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Chapitre 2
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L'immense et majestueux château n'avait pas changé.
Il avait toujours ses hautes tours impérieusement dressées vers le ciel, sa façade illuminée par de multiples fenêtres, son vaste parc verdoyant et le lac noir et immense étalé à ses pieds. C'était toujours le même château millénaire drapé de son aura féérique, supportant majestueusement le poids des années. Malgré les événements tragiques qui s'y étaient déroulés de nombreuses années auparavant, il gardait toujours sa première fonction et accueillait immuablement chaque année son lot de jeunes élèves avides de savoir.
Le regard qu'Harry posa sur l'ancestral château n'avait pas changé non plus. Il avait à nouveau onze ans, était habillé de robes de sorcier fraichement achetées sur le Chemin de Traverse. Il était à nouveau un petit garçon au passé tumultueux, orphelin, maltraité par sa famille d'adoption, qui découvrait peu à peu une célébrité dont il ne voulait pas. Et, surtout, qui découvrait la magie. Il regardait le château féérique avec des yeux émerveillés remplis d'excitation, tandis qu'une nouvelle vie commençait pour lui. Une vie dont il ignorait encore, du haut de ses onze ans, de quoi elle serait faite.
Poudlard.
Malgré les années écoulées, Harry gardait des souvenirs vifs et heureux de ses jeunes années en tant qu'élève. La vue du château illuminé par le soleil d'été faisait renaître en lui des émotions puissantes et resurgir des souvenirs qu'il pensait avoir oubliés. Les souvenirs heureux prédominaient largement sur les autres. Une vague puissante de nostalgie l'envahit et, pour la première fois depuis longtemps, il se sentit triste et mélancolique.
Le vieux château était le symbole majestueux des plus belles années de sa vie. Celles qui avaient fait de lui un sorcier. Celles qui avaient transformé le jeune orphelin chétif qu'il était à onze ans en un adolescent tourmenté au destin tout tracé, puis en un héros de guerre. Il avait ici lancé ses premiers sorts, rencontré ses premiers amis, volé sur un balai pour la première fois. Poudlard était l'endroit où il avait été heureux pour la première fois. C'était, bien plus qu'une école, sa maison, son foyer.
Il eut enfin l'impression réconfortante de rentrer à la maison. L'impression étrange, aussi, de ne jamais l'avoir vraiment quitté.
Ce qui était faux, évidemment. De nombreuses années s'étaient écoulées depuis le soir où il avait foulé ce sol pour la dernière fois. Tout avait changé, tout avait évolué. Sauf lui. Lui et Poudlard. Ils étaient tous les deux figés dans une intemporalité qui n'avait de secret que la magie et Harry se demanda s'il serait un jour le témoin de la chute de l'école.
Survivrait-il à Poudlard lui-même? C'était une pensée angoissante, de savoir que même l'école millénaire pourrait un jour disparaître, alors que lui, immuable, resterait, figé sur cette terre par son lien avec Draco.
Le jeune homme resta longtemps immobile devant les hautes grilles surmontées de sangliers ailés. Elles étaient grandes ouvertes, invitant quiconque à entrer et c'était là le signe d'une nouvelle ère flottant sur le monde sorcier. La fin d'après-midi était fraiche et la veste légère que portait Harry le protégeait difficilement de la brise qui soufflait sur Pré-au-Lard. Ses cheveux d'un noir de jais volaient au vent et il se contenta, pendant de longues secondes, d'écouter le silence impérieux qui régnait en ces lieux et de se laisser imprégner par des souvenirs lointains.
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Harry prit son temps pour remonter la longue allée qui serpentait à travers le parc en direction du château. Les mains dans les poches de son pantalon noir, le regard fixé au loin sur la silhouette illuminée de l'école, il progressa d'un pas nonchalant. Le château grandissait à mesure qu'il s'en approchait et le cœur d'Harry s'emballait doucement, de plus en plus excité, de plus en plus stressé.
Harry monta deux à deux les marches du perron, le pas bondissant, et se figea sur le seuil d'entrée, hésitant soudain. Il régnait dans le château un silence de cathédrale. Les derniers souvenirs qu'il avait gardés du lieu n'étaient que ruine et mort, mais en pénétrant dans l'enceinte du château, ce fut comme si tout cela n'était qu'un vieux cauchemar. Tout était si normal, si banal, si semblable à ses souvenirs d'écolier qu'il fut un instant désarçonné, comme s'il s'était attendu à faire face à un combat violent.
