Enfin le week-end !
Je remercie Naisalavanille pour sa review. Et merci à Helimoen, Jsmine Lucas et Naisalavanille pour avoir mis la fic en Alert et Favoris.
Oh, et je sais que le passage concernant la mort de Perle a dû vous choquer, mais rassurez-vous, les Valars ont prévu quelque chose pour elle, comme pour Jodie. Désolée, j'en dis pas plus, je refuse de spoiler.
Bonne lecture !
DISCLAIMER : Le Seigneur des Anneaux ne m'appartient pas, tout est à Tolkien.
Chapitre 4 :
Rencontre à la bibliothèque
Tandis que les deux magiciens marchaient à travers la forêt de Mirkwood, Radagast racontait à Gandalf comment il avait découvert la fleur.
D'après lui, cela avait commencé il y a neuf mois. Il n'avait pas l'intention de s'approcher de Dol Guldur, mais il avait eu une vision de Yavanna, la Valar de la nature. Elle l'avait enjoint à se rendre là-bas. Il y avait découvert avec surprise non pas une, mais plusieurs fleurs. Elles étaient alors bien plus petites, certaines n'étaient encore qu'à l'état de bourgeon.
« Yavanna a insisté pour que je m'occupe de cet étrange jardin, car selon elle, il était important pour les Valars. D'après elle, de nombreuses âmes fauchées par les Ténèbres avaient été utilisées par le roi-sorcier d'Angmar sur ordre de Sauron, pour d'horribles expériences. Lorsque je suis arrivé à la forteresse, j'ai découvert de jeunes pousses imprégnées de magie. Elles étaient toutes en train de se faner. Je n'ai réussi à en sauver qu'une poignée avec ma magie, mais au final, seule la dernière que vous avez vue a tenu le coup pendant neuf mois. »
Gandalf considéra l'enfant, toujours nichée au creux de ses bras. Ainsi donc, il y en avait eu d'autres avant elle… Et aucune d'entre elles n'avait tenu le coup.
« En fait, elles étaient toutes imprégnées de Ténèbres. Seule celle que vous avez touchée avait un cœur lumineux, Gandalf. J'ai senti quelque chose de différent chez elle, un mélange d'obscurité et de lumière. Je pense que c'est cette… différence qui m'a permis de l'aider, jusqu'à ce qu'elle arrive à maturité. »
Le magicien gris haussa un sourcil. Il regarda le bébé, endormi dans ses bras.
Si cette enfant est importante aux yeux de Yavanna, et que la Lumière l'a aidée à naître, alors tout semble indiquer qu'il faut la protéger, pensa le magicien.
Son récit fini, Radagast regarda autour de lui et réalisa qu'ils n'avaient pas pris le chemin de sa maison.
« Où allons-nous, Gandalf ? »
« Au palais de Thranduil. »
Le magicien brun s'arrêta.
« Vous pensez que c'est une bonne idée ? Le roi n'est guère… accommodant, surtout ce qui s'est passé à Erebor ! »
Gandalf soupira. En effet, depuis l'épisode de la Compagnie de Thorïn, le roi n'avait plus quitté son palais. Le magicien se rappelait son regard hanté, quand il avait les cadavres des siens, morts en combattant l'armée d'Azog dans les ruines de Dale.
Même si Gandalf avait confiance en Radagast, il ne pouvait lui confier le bébé. Il ne doutait pas que le magicien ferait tout pour la garder en vie. Après tout, il avait investi de nombreux efforts dans l'entretien de sa fleur ! Mais une plante et un bébé étaient deux choses radicalement différentes.
« Ce petit être va avoir besoin d'une nourrice et d'une éducation, mon ami. Je ne doute pas de vos talents, mais ni vous ni moi n'avons le temps ni le savoir-faire pour l'élever comme il se doit. »
Radagast acquiesça, quoiqu'une lueur de déception brillait dans son regard.
« Lorsqu'elle sera plus âgée, vous pourrez la revoir, le rassura Gandalf. Nul doute qu'elle va développer des pouvoirs en rapport avec la nature, et qui mieux que vous pourrait l'aider à les maîtriser ? »
Radagast parut ragaillardi par ses paroles, et suivit d'un pas plus vif le Magicien Gris.
Bientôt, ils perçurent des bruits dans les arbres et les buissons alentour, puis des elfes émergèrent de différentes cachettes. Bien qu'armés, ils n'avaient pas pointé de flèche ni d'épée vers eux. Tout le monde connaissait bien les deux magiciens, en particulier leur chef, Legolas, qui s'avança.
« Legolas Thranduilion ! » sourit Gandalf. « Heureux de vous revoir. »
« Mae govannon, Mithrandir. Radagast… Qu'est-ce qui vous amène dans notre royaume ? »
Son regard fut attiré par une forme mystérieuse, cachée dans les replis de la cape de Gandalf. Que pouvait tenir le magicien de manière si protectrice, contre son cœur ?
