Chapitre 53 : Jack Frost
La neige tombait en lourds flocons sur la petite ville de Snowmonton, couvrant les rues d'une épaisse couche blanche qui rendait chaque pas plus difficile. Les rares habitants qui osaient s'aventurer dehors se déplaçaient rapidement, les épaules courbées, comme si le froid pesait directement sur leurs âmes. Dracula, enveloppé dans son manteau sombre, arpentait silencieusement les rues désertes, observant la scène avec un calme glacial. Il n'était pas affecté par le froid, mais il pouvait sentir une présence malsaine imprégner l'air.
Les bâtiments semblaient se tordre sous le poids de la neige, leurs toits craquant sous la pression, tandis que le vent glacial sifflait à travers les ruelles désertes. L'atmosphère de Snowmonton était bien plus qu'une simple conséquence de l'hiver rigoureux ; il y avait quelque chose de plus sinistre qui régnait ici. Dracula ressentait la peur palpable qui se propageait dans chaque souffle gelé des habitants, comme si le blizzard lui-même portait les murmures d'une terreur ancienne.
En avançant plus loin, il repéra un homme, emmitouflé dans des couches de vêtements, avançant péniblement contre le vent. Son visage, caché sous un épais bonnet et une écharpe, laissait transparaître une anxiété profonde. Dracula, d'un pas silencieux, s'approcha de lui, sa silhouette imposante contrastant avec la fragilité de l'homme.
"Qu'est-ce qui hante cette ville ?" demanda Dracula d'une voix basse mais imposante, captant immédiatement l'attention de l'homme.
L'homme releva la tête, ses yeux écarquillés révélant un mélange de surprise et de terreur. Il jeta un regard rapide autour de lui, comme s'il craignait que même les murs de neige puissent entendre leur conversation.
"Jack... Jack Frost," murmura-t-il finalement, tremblant, que ce soit de peur ou de froid. "Il est là, dans la tempête. Il traque ses victimes comme un chasseur dans le blizzard. Il joue avec nous, comme un chat avec des souris..."
Dracula fronça les sourcils, son regard perçant se durcissant à la mention de ce nom. Jack Frost. Le nom pouvait sembler enfantin, mais le tueur derrière ce masque de folklore n'était certainement pas à prendre à la légère. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait parler d'êtres surnaturels transformant les éléments en armes. Et ici, la neige et le froid n'étaient pas que des forces naturelles, mais des instruments entre les mains d'une entité maléfique.
"L'avez-vous vu ?" interrogea Dracula.
L'homme secoua frénétiquement la tête. "Non, personne ne le voit vraiment. Il est dans la neige, il est la neige. On entend son rire, et puis... il frappe. Ceux qu'il tue sont retrouvés gelés, déchiquetés, comme si la neige elle-même avait des griffes."
Dracula se redressa légèrement, observant la ville autour de lui. Il pouvait sentir l'aura sinistre s'infiltrer dans chaque recoin de cette ville enneigée. La peur était omniprésente, tangible. Jack Frost n'était pas simplement une légende ; il était réel, et il se nourrissait de la terreur des habitants.
"Retournez chez vous et restez-y. Ce n'est pas une nuit pour errer dans les rues," ordonna Dracula.
L'homme acquiesça rapidement avant de s'éloigner, presque en courant, disparaissant dans le voile du blizzard. Dracula, quant à lui, resta un instant immobile, ses pensées tournées vers cette créature qu'il allait bientôt traquer. Un sourire froid étira légèrement ses lèvres.
Jack Frost. Ce nom enfantin masquait une abomination née de la neige et de la haine. Mais cette créature allait bientôt découvrir que, même dans ce froid éternel, elle n'était pas à l'abri de ceux qui chassent les ténèbres.
La neige continuait de tomber en silence sur Snowmonton, enveloppant la petite ville d'un manteau blanc qui, loin de lui donner une allure pittoresque, la transformait en une prison glacée. Dracula avançait lentement, observant les maisons fermées, leurs fenêtres barricadées par la peur. Il n'y avait que peu de lumière, même en plein jour. Le froid semblait tout consumer, et dans cette immobilité blanche, une terreur invisible régnait en maître.
