J'ai recommencé à regarder Mentalist et j'ai eu une révélation : il me manquait des histoires supplémentaires ! J'étais à fond dans l'univers, et je me suis dit : pourquoi ne pas ajouter ma propre touche ? En ce moment, j'ai aussi une grosse envie de bébé, donc plutôt que de faire des plans de grossesse à la place de mon travail, je me contente d'écrire pour calmer mes hormones (et ça fonctionne plutôt bien). Du coup, je me suis lancée dans des histoires mignonnes, drôles, et surtout sans prise de tête. C'est léger, c'est fun, et ça me permet de me plonger dans un monde tout doux ! Si vous avez envie de me rejoindre, vous êtes les bienvenue. 18 chapitres d'écrit pour le moment, je ne suis pas certaine d'aller plus loin, on verra bien.
Bonne lecture !

Lisbon observait Jane à la dérobée, son regard suivant le mouvement précis de ses doigts tandis qu'il manipulait délicatement les rouages minuscules d'une montre ancienne. Il avait ce talent pour manier les choses fragiles, pour leur redonner vie avec une patience infinie. Cette montre, il l'avait trouvée ce matin-même dans une brocante, cachée sous une pile d'objets oubliés, son cadran fêlé témoignant des années passées. Abîmée, délaissée, elle aurait pu finir sa vie dans un tiroir ou à la poubelle. Mais Jane avait décidé qu'elle méritait une seconde chance.

Ce n'était pas la première fois qu'il se lançait dans ce genre d'entreprise. Lisbon savait qu'il aimait réparer, restaurer, remettre en état. Comme si chaque mécanisme remis en marche lui permettait, d'une certaine manière, de rassembler les morceaux invisibles de son propre passé. Mais aujourd'hui, elle n'était pas dupe. Il ne s'absorbait pas dans cette tâche par simple passion. Il fuyait.

Ses gestes étaient lents, minutieux, mais son regard était ailleurs, fixé sur quelque chose d'inatteignable. C'était toujours ainsi quand quelque chose le troublait vraiment. Il se réfugiait dans un silence habilement construit, trouvant dans la précision d'un engrenage une excuse pour ne pas affronter ce qui pesait réellement sur lui.

Lisbon baissa les yeux vers son ventre, caressant doucement la courbe encore discrète sous son pull. Elle n'en était qu'au début, et pourtant, elle ressentait déjà en elle ce lien indéfectible, cette certitude que cet enfant faisait partie d'elle. Il était là, il grandissait, et elle l'aimait déjà d'un amour qui la dépassait. Il y avait en elle une joie sincère, presque paisible. Mais cette joie n'était pas entière. Une inquiétude sourde s'était immiscée dans son esprit, une crainte qu'elle n'arrivait pas à chasser.

Jane prenait soin d'elle. Il était attentif, prévenant, toujours là. Mais il ne parlait jamais du bébé. Il ne posait pas de questions, ne projetait rien, ne s'amusait pas à imaginer s'il aurait ses boucles blondes ou son regard sombre. Il évitait le sujet avec une facilité déconcertante, comme si cet enfant n'existait pas encore réellement à ses yeux.

Lisbon ferma brièvement les paupières, luttant contre le doute qui s'insinuait en elle. Elle savait que Jane l'aimait, il le lui avait prouvé à maintes reprises. Il l'avait choisie, il l'avait suivie, il avait bâti avec elle un avenir qu'elle n'aurait jamais cru possible. Il ne faisait aucun doute qu'il voulait cette vie avec elle. Mais ce silence… ce silence lui faisait peur.

Elle craignait qu'il ne parvienne pas à voir cet enfant pour ce qu'il était. Qu'il le compare inévitablement à Charlotte. Et si c'était une fille… aurait-il l'impression de retrouver ce qu'il avait perdu ? Et si c'était un garçon… s'en désintéresserait-il totalement, incapable d'y voir la moindre trace de son passé ?

Elle se mordit l'intérieur de la joue, agacée par ses propres pensées. C'était insensé, et pourtant, l'inquiétude persistait. Jane n'était pas un homme cruel, ni même indifférent. Mais il portait en lui des blessures profondes, et certaines douleurs, même enfouies sous des années de silence, finissaient toujours par ressurgir.

