Merci à GeneilaMartin d'avoir mis la fic en Favoris.

Bonne lecture et bon week-end à tous !

DISCLAIMER : Le Seigneur des Anneaux ne m'appartient pas, tout est à Tolkien.


Chapitre 6 :

Telle une ombre

Passé l'instant de surprise, Lowen réfléchit. D'où sortait cet étranger ? Pourquoi ne l'avait-elle pas vu ni même entendu entrer ?

À sa position nonchalante, on aurait dit qu'il était là depuis un moment. Et il semblait tellement à l'aise qu'on aurait pu croire qu'il vivait ici.

« Vous êtes qui, vous ? » demanda Lowen.

Avec un sourire charmeur, l'inconnu s'agenouilla devant la fillette et porta la main à son cœur.

« J'ai de nombreux noms, mais tu peux m'appeler Aulendil. Et toi ? »

« … Lowen. Vous n'êtes pas un Elfe ? »

« Non, en effet. »

Elle voulut lui demander ce qu'il faisait ici, quand la porte s'ouvrit, laissant entrer Faelwen avec un grand baquet d'eau chaude et une serviette.

« Le bain est prêt », dit l'Elfe en posant son chargement.

Lowen se tourna vers le mystérieux visiteur, mais il avait disparu. Surprise, elle balaya la pièce du regard, mais ne le vit nulle part.

« Lowen ? Tout va bien ? »

« Euh… Oui. »

XxXxXxXxXxXxXxXxXxXxX

Tapi dans l'ombre, invisible, Il sourit. La petite n'avait rien dit à l'Elfe.

Ce qui signifiait qu'elle ne faisait pas entièrement confiance à ses gardiens. Un secret était le premier pas vers une barrière érigée entre elle et ces gens qui l'entouraient.

Maintenant, il fallait instiller le doute en elle.

Bientôt, si tout allait bien, il en ferait Son alliée. Et elle ferait tout ce qu'Il souhaiterait.

Il fallait simplement attendre.

XxXxXxXxXxXxXxXxXxXxX

Allongée sur son lit, seule dans le noir, Lowen fixait le plafond.

Cette journée avait été riche en rebondissements. D'abord la visite chez Radagast, puis le papillon soigné et maintenant ce… cet homme bizarre qui ressemblait à un fantôme.

Est-ce qu'il était réel, lui, au moins ?

Il lui sembla soudain distinguer une silhouette au pied de son lit. Inquiète, elle tira en réflexe les draps vers elle, mais en voyant l'obscurité s'écarter pour révéler Aulendil, elle se détendit légèrement.

« Tout va bien, mon enfant ? »

Lowen fit la moue. Après tout ce qu'elle avait vécu aujourd'hui, voir cet homme surgir des ombres n'était plus si surprenant.

« Est-ce que t'es un… fantôme ? »

Aulendil leva la main devant lui. En effet, à bien regarder, sa peau était semi-transparente.

« Ce n'est peut-être pas tout à fait le terme adapté, mais… oui. Quoiqu'autrefois, j'avais un corps et j'étais bien plus puissant. »

Lowen tourna la tête vers la porte. Il avait parlé haut et fort, mais personne ne semblait l'avoir entendu. Les Elfes, avec leur ouïe incroyable, auraient déjà accouru en entendant la voix d'un étranger dans sa chambre.

« Et toi ? Quel être surprenant es-tu pour arriver à me voir ? »

« Je ne sais pas, soupira l'enfant. Personne ne veut me dire qui je suis… ou ce que je suis. »

Elle sursauta en voyant la main d'Aulendil se poser sur son bras. Il le traversa, lui laissant une impression de froid désagréable.

« N'as-tu pas de famille ? Les Elfes te maltraitent-ils ? Est-ce qu'ils t'ont enlevée à tes parents ? »

« Non ! Non, je… je vis ici depuis ma naissance, je… Enfin… je crois. »

Souain, la porte s'ouvrit. Faelwen entra.

« Lowen ? À qui parles-tu ? »

« Euh… »

La fillette regarda Aulendil, qui lui répondit en haussant un sourcil.

« … À mon ami imaginaire. »

Faelwen parut surprise par sa réponse. Son regard se posa à l'endroit où se tenait Aulendil, mais ses yeux ne se fixèrent sur aucun point précis.