Dracula entra dans un petit bar local, l'un des rares lieux encore ouverts, où quelques villageois se réfugiaient autour de cheminées crépitantes. Leurs visages étaient fermés, marqués par une angoisse qu'ils n'osaient pas partager à voix haute. Dracula, en s'asseyant dans un coin, écoutait les murmures qui résonnaient dans cette atmosphère tendue.
C'est alors qu'il repéra un vieil homme, assis seul, le regard perdu dans le vide. Un homme dont l'aura semblait porter le poids des secrets du village. Sans un mot, Dracula s'approcha et s'assit en face de lui. Le vieil homme leva lentement les yeux, ses traits creusés par les années et la peur.
"Vous savez quelque chose que les autres ignorent," déclara Dracula d'une voix douce mais ferme.
Le vieil homme l'observa un instant, puis hocha la tête. "Vous êtes là pour lui, n'est-ce pas ? Pour Jack Frost."
"Racontez-moi ce que vous savez," répondit Dracula.
Le vieil homme prit une profonde inspiration avant de parler, sa voix tremblante comme un écho du passé. "Il y a de cela des années, Jack Frost n'était qu'un homme. Un homme ordinaire, mais... plein de haine. Il travaillait dans une usine chimique à l'extérieur de la ville, un endroit qui manipulait des produits que personne ne comprenait vraiment. Un jour, il y a eu un accident. Une explosion. Et Jack... il a été pris dans ce feu de produits chimiques et de neige. Ce qui est ressorti de cet accident n'était plus humain."
Le silence s'installa alors que le vieil homme continuait, ses mains tremblant légèrement à mesure que les souvenirs refaisaient surface. "Il est devenu ce monstre, un bonhomme de neige vivant. Mais ce n'est pas juste son apparence qui a changé... c'est son cœur. Jack était déjà un homme cruel, mais maintenant... maintenant, il est le reflet même du froid et de la haine. Il manipule la neige, le givre, tout autour de nous, comme une arme."
Dracula observa les réactions du vieil homme. Les rides profondes de son visage montraient clairement que cette histoire n'était pas qu'une légende pour lui. Il avait vu ce qu'il racontait, et cela l'avait marqué à jamais.
"J'ai vu sa première attaque," reprit-il. "Un homme du village a été retrouvé... gelé, son corps brisé en morceaux comme du verre. Jack l'avait traqué pendant des heures. Il aime jouer avec ses victimes. Il se cache dans le blizzard, se fond dans la neige, puis il frappe. Personne ne sait où il se cache, ni comment l'arrêter. Le froid est son allié, et il est invincible ici."
Le vieil homme se tut, ses yeux fixés sur Dracula comme pour chercher une lueur d'espoir dans ses paroles.
"Invincible," répéta Dracula doucement, comme s'il goûtait ce mot avec scepticisme. "Tout être a une faiblesse."
Dracula se redressa, se préparant à quitter la table, mais avant qu'il ne parte, le vieil homme l'attrapa par le bras, ses doigts maigres mais fermes.
"Il aime jouer avec ses proies," murmura-t-il. "Mais il n'est pas invincible. Il y a quelque chose dans la chaleur... quelque chose qui le fait souffrir. Je l'ai vu fuir lorsqu'un incendie s'est déclaré. Mais c'était trop tard pour l'homme qu'il avait déjà tué."
Dracula hocha la tête en signe de compréhension. Ce Jack Frost semblait être une créature rusée, tirant plaisir à terroriser et à torturer ses victimes avant de les détruire. Un prédateur dans un monde de glace, mais même la glace, sous la bonne pression, se brisait.
En sortant du bar, Dracula sentit de nouveau le vent glacial qui s'infiltrait dans chaque recoin de la ville. Le blizzard avait recommencé à se renforcer, comme si Snowmonton elle-même conspirait avec Jack Frost pour étouffer toute chaleur, toute lumière.