Elle inspira profondément. Elle devait lui en parler. Elle ne pouvait pas laisser cette peur grandir en elle sans chercher à comprendre ce qu'il ressentait.

— Patrick…

Il releva aussitôt la tête vers elle, laissant la montre de côté, comme si un instinct profond l'avait poussé à suspendre ce qu'il faisait, à capter l'attention de Lisbon. Son regard s'intensifia, passant d'une concentration minutieuse à une douceur infinie, comme s'il venait de comprendre que ce simple mot qu'elle avait prononcé portait quelque chose de lourd, quelque chose qu'elle n'osait peut-être pas encore formuler pleinement.

Son regard se posa sur elle, curieux, attentif, presque tout à fait absorbé par elle seule. Lisbon sentit une étrange chaleur se diffuser en elle, un frisson léger qui lui rappelait à quel point, malgré ses silences et ses distants, Jane était capable d'être là, présent, dans l'instant. Un instant où tout semblait s'arrêter. Ses yeux, d'abord perçants, se radoucirent, et un sourire tendre se dessina sur ses lèvres, celui qui avait la capacité de faire fondre toute résistance en elle. Un sourire qui apaisait, effaçait les doutes, comme une caresse invisible.

Il n'avait même pas besoin de parler, de faire un effort quelconque ; ce simple sourire suffisait toujours à éclipser la distance qu'elle pouvait ressentir entre eux, à faire disparaître les questions qui la rongeaient. Il savait faire ça, tout comme il savait toujours trouver les mots pour la faire rire dans les moments les plus inattendus. Mais aujourd'hui, il était là, avec un calme presque solennel, attentif à chaque vibration de son être.

— Oui, ma douce ? demanda-t-il d'une voix tendre, presque intime, comme si le monde extérieur n'existait plus.

Lisbon ouvrit la bouche, mais aucun son ne franchit immédiatement ses lèvres. Ses pensées se bousculaient, se heurtant les unes aux autres, et elle se retrouva figée dans une hésitation qu'elle n'avait pas anticipée. Elle devait choisir ses mots avec une précaution inhabituelle, comme si chaque syllabe pouvait faire basculer l'équilibre fragile qui se trouvait entre eux. Plus elle y pensait, plus elle sentait qu'une fois qu'elle commencerait à parler, ses craintes pourraient lui échapper, et le flot d'émotions qu'elle dissimulait depuis trop de jours pourrait éclater.

Elle inspira profondément, son souffle se faisant plus lent, cherchant à calmer la tempête qui naissait en elle. Puis, d'une voix un peu plus basse qu'elle ne l'aurait voulu, elle lança, cherchant à formuler cette question qui la rongeait depuis des jours, peut-être des semaines.

— Tu… Tu ne t'es jamais demandé si ce bébé allait être une fille ou un garçon ?

Un léger choc traversa le visage de Jane, comme si la question venait de le cueillir en plein vol. Ses sourcils se haussèrent légèrement, une expression de surprise fugace se mêlant à l'intensité de son regard. Il prit un instant pour réfléchir, comme si les mots de Lisbon l'avaient pris de court, l'obligeant à suspendre son propre flux de pensées.

Il ne répondit pas immédiatement, ses yeux restèrent fixés sur elle un instant. Puis, avec un geste lent, mesuré, il déposa son tournevis sur la table en bois, un petit bruit de métal contre la surface qui brisa momentanément le silence. Il s'assit plus confortablement dans son fauteuil, ses jambes se croisant alors qu'il ajustait sa position, s'installant plus solidement, comme s'il savait que la conversation qui suivrait nécessiterait plus d'attention, plus de concentration. Son regard, toujours posé sur elle, se fit plus doux encore, mais aussi plus pensif, presque absorbé par l'intensité de la question.

— Bien sûr que si, admit-il après un instant, sa voix tranquille, mais sincère. Ses mots, bien que simples, étaient empreints d'une vérité qui faisait écho dans l'air. Mais sa voix trahissait une nuance, une sorte de légèreté contenue qui n'était pas passée inaperçue.