« Eh bien… Ton ami va devoir te laisser. Il faut que tu dormes, maintenant. Demain, tu as une nouvelle leçon avec Radagast. »

« D'accord. Bonne nuit ! »

Sitôt la porte fermée, Aulendil se pencha pour effleurer les cheveux de la fillette.

« Elle a raison, tu dois dormir. Fais de beaux rêves, Lowen. »

Il se leva pour se diriger vers l'obscurité de la chambre, quand la voix de l'enfant l'arrêta.

« Attends ! dit-elle dans un souffle. Tu reviendras ? »

Resté de dos, Aulendil eut un sourire hypocrite.

« Bien sûr ! Quel ami serais-je, sinon ? »

« … Merci. »

« Ce n'est rien. Bonne nuit, petite. »

Lowen le regarda disparaître. Elle fixa l'endroit où l'ombre l'avait englouti encore un instant, puis elle ferma les yeux.

Cette nuit-là, elle rêva qu'elle était de retour dans la maison de Radagast.

Et à chaque fois que le magicien lui tendait un animal blessé ou malade, elle refusait de le soigner.

Et à chaque fois, le magicien lui offrait un visage triste et résigné.

XxXxXxXxXxXxXxXxXxXxX

Quelque chose avait changé chez Lowen, Legolas le sentait.

Assise devant lui sur la selle de son cheval, l'enfant n'avait pas pipé mot depuis ce matin.

Elle avait un air froid et fermé qui ne lui plaisait guère.

« Tout va bien, Lowen ? » demanda-t-il avec douceur.

Sa voix parut tirer l'enfant de sa sombre torpeur.

« Oui, pourquoi ? » demanda-t-elle sur un ton sec.

« Tu sembles… contrariée. Je pensais que tu aimerais revoir Radagast. »

« C'est le cas. »

Même si elle se souvenait encore de l'horrible rêve qu'elle avait fait, cette nuit. Tous ces pauvres animaux morts… Cela n'avait été qu'un songe, mais elle s'était sentie mal au réveil. Comme si elle avait leur sang sur les mains.

« Qu'est-ce qui ne va pas, dans ce cas ? »

Lowen soupira, puis se tourna vers l'Elfe. En voyant une inquiétude sincère dans ses yeux, elle se radoucit.

« Pourquoi je dois suivre des leçons avec un magicien ? Pourquoi je ne suis pas une Elfe ? Pourquoi on ne veut rien me dire sur mes parents ? »

L'Elfe parut hésiter, quand il réalisa qu'ils étaient arrivés devant la maison du magicien.

« On y est », dit-il en sautant de selle.

Il aida Lowen à descendre. Comprenant qu'il ne lui dirait rien, l'enfant se dirigea vers la maison en traînant les pieds.

« Attends ! »

Elle se retourna et vit le prince lui tendre un paquet. Elle l'ouvrit et fut surprise d'y trouver des lembas et des gâteaux au miel.

« Ce sera meilleur que les pâtisseries de Radagast. »

En voyant l'enfant lui répondre par un sourire touché, Legolas se détendit. Mais tandis qu'elle marchait vers la maison, il sentit l'inquiétude grandir en lui.

L'enfant se posait des questions. Les leçons de Radagast l'avaient même rendue fort curieuse. Et si jamais elle obtenait des réponses, qu'arriverait-il ? Quelle serait sa réaction ?

Il avait beau l'apprécier, il se demandait si elle serait assez forte pour affronter la réalité et rester de leur côté.

Il devrait peut-être en parler à Gandalf, mais il ignorait comment le joindre.

Peut-être devrait-il en parler à Galadriel. Curieux d'ailleurs qu'elle n'avait jamais tenté de contacter Mirkwood depuis la naissance de l'enfant.

Il pensait qu'avec son miroir, elle aurait déjà eu vent de la situation.

Tout en continuant de réfléchir, il remonta en selle et prit le chemin du palais.

XxXxXxXxXxXxXxXxXxXxX

La journée s'écoula au rythme de nombreuses séances de magie.

Radagast semblait insister pour que Lowen développe ce mystérieux don qui lui avait permis de sauver le papillon.

Au lieu d'utiliser des baumes et des bandages, elle apprit à canaliser l'énergie en elle pour la transmettre à des oiseaux et des bêtes blessées.