Les maisons, les rues, tout semblait si oppressant, comme si cette ville n'avait jamais vu le jour depuis des semaines. La nuit qui approchait serait encore plus longue, et Jack Frost attendrait, tapi dans l'ombre du blizzard, prêt à se repaître des habitants. Mais cette fois, il serait traqué.
Dracula se préparait, conscient que cet adversaire rusé et sadique serait un défi, mais il savait aussi que le monstre qui s'était autoproclamé maître du froid allait découvrir que certains chasseurs n'étaient pas si faciles à prendre pour proies.
Les rues de Snowmonton étaient plongées dans un silence glacial, à peine troublé par le souffle du vent qui soulevait des tourbillons de neige. Dracula marchait d'un pas lent mais déterminé, ses sens en alerte. Il pouvait sentir l'aura de malveillance qui planait dans l'air, celle de Jack Frost. Le prédateur de glace n'était plus qu'une ombre parmi les ombres, mais Dracula savait que la première confrontation était imminente.
Soudain, dans une ruelle étroite, un ricanement résonna, perçant le calme glacé. Un rire à la fois léger et malsain, empreint d'une moquerie froide. Dracula s'immobilisa, scrutant l'obscurité environnante. La neige tourbillonnait devant lui, s'intensifiant autour d'un point précis. Puis, devant ses yeux perçants, une silhouette se dessina lentement dans la tempête.
C'était Jack Frost.
Le bonhomme de neige monstrueux se tenait là, un sourire déformé et cruel sur son visage figé de glace. Ses yeux, deux orbites sombres, brillaient d'une malice infinie. Il leva un bras, une main griffue faite de givre étincelant, et salua Dracula d'un geste théâtral.
"Eh bien, eh bien... regarde qui nous avons là. Le grand Dracula en personne. Je suis flatté ! Mais dis-moi... tu n'as pas un peu froid aux crocs ?"
Le ton sarcastique et joueur de Jack Frost flotta dans l'air comme une brise glacée, tandis que des cristaux de neige se formèrent autour de lui, tourbillonnant de plus en plus rapidement.
Dracula resta impassible, ses yeux fixés sur la créature, étudiant ses mouvements. Jack Frost ne ressemblait à rien de ce qu'il avait combattu auparavant. Sa forme grotesque et ses pouvoirs élémentaires faisaient de lui un adversaire aussi imprévisible que dangereux. Mais ce n'était pas la première fois que Dracula faisait face à une telle monstruosité. Il ne laissa aucun sentiment transparaître, conservant son calme légendaire.
"Tes jeux de neige ne m'impressionnent pas," déclara Dracula, sa voix aussi glaciale que l'air environnant. "Je suis ici pour mettre fin à tes massacres."
Jack Frost éclata de rire, un rire aigu et dérangeant, avant de lever ses deux bras vers le ciel. D'un simple geste, il manipula la neige autour de lui, la tordant et la comprimant en sculptures mortelles. Devant Dracula, des pics de glace se formèrent brusquement, s'élevant du sol dans un crissement sinistre.
"Terminer mes massacres ? Oh, Dracula, tu n'as même pas commencé à comprendre ce que je peux faire !" ricana Jack Frost en envoyant d'un geste vif des lames de glace dans la direction de son adversaire.
Dracula réagit immédiatement, se déplaçant avec une vitesse surnaturelle, esquivant les projectiles de glace qui fendaient l'air autour de lui. Les lames se brisèrent contre les murs de la ruelle, laissant derrière elles des éclats gelés. Mais Jack ne s'arrêta pas là. Il fit un geste théâtral, et la neige autour de lui commença à se modeler en formes grotesques : des créatures glacées, figées en position de chasse, se levèrent lentement du sol, leurs visages tordus par une soif de sang.
"Tu vois, Dracula, ici, c'est moi qui dicte les règles du jeu," continua Jack Frost, son sourire s'élargissant. "Et dans mon royaume de neige, tu n'es rien de plus qu'un jouet."
Les créatures se ruèrent vers Dracula avec une vitesse surprenante, mais le Seigneur des Ténèbres resta immobile, attendant le moment opportun. Puis, d'un geste précis, il dégaina son épée, tranchant avec élégance à travers la glace vivante. Chaque coup était rapide, précis, dévastateur. Les sculptures glacées volèrent en éclats, mais Jack Frost n'était nullement impressionné. En ricanant, il levait de nouveau la main, et d'autres créatures émergeaient de la neige comme des spectres.