Harry traversa le hall d'entrée et, silencieux, pénétra dans la Grande Salle. Ici aussi, tout était exactement comme dans ses souvenirs d'enfants. Le plafond magique reproduisait le ciel d'un bleu sans nuage qui s'assombrissait peu à peu, tandis que le soleil plongeait vers l'horizon. La longue table des professeurs faisait face aux quatre tables de chaque maison, la table des Gryffondors étant la plus éloignée de la porte d'entrée.
À cette table était installée Hermione Granger. Son regard s'était posé sur Harry dès que le jeune homme avait pénétré la salle. Il se figea en l'apercevant à son tour. Son souffle se bloqua dans sa gorge et il eut, pendant une brève seconde, l'envie folle de faire demi-tour.
Mais il ne le fit pas. Au contraire, il prit une profonde inspiration et s'avança lentement en direction de la table des Gryffondors. Hermione ne le lâchait pas du regard, comme si elle avait peur qu'il disparaisse. Elle n'eut aucune réaction lorsqu'Harry s'assit posément en face d'elle, à cette même table où ils avaient, autrefois, partagé tant de repas et comploté tant d'aventures. Il posa les bras sur la table, devant lui, et croisa négligemment les doigts. Hermione se tenait raide face à lui, la bouche pincée et les sourcils froncés et pour la première fois, Harry se demanda s'il avait eu raison de revenir.
Draco aurait souri avec arrogance, s'il avait pu lire ses pensées à cet instant.
Harry ne savait pas quoi dire et Hermione ne rompit pas le silence non plus. Ils restèrent l'un face à l'autre, sans un mot, à s'observer fixement. Harry scrutait le visage d'Hermione, tentant de retrouver les traits de la jeune fille qu'il avait un jour connue et il était un peu mal à l'aise de se dire qu'Hermione le fixait en retour, sans trouver le moindre changement avec le jeune homme qu'il avait été. Qu'il était toujours. Il aurait aimé avoir grandi, avoir muri, avoir des cheveux gris et plus de rides. Il aurait aimé avoir changé, ne serait-ce qu'un peu, mais il savait qu'il n'en était rien et, face à Hermione, ce soir-là, il en eut honte.
Revoir Hermione et se confronter aux traces du temps sur son visage étaient un choc. Il était mis face à la réalité du temps qui passe avec une violence qu'il n'avait pas anticipée. Il était aisé, au contact de Draco, d'oublier que la vie continuait immuablement en dehors de leur bulle. Ses amis s'étaient construit une vie, ils avaient vieilli, s'étaient mariés, avaient eu des enfants. Ils avaient avancé. C'était tout ce qu'Harry avait toujours redouté. Face à Draco, figé dans une intemporalité impénétrable, il était facile d'occulter tout cela, de minimiser les faits, d'oublier qu'au-delà de ce qu'ils vivaient, les jours, les mois, les années défilaient et qu'ils avaient un impact sur les gens qu'il avait laissés derrière lui. Il y faisait face aujourd'hui et, face à Hermione, il ne pouvait plus se voiler la face.
Il avait encore et toujours dix-sept ans et Hermione était une femme de quarante trois ans.
-Tu es revenu, finalement.
La voix d'Hermione rompit le silence, ramenant soudain Harry à la réalité. Hésitant, il approuva doucement. Il y a vingt-six ans, quelques heures après avoir tué Voldemort et alors qu'il venait de découvrir que des personnes qu'il aimait profondément étaient mortes pendant la bataille, il avait quitté la Grande Salle, le cœur brisé. Il se souvenait encore aujourd'hui de la tristesse déchirante et du profond chagrin qu'il avait alors ressentis. De cette impression de ne plus jamais pouvoir être heureux, semblable à celle que laissaient les Détraqueurs sur leur passage. Il avait eu besoin d'air et, plus important encore, il avait eu besoin de Draco. Lorsqu'Hermione l'avait rattrapé dans le hall de l'école, qu'elle l'avait appelé, il lui avait simplement répondu «je reviens».
Et il n'était jamais revenu.
-Je suis contente que tu sois revenu, ajouta-t-elle face au silence d'Harry. Même si c'est des années plus tard. Je ne pensais pas avoir un jour la chance de te revoir.
Le jeune homme essaya de sourire mais s'en trouva incapable.
-J'avais besoin de revenir, murmura-t-il pour cacher son trouble.
Elle le fixa longuement, sans un mot. Harry soupira imperceptiblement. Ils s'observèrent longuement, chacun tentant de retrouver chez l'autre cette familiarité qu'ils avaient un jour connue.