« Nous devons voir le roi, c'est important », dit Gandalf. « Et nous aurons aussi besoin des services d'une nourrice. »
Le magicien se pencha pour révéler au prince ce qu'il portait. Legolas haussa un sourcil surpris en voyant un bébé emmailloté dans la cape de Gandalf. Il fut tenté de poser une question, mais s'en abstint. La forêt était dangereuse, ce n'était pas le meilleur endroit pour s'expliquer, surtout avec un bébé.
Aussi, il ordonna à quelques Elfes de retourner à leur poste, tandis que d'autres le suivirent pour escorter les magiciens jusqu'au palais.
Ce dernier se trouvait caché sous une immense colline rocheuse, au bout d'un pont étroit qui surplombait le torrent d'une rivière.
Sitôt qu'ils eurent franchi les grandes portes bleues marquant l'entrée des cavernes, les deux magiciens attendirent.
Un elfe s'en alla prévenir les guérisseurs. L'une d'entre elles ne tarda pas à rejoindre les arrivants et prit le bébé des bras de Gandalf avec soin.
Legolas suivit des yeux la jeune femme, tandis qu'elle s'éloignait avec le nouveau-né. Il aurait aimé interroger le magicien, mais il savait que le roi voudrait sûrement être informé. Il conduisit donc les magiciens à travers le dédale de couloirs du palais, jusqu'à la salle du trône.
Thranduil les attendait. Assis sur son immense siège en bois orné de grands andouillers de cerf, il salua d'un signe de tête les Elfes et les magiciens.
Son regard ne se posa que brièvement sur Radagast, avant de se fixer sur Gandalf.
« Mithrandir, qu'est-ce qui vous amène dans mon royaume ? Et puis-je savoir pourquoi vous avez requis les services d'une de mes guérisseuses ? »
« Pardonnez notre arrivée impromptue, roi Thranduil. Je n'avais pas l'intention de m'attarder, mais une découverte de Radagast m'a poussé à changer mes plans. »
Son collègue magicien fit « oui » de la tête, mais en voyant tous les regards se tourner vers lui, il parut gêné.
« Oh ? C'est à moi de parler… ? Eh bien, je… »
Il parut réfléchir, ouvrit la bouche, puis se ravisa. Gandalf se crispa et jeta un regard inquiet à Thranduil. Bien qu'impassible, le roi regardait le magicien brun avec agacement.
« Ah oui, ça me revient ! Gandalf m'a aidé à faire naître la dernière protégée de Yavanna », finit par dire Radagast.
Thranduil fronça brièvement les sourcils.
« De quoi parlez-vous ? Quelle protégée ? »
Avec un soupir, Gandalf entreprit de lui raconter la découverte de la fleur, comment Radagast en avait vu tout un champ se flétrir et l'enfant qui était sortie de la dernière d'entre elles.
À mesure qu'il parlait, le visage de Thranduil se mua en une surprise mêlée d'incrédulité.
« Ce que vous me racontez là est impossible. Aucun enfant ne peut naître d'une fleur ! »
« Ça reste à voir », dit Radagast avec un sourire énigmatique. « Oubliez-vous les Ents ? »
« Ce sont des êtres à part. Qui plus est, ils résident à Fangorn. En revanche, qu'une enfant puisse naître d'une fleur m'apparaît plus comme une fable qu'une possibilité. »
« Je comprends vos doutes, roi Thranduil », intervint Gandalf. « Mais j'ai été témoin de la naissance de cette enfant. Elle n'est humaine qu'en apparence, car un grand pouvoir gronde en elle. »
« Un pouvoir ? » répéta le roi.
Gandalf ne put répondre, car la guérisseuse venait de rejoindre la salle. Elle avait nettoyé l'enfant. Enveloppée dans un linge propre, elle dormait toujours d'un sommeil paisible. Elle s'inclina devant son roi, puis lui rapporta que l'enfant était en parfaite santé, mais toujours endormie.
Le roi lui ordonna de s'approcher, ce qu'elle fit. Tous considérèrent le visage poupin endormi. Rien ne laissait deviner que cet enfant était né de manière atypique.
« Avez-vous décelé quoi que ce soit d'anormal chez cette enfant ? » demanda le roi.
La guérisseuse parut hésiter, puis répondit :
« Après l'avoir nettoyée et changée, j'ai essayé de lui donner un peu de lait. Elle l'a vomi. Sa réaction était étrange, elle a semblé avoir du mal à respirer, comme si… comme si c'était du poison. »
Radagast haussa les sourcils.
« Ah oui, c'est logique ! »
Tout le monde regarda le magicien avec l'air perdu.
