Bonjour !

Merci pour tous vos messages sur les chapitres précédents :)

Petite plongée intime dans les pensées obsessionnelles d'un vampire en pleine introspection. Enjoy !

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Chapitre 4

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Draco pensait à Harry. Draco pensait toujours à Harry. Depuis vingt-sept ans, ce fait était devenu une constance de son existence contre laquelle il ne luttait plus. Voilà longtemps que Draco avait cessé de lutter, quand il en allait de son calice. Sa soif de son sang, insatiable. Le désir de le posséder, encore et encore, pour que le garçon garde constamment sur lui la trace de son appartenance. Ses pensées obsessionnelles intarissables. Comme, il y a des centaines d'années, quand il était devenu un vampire, il avait appris à se soumettre à son envie de sang, pour en devenir un esclave obéissant, il avait à présent accepté que son calice soit le centre de son univers tout entier. C'était ainsi.

Il était des puissances contre lesquelles il était vain de lutter. Et le lien unissant un vampire et un calice en faisait partie. C'était une puissance supérieure, capable d'asservir deux êtres, de les rendre dépendants l'un de l'autre d'une façon dont seule la magie en avait le secret. Un lien implacable qui avait le pouvoir de contraindre Draco.

Et il n'était pas aisé de contraindre un vampire.

Harry hantait son être, régissait son corps, gouvernait sa soif. Il s'immisçait, telle une lame acérée impitoyable, dans le calme, la solitude et l'indifférence qu'avaient imposés en lui des années de vampirisme. Il déferlait en lui avec un mélange agaçant d'émotions variées et de besoins impérieux. Des émotions changeantes et embrouillées qui réveillaient en Draco des sensations qu'il n'avait plus connues depuis des centaines d'années. Des besoins humains qu'il avait depuis longtemps oubliés et qu'il redécouvrait avec mépris : avoir tout le temps besoin de faire quelque chose, de dire quelque chose, de ressentir quelque chose. Changer d'humeur comme de chemise, au gré des jours et de la météo. Avoir faim, puis soif, puis faim encore. Vouloir du confort. Trouver le confort ennuyant et vouloir de l'aventure. Puis manquer le confort. Avoir froid, puis avoir chaud, puis froid encore. Vouloir être là-bas quand il était ici. Vouloir être ici quand il était là-bas.

Bref, des émotions et des besoins hautement agaçants. Mais qui faisaient d'Harry un humain.

Et le fait qu'Harry soit un humain était le socle de leur relation. Car en échange de supporter tout cela sans broncher, Draco obtenait la plus précieuse des récompenses. La seule chose qui comptait vraiment.

Son sang.

Au fond, quand il plantait ses crocs acérés au plus profond de la gorge de son calice, toutes les contraintes du lien étaient reléguées loin, très loin. Il pouvait tout tolérer d'Harry. Tout. Du moment que, quand la soif revenait -et elle revenait toujours- le garçon était là pour assouvir son envie la plus primaire. Qu'il lui donne son sang. Qu'il lui donne son corps. Qu'il lui donne son être tout entier. Qu'il puisse le posséder de toutes les manières possibles. Qu'Harry lui appartienne entièrement, corps et âme. C'était finalement tout ce qui comptait vraiment.

Il prenait ce qui lui était dû quand il le voulait, et le plaisir que prenait Harry à se laisser ainsi dominer, à se laisser marquer et posséder, n'était que la cerise sur le gâteau. Draco ne trouvait rien de plus délicieux en ce monde que le moment où Harry le suppliait de le mordre.

Il ne vivait que pour cela. C'était le pacte implicite que le lien leur avait imposé. Draco protégeait Harry. Il répondait à ses besoins et supportait ses états d'âme d'humain. Et en échange, Harry lui offrait son sang. Le reste, ce n'était que détails. Délicieux détails.

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L'ouïe fine du vampire perçut les pas sur la moquette du couloir avant même qu'Harry n'ait la porte de l'appartement en vue. Draco aurait pu reconnaître sa démarche souple et mesurée parmi une foule de milliers de personnes. Comme pour savourer l'anticipation avant le moment, il visualisa les yeux d'un vert intense de son calice, ses cheveux noirs en bataille, son visage lisse et beau, son corps fin et athlétique. Il visualisa tout dans les moindres détails, car il ne connaissait rien avec autant de précision en ce monde qu'Harry.