Lisbon l'observa, les yeux légèrement plissés, cherchant à capter toute l'infime variation dans sa tonalité. Il semblait si calme, si détaché, mais Lisbon pouvait sentir cette brume d'hésitation, comme un souffle d'air frais qui effleurait la chaleur du moment. Elle attendit, laissant un silence s'étirer un instant, avant qu'il ne reprenne, comme s'il avait réfléchi à ce qu'il allait dire.

— Mais… ça n'a pas d'importance pour moi.

Il marqua une courte pause, ses yeux ne quittant pas les siens, cherchant à la rassurer, à la convaincre que, quelle que soit la vérité derrière cette question, cela ne changerait rien. Puis, presque imperceptiblement, il se pencha en avant, son regard prenant une nouvelle profondeur, une nouvelle intensité, comme pour insister sur cette vérité qu'il voulait qu'elle entende.

— Pourquoi ?

Le mot se glissa entre eux, simple, presque éthéré, mais lourd de sens. Et Lisbon, soudain, ressentit l'irrésistible besoin de lui donner une réponse, de lui expliquer ce qui l'assaillait depuis tant de jours, cette angoisse sourde, cette peur de l'invisible. Mais encore une fois, le silence s'imposa, et Lisbon chercha les mots, tentant de naviguer entre ses craintes et ce qu'elle voulait qu'il entende.

Lisbon baissa les yeux, évitant son regard. Elle n'aimait pas se sentir vulnérable, et pourtant, c'était exactement ce qu'elle ressentait en cet instant. Ses doigts se perdirent dans une mèche de cheveux, qu'elle enroula machinalement autour de son index, un tic nerveux que Jane connaissait depuis toujours. Elle n'avait même pas besoin de parler. Il savait déjà que quelque chose se cachait derrière cette question en apparence anodine.

Son regard se fit plus attentif, plus scrutateur.

— Teresa…

Elle ferma brièvement les yeux. Elle ne pouvait pas faire marche arrière maintenant.

— J'ai peur…

Sa propre voix la surprit. Elle était plus faible, plus fragile qu'elle ne l'aurait voulu.

Jane ne répondit pas immédiatement. Il attendit. Il laissait toujours cet espace, ce silence ni trop pesant, ni trop léger, pour lui permettre de poursuivre à son rythme. Il ne la brusquait pas. Il ne posait pas de questions inutiles. Elle finit par relever les yeux vers lui, puis, d'une voix légèrement plus assurée :

— J'ai peur de comment tu pourrais réagir.

Il fronça légèrement les sourcils, attentif.

— Si c'est une fille, j'ai peur que tu la voies comme une seconde Charlotte.

Elle prit une inspiration tremblante, puis ajouta, presque à contrecœur :

— Et si c'est un garçon… que tu ne t'y intéresses pas du tout.

Un silence brut tomba dans la pièce.

Lisbon sentit son cœur battre plus vite, son estomac se serrer.

Avait-elle été trop directe ?

Trop brutale ?

Elle savait à quel point la perte de Charlotte était une plaie encore vive, même après toutes ces années. Elle savait qu'il y avait des terrains sur lesquels il ne s'aventurait pas, même avec elle. Mais elle ne pouvait pas continuer à faire semblant que ce silence ne l'effrayait pas. Elle osa lever les yeux vers lui.

Et ce qu'elle vit dans son regard troublé lui fit comprendre qu'elle avait touché juste.

Puis, doucement, Jane posa le reste de ses outils sur la table, ses gestes lents mais déterminés, comme un geste symbolique qui marquait la fin de son exil mental, un retour dans l'instant présent. Ses yeux ne quittèrent pas Lisbon une seule seconde, leur intensité silencieuse envahissant peu à peu la pièce. Ce simple regard, plein de retenue et de sincérité, parlait plus que des mots. Il inspira discrètement, son corps tendu comme un arc prêt à se détendre, comme s'il s'apprêtait à franchir une porte invisible, à quitter son refuge silencieux pour rejoindre Lisbon, là, dans ce moment précis. Il avait fallu tout ce temps pour s'ouvrir, mais maintenant, il n'y avait plus de retour.