"J'admire ta persévérance," se moqua Jack Frost, son regard joueur posé sur Dracula. "Mais ce n'est pas suffisant pour m'arrêter. Allez, amuse-moi un peu plus, montre-moi ce que tu vaux vraiment !"
Dracula resta implacable, repoussant les assauts de ces créatures glacées tout en gardant un œil sur Jack. Il savait que ces monstres n'étaient que des distractions. Le véritable combat se trouvait ailleurs. Jack Frost se nourrissait de l'environnement, utilisant chaque flocon de neige à son avantage, transformant la ville en un piège géant. Dracula devait le déloger de cette position de force, mais comment ?
Soudain, Jack Frost cessa d'envoyer ses monstres. Il fit un bond arrière et leva les bras comme un chef d'orchestre, son visage se tordant en un rictus encore plus cruel. "Et maintenant... une dernière surprise !"
Un craquement sourd résonna dans la ruelle. Le sol sous les pieds de Dracula commença à se fissurer. En un instant, des chaînes de glace surgirent du sol, s'enroulant autour de ses jambes pour tenter de l'immobiliser. Le froid mordit la peau de Dracula, mais il ne montra aucune émotion. Il savait que c'était une épreuve de volonté autant que de force.
D'un mouvement sec, il libéra ses jambes des chaînes de glace d'un coup puissant, brisant leur emprise. Jack Frost, toujours souriant, observait, amusé.
"Ah, quel dommage... tu aurais fait une si jolie statue de glace," lança-t-il d'un ton désinvolte.
Dracula, sans répondre, avança lentement vers lui. Chaque pas résonnait comme une menace silencieuse dans la neige. Jack Frost, malgré son arrogance, recula légèrement, sentant pour la première fois que ce jeu pouvait devenir plus dangereux qu'il ne l'avait prévu.
"Tu as tort, Jack," déclara Dracula d'une voix froide. "Ce n'est pas toi qui dicte les règles ici."
La tension monta encore d'un cran. La confrontation entre les deux êtres venait de prendre une nouvelle tournure. Le prédateur venait de réaliser que sa proie n'était pas celle qu'il pensait.
Le blizzard soufflait avec une violence inouïe, recouvrant Snowmonton d'un voile épais et glacé. La neige tombait en rideaux, dévorant chaque forme, chaque son. Pour tout autre être, la tempête aurait été une condamnation à mort, mais Dracula n'était pas un être ordinaire. Il avançait, implacable, ses pas silencieux disparaissant aussitôt dans la neige fraîche. Pourtant, même pour lui, le froid mordait de plus en plus fort. Jack Frost avait transformé la ville en un véritable labyrinthe, où chaque souffle de vent semblait dissimuler une menace.
Dans cette blancheur oppressante, le rire de Jack Frost résonna à nouveau, hautain, moqueur, comme un écho glacial transporté par le vent.
"Dracula, Dracula... Te voilà perdu dans mon petit royaume de neige. Avoue que tu n'as jamais vu un spectacle aussi grandiose !" Jack laissa échapper un autre rire, son ton débordant d'ironie. "Je te donnerais bien un coup de main, mais elles sont... un peu froides en ce moment."
Le Seigneur des Ténèbres ignora la provocation, ses yeux balayant l'environnement déformé. Il savait que Jack Frost le testait, cherchant une faille dans sa volonté, un instant d'hésitation. Le blizzard se refermait autour de lui, et les ombres dansaient sous les bourrasques, comme si la ville elle-même avait pris vie sous le contrôle du monstre de glace. Mais Dracula ne montra aucun signe de fatigue ou d'agacement. Son esprit restait fixé sur un seul objectif : comprendre la faiblesse de Jack Frost.
"Pourquoi tant de sérieux, mon vieux ?" continua Jack, sa voix semblant venir de partout et de nulle part. "Détends-toi un peu. Après tout, c'est toujours l'hiver quelque part dans le monde, et j'ai toute l'éternité pour jouer."