Le trousseau de clé qui tinte. La clé dans la serrure. La poignée qui pivote. La porte qui s'ouvre. Draco baissa imperceptiblement la tête.

Harry apparut dans son champ de vision. Enfin. Avant même que le jeune homme ne se rend compte de sa présence, Draco avait déjà lu l'intégralité de son être. Ses cheveux mouillés par la pluie. Ses lèvres encore un peu pâles de la dernière morsure. Sa lourde cape noire qui enveloppait élégamment sa silhouette. Le journal daté du jour qu'il tenait dans sa main gauche. L'expression un peu contrariée de son visage. Ses sourcils légèrement froncés. Les battements de son cœur, un peu précipités après les escaliers.

Son regard vert se posa sur lui. Sur Draco. Son vampire. Il haussa brièvement les sourcils, peut-être un peu surpris de le trouver là, immobile, silencieux, observateur, alors que Draco n'avait aucune envie d'être autre part que là où Harry se trouvait. Maintenant que son calice était là, à portée de main, à la fois si proche et trop loin, il avait envie de plus. Beaucoup plus. C'était tout le contraste, avec Harry. Plus il était loin, plus il le voulait près de lui. Mais plus il était près de lui, plus il le voulait encore plus près. Ce n'était jamais assez proche. Sauf quand il était sur lui, contre lui, en lui.

-Je ne pensais pas te trouver là, dit Harry en détachant l'agrafe en or de sa cape, au niveau de l'épaule.

Draco voulait exiger du garçon qu'il soit tout le temps près de lui, à sa disposition, prêt à assouvir ses désirs dès qu'ils se manifestaient. Il voulait le garder enfermé, l'avoir constamment à portée de main, pouvoir le posséder tout le temps. Lui ordonner de rester ici, dans cet appartement décrépi, de l'attendre, d'être là à son retour, de ne voir que lui, de ne parler qu'à lui, de ne penser qu'à lui.

Mais cela ne fonctionnait pas ainsi, avec Harry. Draco l'avait depuis longtemps appris. Harry lui appartenait. Il était à lui, irrévocablement et entièrement. Et le garçon le savait. Il le disait sans hésiter quand Draco lui en donnait l'ordre. Mais il était aussi farouchement indépendant. Et le contraindre à rester enfermé près de lui ne faisait jamais naître du positif, entre eux.

Alors, pour garder Harry heureux, sain d'esprit et supportable, et ainsi garantir entre eux une entente au moins cordiale, Draco devait faire des concessions. Et cela lui en coûtait. Beaucoup.

Harry se débarrassa de sa cape de voyage et la suspendit au porte-manteau. Il portait un simple pull à col rond en-dessous et le regard de Draco glissa immédiatement sur les deux marques rouges qui ornaient la partie gauche de son cou. Ses marques. Il eut subitement envie d'y enfoncer ses crocs, là, tout de suite. Inconscient des pensées dangereuses de Draco, Harry se passa la main dans ses cheveux mouillés pour remettre les mèches en place. Le regard vif du vampire capta la moindre goutte d'eau qui vola autour de lui à son geste. Il ne semblait pas perturbé par le regard glacial de Draco posé sur lui, ni par son silence. Harry était devenu fort pour passer outre ce genre de détails.

-Approche, ordonna doucement Draco.

Harry obéit sans un mot. Ses bottes humides laissèrent des traces sur le carrelage tandis qu'il s'avançait dans la pièce.

-Assis-toi. Mange.

Le regard du garçon s'échoua brièvement sur la table à manger et le repas qui avait été servi par son elfe de maison. Il avait faim, Draco le ressentait avec une précision agaçante.

-Tous ces ordres, murmura Harry en déposant le journal sur une des chaises.

Il obéit néanmoins. Parfois, obéir était la chose la plus simple à faire. Ou la plus sensée. Ne pas lutter, satisfaire le vampire, éviter le conflit. Avec le temps, Harry avait appris à déterminer quand lutter n'en valait pas la peine. Il s'installa à table, attrapa sa fourchette et la planta dans une pomme de terre sautée. Draco l'observa manger en silence pendant quelques minutes, satisfait.