-Je suis désolé, Hermione, affirma soudain Harry quand le silence devint trop insupportable. J'aurais dû revenir des années plus tôt. Ou au moins envoyer un hibou, vous laisser savoir que j'allais bien, prendre de vos nouvelles. Je suis sincèrement désolé, vraiment.
Il la fixa intensément, tentant de lui faire comprendre par son regard plus que par ses paroles à quel point il était sincère. Elle secoua brièvement la tête.
-Ne le sois pas, Harry. C'était il y a des années. Et nous savions que tu allais bien.
Harry tenta de déceler dans son regard une trace de colère, d'amertume ou quoi que ce soit qui lui indique qu'elle lui en voulait. Ou qu'elle lui en avait un jour voulu. Mais il ne trouva rien. Alors il se contenta doucement d'approuver.
-Quoi que tu ais fait et où que tu sois allé pendant toutes ces années, j'espère seulement que tu as trouvé la paix. Toi plus que quiconque le mérites.
Il esquissa un léger sourire.
-Je ne le mérite pas plus que toi, ou Ron ou que tous ceux qui ont souffert pendant la guerre. Mais oui, ajouta-t-il après une brève pause songeuse, je suis finalement en paix avec moi-même.
Elle sourit et Harry comprit qu'elle n'avait pas besoin d'en savoir plus. Savoir qu'il était heureux la rendait heureuse. Il comprit aussi que rien n'avait changé. Hermione était toujours la jeune fille qu'il avait un jour connue, soucieuse du bien-être et du bonheur des gens qu'elle aimait. Elle était toujours la sœur qu'il n'avait jamais eue et avec qui il avait partagé tant d'aventures, bonnes comme mauvaises. Par ce qu'ils avaient vécu et enduré ensemble, ils resteraient toujours liés par un lien indéfectible. Cette constatation le soulagea immensément et un poids qu'il n'avait pas eu conscience de porter s'envola de sa poitrine.
-Où est Ron ? demanda-t-il alors.
Elle soupira et son sourire se fana un peu.
-Il n'est pas là. Tu sais comment il est. Il n'a pas changé.
La gorge sèche et le cœur lourd, Harry approuva.
-Mais ne t'en fait pas Harry, il ne t'en veut pas plus que moi. C'est juste que... il a besoin de plus de temps que moi pour assimiler ton retour et y faire face.
Il se passa la langue sur les lèvres pour les humidifier. Malgré les mots rassurants d'Hermione quelques instants plus tôt, il ne put s'empêcher de dire le fond de sa pensée:
-Je m'en veux d'être parti alors que lui et sa famille avaient besoin de moi. J'aurais dû être là pour eux, pour les aider à surmonter ces moments difficiles, pour faire notre deuil ensemble.
Hermione se pencha soudain en avant et vint poser sa main sur son bras. Pendant quelques secondes, Harry se contenta de fixer cette main chaude et bronzée qui chauffait étrangement son bras. Il eut l'envie irrationnelle de se soustraire immédiatement à ce contact moite et inhabituel mais se retint, pour ne pas la vexer. Ce n'était pas désagréable, mais le calice qu'il était ne réclamait que le toucher frais et léger de son vampire.
-Personne ne t'en veut, Harry. S'il te plaît, crois-moi. Tout le monde a compris.
Ses yeux semblaient le supplier de la croire. Mais Harry, malgré son désir de le faire, n'y arrivait pas. Il lui paraissait peu probable que quiconque ait compris ce qui avait bien pu motiver sa fuite avec un vampire. Cela avait dû les horrifier et les laisser dans un état d'incompréhension qu'Harry ne devinait que trop bien.
-Tu as vécu des choses atroces. Personne ne t'en veut d'avoir dû partir loin de ces souvenirs horribles pour pouvoir te reconstruire. Peu importe dans quelles circonstances tu es parti.
Elle lui jeta un regard entendu et Harry sourit légèrement.
-Nous nous sommes tous reconstruits et avons laissé tout cela derrière nous. Il est inutile de ressasser le passé. Nous n'oublierons jamais Fred et tous les autres mais nous avons tous une famille, à présent, et c'est cela qui compte, plus que tout le reste.
Il hocha doucement de la tête. Elle lui serra brièvement le bras avant de lâcher prise.
-Parle-moi de ta famille, demanda-t-il alors doucement, en se frottant nonchalamment l'endroit où sa main avait laissé une trace chaude sur sa peau.