« Elle est née d'une fleur ! Elle doit donc avoir un régime alimentaire plus proche des végétaux que celui d'un Homme. Vous avez déjà essayé d'abreuver une plante avec du lait ? Non, bien sûr que non, c'est trop gras ! Par contre, de l'eau mélangée à du sucre est excellente pour elles. Je pense que la viande non plus n'est pas recommandée dans son cas. »
Thranduil reporta son regard sur le nourrisson. Était-ce vrai ? Ce bébé pouvait-il être à moitié végétal ? Rien ne laissait deviner une quelconque bizarrerie dans son apparence, sauf peut-être ses petites oreilles rondes, si insolites pour un Elfe…
Thranduil tendit la main pour toucher le front de l'enfant. Sitôt en contact avec sa peau, il sentit sa brûlure de dragon, dissimulée depuis longtemps par un sortilège, le tirailler. Avec un cri de douleur étouffé, il retira ses doigts et recula d'un pas.
« Mithrandir… Qu'est-ce que cela ? Je sens une part d'Ombre chez cette enfant. »
« Je sais, monseigneur », soupira Gandalf. « Je l'ai senti aussi. Mais Yavanna a été claire : la vie de cette enfant est importante. »
« Importante ? Comment pourrait-elle l'être ? Radagast, êtes-vous bien sûr qu'il s'agissait d'un message et non d'une hallucination provoquée par des plantes ou des champignons toxiques ? »
À ces mots, Radagast parut offensé. Toute trace de douceur ou de rêverie déserta son visage, lui donnant l'air plus vieux et plus menaçant.
Bien que moins puissant que Gandalf, une pression écrasante se forma autour de lui. Legolas, qui se tenait à ses côtés, ne put s'empêcher de reculer d'un pas.
« Qui prend soin des animaux et de cette forêt depuis des siècles, Thranduil ? Qui soigne les bêtes et les plantes touchées par l'Ombre ? Certainement pas vous, qui êtes trop occupé à rester ici, muré dans votre palais, à boire du vin matin et soir ! »
Thranduil lui répondit par un sourire sardonique. Il fallait plus que le petit tour de magie de Radagast pour l'effrayer.
Gandalf posa une main sur l'épaule du magicien, qui parut se calmer.
Soudain, un petit bruit en provenance de la guérisseuse attira l'attention de chacun. Le bébé remuait et poussait de petits cris dans son sommeil.
Voyant que l'enfant s'agitait, la guérisseuse la secoua doucement dans ses bras en lui chuchotant des mots réconfortants.
L'enfant parut légèrement se calmer, mais elle ouvrit à nouveau la bouche pour émettre des petits cris.
Radagast s'approcha et, tout en murmurant une formule magique, passa la main sur son front. Aussitôt, les yeux de l'enfant s'ouvrirent.
Tous purent voir deux pupilles aux couleurs différentes. Le droit était d'un bleu magnifique, avec une petite lueur évoquant une fleur, tandis que le gauche avait une couleur dorée.
Gandalf sentit son inquiétude croître en voyant cela. Pas de doute, deux forces opposées grondaient dans le corps du bébé. Son œil gauche avait la couleur de ceux de Sauron, mais le bleu… il était comme ceux de Galadriel.
Si le bien l'emportait, comme semblaient l'espérer les Valars, il ne fallait pas éliminer ce bébé. Il devait convaincre le roi de le garder, mais…
Perspicace, Thranduil devança le magicien et dit :
« Je refuse de laisser cette… chose en mes murs, Gandalf ! Repartez avec elle et libérez-nous de cette menace. »
« Chose ?! » s'écria Radagast, indigné. « C'est une enfant. Une enfant que Yavanna m'a demandé de garder en vie. »
« Les Valars pensent qu'elle doit vivre, monseigneur », renchérit Gandalf. « Voulez-vous vraiment aller à l'encontre de leur volonté ? »
Legolas, qui n'avait pas lâché l'enfant du regard depuis qu'elle avait ouvert les yeux, s'approcha d'elle.
Le bébé dormait, avec un air si paisible que rien ne laissait deviner qu'elle pouvait être dangereuse.
« Peut-être ont-ils raison », dit le prince dans un murmure.
« Comment ? » demanda Thranduil, surpris.
« Ce n'est encore qu'une enfant », dit le prince. « Qu'importe la part d'Ombre en elle, une part de Lumière s'y trouve aussi, comme le prouvent ses yeux. Après tout, le seigneur Elrond a fait de même pour Estel, il l'a recueilli et élevé comme son fils, malgré les péchés de son ancêtre, Isildur. Aujourd'hui, c'est un rôdeur et un de nos meilleurs alliés parmi les Hommes. Si nous faisons le nécessaire, cette enfant pourrait devenir une alliée importante, elle aussi. Et qui sommes-nous pour nous opposer à la volonté des Valars ? »
Le roi adressa à son fils un regard courroucé, mais s'abstint de tout commentaire. Il regarda l'enfant, puis après un temps de réflexion, dit :
« Soit, elle restera vivre ici, du moins durant ses premières années. »
« Je vous remercie, roi Thranduil », sourit Gandalf.
