférence, excitation et soif, toutes les émotions contradictoires d'Harry, son calice, le dérangeaient. L'agaçaient, même. Alors, le jeune homme apprenait à lisser ses émotions. Mais parfois, cela s'avérait particulièrement difficile.

Il avait beau être angoissé, toute cette inquiétude ne pouvait dissimuler la pointe d'excitation qu'il ressentait à être ici. C'était comme faire un saut dans le passé. Le Royaume-Uni avait bercé son enfance, Londres son adolescence. C'était comme retrouver un vieil ami perdu de vue depuis longtemps. Il avait hâte de savoir ce qui lui était arrivé, durant toutes ces années, mais aussi de renouer avec lui. De goûter à nouveau à cette vie passée qu'il avait un jour chérie. C'était une deuxième chance, un nouveau départ, un renouveau.

Il avait conscience que des moments difficiles l'attendaient, car son départ précipité avait probablement laissé des traces. Mais il était enfin prêt à les affronter. Avant que ce ne soit trop tard. Pour faire la paix avec lui-même, mais aussi avec eux.

Cette pensée fit immédiatement retomber son excitation et il sentir l'appréhension revenir insidieusement. Il tenta de la discipliner en jetant un regard en coin au journal derrière lequel Draco devait certainement faire appel à toute sa patience. Harry savait que le vampire était très sensible au roller coaster d'émotions qui se jouait en lui. Cette pensée le fit sourire. Le journal s'abaissa lentement et les yeux gris de Draco, de ce gris glacé qui lui était devenu si familier, se posèrent sur lui. Harry reprit immédiatement son sérieux et soutint son regard.

-Quoi ? demanda-t-il, plein de défi, en redressant le menton pour cacher son trouble.

-Toutes ces émotions, souffla-t-il, l'air agacé. Il s'en passe des choses dans ta tête.

Harry haussa les épaules d'un air faussement nonchalant. Comme toujours, le regard gris semblait l'avoir happé. Hypnotisé, il était incapable de s'en détourner. Tout le capharnaüm d'émotions qui se jouaient en lui depuis quelques minutes sembla brusquement se taire. Tandis qu'il plongeait sans réserve dans le regard si familier de son vampire, un calme soudain l'envahit. Draco avait ce pouvoir sur lui. De l'apaiser, de calmer ses angoisses, de le faire se sentir en sécurité, où qu'il soit. Et même si les orbes grises du vampire n'avaient rien de rassurant, ni de chaleureux, elles étaient son repère. Quand elles se posaient sur lui, même si c'était avec agacement, Harry se sentait immédiatement à sa place.

Il y avait quelque chose de sombre dans le regard du vampire posé sur lui. Comme toujours. Un mélange de fascination, d'obsession, d'amusement. Des choses auxquelles Harry était habituées, mais qui lui faisait parfois un peu peur. Constater l'obsession du vampire envers lui, son calice, avait quelque chose d'à la fois effrayant et fascinant. Il aimait être le centre du monde de Draco, même si cela allait aussi avec son lot d'inconvénients. Il n'était jamais bon d'attirer ainsi l'attention sans égale d'un si dangereux prédateur. Mais n'était-ce pas ce qui était le plus grisant dans leur relation ?

Avoir son attention toute entière. Savoir qu'il était le seul, pour Draco. Savoir combien il était précieux pour lui. Qu'un si dangereux prédateur soit à lui, et à lui seul. Cela le faisait se sentir à la fois puissant et vulnérable.

-Vas-tu être sage, à présent ? demanda Draco en esquissant un sourire en coin narquois, sachant pertinemment l'effet que son regard avait sur son calice.

Harry détestait ce sourire en coin. Ou peut-être l'adorait-il ? Il ne savait plus. Cela dépendait des jours. Une des canines proéminentes du vampire glissa entre ses lèvres entre-ouvertes et le regard du calice s'échoua dessus. Il adorait cela aussi. Plus que tout au monde. La canine d'un blanc laiteux, acérée comme une arme tranchante, qui glissait dans son cou, déchirait sa peau, faisait coulait le sang. L'idée du vampire dans son cou, ses crocs plantés au plus profond de lui, fit remonter un frisson extatique le long de son échine. Il en avait envie. Maintenant.

-Harry, tu es toujours avec moi ?

Il était moqueur. Mais il ne souriait plus et le charme fut rompu. Libéré de l'emprise du regard anthracite de son vampire, Harry se laissa aller contre le montant du lit et lui jeta un regard noir. C'était si facile pour Draco de jouer avec lui. Si naturel. C'était agaçant. Il laissa passer quelques secondes, le temps de reprendre contenance. Puis, désignant le journal du menton, il demanda:

-Alors, ça dit quoi ?

Draco tourna la page de son journal en lui lançant un regard sévère.

-Ça dit que tu pourras le lire quand j'aurai terminé. Cesse de m'importuner.

Harry pinça les lèvres. Il regarda Draco lui jeter un dernier regard menaçant avant de disparaître derrière son journal. Il jeta un regard noir au Ministre de la Magie qui s'agitait sur la couverture. Draco pouvait être si agaçant, quand il le congédiait ainsi, comme s'il n'avait aucune importance. Il sentit la colère monter en lui, puis se rappela que Draco pouvait aussi sentir la colère. Agacé à la fois contre lui-même et contre son vampire, il se leva souplement. Il attrapa sa veste et l'enfila.

Les yeux gris du vampire apparurent à nouveau derrière le journal et il l'observa enfiler ses chaussures sans un mot. Harry l'ignora. Il pleuvait dehors. Il n'était plus familier de la grisaille londonienne. Il attrapa le parapluie et se dirigea vers la porte.

-Harry...

La main sur la poignée de la porte, Harry se retourna. Draco avait à nouveau disparu derrière son journal.

-Tu rentres avant la nuit.

.

.

Voilà pour le retour d'Harry et Draco. J'espère que ce chapitre vous a plu ? J'aimerais bien savoir comment vous imaginez leur relation, après toutes ces années. Plus tendres ? Moins chaotiques ?

À bientôt pour la suite !

Natom, 15/01/25