Pour la première fois, son visage s'illumina d'un sourire resplendissant. Sans en avoir réellement conscience, Harry sourit à son tour, heureux de la voir heureuse.
-Notre aînée, Rose, a déjà 18 ans. C'est fou comme le temps passe vite. Hier encore, ce n'était qu'un bébé qui avait désespérément besoin de nous et aujourd'hui, elle se construit sa vie de jeune adulte toute seule. C'est une sorcière brillante, elle a obtenu ses Aspic haut la main.
-Cela ne m'étonne pas du tout.
-Hugo a 16 ans, il va entrer en sixième année à la rentrée. C'est assez cliché de dire que ma fille me ressemble alors qu'Hugo ressemble plutôt à Ron, mais je pense que c'est plutôt vrai. À l'exception de Charlie, tous les enfants Weasley ont eu des enfants. Je te laisse imaginer la cacophonie qui règne lors des réunions de famille!
Harry rigola franchement. Il imaginait très bien, en effet. Les souvenirs qu'il avait des repas chez les Weasley faisaient parti de ceux qu'il chérissait le plus. C'était dans ces moments-là qu'il avait réellement et pour la première fois goûté à la vie de famille, la vraie et il était heureux que les Weasley perpétuent cela pour la génération d'après.
-Ginny aussi a eu des enfants ? demanda-t-il.
-Oui, Arthur. Il va rentrer à Poudlard à la rentrée. C'est le plus jeune de la bande. Elle et le papa ne sont plus ensemble depuis longtemps.
Harry approuva doucement. Il était à la fois heureux et triste que Ginny ait refait sa vie. Il fut un temps, il avait pensé qu'il serait le père de ses enfants. Cette pensée lui parut étrange, presque déplacée. Draco était le centre de son univers, à présent.
-Et toi ? demanda Hermione comme si elle pouvait suivre le cours de ses pensées.
-Moi quoi ? rétorqua-t-il, immédiatement sur la défensive.
-Eh bien...
Elle hésita puis, semblant se rendre compte face au regard du jeune homme que lui demander s'il avait des enfants n'était pas la meilleure idée, elle demanda subitement:
-Est-ce que tout se passe bien ?
« Est-ce que tout se passe bien ? ». Une étrange question pour formuler beaucoup de choses qu'elle n'osait demander à voix haute. Évidemment, l'existence entière d'Harry ne tournait qu'autour de son vampire. Ses yeux anthracite qui se posaient sur lui. Ses crocs acérés qui déchiraient sa peau. Ses mains fraîches sur son corps. Sa domination. Ses sarcasmes. Son charisme. La vénération qu'il lui vouait, à lui, Harry, son calice. Son obsession de son sang. Le besoin irrépressible qu'Harry avait de lui. La morsure. Le sexe. La morsure encore. Toute son existence était régie par le besoin qu'il avait de Draco et le besoin que Draco avait de lui. Ce n'était pas sain, ça ne l'avait jamais été. Mais c'était ainsi. Et Harry n'aurait changé cela pour rien au monde. Il haussa nonchalamment les épaules.
-Oui, tout se passe bien, dit-il en retenant un sourire, englobant en quelques mots tout ce qu'il ne dirait jamais à haute voix.
Elle haussa un sourcil et ils se fixèrent sans un mot pendant quelques secondes. Elle attendait probablement qu'il parle, qu'il raconte, qu'il se livre. Vingt-six ans s'étaient écoulés depuis leur dernière rencontre et il aurait pu avoir des milliers de choses à lui raconter. Mais Harry n'en ressentait ni le besoin, ni l'envie. Draco n'appartenait qu'à lui. Draco était son monde, son secret. Il n'avait aucune envie de partager avec Hermione ce qu'était son existence auprès de son vampire. Il aimait l'idée que l'existence de Draco reste abstraite pour elle, que le vampire n'existe réellement que pour lui. C'était égoïste, mais c'était aussi une façon de se protéger. Il ne voulait pas être jugé. Et sa relation avec Draco était une ignominie. En connaître les détails ne ferait qu'horrifier Hermione davantage, peu importe son ouverture d'esprit sur la question.
Elle sembla se rendre compte qu'il ne dirait rien de plus, car elle reprit soudain :
-C'est fou comme tu n'as pas changé, Harry. Tu es toujours le jeune homme que tu étais la dernière fois que je t'ai vu. Tu es...