Au bout de quatre animaux, elle était en nage et ne tenait plus sur ses jambes. Radagast l'allongea sur son lit et la laissa manger du lembas.

« Radagast ? »

« Mmmm ? »

« Pourquoi vous m'apprenez tout ça ? Ne vous méprenez pas, j'aime beaucoup soigner des animaux, mais… c'est pour quoi ? Est-ce que je vais devenir une Istari, comme vous, une fois adulte ? »

« Pourquoi pas ? Si c'est ce que tu souhaites… »

Lowen fit la moue.

« Je ne suis pas sûre que ce soit ce que je souhaite. »

« Ah non ? Qu'est-ce que tu voudrais faire, dans ce cas ? »

Retrouver ma vie d'avant, pensa la fillette.

Mais cela n'arriverait jamais, elle le savait. Jodie était morte sur Terre, renversée par une voiture. Sa mère était morte. Son chat était mort. Et son père… elle ne le saurait jamais.

Pourquoi m'avoir laissé mes souvenirs de ma vie d'avant ? Je n'aime pas me rappeler tout ce que j'ai perdu !

Une fois reposée, elle reprit ses séances de soin. Cette fois, Radagast la fit utiliser son don sur des champignons et des troncs d'arbre atteints d'une espèce de moisissure noirâtre.

Lowen eut plus de mal à les soigner, car dès qu'elle connectait son énergie aux végétaux, elle sentait le mal qui circulait en eux. Ce n'était pas un nuage d'énergie isolé, c'était comme un fluide noirâtre et malfaisant qui venait du sol.

Chaque fois qu'elle parvenait à purifier un végétal, ce dernier retombait malade au bout d'une minute.

Radagast finit par mettre un terme à la leçon, mais la félicita pour ses efforts.

À la fin de la journée, lorsque Legolas vint la chercher, Lowen était vidée.

Sitôt dans sa chambre, elle s'allongea sur son lit et s'endormit tout habillée.

Quand elle se réveilla, elle vit que la lumière du soleil couchant traversait la fenêtre pour venir éclairer son lit.

Souriante, elle se dirigea vers le balcon et admira le coucher du soleil. La forêt était si belle, dans ces moments-là… Les feuilles des arbres prenaient une teinte dorée qui évoquait les prémices de l'automne.

« Bonjour, jeune fille. »

Surprise, Lowen se tourna vers Aulendil.

« Salut », dit l'enfant.

Son mystérieux fantôme la considéra avec inquiétude.

« Tu es bien pâle. Es-tu souffrante ? »

« Non, fatiguée. J'ai passé la journée à soigner des plantes et des animaux ! » dit-elle avec fierté.

Loin de paraître enthousiaste ou impressionné, Aulendil s'agenouilla pour la regarder dans les yeux.

« Ce n'est pas un travail pour une petite fille. Pourquoi ne te laisse-t-on pas plutôt faire des choses normales ? »

Il regarda la chambre et fit la grimace.

« Tu n'as pas beaucoup de jouets. Et à ton âge, tu devrais t'amuser avec d'autres enfants ! »

Lowen devait reconnaître qu'il avait raison, mais il n'y avait pas d'enfants parmi les Elfes de Mirkwood. Et on ne lui avait donné que quelques vieux jouets usés. Personne ne pensait même à son anniversaire.

« Ce n'est pas grave. J'aime bien ce que je fais. »

Aulendil secoua la tête.

« Les Elfes n'ont jamais traité les autres races avec respect. Ils sont si hautains, ils croient qu'ils peuvent manipuler les Hommes à leur guise. »

« Quoi ? C'est pas vrai ! Radagast, Faelwen et Legolas sont gentils. »

« Oh, vraiment ? Dans ce cas, pourquoi ne répondent-ils pas à tes questions ? Pourquoi certains te regardent-ils avec crainte et malveillance, comme si tu étais dangereuse ? »

Les questions firent mouche, réveillant le doute en elle. En effet, pourquoi ? Elle voulut parler, quand Aulendil reprit la parole.