« Mais si jamais elle s'avère être une menace, je ferai le nécessaire pour qu'elle ne puisse nous nuire. »
Le sourire de Gandalf s'effaça, pour laisser place à un visage grave. Qu'entendait le roi ? Comptait-il la bannir… ou pire ?
« Nous devrions lui trouver un nom », suggéra Radagast. « Que diriez-vous de Lothiriel ? »
Gandalf approuva cette idée. Ce prénom signifiait « fille de la fleur », et quoi de mieux pour une enfant née d'une fleur ?
« Ce nom ne sied guère à un être comme elle », dit Thranduil. « Lómëar serait plus adapté. »
Gandalf fit la grimace. Cela signifiait « Enfant des Ténèbres ». Et même en ignorant le sens de ce prénom, il sonnait de manière trop désagréable à l'oreille.
Voyant que Radagast allait protester, il intervint avec un compromis.
« Lowen serait plus raisonnable. »
« Fille de la nuit », traduisit Legolas. « Oui, cela semble plus juste. »
La nuit recelait de nombreuses choses, certaines bonnes, d'autres mauvaises. Comme cette enfant, qui semblait porteuse de promesses d'avenir et de sombres menaces.
Face à cette nouvelle suggestion, Radagast fit la moue.
« Lowen ? Tssss… Je ne vois vraiment pas pourquoi choisir ce nom-là. »
Gandalf lui lança un regard d'avertissement. S'ils continuaient à se disputer avec le roi, ce dernier pourrait changer d'avis et ordonner aux magiciens de quitter son royaume sur le champ avec le bébé.
Le roi n'émit pas d'objection à ce prénom, mais son expression laissait clairement entendre qu'il n'aimait pas ce choix. Il fit quérir un serviteur, puis lui ordonna de préparer une chambre pour l'enfant… et de placer un garde devant sa porte.
Legolas adressa un regard désolé aux magiciens. Son père semblait avoir déjà des idées bien arrêtées sur l'enfant.
Radagast leva les yeux au ciel, tandis que Gandalf regarda l'Elfe quitter la pièce avec le bébé.
Bonne chance… Lowen.
XxXxXxXxXxXxXxXxX
Six ans plus tard
Faelwen se pencha pour regarder sous le lit, mais ne trouva rien.
La jeune femme elfe se releva et marcha vers la porte, quand elle s'arrêta. Elle tendit l'oreille, puis un léger sourire étira ses lèvres.
L'air faussement déçu, elle se dirigea vers la porte menant à la sortie de la chambre… et s'arrêta devant l'armoire à côté. Elle l'ouvrit brusquement, si bien que la petite silhouette tapie au fond poussa un cri de surprise.
« Trouvée ! » dit la jeune femme.
Une petite fille de six ans, brune et aux yeux vairons, sortit de l'armoire avec l'air boudeur.
« Comment t'as su que j'étais là ? » demanda-t-elle.
« Je t'ai entendu glousser, penneth. »
« C'est de la triche ! T'as l'ouïe plus fine que moi. »
Devant l'air boudeur, mais si mignon de Lowen, Faelwen ne put s'empêcher de glousser et lui caresser les cheveux. La petite lui adressa un regard outré, mais son sourire montrait qu'au fond, elle appréciait ce geste.
Une fois de plus, la guérisseuse se surprit à éprouver une bouffée d'affection pour elle.
Cela faisait maintenant six ans, jour pour jour, que la petite était arrivée au palais de Mirkwood.
Malgré les avertissements du roi, elle s'était révélée une enfant aussi normale qu'attachante.
Pourtant, certains signes laissaient deviner qu'elle était spéciale. Déjà, son alimentation, qui excluait les laitages et la viande.
Mais aussi le fait que lorsqu'elle était bébé, elle ne pleurait jamais, sauf lorsqu'elle avait besoin d'être changée.
Et chaque fois que quelqu'un venait la voir ou l'emmenait pour une promenade dehors, elle se montrait calme et observait son environnement avec l'air… concentré. Faelwen était elle-même mère de deux fils. Ils étaient adultes aujourd'hui, âgés de plusieurs siècles et soldats fidèles au roi Thranduil. Même si cela remontait à plusieurs siècles, la guérisseuse se rappelait que ses jumeaux n'avaient pas été si attentifs, lorsqu'ils n'étaient que des nourrissons.