Le sol trembla légèrement sous les pieds de Dracula, et une série de piques de glace jaillirent soudainement, tentant de l'empaler. D'un bond rapide, il évita l'attaque, se réceptionnant avec grâce sur un amas de neige durcie. Mais déjà, d'autres piques surgissaient, se refermant comme des mâchoires glacées autour de lui. Il détruisit chacune avec une force implacable, brisant les structures de glace d'un coup de poing ou d'un coup de pied, mais l'épuisement ne tarderait pas à s'installer. Même un vampire n'était pas infaillible face aux forces de la nature lorsqu'elles étaient corrompues par un être surnaturel.
"Tu es doué, je te l'accorde," ricana Jack Frost, sa silhouette apparaissant brièvement dans le blizzard avant de se fondre à nouveau dans le chaos. "Mais dis-moi, combien de temps peux-tu continuer à jouer à mon petit jeu avant de te briser, tout comme la glace sous tes pieds ?"
Les rires, le vent, et les coups de Jack Frost se confondaient. À chaque fois que Dracula tentait de localiser son ennemi, il ne trouvait qu'un mirage de neige qui s'évaporait aussitôt. La tempête elle-même semblait être un piège vivant, changeant la topographie de la ville à chaque instant. La rue qu'il venait de traverser se refermait derrière lui, et les murs des bâtiments se tordaient comme s'ils étaient faits de glace vivante, bloquant toute issue.
Dracula s'arrêta un instant, jaugeant la situation. Il devait admettre que Jack Frost était plus qu'un simple tueur. Il manipulait cet environnement à la perfection, utilisant chaque flocon, chaque souffle de vent à son avantage. Mais c'était aussi sa faiblesse : Jack Frost était trop à l'aise dans ce monde de glace. Son arrogance lui donnait un faux sentiment de sécurité, et Dracula savait qu'il pourrait retourner cette confiance contre lui.
"Ton arrogance te tuera," murmura Dracula, plus pour lui-même que pour Jack Frost.
Un autre rire résonna, plus proche cette fois. "Tu parles de moi ou de toi, Dracula ? Parce que de nous deux, c'est moi qui mène le jeu pour l'instant."
Une rafale de vent glacial s'abattit sur Dracula, portant avec elle des éclats de glace tranchants. Il esquiva de justesse, sentant le froid mordant lui entailler légèrement la peau, mais rien ne troubla son calme. Derrière l'agitation et les ricanements, Dracula commençait à comprendre. Jack Frost ne cessait de se déplacer, de manipuler son environnement, mais il ne restait jamais immobile. Et pour une créature comme lui, le mouvement perpétuel était une nécessité, pas un choix. La glace elle-même n'était qu'une extension de sa propre forme.
Dracula se concentra alors sur ce point. Il devait isoler Jack Frost, l'éloigner de cette tempête vivante qu'il contrôlait si parfaitement. Si le monstre dépendait de son environnement pour rester invincible, alors il lui fallait un terrain de jeu moins favorable.
Tout en avançant dans la tempête, évitant les attaques sournoises de Jack Frost, Dracula observait la ville. Il savait qu'un changement d'environnement pourrait inverser l'avantage. Puis, au détour d'une rue, il aperçut la silhouette d'une ancienne usine chimique, ses cheminées figées dans la glace, partiellement cachées par le blizzard. Une idée commença à germer dans son esprit.
"Alors, tu restes silencieux maintenant ?" la voix de Jack résonna de nouveau, plus forte, plus proche. "Ne me dis pas que tu as déjà froid aux pieds ? Oh, attends, tu ne sens rien, n'est-ce pas ?"
Dracula esquissa un léger sourire, invisible sous les rafales de neige. Il avait compris le jeu de Jack Frost. Ce dernier tentait de le fatiguer, de l'épuiser mentalement et physiquement. Mais Dracula était bien plus endurant que ses précédentes victimes.
"Ce jeu touche à sa fin, Jack," murmura-t-il d'un ton à peine audible.