Sans un mot, il se leva, son mouvement mesuré et calme, presque ritualisé. Il s'approcha d'elle avec une prudence déconcertante, comme on s'approche d'une chose précieuse, fragile, qu'on craint de briser par un geste trop brusque. Lisbon sentit son souffle s'accélérer, un frisson la parcourut alors qu'il se rapprochait, comme si sa présence seule suffisait à tout bousculer. Il s'agenouilla devant elle, se plaçant à sa hauteur, et dans ce geste, il y avait une humilité douce, presque sacrée. Leurs regards se croisèrent, et Lisbon sentit son cœur battre plus fort, un bruit sourd dans sa poitrine, un écho de cette tension invisible qui se tissait entre eux.

Il prit délicatement ses mains dans les siennes, son toucher chaud, réconfortant, et d'une douceur infinie. Ses doigts glissèrent doucement contre sa peau, comme s'il voulait s'ancrer à elle, pour lui prouver qu'il était là, présent, dans ce moment partagé. Lisbon sentit la chaleur de ses mains s'insinuer sous sa peau, allant au-delà de la simple sensation physique, comme si ce contact touchait quelque chose de plus profond, de plus intime. Un sentiment de sécurité l'envahit, mais aussi une nouvelle forme de vulnérabilité.

— Teresa… regarde-moi, murmura-t-il, sa voix basse, une invitation silencieuse mais pleine de force.

Lisbon obéit immédiatement, comme si ce simple ordre contenait en lui une promesse silencieuse. Elle plongea dans ses yeux, et ce qu'elle y vit la bouleversa. Il y avait dans son regard une tendresse infinie, une affection qu'elle connaissait bien, mais aussi une douleur discrète, silencieuse, qui faisait naître en elle une sensation de vertige. Une ombre qu'il ne laissait entrevoir que rarement, mais qui, ce soir-là, semblait s'étendre, fragile mais inéluctable. Un instant, Lisbon eut envie de détourner les yeux, de fuir ce poids invisible qui pesait entre eux, mais quelque chose la retint. Peut-être cette confiance qu'elle avait en lui. Peut-être cette certitude qu'il n'était pas prêt à la perdre, même dans ces moments où les non-dits prenaient toute la place.

Jane serra doucement ses mains, un geste presque imperceptible, mais suffisant pour qu'elle sache qu'il était prêt à parler, à affronter ce qu'elle avait osé mettre en mots, ce qu'il avait enfoui sous des couches de silence. Il inspira profondément, et commença à parler, sa voix basse, presque rauque, comme si chaque mot était un poids, un fardeau qu'il portait depuis trop longtemps.

— J'ai aimé Charlotte de tout mon cœur, et je l'aimerai toujours.

Ces mots tombèrent avec une gravité qui fit frémir Lisbon. Une vérité simple, mais pleine de douleur. Sa gorge se serra, mais elle resta immobile, ne souhaitant pas interrompre cette confession qui portait en elle des années de souffrance. La tristesse qui s'en dégageait était palpable, presque tangible. Ce chagrin, une sorte de mélancolie douce-amère, qu'il n'avait jamais vraiment exprimée, mais qu'elle pouvait maintenant percevoir dans la profondeur de ses yeux.

— Mais elle est partie, dit-il ensuite, d'un ton plus ferme, mais tout aussi teinté de cette tristesse sourde.

Il marqua une pause, et Lisbon se sentit suspendue dans le vide, comme si tout l'air s'était arrêté autour d'eux. Chaque mot qu'il prononçait semblait peser plus lourd que le précédent. Il réfléchissait avant de parler, choisissant ses mots avec une attention presque religieuse, comme s'il craignait de briser quelque chose de fragile, de beau. Puis il continua, un peu plus bas, mais avec une sincérité qui la toucha profondément.

— Et je ne veux pas faire de cet enfant un fantôme du passé.