Les guérisseurs s'étaient relayés pour surveiller Lowen bébé lors de ses périodes d'éveil, et jamais on n'avait assisté au moindre phénomène laissant deviner qu'elle avait des pouvoirs.
Faelwen était celle qui s'occupait le plus souvent d'elle, car elle était la seule guérisseuse ayant de l'expérience maternelle avec les enfants.
Le seul signe laissant sous-entendre un soupçon de malice chez la petite était son regard suppliant, qu'elle affichait lorsqu'elle voulait qu'on lui donne des gâteaux en dehors des repas. Sa manière de battre des paupières et de faire trembler ses lèvres était exagérée, mais si comique !
« C'est à ton tour de te cacher », dit Lowen. « Je vais compter. »
« Je regrette, je dois y aller. Je reviendrai ce soir pour t'apporter à manger. »
En entendant les paroles de la guérisseuse, Jodie parut triste, mais la laissa s'en aller sans protester.
Une fois seule, l'enfant regarda sa chambre avec ennui.
Cela faisait six ans qu'elle vivait à Mirkwood.
La période à l'état de bébé avait été pénible, car elle ne pouvait rien faire. Il lui avait fallu du temps pour se faire à l'idée qu'elle s'était réincarnée dans un nouveau corps avec tous ses souvenirs. Et plus de temps encore pour assimiler l'idée qu'elle était dans le monde dont sa mère lui avait tant parlé : Arda, ou Terre du Milieu.
Jodie n'y comprenait rien. Comment avait-elle fait pour atterrir dans ce monde dont les Érudits cherchaient désespérément des traces ? Et pourquoi y était-elle dans un corps d'enfant, avec toute sa mémoire ?
Elle avait longtemps ressassé ses souvenirs, le plus important étant celui des deux femmes à l'aura divine. Elle avait retourné leurs paroles dans sa tête un nombre incalculable de fois, mais n'avait rien trouvé pouvant l'éclairer sur sa situation actuelle.
Il lui avait fallu du temps pour s'adapter. Lorsque sa myopie de bébé avait disparu, elle avait découvert qu'elle vivait dans un palais souterrain d'une splendeur incroyable. Chaque pièce, taillée dans la roche, était ornée de sculptures magnifiques, depuis les colonnes finement sculptées aux statues représentant de délicates figures elfiques. Même les cascades semblaient émettre un chant dans les couloirs, au lieu d'un simple vrombissement.
Et les Elfes étaient des êtres magnifiques, comme dans les histoires de sa mère. Ils avaient une aura lumineuse et se mouvaient avec une grâce majestueuse. Par contre, Jodie avait vite distingué deux types de comportements. Il y avait ceux qui ne voyaient en elle qu'une enfant et se montraient gentils. Et il y avait ceux qui la regardaient avec de la méfiance, presque de la peur dans les yeux, comme s'ils la jugeaient dangereuse.
Ces gens-là restaient souvent debout devant son berceau lorsqu'elle était bébé. Ils la regardaient en silence, un long moment, avant de s'en aller.
Les gentils ne venaient que pour la nourrir, la changer ou jouer.
Lowen ne comprenait pas pourquoi certains Elfes semblaient mal à l'aise en sa présence. Elle n'était qu'une enfant. Bon, d'accord, une enfant humaine avec des souvenirs de sa vie d'avant, mais tout de même ! Elle n'avait aucune intention de nuire à ces êtres magnifiques.
Pourtant, elle savait qu'il y avait autre chose de bizarre chez elle. Les Elfes parlaient en sindarin, une langue qu'elle n'avait jamais connue dans sa vie d'avant. Pourtant, depuis sa… renaissance, si on pouvait l'appeler ainsi, elle comprenait leur langage. C'était comme si quelqu'un avait implanté ce savoir en elle.
Et plus étrange encore, lorsqu'on l'emmenait se promener dans les jardins du palais, elle pouvait entendre des voix provenant des arbres et des plantes. Ce n'était que des murmures, mais depuis toute petite, elle n'avait pu les ignorer.
Comment était-ce possible ? Elle n'était même pas une Elfe. Elle avait toujours des oreilles rondes, contrairement à ses gardiens qui avaient les oreilles pointues. Et plus étrange encore, ses yeux avaient changé de couleur ! Au lieu d'être marron sombre, l'un d'eux était d'un beau bleu profond et l'autre doré, avec parfois une teinte tirant sur le rouge selon la façon dont la lumière l'éclairait.
En outre, elle avait découvert qu'elle était allergique au lait. Elle se rappelait la seule et unique fois où on lui en avait mis dans la bouche, tout bébé, alors qu'elle somnolait. Elle l'avait avalé, mais à peine dans son estomac, son corps avait été pris de violentes crampes. Elle l'avait vomi avec violence et manqué s'étouffer.