Elle le dévisagea, mais ne sembla pas trouver les mots. Harry savait pourquoi. Il n'avait pas changé, mais les années passées auprès du vampire, son venin à chaque morsure, avait lissé ses traits. Il semblait jeune, mais intemporel. D'une beauté éclatante, mais inquiétante. Il y avait le vampire dans son regard, en un danger subtil qui tenait généralement les humains à distance. Il n'était pas un vampire, mais il n'était plus tout à fait humain non plus.
-Je n'ai pas changé mais j'ai mûri, affirma-t-il en souriant légèrement.
Elle approuva doucement, comme si elle prenait soudain conscience d'à quel point c'était vrai. Ils se sourirent.
-Alors, reprit Harry au bout de quelques secondes de silence, quelle matière enseignes-tu, à présent ? Métamorphose ? Histoire de la Magie ? Ou bien le vieux Binns est-il toujours là ?
Pendant quelques secondes, Hermione observa le sourire qu'il arborait sans rien dire. Puis, semblant subitement se rendre compte qu'il avait posé une question, elle secoua légèrement la tête.
-Je n'enseigne pas, Harry.
Harry haussa les sourcils.
-Wouah, Hermione ! Mais tu dois être la plus jeune directrice depuis...
-Je ne suis pas directrice non plus, le coupa-t-elle un peu brusquement. Je suis infirmière. J'ai remplacé Madame Pomfresh lorsqu'elle est partie à la retraite.
Ils s'observèrent sans un mot pendant quelques secondes, le temps qu'Harry trouve ses mots. C'était inattendu. Ni l'un ni l'autre ne souriaient plus.
-Tu n'avais jamais parlé de te tourner vers la médecine, dit-il un peu maladroitement.
Soudain extrêmement lasse, elle soupira longuement. Harry vit passer sur son visage des émotions qu'il peina à identifier. Tout à coup, il eut l'étrange impression de ne plus la connaître. Il avait quitté une jeune fille pétillante et vive d'esprit et il retrouvait une femme fatiguée à l'air usé. Elle avait 43ans mais, dans la pénombre de l'immense Salle, elle semblait soudain plus âgée. Il se demanda ce qu'il avait raté, ce qu'elle avait vécu pendant toutes ses années d'absence pour sembler aujourd'hui si lasse. La culpabilité resurgit en lui. Il avait raté tant de choses.
-Non, dit-elle, c'est vrai, cela n'a jamais fait partie de mes plans. Mais les choses n'ont pas vraiment évolué comme je le voulais, après la guerre.
Il fronça les sourcils.
-Comment ça ?
À nouveau, elle soupira. Elle l'observa longuement, retraçant ses traits inchangés avec intensité. Il subit cet examen sans broncher, un peu mal à l'aise mais prenant soin de le cacher.
-Je ne sais pas quoi te dire, Harry. J'ai l'impression que tu débarques de nulle part et que tu n'as aucune idée de ce qui a pu se passer ici pendant toutes ces années.
Harry accusa le coup sans broncher.
-Alors explique-moi, demanda-t-il doucement. J'ai conscience d'avoir raté beaucoup de choses et j'aimerais qu'il en soit autrement. Mais c'est ainsi.
Elle le fixa encore pendant quelques secondes, puis soupira à nouveau.
-Tout n'a pas été aussi facile qu'on le pensait, après la guerre. Les vieux travers du monde sorcier ne se sont malheureusement pas juste envolés, comme par magie. Et comme la première fois, certaines personnes qui auraient dû être arrêtées ont réussi à se faufiler entre les mailles du filet.
Harry fronça les sourcils. Voilà qui était dur à digérer. Il serra les poings.
-Qui ? demanda-t-il doucement.
-D'anciens Mangemorts. Notamment certains qui étaient haut placés sous le pouvoir de Voldemort et qui ont réussi à se maintenir au pouvoir après sa chute, d'une façon ou d'une autre. Ils possèdent encore une forte influence, au Ministère. Et Ron et moi... ils ne nous portent pas dans le cœur, pour des raisons évidentes.
Soudain, Harry comprit. Il revit le Ministre de la Magie dont le visage sévère s'étalait à la une de la Gazette du Sorcier. Ce visage familier qu'il avait été incapable de remettre dans son contexte. Mais les paroles d'Hermione avaient soudainement jeté la lumière sur ses interrogations. Il sentit une émotion forte monter en lui. Une sombre colère.
-Je suppose que si tu restes un peu par ici, tu t'en rendras compte par toi-même, continua Hermione sans sembler remarquer le trouble d'Harry.