« J'ai eu droit au même traitement pendant de nombreuses années, parce qu'on me jugeait prompt à blesser autrui. On m'a affublé de noms sinistres, à cause de ça. Et c'est pour cette raison que je suis dans cet état aujourd'hui, incapable de prendre une forme physique. »

« Ah bon ? Et pourquoi ? C'est quoi, vos autres noms ? »

Aulendil écarta ses questions d'un geste de la main.

« Ça n'a plus d'importance, maintenant. Toi, en revanche, nous pourrions élucider ton mystère. Tu l'as dit toi-même : ils refusent de répondre à tes questions. Veux-tu que je t'aide dans tes recherches ? »

« Comment ? »

Se relevant, l'homme lui tendit la main. Lowen hésita, puis approcha sa paume de la sienne. Sitôt en contact, elle vit l'environnement changer. Tout devint gris et nimbé de fumée.

« Je t'ai fait glisser avec moi dans le Monde des Ombres. »

Lowen écarquilla les yeux. Elle regarda ses mains. Elles étaient toujours pleines, contrairement à celles d'Aulendil qui étaient transparentes. Mais le corps de l'enfant était nimbé de fumée, comme s'il se détachait de la réalité.

« Ce n'est que tu temporaire, il nous faut faire vite. Suis-moi ! »

Surprise, Lowen le suivit vers la porte de sa chambre. Celle-ci s'ouvrit sur Faelwen, mais l'Elfe avait changé. Une lumière blanche semblait émaner de sa poitrine, comme si elle renfermait une étoile.

« Lowen ? Où es-tu ? » s'inquiéta la guérisseuse.

Aulendil fit signe à l'enfant de se taire, ce qu'elle fit. Faelwen balaya la pièce du regard, avant de ressortir en laissant la porte ouverte.

L'homme se pencha par l'ouverture, puis lui fit signe de venir.

Tout excitée, Lowen le suivit aussi silencieusement que possible à travers le palais.

C'était incroyable ! Elle évoluait telle une ombre, invisible et silencieuse au milieu des Elfes. Comme Faelwen, tous semblaient renfermer en eux une lumière.

Par contre, lorsqu'elle croisa le regard d'Aulendil, elle vit que ses yeux brillaient d'un éclat doré surnaturel. Cette lumière la choqua. Il avait les yeux de la même couleur que son œil gauche ! Elle fut tentée de l'interroger, mais il l'arrêta d'un geste de la main, lui rappelant que si elle parlait, elle perdrait son invisibilité.

Alors qu'ils passaient dans un couloir, l'enfant aperçut Legolas. Il sortait de la caserne et se dirigeait vers elle.

Lowen se plaqua contre le mur et le regarda passer devant elle, quand il s'arrêta. Elle prit peur. L'avait-il sentie ?

Elle le vit faire volte-face, révélant derrière lui un groupe de quatre dames à proximité.

« Seigneur Legolas ? »

Lowen se crispa. Elle connaissait la femme qui avait dit ça. Blonde, vêtue d'une belle robe rouge ornée de motifs de roses dorés, ses cheveux étaient tressés en une foule de nattes compliquées, ce qui la vieillissait un peu.

Il s'agissait de Verisiel, une noble qui venait parfois faire du bénévolat chez les guérisseurs. Sauf que Lowen avait vite compris qu'elle le faisait pour se faire bien voir.

Cette Elfe était froide, hautaine avec les guérisseurs et elle ne soignait que certains patients, en général ceux qui saignaient le moins ou n'avaient que des blessures bénignes. Elle refusait les autres, de peur de se salir. Quand on la chargeait d'aider à trier les herbes médicinales ou plier des bandages, elle lorgnait les soldats venant voir les guérisseurs pour prendre une potion ou des herbes.

Et à présent, elle regardait Legolas avec un sourire mielleux. Ses yeux brillaient de convoitise.

Lowen observa Legolas. Il affichait un sourire poli, mais elle voyait qu'il était tendu et ses yeux brillaient d'ennui.

« Nous ne pensions pas vous revoir si tôt. Devons-nous en déduire que les abords du palais sont sûrs ? » demanda la jeune femme.