Cette crise l'avait tant épuisée qu'elle s'était rendormie, trop fatiguée pour regarder autour d'elle et essayer de comprendre ce qui se passe.
Plus tard, lorsqu'elle avait eu ses premières dents, on lui avait présenté une assiette de légumes avec un peu de viande. Faelwen avait paru réticente à lui en donner, comme si elle se doutait qu'elle n'aimerait pas. Et c'était le cas.
La viande avait un goût délicieux, mais à peine avalée, le nouveau corps de Jodie avait réagi et rejeté la nourriture.
Elle ne supportait que les fruits et les légumes, ainsi que l'eau sucrée. Tout cela était vraiment étrange !
Toutefois, elle n'avait jamais rien demandé à personne, de peur qu'on la juge suspecte. Elle était une enfant, après tout. Et les adultes prenaient rarement les enfants au sérieux.
Reportant son regard sur son environnement présent, Lowen soupira.
Lorsqu'elle avait eu quatre ans et demi, l'enfant avait pensé qu'on l'enverrait à l'école, si jamais il y en avait une dans ce royaume, on bien qu'on lui assignerait un tuteur pour lui apprendre des choses basiques comme lire, écrire et compter.
Bien sûr, Lowen n'en avait pas besoin, elle avait tous ses souvenirs de ses études en tant que Jodie, mais elle était surprise qu'on ne fasse rien pour l'éduquer.
Faelwen venait parfois jouer avec elle, ou bien lui chanter des chansons. Un jour où elle était venue avec un livre de contes, Lowen lui avait demandé si on comptait lui faire suivre des études.
La guérisseuse avait paru surprise, puis lui avait dit qu'elle verrait cela.
Le lendemain soir, lorsque la guérisseuse était venue lui apporter son dîner, Lowen avait relancé le sujet. L'Elfe lui avait alors déclaré que personne n'avait le temps pour cela.
En voyant comment elle semblait fuir son regard, Lowen avait compris que l'Elfe n'approuvait pas cela, mais qu'elle n'avait pas son mot à dire.
Lowen n'y comprenait rien. Pourquoi la nourrir, l'habiller et la loger si elle ne faisait rien de ses journées ?
Et pourquoi n'avait-elle pas de famille, même adoptive ? Les guérisseurs prenaient soin d'elle, mais ils ne faisaient que le strict minimum.
Elle regarda sa chambre. Elle était grande, avec de jolis murs où l'on voyait des Elfes chevauchant à travers la forêt, dansant dans une clairière ou admirant les étoiles. Il y avait un lit, une armoire pour ses vêtements et un coffre. Ce coffre était vieux et usé, il avait appartenu aux fils de Faelwen lorsqu'ils étaient enfants. Elle avait également hérité de leurs vieux jouets, du moins ceux encore utilisables : des cubes, un petit cheval de bois et un ballon. Mais pas de poupée ni de peluche.
En dehors des jolies robes à froufrou qu'elle portait, on ne lui avait jamais vraiment donné quoi que ce soit. On lui avait laissé de vieilles affaires ayant appartenu à d'autres, on ne se souciait pas de son éducation, les rares personnes gentilles avec elle lui consacraient un minimum de temps.
Lowen n'y comprenait rien. Pourquoi n'avait-elle pas de famille adoptive ? Elle se sentait parfois un peu comme un chien, recueilli parce qu'il inspirait de la pitié, mais plus toléré qu'aimé.
Sa vie serait-elle toujours ainsi ? Solitaire et délaissée ? Elle aurait aimé avoir un véritable ami avec qui passer plus de temps. Des études l'auraient aidée à lutter contre l'ennui et la solitude.
Sans compter qu'elle avait des projets d'avenir. Lorsqu'elle serait majeure, elle comptait bien quitter Mirkwood et explorer ce monde, autant par curiosité que pour avoir des réponses à ses questions.
Mais elle se doutait que dans cet univers semblable au Moyen-Âge, il fallait travailler pour gagner sa vie. Mais comment y arriverait-elle, si on ne lui enseignait rien ?
Quand Faelwen lui avait dit qu'elle n'aurait pas d'école ni de professeur, l'enfant lui avait demandé si elle pouvait apprendre le métier de guérisseuse, mais là encore, l'Elfe avait répondu négativement.
Lowen n'aimait guère le reconnaître, mais au fond, elle avait peur. Quel avenir lui réservait-on, en ces lieux ?
Heureusement, lorsque la guérisseuse n'était pas là, l'enfant passait son temps à explorer le royaume. Les cavernes étaient d'une beauté à couper le souffle, mais l'enfant avait vite découvert un endroit encore plus merveilleux.