Avoir Harry près de lui, obéissant, en bonne santé, si près qu'il aurait pu le toucher, faisait naître en Draco une sombre satisfaction qu'il avait appris à apprécier. Il aurait été si facile de l'attraper, de le plaquer contre la table et de réclamer de lui tout ce qu'il voulait. Son sang, son corps, son attention, sa soumission. La tentation était forte, très forte. Quand Harry s'éloignait ainsi de lui pendant plusieurs heures, il ressentait ensuite un besoin impérieux de le posséder. De lui rappeler que, même s'il tolérait ses absences, il restait à lui. Pourtant, Draco n'esquissa pas un geste, se contentant de fixer Harry sans ciller. Harry devait manger. Cela faisait partie de ses besoins d'humains qu'il fallait assouvir.

-Où étais-tu ? demanda-t-il sévèrement après quelques minutes de silence.

-Sur le Chemin de Traverse, répondit Harry en avalant sa bouchée. Ça n'a pas beaucoup changé.

Il mâcha d'un air songeur, évitant le regard de Draco, puis rétorqua :

-Où étais-tu ? Tu n'étais pas là, ce matin.

Il fixait son assiette, car il était bien plus simple de se concentrer sur la nourriture plutôt que sur Draco. Draco s'en délectait intérieurement. La soumission de son calice plaisait au vampire qu'il était. Son odeur flottait jusqu'à lui et de toute son existence, il n'avait jamais connu une odeur plus exquise. Son regard s'échoua à nouveau sur les marques rouges sur son cou.

-Il faut bien que je me trouve des occupations, maintenant que tu vas passer du temps avec tes amis.

Cette idée l'horripilait. Savoir qu'Harry désirait passer du temps avec des personnes autres que lui, lui était presque insupportable. Il se redressa sur la chaise et son mouvement soudain attira enfin l'attention d'Harry sur lui. Il releva vivement la tête, comme s'il s'attendait à ce que Draco l'attaque. Ce que le vampire envisageait sérieusement de faire. Leurs regards se croisèrent enfin.

-Je pensais que nous nous étions mis d'accord, ajouta-t-il en le vrillant de son regard gris.

Maintenant qu'il avait son attention, il comptait bien en profiter.

-Sur quoi ? demanda le jeune homme dans un souffle.

-Tu peux voir tes amis. Mais tu dois rester discret.

Dominer Harry, même sans le toucher, était toujours une sensation grisante. Il savait le pouvoir qu'avait son regard sur le calice. Le pouvoir de l'emprisonner, de l'empêcher de détourner le regard, de le soumettre. De l'apaiser, aussi.

-Le Chemin de Traverse, ce n'est pas discret.

Il laissa les mots s'ancrer dans la tête du garçon. Puis, il se laissa aller contre le dossier de sa chaise et délivra Harry de son regard en détournant les yeux.

-Mange, ordonna-t-il sèchement.

Libéré de l'emprise de Draco, Harry prit une profonde inspiration. Sa fourchette resta suspendue au-dessus de son assiette tandis qu'il reprenait ses esprits et analysait ce qui venait de se passer. Lorsqu'il eut reprit contenance, il planta la fourchette, un peu rageusement, dans un morceau de viande et le mit en bouche.

-Il pleut, remarqua-t-il en mâchant sa viande. Il n'y avait presque personne, j'ai gardé ma capuche relevée et je n'ai parlé à personne.

Draco pinça les lèvres. Parler la bouche pleine. Harry sembla se rendre compte de son impolitesse. Il avala précipitamment.

-Désolé. Ce n'était pas très poli.

-En effet.

Le ton glacial du vampire le fit rire. D'un rire léger et bref. Draco aimait ce rire. Harry avait cette capacité incroyable de sourire face à lui, même quand il se montrait le plus intransigeant. Draco connaissait son impassibilité et il savait qu'Harry ne pouvait lire au travers. Pourtant, dans des moments comme celui-ci, il se demandait comment le jeune homme pouvait être si léger alors qu'il avait voulu paraître si tranchant. Comme si la futilité de sa remontrance ne pouvait l'atteindre. Draco n'avait jamais vu aucun humain rire devant lui. Il n'avait connu qu'expressions horrifiées, terreur, pleurs et douleur. Harry était le premier humain qu'il avait vu rire.

C'était exaspérant. Et il était exaspéré d'aimer ça.