« En effet, ma dame, nos troupes n'ont pas eu à affronter d'Orques ni d'araignées à proximité. L'ennemi semble s'être retranché dans Dol Guldur plus longtemps que nous ne l'espérions. »

« Je suis ravie de l'entendre », dit l'Elfe d'une voix trahissant de l'impatience. « Dans ce cas, pourrais-je abuser de votre temps libre et vous demander de me guider à la Salle de l'Eau ? Je dois y retrouver quelqu'un, mais je ne suis guère familiarisée avec cet endroit et le palais est si vaste ! »

Lowen leva les yeux au ciel. La Salle de l'Eau était une grande pièce aux murs taillés dans du cristal, avec de l'eau s'écoulant dedans. Le bruit que produisait le liquide en s'écoulant était magnifique. De grands bassins remplis de poissons occupaient le sol et des fresques de créatures aquatiques ornaient les murs.

Lowen y avait déjà été plusieurs fois, c'était un de ses endroits préférés après la bibliothèque. Et cette pièce était tout près. Verisiel mentait, elle voulait juste obliger le prince à la suivre.

Ce dernier paraissait gêné. Elle devina qu'il avait percé son mensonge, mais ne savait pas comment refuser poliment.

Soudain, l'enfant sentit une main froide sur son épaule. Aulendil lui fit signe de la suivre avec impatience.

Lowen fit la moue. Elle ne pouvait pas laisser le prince comme ça, il semblait si ennuyé…

Avec un regard empli d'excuses, elle se détacha du fantôme et se plaça derrière le prince.

« Legolas ? »

Sa voix fit disparaître le voile de fumée qui obscurcissait l'environnement.

Les murs et les gens reprirent des couleurs normales. Le prince se retourna vivement vers elle et parut surpris.

Derrière lui, les dames Elfes poussèrent des cris étonnés.

« Que fais-tu là, Lowen ? » demanda le prince.

Elle comprit qu'il s'était attendu à l'entendre arriver. Bien sûr, elle avait surgi du néant !

« Ben je viens te chercher pour jouer. Tu me l'as promis, tu te rappelles ? Aujourd'hui, on va aux jardins ! »

Le prince haussa un sourcil. Lowen jeta un regard nerveux aux dames, puis offrit à Legolas un sourire innocent.

Ce dernier finit par sourire.

« Oui, je te l'avais promis, en effet. »

Il se pencha pour la prendre dans ses bras, puis se tourna vers les nobles avec un sourire désolé.

« Veuillez me pardonner, mais je dois d'abord respecter mes engagements envers cette jeune dame. »

Bien calée dans les bras du prince, Lowen s'éloigna avec lui vers le bout du couloir. Alors qu'ils atteignaient la sortie, elle regarda Verisiel.

L'Elfe était toujours immobile au même endroit, entourée de ses amies qui chuchotaient nerveusement entre elles. La jeune femme regardait l'enfant avec des yeux remplis de promesses de meurtre.

Enfin dans les jardins, Legolas s'arrêta et posa la petite.

« Tu sais que c'est mal de mentir, jeune dame », dit le prince.

Lowen haussa les épaules.

« Pas quand il faut aider un ami à échapper à des sangsues. »

Malgré la grossièreté de l'enfant, la comparaison de ces dames avec des vers suceurs de sang fit rire Legolas. En effet, cela faisait des années que Verisiel et ses amies lui tournaient autour.

Lors des fêtes, elles se plaçaient toujours à des endroits stratégiques pour ne pas échapper au regard du prince, ce qui l'obligeait toujours à inviter chacune d'entre elles à danser. Il prenait bien soin de ne favoriser aucune des Elfes, pour qu'elles ne s'imaginent pas avoir une chance avec lui.

« Sinon, comment es-tu arrivée silencieusement jusqu'à nous ? D'habitude, tu n'es pas si discrète. »

Lowen dansa d'un pied sur l'autre.

« Faut croire que les leçons de Radagast ont porté leurs fruits. Alors, tu veux bien jouer avec moi ? »

« À quoi veux-tu jouer ? »

« Hum… À chat ? »

Legolas haussa un sourcil confus.

« Je ne connais pas. De quel jeu s'agit-il ? »

Confuse, Lowen lui expliqua les règles. Une personne devait essayer d'en toucher une autre, sauf si cette dernière se trouvait dans une zone considérée comme une « maison ».

« Ah ! Tu veux parler du jeu du loup et du cerf ? »

Lowen comprit qu'en Terre du Milieu, on devait appeler ce jeu ainsi.