Il lâcha l'une de ses mains, mais garda l'autre, glissant ses doigts doucement sur le ventre de Lisbon, effleurant la courbe de son ventre avec une infinie délicatesse. Lisbon retint son souffle. C'était la première fois qu'il touchait son ventre ainsi, non pas d'un geste distrait, mais avec une intention claire, comme s'il découvrait réellement leur enfant. Un frisson parcourut son échine. La douceur de ce geste la bouleversa. Puis, lentement, comme pour rendre ce moment encore plus sacré, il baissa la tête et déposa un baiser léger, presque imperceptible, sur la peau de son ventre, un baiser qui portait en lui toute la promesse d'un avenir qu'il semblait prêt à embrasser pleinement. Quand il releva les yeux vers elle, il y avait dans son regard une promesse silencieuse, qu'il n'avait pas encore formulée à voix haute, mais qui était pourtant claire : il était là, à présent, et il était prêt à avancer avec elle.

— Cet enfant, notre enfant, est une nouvelle page.

Il caressa doucement le tissu de son pull, ses doigts suivant des mouvements imperceptibles, comme s'il cherchait à ressentir la vie qui grandissait là, juste sous sa paume. Lisbon le regarda, captivée par la douceur et la sincérité de ses gestes, et un frisson de certitude parcourut son corps. Il n'avait jamais dit ces mots de manière aussi claire, mais aujourd'hui, elle savait qu'il les pensait de tout cœur.

— Un être unique, qui ne remplacera personne, parce qu'il est lui-même.

Il s'arrêta un instant, la fixant intensément, sa voix plus ferme, plus assurée. Puis, dans un souffle, il continua, comme s'il cherchait à lui montrer qu'il avait compris l'essentiel.

— Fille ou garçon, ça n'a aucune importance pour moi.

Lisbon sentit un frisson léger lui parcourir l'échine, une sorte de vague de soulagement qui l'envahit, mais qui fut rapidement remplacée par une nouvelle question, plus profonde, plus inquiétante.

— Ce que je veux, c'est être là pour lui, l'aimer, le voir grandir, et être le père qu'il mérite.

Elle aurait dû se sentir soulagée. C'était tout ce qu'elle avait besoin d'entendre, après tout. Mais une part d'elle restait troublée. Son regard chercha le sien, comme si elle essayait de percer les derniers non-dits, de comprendre ce qu'il n'avait pas encore partagé. Elle le regarda avec intensité, cherchant dans ses yeux un éclat de vérité qu'il n'avait pas encore révélé.

— Alors pourquoi tu n'en parles jamais ? murmura-t-elle, sa voix fragile, à peine audible.

Jane baissa légèrement les yeux, un soupir long et lourd s'échappant de ses lèvres. Il sembla chercher ses mots, comme si cette question venait de toucher un point qu'il avait soigneusement gardé sous silence. Il resta silencieux un instant, puis, finalement, sa voix se fit plus douce, presque résignée.

— Parce que j'ai peur aussi.

Lisbon fronça légèrement les sourcils, prise au dépourvu par cette confession qu'elle n'avait pas anticipée. Cette fragilité, cette ouverture chez Jane… c'était quelque chose de nouveau. Il n'avait jamais montré cette forme de vulnérabilité, ou du moins pas aussi ouvertement.

— Peur de quoi ? demanda-t-elle, sa voix tremblante d'inquiétude.

Il releva les yeux vers elle, un léger sourire triste au coin des lèvres, un sourire qui n'était pas tout à fait un sourire, mais plutôt l'ombre d'un sourire, chargé de tout ce qu'il ne pouvait pas dire.

— Peur d'être un mauvais père.

Sa voix, basse et rauque, laissa les mots flotter dans l'air. Un aveu lourd de sens, plein de cette crainte qu'il avait toujours cachée derrière ses sourires, derrière son humour. Il n'était pas invincible, pas infaillible. Et ce qu'il venait de dire, Lisbon le comprit immédiatement, faisait écho à toutes les failles invisibles qu'il portait en lui.

Il laissa sa réponse flotter dans l'air, pesante, presque douloureuse. Puis il secoua doucement la tête, baissant les yeux vers leurs mains entremêlées.

— Peur de ne pas savoir comment faire, après tout ce que j'ai vécu.