Tout en continuant à déjouer les pièges du monstre, Dracula se rapprocha de l'usine chimique. Le froid devenait presque insupportable, même pour lui, mais il ne ralentit pas. Ses sens surnaturels lui indiquaient que Jack Frost suivait chacun de ses mouvements, prêt à frapper à tout moment. Mais désormais, Dracula n'était plus simplement en fuite. Il avait un plan.
"Prêt pour le grand final ?" railla Jack Frost, apparaissant soudainement en face de Dracula, ses griffes de glace brillant dans la tempête. "Je sens que tu es presque à bout, Dracula. Encore un petit effort, et tu pourras rejoindre mes œuvres d'art gelées."
Dracula ne répondit pas. Il s'approchait de la destination qu'il avait en tête, et Jack Frost, sans le savoir, se rapprochait du piège.
"Ne t'inquiète pas, je te ferai une statue magnifique," poursuivit Jack, ses rires résonnant à travers la ville transformée en cauchemar de glace. "Un monument à ta gloire... et à ma victoire."
Le temps de l'affrontement final approchait. Dracula savait que Jack Frost ne tarderait pas à dévoiler sa forme ultime, mais cette fois, il serait prêt.
"Ah, l'usine chimique... Excellent choix pour mourir, Dracula ! Mais je crains que ce ne soit moi qui ai l'avantage ici." Cria le bonhomme de neige.
Sans attendre, Jack Frost fit surgir des pics de glace massifs, bloquant les issues et encerclant Dracula. Le bonhomme de neige monstrueux attaqua sans relâche, lançant des éclats de glace aussi tranchants que des lames. Dracula, déstabilisé par cet environnement hostile, esquiva les coups avec agilité, ses chaos claws crépitant d'énergie, prêtes à riposter.
Chaque coup que Dracula portait contre les parois de glace était méthodique. Mais Jack Frost ne lâchait rien. Les murs gelés qu'il dressait autour d'eux se reformaient à chaque fois que Dracula les brisait, et Jack continuait de ricaner, savourant chaque instant.
"Regarde-toi, vampire ! Coincé dans mon petit royaume de glace ! Tu peux griffer, cogner, mais tu ne peux pas m'arrêter !"
Dracula, impassible, le fixa de ses yeux perçants.
D'un geste vif, Jack Frost leva la main, et instantanément, des éclats de glace jaillirent du sol, créant une barrière cristalline entre lui et Dracula. Puis, d'un mouvement fluide, il envoya une rafale de lames glacées à une vitesse fulgurante vers son adversaire. Dracula réagit tout aussi rapidement, esquivant les projectiles avec une grâce surnaturelle. Mais le froid était mordant, et la fatigue commençait à s'insinuer dans ses membres.
— Tu ne peux rien contre moi ! Je suis l'hiver incarné ! ricana Jack Frost en disparaissant dans une bourrasque de neige.
Dracula, malgré son calme habituel, ressentait la pression. Jack Frost se jouait de lui, transformant l'usine en un labyrinthe de glace, multipliant les pièges et les embuscades. À chaque fois que Dracula parvenait à se rapprocher, son adversaire se dématérialisait dans une tempête de givre, réapparaissant ailleurs pour le harceler. Le vampire se sentait piégé, enserré dans cette prison de glace.
Il se faufila à travers les couloirs sinueux de l'usine, ses sens en alerte maximale. Tout en évitant les pièges glacés, son regard se porta sur une série de cuves métalliques massives. Sur l'une d'elles, une inscription luisait faiblement à la lumière filtrée : ANTIGEL.
Un plan se dessina dans l'esprit de Dracula. Il savait que l'antigel était conçu pour contrer les effets du gel, mais il ignorait si cela aurait un effet quelconque sur Jack Frost. Pourtant, il n'avait pas d'autre option. Se préparant à tendre un piège, il fit mine de se laisser acculer près de ces réservoirs. Jack Frost, sentant l'imminence de sa victoire, réapparut, un sourire cruel déformant ses traits.
— Alors, c'est tout ce que tu peux faire, vampire ? Tu te caches ? Tu te terrifies de moi, le grand Dracula ?