« Oui, c'est ça ! Alors, on joue ? »

« Très bien. Tu veux faire le loup ? »

« Non, le cerf ! »

Refusant de la contredire, le prince lui demanda de choisir un endroit où il ne pourrait l'atteindre. L'enfant choisit un arbre au pied d'une fontaine. Là, s'assit sur la margelle et ôta ses chaussures.

Tout en reculant, Legolas se demanda pourquoi elle faisait cela. Il attendit qu'elle soit suffisamment loin, puis s'approcha d'elle avec un faux sourire prédateur.

Grâce à ses capacités elfiques et son statut d'adulte, il était plus rapide qu'elle, mais il était prêt à faire l'effort de ralentir un peu pour qu'elle ne se sente pas lésée.

Pourtant, il s'aperçut vite que Lowen se déplaçait à une vitesse régulière. Elle ne semblait nullement fatiguée. Le bas de sa robe retenu dans ses petites mains, elle courait sans s'arrêter tandis que Legolas la suivait.

Il finit par accélérer, plus pour tester les limites de l'enfant que pour gagner.

Lowen accéléra en retour. Ce que l'Elfe ignorait, c'était que la petite avait découvert, quand elle était bébé, que chaque fois qu'elle allait dans les jardins et qu'on la posait par terre, le simple fait de toucher la terre lui donnait de l'énergie.

Elle n'avait jamais compris pourquoi c'était ainsi. Cela rentrait dans la liste des questions non résolues, mais en cet instant, elle s'en moquait. C'était utile pour jouer !

Hélas, quand le prince se mit à courir beaucoup plus vite, la petite ne put tenir. Elle était une enfant avec de petites jambes, et toute l'énergie de la terre ne suffirait pas à distancer un Elfe adulte.

Elle finit par tomber par terre. Legolas fut près d'elle en moins de deux secondes et s'agenouilla pour l'examiner.

« Tu t'es fait mal ? »

« Non… mais ma robe est sale. Zut, Faelwen va pas être contente. »

« Ce n'est rien, je lui expliquerai ce qui s'est passé. Par contre, tu es très endurante pour ton âge ! »

Lowen lui répondit par un sourire crispé, quand elle aperçut Aulendil, debout à quelques mètres de Legolas. Il la regardait avec l'air contrarié.

« Tu veux continuer à jouer ? » demanda le prince.

« Euh… Non, je suis fatiguée. On peut rentrer ? »

Acquiesçant, le prince la prit dans ses bras et la conduisit dans sa chambre.

La guérisseuse les attendait. Occupée à ranger des vêtements propres dans l'armoire, elle parut surprise en voyant Lowen arriver dans les bras du prince. En voyant l'état de la fillette, couverte de terre et des feuilles coincées dans ses cheveux emmêlés, elle commença à la réprimander, mais Legolas intervint en disant qu'ils avaient joué ensemble dans les jardins.

Rouge d'embarras, la guérisseuse s'excusa et cessa de sermonner l'enfant.

Les adultes finirent par quitter la pièce, l'une pour aller chercher de quoi lui faire couler un bain, l'autre pour regagner ses quartiers.

Sitôt seule, Lowen vit Aulendil réapparaître devant elle.

« Peux-tu m'expliquer ce que ça signifie ? Pourquoi as-tu volontaire brisé le sort que j'avais jeté sur toi ? »

L'enfant prit peur. Le visage d'Aulendil avait perdu de sa superbe, la colère lui donnait l'air vraiment menaçant, presque… malveillant !

« Je pouvais pas laisser Legolas comme ça ! C'est un ami. »

« Oh, vraiment ? »

Lowen se crispa. Le ton d'Aulendil était hautain, comme s'il jugeait son avis sans intérêt.

« Et ton ami a-t-il répondu à tes questions ? »

« Euh… Non. Mais… il est gentil. »

Aulendil secoua la tête, jugeant sans doute qu'elle n'était qu'une enfant naïve. Lowen préféra ne pas en dire plus. Elle avait pris l'habitude qu'on la juge comme une vulgaire enfant, elle n'allait pas dire à ce fantôme ce qu'elle pensait.