Sa voix était plus basse, plus rauque, comme si ces mots étaient plus difficiles à sortir que les précédents. Puis, dans un souffle :

— Peur de l'aimer tellement que ça me détruise si je le perds.

Lisbon sentit son cœur se serrer violemment. Il ne disait pas ces choses à la légère. Derrière ses pirouettes et son humour, Jane portait des peurs invisibles, des blessures qu'il n'exprimait qu'à demi-mot, comme s'il craignait qu'en les disant à voix haute, elles deviennent réelles. Elle resserra ses doigts autour des siens, cherchant à lui transmettre un peu de la certitude qu'elle avait pour lui. Mais avant qu'elle ne puisse parler, il reprit doucement, pressant sa main dans la sienne :

— Mais ce que je sais, c'est que je ne veux pas fuir.

Il leva les yeux vers elle, une lueur plus sûre, plus ferme, dans son regard océan, comme si tout à coup une paix intérieure s'était installée dans son esprit, effaçant les doutes qui l'avaient assiégé. Ce regard, habituellement si troublé, semblait maintenant avoir trouvé un ancrage solide, une certitude qu'il n'avait pas encore pleinement exprimée.

— Pas cette fois, dit-il, d'une voix plus déterminée.

Les mots, simples mais lourds de sens, frappèrent Lisbon en plein cœur. Les larmes montèrent à ses yeux, mais elle les combattit. Elle n'allait pas céder à l'émotion, pas maintenant. Elle avait besoin de croire, de ressentir que tout allait changer, que le passé ne dictait plus leur avenir. Alors, malgré l'émotion qui menaçait de la submerger, elle sourit. Ce sourire, faible au début, se transforma peu à peu en un sourire sincère, apaisé, presque serein.

— Tu ne seras pas un mauvais père, lui dit-elle, sa voix douce mais ferme.

Il haussait un sourcil, ce petit geste taquin qu'il faisait toujours quand il ne savait pas comment répondre à l'émotion brute. L'intensité de la situation sembla s'alléger, et un éclat malicieux illumina son regard, comme si l'humour revenait tout naturellement pour adoucir la tension.

— J'espère bien, dit-il avec un sourire en coin. Parce que je compte sur toi pour me remettre à ma place quand je ferai n'importe quoi.

Le rire de Lisbon éclata, pur et sincère. Ce rire, léger, résonna dans la pièce comme une mélodie douce, chassant tous les nuages, et avant qu'elle ne puisse répliquer, il en profita pour l'embrasser tendrement. Ses lèvres trouvèrent les siennes dans une chaleur réconfortante, une chaleur qui ne venait pas seulement de leur étreinte, mais d'un lien plus profond, un lien qu'ils avaient construit à travers les épreuves, les silences, et les peurs partagées.

Quand ils se séparèrent, Jane posa une main sur son ventre, cette fois sans hésitation, sans aucune trace de doute. Ce geste, simple mais significatif, parla plus que mille mots. Ses doigts effleurèrent la courbe du ventre de Lisbon, comme pour marquer l'instant, comme pour affirmer qu'il était là, pleinement, et que cet enfant était le leur, sans condition, sans réserve. Il n'y avait plus de place pour les ombres du passé.

— Quoi qu'il arrive, Teresa… cet enfant est à nous, et je l'aimerai pour ce qu'il est.

Sa voix était calme, profonde, presque solennelle, mais pleine de tendresse. Un engagement sans fard, un serment fait dans l'intimité de ce moment partagé. Il marqua une pause, cherchant ses mots, puis souffla doucement, comme si cette promesse venait de naître dans un souffle d'air frais, une évidence douce et inébranlable.

— Je te le promets.

Lisbon ferma les yeux, se laissant envahir par la chaleur de ses mots, par l'intensité de l'engagement qui se tissait entre eux. Les craintes n'avaient pas totalement disparu, mais au fond d'elle, dans les tréfonds de son être, elle savait qu'il disait la vérité. Cette vérité n'effaçait pas tout, mais elle apportait une certitude nouvelle, un soutien solide, un ancrage qu'elle n'avait pas vraiment cru possible jusqu'alors.

Et c'était tout ce qui comptait.