Dracula ne répondit pas. Ses yeux scrutèrent les environs, repérant une valve près des cuves. Il devait jouer de ruse, comme Jack Frost l'avait fait depuis le début.
Le monstre de glace lança une nouvelle attaque, des pointes de glace jaillissant du sol, formant un cercle autour de Dracula pour le piéger. Mais au moment où Jack Frost s'élançait, sûr de sa victoire, Dracula utilisa sa force surhumaine pour briser l'une des conduites, libérant un jet d'antigel qui se répandit dans l'air. Le liquide vertâtre aspergea Jack Frost, qui poussa un hurlement strident.
— Qu'est-ce que tu as fait ? hurla-t-il, son corps commençant à fumer là où l'antigel avait touché sa surface glacée.
La créature recula, son corps cristallin se désagrégeant lentement. Dracula, voyant que son plan fonctionnait, intensifia son attaque. Il attrapa Jack Frost et, dans un mouvement rapide, le projeta violemment contre l'une des cuves ouvertes. L'antigel se déversa sur la créature avec un bruit sifflant.
Jack Frost, habituellement si moqueur et confiant, se tordait de douleur. Son corps autrefois invincible se fissurait, fondant lentement sous l'effet de l'antigel. Chaque tentative de régénération était contrecarrée, les fragments de glace se dissolvant avant même de se reformer.
— Ce n'est... pas possible ! gémit-il, son corps se désintégrant de plus en plus rapidement.
Dracula s'approcha, le visage impassible, ses yeux braqués sur la créature agonisante. Le vampire savait que Jack Frost n'était pas simplement une force naturelle, mais une entité malveillante. Cependant, comme toutes les créatures, il avait une faiblesse. Et aujourd'hui, cette faiblesse avait été révélée.
Dans un dernier cri déchirant, Jack Frost se dissout complètement, laissant derrière lui une mare d'antigel mélangé à des résidus de glace. Le silence retomba lourdement dans l'usine, interrompu seulement par le goutte-à-goutte de l'antigel tombant des tuyaux brisés. Le blizzard qui hurlait à l'extérieur semblait s'être calmé, comme si la mort de Jack Frost avait apaisé les éléments.
Dracula se redressa, observant les vestiges de son adversaire. Il ne ressentait ni triomphe ni satisfaction, seulement un calme sinistre, celui du devoir accompli. L'hiver de Snowmonton avait perdu son maître, mais il savait que d'autres forces obscures attendaient dans l'ombre.
Sans un mot, il quitta l'usine, laissant derrière lui les fantômes d'un hiver terrifiant.
Le silence qui régnait sur Snowmonton après la mort de Jack Frost était presque surnaturel. Le blizzard, qui avait enveloppé la ville dans une tempête perpétuelle, s'était calmé, laissant derrière lui une neige légère, presque paisible, qui recouvrait les rues. La tempête avait cessé avec une brutalité telle que les habitants, encore terrés chez eux, osaient à peine y croire. Le vent, autrefois hurlant, n'était plus qu'une brise glaciale, et la peur, bien qu'ancrée dans leurs âmes, commençait à se dissiper avec le départ de la menace.
Les premiers habitants osèrent enfin sortir, prudents, comme s'ils s'attendaient à ce que l'horreur de Jack Frost réapparaisse d'un instant à l'autre. Mais ils ne trouvèrent qu'une ville recouverte d'une couche immaculée de neige, le calme après la tempête. Leurs regards, méfiants et fatigués, cherchaient désespérément des signes de normalité. Les enfants, encore en état de choc, s'accrochaient aux jambes de leurs parents, incapables de comprendre pleinement l'horreur qui avait frappé Snowmonton.
Dracula, observant tout cela depuis l'ombre d'un bâtiment, sentit une vague de satisfaction mêlée de mélancolie. Le monstre qui avait terrorisé cette ville était vaincu, et pourtant, les cicatrices resteraient. Il connaissait trop bien les répercussions d'une telle tragédie sur l'âme humaine. Ces gens reprendraient leur vie, mais le souvenir de Jack Frost hanterait leurs cauchemars longtemps après que la neige aurait fondu.