Le jeune homme secoua la tête et reprit rapidement son sérieux. Draco n'avait pas esquissé le moindre geste, continuant de poser sur lui un regard sévère.

-Si je lis entre les lignes, tu as l'air de dire que je peux voir Ron et Hermione, mais rien de plus.

Il se servit un verre d'eau et trempa brièvement ses lèvres dedans.

-C'est ce pourquoi nous sommes ici, n'est-ce pas ?

Harry approuva légèrement en reposant son verre. Il soupira un peu puis se remit à manger avec appétit. Draco attendit patiemment. Il connaissait suffisamment Harry pour savoir que le jeune homme n'en avait pas terminé. Et en effet, quelques minutes plus tard, il dit :

-Je veux juste reprendre une vie normale. Comment je fais si je dois me cacher en permanence ?

Draco sentit l'agacement monter en lui. Tout n'était toujours que négociations, avec Harry. Il était parfois agacé de constater qu'il avait laissé suffisamment de liberté à son calice pour qu'il se permette constamment de remettre ses ordres en question. De parlementer. De négocier. D'obtenir de lui toujours plus. De lui désobéir même, parfois. Puis il se rappelait combien c'était excitant de pouvoir le laisser avoir l'ascendant, juste un peu, pour ensuite mieux le soumettre. C'était comme un jeu auquel ils aimaient jouer et un jeu auquel Draco gagnait toujours.

Ou presque toujours, car Merlin, Harry pouvait se montrer tenace.

-Ta « vie normale », c'est de m'appartenir, rien d'autre.

Draco vit à la crispation de la mâchoire de son calice qu'il retenait un sourire. Il sut, avant même que ses mots ne quittent sa bouche, qu'il allait dire quelque chose de scandaleux.

-Ça a l'air révoltant.

Draco se leva. Il apprécia la tension que son mouvement fit naître chez son calice. La crispation de sa mâchoire. Son poing qui se referme plus fort autour de sa fourchette. Son souffle plus court. Il s'approcha doucement. Il sentait naître en lui un puissant sentiment d'excitation à la simple idée de jouer avec son calice, de combler la distance qui les séparait, de le toucher. Enfin.

-Tu n'es pas content ? demanda-t-il doucement.

Harry ne répondit rien. Il fixait son assiette, mais tous ses sens étaient concentrés à suivre les mouvements de Draco. Et il avait bien raison. Draco était un prédateur et Harry était une proie particulièrement délicieuse qu'il avait hâte de chasser. Avec Harry, la chasse était toujours hautement divertissante. Elle avait une autre saveur que celle dont il avait l'habitude avant d'avoir un calice, mais elle était ô combien plus savoureuse. Plus intense. Plus satisfaisante. Plus grisante. Meilleure sous tous les plans.

-Debout, ordonna-t-il sèchement.

-Je suis en train de manger.

Draco plissa dangereusement les yeux. Harry sembla se rendre compte de l'aura sombre du vampire, car il posa sa fourchette sur la table et obéit. Non sans soupirer ostensiblement pour souligner son agacement. Draco décida de laisser passer. La chasse était toujours plus savoureuse si Harry était un peu énervé. Plus le garçon lui résistait et plus le soumettre était jouissif.

Draco se plaça devant lui et baissa son regard anthracite sur son calice, dissimulant un sourire. C'était tellement simple d'agacer Harry. Un jeu d'enfant qu'il avait appris à maîtriser à la perfection. Il voyait son agacement dans le froncement de ses sourcils, dans la façon dont il serrait la mâchoire, faisant jouer les muscles sur ses joues. Il se donnait l'air nonchalant, mais Draco voyait tout. Et cela l'excitait.

Il leva la main et attrapa fermement la mâchoire du jeune homme, le touchant enfin. Sa peau était douce sous ses doigts, chaude, lisse. Il la caressa un peu avec adoration avant de raffermir sa prise. C'était un simple contact, presque innocent, mais cela l'électrisa. Il avait envie de plus. Besoin de plus. Beaucoup plus. Il sentait les muscles jouer sous ses doigts tandis que le garçon serrait la mâchoire face à sa poigne. Utilisant sa force pour le soumettre physiquement, il lui rejeta la tête en arrière et le força à le regarder. Leurs regards se croisèrent. Draco serra plus fort, et c'était un geste instinctif de pure possessivité.