Que Legolas était le premier à vraiment se soucier de son cas. Qu'il l'avait aidée à s'installer confortablement pour lire un livre à la bibliothèque. Que c'était grâce à lui qu'elle avait droit à un professeur de magie particulier. Qu'il lui avait fait des lembas frais pour son goûter. Qu'elle le considérait comme un ami plus attentionné encore que Faelwen.

« Bon, au revoir », dit l'enfant en se dirigeant vers son lit.

« Quoi, tu renonces ? »

« Non, mais vous êtes fâché. Alors je vais pas vous retenir. »

Aulendil réapparut devant elle. Il se mit à genoux et se pencha pour plonger ses yeux dans les siens.

« Je ne suis pas fâché, Lowen, mais tu dois comprendre que cela me coûte de l'énergie de t'aider. »

« Mais pourquoi tenez-vous tant à m'aider ? On ne se connaît même pas ! »

« Tu es la première à me voir en ces lieux. La première avec qui je peux créer un lien. Cela compte pour moi. »

Face à son explication, Lowen baissa timidement les yeux.

« Si ça vous épuise, on arrête », dit l'enfant. « Je finirai peut-être par trouver des réponses… toute seule. »

Aulendil secoua négativement la tête.

« Pendant que tu jouais avec lui, j'ai récupéré suffisamment de forces pour une deuxième tentative… si tu te sens prête à aller jusqu'au bout, cette fois. »

Il lui tendit la main. Lowen la considéra un bref instant, avant de poser la sienne dessus.

Le froid l'envahit, tandis que l'espace redevint sombre et brumeux.

La porte s'ouvrit, laissant entrer Faelwen avec une grande bassine d'eau chaude.

Esquivant l'Elfe, Lowen s'empressa de sortir par la porte ouverte.

Cette fois, elle suivit sans s'arrêter Aulendil à travers les couloirs, jusque devant une porte imposante, couverte de sculptures représentant des cerfs broutant sous un arbre.

Lowen ignorait où ils se trouvaient, cette aile du palais lui était inconnue. Les murs étaient couverts de tentures représentant les armoiries de familles nobles et des lanternes au métal finement ouvragées éclairaient le couloir.

Aulendil lui fit signe d'attendre, puis il tendit la main vers la poignée. Celle-ci s'actionna, ouvrant le battant.

Lowen n'hésita que brièvement avant de franchir le seuil. Aussitôt, la brume environnante disparut. Tout redevint lumineux et plus vivant.

Elle vit qu'elle se trouvait dans un bureau. Des tentures raffinées ornaient les murs. Le siège était en bois sombre et imposant, orné de sculptures de feuilles et de fleurs.

Une liasse de parchemins et une bouteille de vin trônaient sur le meuble, attendant le retour de leur propriétaire.

« Où on est ? » demanda Lowen.

« Dans le bureau de celui qui connaît tous les sujets de ce royaume. Qu'attends-tu ? Allez, cherche des réponses ! »

Lowen regarda alternativement Aulendil et le bureau. Quoi, comment ça chercher des réponses ?

Elle s'approcha des parchemins et lut le premier, qui parlait de rapports d'éclaireurs concernant des nids d'araignée dans la forêt.

Avisant une boîte en argent ornée d'un cerf à côté des papiers, Lowen fut prise d'un doute. Ce genre de décoration luxueuse, ces meubles raffinés…

Je ne serais quand même pas dans le bureau de… ?

Soudain, le grincement de la poignée la fit sursauter. Catastrophée, elle chercha des yeux Aulendil, mais il avait disparu. Elle n'eut d'autre choix que courir se coucher derrière la tenture la plus proche.

La porte s'ouvrit dans un grincement qui lui parut horrible, puis elle entendit le glissement d'un manteau sur le sol. Son propriétaire se dirigea vers son bureau… avant de s'immobiliser.

Puis, avec une rapidité affolante, il se rapprocha. La tenture fut brusquement écartée, révélant le roi Thranduil.

Il considéra Lowen avec surprise.

« Que fais-tu ici ? »

L'enfant se crispa. Le ton était plus surpris qu'indigné, mais si elle tardait à répondre, il pourrait s'énerver.

« Je… me suis perdue. »

Le roi fronça les sourcils.

« Vraiment ? Et comment es-tu entrée sans que personne ne te voie ? »

Aïe, il était trop intelligent !

« Je… je ne sais pas. »

Et c'était la vérité, en un sens. Elle ignorait comment Aulendil l'avait rendue invisible.