Il s'avança lentement dans les rues encore désertes, son long manteau noir flottant légèrement dans la brise hivernale. À chaque pas, la neige crissait sous ses bottes, un bruit doux dans ce silence post-apocalyptique. Quelques habitants le virent passer et s'arrêtèrent, leurs regards emplis de gratitude mêlée de crainte. Ils ne savaient pas qui il était vraiment, mais ils avaient vu son combat contre la créature qui les avait traqués. Ils savaient qu'il n'était pas un simple homme, mais un être qui transcendait leur compréhension.
Dracula s'arrêta un moment au centre de la ville, contemplant la place enneigée où les premières lueurs du soleil tentaient de percer à travers les nuages. Le retour du calme avait quelque chose de paradoxalement écrasant. Le vampire leva les yeux vers le ciel gris et glacé. L'hiver ici n'était pas qu'une saison, il avait été transformé en arme, en instrument de peur par Jack Frost. Dracula savait que ce n'était pas la première fois, ni la dernière, que la nature elle-même serait pervertie pour faire le mal.
"Le mal n'a pas de forme fixe," pensa Dracula. "Il s'adapte, prend racine dans tout ce qu'il peut corrompre. Jack Frost était autrefois un homme, transformé par des circonstances tragiques et des forces qui le dépassaient. Mais même sans ces forces, le mal trouvera toujours une manière de s'exprimer."
Il se remémora des créatures similaires qu'il avait rencontrées à travers les siècles. Des entités qui, comme Jack Frost, avaient détourné des éléments naturels pour semer la terreur. Le feu, la terre, le vent, la mer... tout pouvait être corrompu, tout pouvait devenir une arme entre de mauvaises mains. Jack Frost avait choisi la glace et l'hiver, mais il y en aurait d'autres. Toujours.
Dracula ferma les yeux un instant, laissant ses pensées dériver vers d'autres menaces qui se tapissaient dans l'obscurité. Chaque créature qu'il affrontait lui rappelait que son propre combat était sans fin. Peu importait combien de monstres il terrassait, d'autres surgiraient. Des hommes corrompus, des esprits pervertis par la soif de pouvoir, des entités surnaturelles dont l'existence même défiait la logique humaine. Tout cela faisait partie du cycle incessant de la lutte contre le mal.
Il savait qu'il ne pourrait jamais véritablement trouver la paix. Tant qu'il existerait des forces comme Jack Frost, il continuerait à marcher sur cette terre, un protecteur de l'ombre, un gardien silencieux contre l'inimaginable. Pourtant, cette idée ne l'accablait pas. C'était son destin, son fardeau. Un fardeau qu'il portait sans regret.
Finalement, Dracula quitta la place et se dirigea vers la périphérie de la ville. Snowmonton ne serait plus jamais la même. Les habitants reconstruiraient leurs vies, mais l'empreinte du mal resterait gravée dans la neige fondue. Ils se souviendraient de ce qu'ils avaient vu, de ce qu'ils avaient ressenti. Mais ils seraient sauvés.
À la sortie de la ville, un vieil homme le salua d'un signe de tête respectueux. Ce même vieillard qui lui avait raconté la légende de Jack Frost la veille. Dracula s'arrêta brièvement, échangeant un regard avec lui. Aucun mot n'était nécessaire. Le vieux savait. Tout comme Dracula savait qu'il y aurait d'autres batailles, d'autres villes perdues dans le froid ou la chaleur, d'autres créatures prêtes à surgir des ténèbres.
Sans un mot, il reprit sa marche, quittant Snowmonton pour de bon. Le monde extérieur l'attendait, tout comme les forces surnaturelles qu'il s'était juré de combattre. Chaque combat était une victoire temporaire, mais chaque victoire rapprochait le monde d'une forme de paix, même fragile.
Le vent, désormais léger, soufflait sur son visage. L'hiver s'en allait avec lui, laissant derrière lui les derniers vestiges d'une terreur glacée. La silhouette de Dracula disparut dans l'horizon, une ombre parmi tant d'autres, prête à affronter la prochaine nuit.