-Malheureusement pour toi, ce n'est pas une bonne chose d'être Harry Potter, par ici. Je ne veux pas que ta présence ici s'ébruite. Tu comprends ?

Harry, la tête rejetée en arrière, le fixait. Il n'avait pas le choix. Mais il y avait du défi dans son regard.

-C'est de la protection ou de la jalousie ?

Draco serra plus fort encore. Il voulait que sa poigne laisse une trace sur la peau du garçon. Il voulait le marquer. Que tous ceux qui verraient Harry ensuite sachent qu'il lui appartenait. Mais Harry laissa échapper un gémissement de douleur et Draco relâcha immédiatement sa prise. Sa main glissa doucement dans la nuque du jeune homme.

-C'est ce que tu veux, souffla-t-il en esquissant un léger sourire en coin qui n'atteignit pas ses yeux.

Il se pencha en avant et clama ses lèvres encore pâles de la morsure précédente. Mais qui bientôt seraient d'un rouge vif, l'incitant à le mordre encore. L'odeur exquise du garçon envahit son être, l'enivrant. Le tenir contre lui, enfin, lui procura un puissant sentiment de félicité. Harry ne devait être nulle part ailleurs que gémissant contre lui. C'était là qu'était sa place.

Il passa la barrière de ses lèvres et l'embrassa plus profondément, maintenant fermement sa nuque pour l'empêcher de se reculer. Il n'était pas question qu'Harry s'échappe. Maintenant qu'il l'avait, il comptait bien tout réclamer de lui. Le posséder entièrement, de toutes les façons qui soient.

Mais lorsqu'Harry fut à bout de souffle, c'est Draco qui fut contraint de se reculer. Il rompit le baiser et consentit magnanimement à laisser à Harry quelques secondes pour reprendre son souffle. Les humains étaient si peu endurants, c'était exaspérant.

-C'est fini cette époque-là, dit Harry après quelques secondes de silence et juste avant que Draco ne reprenne son assaut. Plus personne ne me veut du mal.

-Que l'on te veuille du bien ou du mal, Potter, je veux le moins de personnes possible autour de toi.

Draco s'était penché en avant pour attraper encore ses lèvres, mais Harry rigola. Voilà à nouveau son rire léger, tout en retenu. Draco suspendit son geste, l'observant froidement.

-De la jalousie, donc, dit Harry, tentant -et échouant- de masquer son sourire amusé. Une émotion si humaine pour toi, Draco. C'est mignon.

Merlin qu'il était agaçant. Il raffermit sa prise sur sa nuque et l'attira à lui. Le baiser qu'il lui donna n'avait rien de rassurant ou d'amusé. Ce n'était que pure domination et possessivité. C'était sa façon de marquer Harry, de lui rappeler qu'il lui appartenait, d'imprégner en lui la trace de son passage, de le soumettre. Mais c'était plus que ça. Il répondait aussi à un désir bien plus profond que le seul désir de marquer son calice. Il en avait envie, terriblement envie. Harry le rendait fou.

Le tenant toujours par la nuque, il repoussa le garçon contre la table. Le verre d'eau se renversa et son contenu coula le long de la table jusque par terre. Harry gémit dans le baiser et Draco s'inséra entre ses jambes. Mais, lorsque le garçon voulut passer ses bras autour de son cou, il les repoussa d'un geste sec.

Harry aimait prendre ses aises. Il s'agrippait à lui, passait la main dans ses cheveux, tirait sur sa chemise. Et il était parfois nécessaire de lui rappeler qui était en charge. Draco acceptait les initiatives, selon son humeur. Et ce soir, il était d'humeur à dominer. Entièrement. Irrévocablement.

Harry rigola dans leur baiser. Son souffle chaud caressa son visage. Son odeur l'enveloppa. Si Draco avait aimé humain, il aurait frissonné de plaisir. Mais son corps n'était pas capable d'avoir une telle réaction, si humaine. Il se recula, posant sur Harry un regard sombre.

-J'ai pas le droit de te toucher ? demanda celui-ci en souriant de plus belle.

Il observa le visage impassible de Draco et son sourire se tarit.

-Qu'est-ce qui te met de si mauvaise humeur ?

Il était de mauvaise humeur parce qu'il devait partager Harry. Parce qu'Harry avait passé la journée loin de lui. Parce qu'Harry voyait désormais d'autres personnes que lui. Pensait à d'autres que lui. Parlait à d'autres que lui.