Ce fut donc d'un pas déterminé qu'elle quitta sa chambre. Elle adressa un sourire au garde à l'entrée, même si elle savait qu'il resterait de pierre. Elle ne connaissait même pas son nom, aussi l'avait-elle mentalement surnommé « Bob ».
La fillette traversa les couloirs, croisant au passage des Elfes. Certains la regardèrent brièvement, tandis que d'autres l'ignorèrent royalement.
Arrivée devant une grande porte à double battant gardée par deux Elfes en armure, l'enfant se dirigea vers l'une des poignées, mais comme à chaque fois qu'elle faisait cela, les portes s'ouvrirent d'elles-mêmes.
Lowen avait fini par comprendre que de la magie résidait dans cette partie du palais. Il s'agissait de la bibliothèque du palais.
Cet endroit était magnifique. De grandes colonnes taillées en forme d'arbre soutenaient le plafond. Des rangées d'étagères imposantes, taillées dans du bois sombre, remplissaient la salle.
Beaucoup proposaient des livres, mais il y avait aussi des rouleaux de parchemin, des tas de papiers poussiéreux et même quelques bibelots comme un casque de guerrier elfe du Deuxième Âge ou une maquette de navire.
Lowen sourit en regardant cet endroit. Il y avait peu de monde, juste quelques Elfes qui passaient le plus clair de leur temps assis à un bureau pour lire ou prendre des notes sur des parchemins. On n'entendait jamais que le froissement des pages et le grattement d'une plume sur le papier.
L'enfant parcourut les rayons, avant de s'arrêter à une section consacrée aux Hommes.
Elle choisit un livre épais, à la couverture verte, avec un motif de navire voguant sur l'océan. En haut, on pouvait lire en lettres dorées : « Récits de la lointaine Umbar ».
Ce livre traitait d'histoires de pirates des temps anciens et du royaume d'Umbar, qui fut plusieurs fois conquis par le Gondor puis repris par les Noirs Númenoréens.
Lowen s'extasiait toujours de la richesse dans ces livres. Si seulement les Érudits avaient eu accès à cette bibliothèque, une vie humaine n'aurait pas suffi à étancher leur soif de savoir.
L'enfant se dirigea vers un coin moins fréquenté de la bibliothèque. On y entassait d'importantes piles de parchemins et de vieux tapis trop usés pour qu'on les laisse dans les allées.
Lowen s'installa sur l'un d'eux, plié en quatre, ce qui faisait une espèce de grand coussin plat. Une fois assise, elle posa le livre sur ses genoux. Elle ôta le ruban qu'elle avait glissé dedans comme marque-page et reprit sa lecture au chapitre 7.
Elle en était à une scène de bataille entre des soldats du Gondor et une bande de pirates essayant d'entrer dans la cité d'Umbar, quand elle vit, au bord de son champ de vision, une paire de bottes elfiques pointées vers elle.
L'enfant refusa de détacher son regard du livre. Ce n'était pas la première fois qu'on la voyait ici, et en général, personne ne lui adressait la parole ou ne la dérangeait. Après tout, elle n'était qu'une enfant lisant un livre dans une bibliothèque.
Mais comme ce visiteur-là semblait la fixer depuis trop longtemps à son goût, elle finit par relever le nez de son livre pour le regarder.
C'était un Elfe aux longs cheveux blond pâle et aux yeux bleus. Il portait une tenue de guerrier aux couleurs vert et marron.
Lowen trouva cela curieux. Elle n'avait jamais vu que des Elfes portant une longue tunique ou une robe dans la bibliothèque. Celui-ci était le premier guerrier qu'elle y croisait.
Face à son expression impassible, Lowen se sentit mal. Les Elfes étaient très calmes, si posés qu'ils pouvaient facilement cacher leurs sentiments. Impossible de savoir si celui-ci approuvait ou non sa présence en ces lieux.
« Bonjour… ? » tenta l'enfant.
L'Elfe s'approcha et se mit à genoux pour se mettre à son niveau.
« Bonjour, petite. Que fais-tu ici ? »
« Euh… Je lis. »
« Non, je veux dire : que fais-tu dans ce coin sale et poussiéreux ? Pourquoi n'occupes-tu pas un bureau pour lire plus confortablement ? »
Lowen haussa les épaules.
« Je suis encore trop petite pour grimper sur une chaise toute seule. »
« N'as-tu pas demandé l'aide d'un adulte ? Où est ton professeur ? »
Mal à l'aise, Lowen se tortilla sur son tapis.
« Je suis venue seule. D'habitude, personne ne fait attention à moi et je n'ai pas de professeur. »
En le voyant froncer les sourcils, l'enfant se sentit encore plus mal. Cela faisait longtemps que personne n'avait témoigné autant d'intérêt à son égard. En dehors de Faelwen, personne ne se souciait vraiment d'elle.