« Je n'aime pas les mensonges, dit Thranduil. Dis-moi la vérité tout de suite, ou ta punition sera terrible ! »

« Je voulais des réponses ! » gémit l'enfant, paniquée.

« Des réponses ? »

« Oui, je voulais savoir qui sont mes parents. »

Sa réponse parut légèrement radoucir le roi. Il perdit son air courroucé, mais une lueur sévère brillait toujours dans ses yeux.

« Tu n'as pas besoin de connaître ce genre de choses », dit-il en lui tournant le dos.

« Quoi ?! Mais si, j'ai le droit. Comme tout le monde ! »

« Comme tout le monde ? Et qu'est-ce qui te fait croire que tu es comme tout le monde ? »

La voix du roi sonnait amusée, mais son sourire était cruel, comme s'il se délectait d'être le seul à connaître un secret.

« Je veux juste savoir d'où je viens », dit l'enfant sur un ton plus grave.

Thranduil parut réfléchir un moment, avant de répondre :

« Quand tu seras plus grande, peut-être. »

« Mais enfin, pourquoi ? »

« Suffit ! Tu es entrée dans mon bureau sans permission, n'aggrave pas ton cas ou je cesserai de faire preuve de clémence. »

Lowen sentit la colère enfler en elle. Pourquoi la privait-on de la vérité ? Avait-il seulement conscience que ces questions lui taraudaient l'esprit depuis la naissance ?

« C'est pas juste », dit-elle dans un souffle, plus pour elle-même que pour lui.

Le roi haussa un sourcil et la considéra en silence.

Lowen craignit qu'il se mette en colère, quand il reprit d'une voix calme :

« Si tu tiens tant à le savoir… Je chargerai quelqu'un de t'éclairer sur ce mystère, dès demain. »

« Radagast ? » demanda Lowen avec espoir.

« Quoi, cette stupide parodie de magicien ? Bien sûr que non ! »

Elle se crispa en l'entendant parler ainsi de son ami. Radagast était certes bizarre, presque un pitre par moment, mais c'était quelqu'un de foncièrement doux et bienveillant. Elle fut tentée de le lui faire remarquer, mais un regard du roi lui fit comprendre qu'il ne voulait pas connaître son avis.

Thranduil rouvrit sa porte et ordonna à un garde de ramener Lowen. L'Elfe parut surpris de trouver l'enfant avec lui. Visiblement, il ne l'avait pas vue entrer.

Résignée, Lowen le suivit jusqu'à sa chambre. Là, une Faelwen passablement agitée l'accueillit.

« Lowen ! Comment as-tu osé faire ça ? Te glisser dans le bureau du roi et fouiller dans ses affaires ! Aurais-tu perdu la tête ? »

Lowen voulut se justifier, mais elle réalisa que ça ne servirait à rien. Elle laissa donc la guérisseuse lui faire la leçon pendant de longues minutes, en se répétant mentalement ce que le roi lui avait promis.

Demain… Demain, j'aurai des réponses, se dit-elle avec espoir.

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Ce soir-là, après avoir mis Lowen au lit, Faelwen partit dans sa chambre, mais ne parvint pas à trouver le sommeil.

Depuis quelque temps, la petite semblait changée. Ces cours avec Radagast semblaient l'avoir rendue plus sombre et mystérieuse.

Une sorte de mur semblait se dresser entre elle et l'enfant, à présent.

Après son intrusion dans le bureau, le roi avait convoqué la guérisseuse.

Faelwen avait craint le pire. Thranduil lui avait fait la leçon, lui reprochant de trop s'être attachée à l'enfant, ce qui l'avait rendue moins vigilante. Les joues en feu, les yeux baissés, la jeune femme avait enduré ce sermon en silence.

Elle avait craint que son souverain la punisse, au lieu de quoi il lui avait part d'une décision qui l'avait fortement surprise… et inquiétée.

En pensant à ce qui attendait Lowen demain, elle se crispa. Pauvre enfant ! Malgré ses bêtises, elle ne méritait pas cela. Pas à son âge.

Pourtant, l'Elfe savait qu'elle ne pouvait rien y changer.

Tout ce qu'elle pouvait faire à présent, c'était attendre… et espérer.