Draco l'attrapa fermement par le bras et l'amena près du lit. Là, il le repoussa brutalement jusqu'à ce que le garçon tombe sur le lit. Avant qu'il n'ait le temps de se relever, il était sur lui. Il se plaça au-dessus de lui et l'observa sans un mot. Allongé sous lui. Entièrement soumis à ses caprices. Incapable de lui échapper, si tant est qu'il l'ait voulu. Son excitation redoubla. C'était ici qu'était la place d'Harry. Et le savoir si désireux ne faisait qu'accroître son excitation.

Il glissa les mains sous son pull et le lui releva, dévoilant petit à petit sa peau halée. Il connaissait son corps par cœur, pourtant son regard dévora chaque parcelle qui s'offrait à lui comme si c'était la première fois.

-Je n'aime pas partager ce qui est à moi, dit-il en lui faisant enlever le pull, effleurant délibérément la peau sensible.

Des frissons naissaient sur son passage. Il attrapa les poignets d'Harry et les releva au-dessus de sa tête. Une partie de lui discutait avec Harry. L'autre partie se demandait ce qu'il allait pouvoir faire de lui. Il avait envie de beaucoup de choses, avec Harry. Et le garçon semblait relativement docile, ce soir. Il avait soif. Il avait toujours soif, quand l'odeur d'Harry l'enveloppait. Il entendait distinctement son cœur battre dans sa poitrine. Un son qui lui donnait encore plus soif. Mais il était encore tôt pour la morsure. La dernière ne datait que de trois jours auparavant.

Peut-être juste un peu ?

-Est-ce que ça veut dire que tu vas être de mauvaise humeur tout le temps que nous serons ici ?

C'était un combat entre sa volonté et sa soif. Sa raison et son instinct. Harry serait hautement consentant à une morsure. Harry était toujours consentant à une morsure. C'était à Draco d'être raisonnable pour eux deux. Une chose qui était loin d'être facile. Avoir Harry ainsi offert devant lui, les bras relevés au-dessus de la tête, torse nu, c'était un appel presque indécent à son instinct de vampire. Un appel auquel il était dur, très dur, de résister.

-Ça dépend, dit-il, un peu distrait.

Harry croisa les mains derrière sa nuque en une attitude nonchalante.

-Ça dépend de quoi ?

Draco lui attrapa les poignets et les remit au-dessus de sa tête. Il voulait de la soumission, pas de la nonchalance. Et avec Harry, il avait souvent les deux.

-De beaucoup de choses, Harry.

Il voulait le posséder aussi souvent que possible. Boire son sang aussi souvent que possible. L'avoir près de lui aussi souvent que possible. Il voulait qu'Harry ait besoin de lui. Ait envie de lui. Qu'il pense à lui quand il discutait avec ses amis. Qu'il rentre chaque soir avec dans l'idée de le retrouver, lui. Il voulait son attention toute entière, en tout temps. Il voulait beaucoup de choses. Mais il se contenta de répondre :

-Je tâcherai de prendre sur moi, si tu es sage.

S'assurant que le garçon ne comptait pas bouger en gardant une main autoritaire sur son torse, il se redressa un peu et défit la boucle de sa ceinture. Il avait envie de le posséder, là, maintenant et ça, contrairement à la morsure, il pouvait le faire en tout temps.

Harry haussa les sourcils. Il observa le geste vif du vampire, qui dégrafait son pantalon, son regard avide posé sur lui. Même si le garçon tentait de le cacher, Draco percevait sa fébrilité et son excitation naissante face à son geste.

-Ça ressemble à du chantage, fit-il remarquer.

Délibérément, Draco esquissa un léger sourire qui laissa entrevoir la pointe de sa canine acérée. Il savait combien Harry aimait cela. Le regard du calice glissa d'ailleurs immédiatement sur la canine d'un blanc laiteux. Son souffle sembla se bloquer dans sa gorge. Et parce qu'il aimait plus que tout sentir l'excitation d'Harry à la vue de ses canines acérées, Draco sourit de plus belle. D'un sourire carnassier, dangereux. À quel point fallait-il être soumis à un lien pour pouvoir jouir de la morsure d'un vampire ? Même après toutes ces années, cela laissait Draco perplexe.