« Tu veux dire que personne ne t'enseigne quoi que ce soit ? Mais comment as-tu appris à lire ? »
« Je… »
Elle se sentit mal. Devait-elle lui mentir ? Cet Elfe n'avait pas l'air méchant, il semblait juste curieux. Mais elle ne pouvait pas lui dire qu'elle savait lire bien avant son arrivée en Terre du Milieu. Elle choisit donc de répondre uniquement à la première question.
« J'ai demandé à la guérisseuse qui s'occupe le plus souvent de moi si j'allais être inscrite dans une école un jour, mais elle dit qu'il n'y en a pas et que personne n'a le temps de m'éduquer. Alors, je viens ici chaque fois que je suis seule. »
« Et tu es souvent seule ? »
« Ben… En dehors des repas, oui. »
Mal à l'aise, Lowen regarda l'Elfe froncer les sourcils avec l'air soucieux.
« Je vois… C'est fâcheux. Tu viens toujours ici toute seule ? »
« Oui, mais j'ai pas peur ! »
Sa dernière phrase fit sourire l'Elfe. Il regarda autour de lui, puis pointa son livre.
« Que lis-tu ? »
Lowen lui tendit son ouvrage.
« Un bon choix… L'un de mes instructeurs me l'a fait lire lorsque j'étais enfant. Mais je pense que tu devrais le lire à un autre endroit », dit le guerrier.
Il se leva et lui tendit la main. Comprenant le message, Lowen sauta du tapis et se laissa guider jusqu'aux bureaux.
Là, l'Elfe la souleva sous les aisselles et l'installa sur une chaise dotée d'un coussin moelleux.
Il lui prit le lourd ouvrage des mains et l'ouvrit sur le pupitre. Lowen admit que c'était bien plus confortable ainsi, plutôt que dans son recoin sombre et poussiéreux.
Voyant que l'Elfe faisait volte-face, Lowen se tourna vers lui.
« Attendez ! »
Son interlocuteur se tourna vers elle avec l'air intrigué.
« Vous vous appelez comment ? »
« Legolas. »
Lowen ouvrit des yeux ronds. Elle connaissait bien ce nom, les guérisseuses parlaient souvent de lui, vantant sa beauté et sa bravoure, rêvant de gagner son amour… Il correspondait bien à la description physique qu'on lui avait faite de lui : longs cheveux blonds, yeux bleus, mais… il n'avait pas des traits trop fins ni une silhouette trop élancée. Il avait un corps musclé, mais sans excès, et un regard pénétrant. Lowen l'avait toujours imaginé vêtu de de riches atours et portant une couronne, comme son père, avec au moins deux gardes pour l'escorter partout où il allait. Pas en tenue de guerrier, tout seul dans une bibliothèque.
De son côté, le prince observait la réaction de l'enfant face à la découverte de son nom. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas revu la petite, mais à présent qu'il lui faisait face, il était songeur.
Le bébé amené par les deux Magiciens avait bien grandi. C'était aujourd'hui une petite fille brune, aux yeux brillants d'intelligence et plutôt débrouillarde, s'il en croyait le peu qu'elle venait de lui révéler.
Pourtant, il était surpris qu'elle soit seule ici, sans personne pour veiller sur elle. Certains des ponts des cavernes n'avaient pas de rambarde et plusieurs escaliers étaient raides et glissants. Qu'on laisse une enfant les emprunter seule, sans un adulte pour veiller sur elle, était inadmissible.
Mais plus impensable encore, il ne pouvait croire qu'aucun adulte soit chargé de son éducation. On ne s'indignait même pas du fait qu'elle soit obligée de lire sur de vieux tapis sale, dans un coin mal éclairé de la bibliothèque.
« Merci de m'avoir installée ici », dit l'enfant d'une voix plus timide.
L'Elfe lui répondit par un sourire rassurant. Il porta la main à son cœur pour la saluer. L'enfant cligna des yeux, apparemment peu familière avec ce geste.
Legolas comprit que personne n'avait même pris la peine de lui enseigner un minimum d'étiquette.
Loin de s'en offenser, il adressa un dernier regard amical à la petite, puis sortit de la bibliothèque. Il y était venu pour y consulter des cartes sur la forêt, afin de mieux repérer d'éventuels nids d'araignée, mais après sa discussion inattendue avec Lowen, il avait d'autres projets en tête.
D'un pas décidé, il se rendit à la caserne et prit un couloir menant à l'extérieur.
Il était temps qu'il rende visite à quelqu'un capable d'aider Lowen.
Et voilà !
Ce chapitre est assez long, il ne s'y passe tant de choses que ça, mais il est nécessaire pour planter le décor et introduire le chapitre suivant.
N'hésitez pas à reviewer pour me dire ce que vous en pensez, ne serait-ce que pour le nom elfique que porte désormais Jodie.