Elle sourit d'un air amer.
-Mais j'adore mon métier, ne t'y trompe pas. Pouvoir revenir à Poudlard tous les jours est un bonheur absolu. J'y ai des souvenirs merveilleux.
Un sourire sincère étira ses lèvres et Harry, malgré ses interrogations, ne put s'empêcher d'y faire écho. La simple évocation de Poudlard suffisait à déclencher chez lui un élan de tendresse qui lui réchauffait le cœur. Il aimait Poudlard comme on aime un vieil ami.
-Je suis content d'être là, affirma-t-il en balayant la Grande Salle du regard. Je ne pensais pas avoir un jour la chance d'y revenir.
-Tu pourrais aisément passer pour un élève.
-Et refaire toute ma scolarité ? Peut-être un jour, lorsque mon nom n'évoquera plus qu'un vague et lointain souvenir.
Hermione haussa les sourcils.
-Oh Harry, ce n'est pas prêt d'arriver. Ton nom restera à jamais gravé dans les mémoires, que tu le veuilles ou non.
Face à cette affirmation, Harry se rembrunit.
-Ce n'est pas juste, affirma-t-il. Je ne suis qu'un parmi d'autres. Ron et toi et tant d'autres méritent tout autant d'être érigés en héros.
-Mais c'est toi l'Élu. Tu l'as toujours été et tu le seras toujours.
Il approuva vaguement. Même après toutes ces années, il avait du mal à faire la paix avec sa célébrité. Il l'avait acquise au prix de la plus grande tragédie de sa vie, la perte de ses parents et, durant toute son adolescence, elle l'avait hanté. Après la mort de Voldemort, il y avait échappé en s'enfuyant, mais se faisant, il en avait également perdu le contrôle.
-L'Élu, répéta-t-il, songeur.
Voilà longtemps qu'il n'avait plus entendu ce mot, ni pensé à tout ce qu'il avait impliqué pour lui, à une époque. Une époque difficile, maudite, violente. Il était heureux que tout cela soit derrière lui, à présent. Hermione, silencieuse, le fixait intensément. Au bout de quelques secondes, voyant que le jeune homme ne disait rien, elle demanda :
-Comptes-tu rester ici longtemps, Harry ?
Harry releva la tête pour plonger son regard dans le sien.
-Longtemps, je ne sais pas. Qu'est-ce que c'est pour toi, longtemps ?
-Quelques semaines. Quelques mois.
Il sourit.
-Alors oui, je vais rester longtemps. Peut-être même très longtemps.
Il en avait profondément envie. Et Draco, bien qu'il ne le dise pas, aimait Londres. Il pouvait rester ici bien plus longtemps que nulle part ailleurs. Et si, pour Hermione, quelques mois pouvaient signifier « longtemps », pour le vampire, quelques mois n'étaient qu'une seconde vite envolée. Lorsqu'il relèverait la tête et s'apercevrait qu'il en avait marre de Londres, des années seraient passées.
-Que dirais-tu de venir manger à la maison, un soir ? Ce serait l'occasion de revoir Ron et de rencontrer les enfants.
Harry haussa les sourcils. Le temps de quelques secondes, il peina à trouver ses mots.
-Tu veux que je rencontre tes enfants ? souffla-t-il finalement.
Face à son air éberlué, Hermione rigola franchement.
-Bien sûr que je veux que tu rencontres nos enfants, Harry ! Tu fais partie de la famille. Et ils seraient extrêmement heureux d'enfin te rencontrer, après tout ce que nous leur avons raconté à ton sujet.
Harry, ému, ne dit rien. Savoir que Ron et Hermione avaient parlé de lui à leurs enfants le touchait d'une façon inexplicable. Tout à coup, il réalisa qu'il avait continué à exister pour eux, comme eux avaient continué à exister pour lui, pendant toutes ces années. Ils avaient continué à le faire vivre dans leur maison en parlant de lui comme d'un ami et non comme d'un héros adulé, en évoquant des souvenirs qu'ils avaient réellement vécus ensemble. Cette pensée lui réchauffa agréablement le cœur. Il plongea son regard émeraude dans celui d'Hermione et répondit :
-J'adorerais rencontrer tes enfants, Hermione.
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Qu'avez-vous pensé de ces retrouvailles avec Hermione ?
Retour de Draco dans le prochain chapitre, pour voir comment il compte s'occuper pendant qu'Harry est occupé à renouer avec son passé. À la semaine prochaine !
Natom, 18/01/25