Pas qu'il s'en plaigne, loin de là. Mordre Harry et boire son sang étaient sa raison d'exister. Et la raison d'exister d'Harry était ses crocs plantés au plus profond de sa gorge. C'était malsain, mais c'était ainsi.

Il sentait l'excitation de son calice à travers le lien. Il la voyait, déformant son pantalon, faisant naître des frissons le long de son corps. L'idée qu'Harry soit excité à l'idée qu'il le possède, voire qu'il le morde, était grisante.

-Mes méthodes ne te plaisent pas ? demanda innocemment Draco.

Il se pencha en avant, approchant son visage de celui de son calice, prêt à prendre ce qui lui était dû. Mais au même moment, un hibou entra par la fenêtre entrouverte. Il apporta avec lui une myriade de gouttelettes de pluie qui tombèrent sur Harry. Immédiatement libéré de l'emprise du vampire, le garçon grogna et s'essuya le visage. Agacé, Draco releva la tête. Que des humains se mettent entre lui et Harry, il pouvait le tolérer. Mais un hibou. Au moment où il allait enfin posséder le garçon.

Il attrapa le hibou à la volée au moment où celui-ci passait près de lui. L'oiseau hulula d'un air indigné et Draco arracha le bout de parchemin qu'il transportait. Puis, d'un geste vif, il lança l'oiseau par la fenêtre. Tout s'était passé très vite. Harry était encore en train d'essuyer les gouttes tombées sur son visage.

-Je pense que c'est à moi, dit-il en tendant la main vers le parchemin.

Rapidement, Draco attrapa son poignet et le plaqua fermement sur le matelas, au-dessus de sa tête. Penché en avant pour maintenir sa prise sur le garçon, qui tirait sur ses poignets pour essayer de les libérer, Draco secoua le parchemin pour le dérouler.

-Ce qui est à toi est à moi. Ce qui est à moi est à toi, entonna-t-il doucement.

Son amusement disparut à la lecture de la courte missive. Il releva les yeux et croisa le regard vert de son calice. Celui-ci haussa les sourcils.

-Tu es invité à dîner. Samedi soir. «Tendrement, Hermione». Charmant.

Il froissa le parchemin dans son poing et le jeta à travers la pièce. Une vague d'angoisse le submergea. Elle se mêla à sa colère. Pendant un instant, il lui fut difficile de distinguer ses émotions de celles d'Harry. L'angoisse d'Harry. Sa colère. L'excitation d'Harry. Sa possessivité. L'appréhension d'Harry.

-C'est quand samedi ? marmonna Harry.

Il ne semblait pas vraiment s'adresser à lui et, de toute façon, Draco avait perdu le compte des dates depuis plusieurs centaines d'années. Il avait d'autres soucis que de savoir quel jour il était. L'idée que son calice, allongé sous lui, à sa merci, prêt à satisfaire ses besoins, soit en train de penser à d'autres que lui, fit monter en lui une colère sourde. Instinctivement, sa prise se raffermit autour des poignets du garçon. Le geste, associé à l'aura assombrie du vampire, eut le mérite d'attirer son attention. Il sembla revenir au présent.

-Toujours avec moi, Potter ?

Ça n'allait pas. Draco refusait que les amis d'Harry s'immiscent entre eux. Il était inenvisageable qu'Harry ait l'esprit ailleurs quand il se trouvait avec lui. Dans cette position, qui plus est. Et Draco savait parfaitement comment remédier à cela. Tenant toujours fermement les poignets d'Harry, qui avait cessé de se débattre, il défit la ceinture de son jeune calice et glissa sa main fraîche dans son pantalon.

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Est-ce que ce chapitre vous a plu ?

J'ai souvent écrit du point de vue d'Harry, alors je voulais montrer un peu la perspective de Draco, la façon dont il voit et ressent Harry. Je sais que certains d'entre vous attendaient un peu plus de tendresse, voire de l'amour, entre les deux après tant d'années, alors j'espère que ce chapitre vous a aidés à mieux comprendre la relation qui les unit et surtout la façon de penser de Draco. C'est sa façon d'aimer Harry, tout en domination et possessivité. C'est un vampire, pas un humain. Est-ce que ça fait sens ?

Sur ce, je vous dis à la semaine prochaine pour la suite, avec Ron et Hermione.

Natom, 31/01/25