Ma chambre était restée exactement dans le même état qu'à mon départ, une épaisse couche de poussière recouvrait donc mes meubles et mon lit et une odeur de renfermé infectait la pièce. N'ayant jamais quitté la maison aussi longtemps, je n'avais eu aucune idée de ce que mon oncle était capable de faire pour se venger de mon départ. Ou alors il était véritablement incapable de s'occuper seul d'une maison et de lui-même et avait favorisé sa survie. C'était à se demander comment il avait survécu avant que je ne joue les femmes de ménage.

Je pliai la couverture de manière à ne pas faire s'envoler la poussière et descendis les escaliers précautionneusement en prenant soin de ne pas manquer les marches que je ne voyais pas. Dans l'entrée, mon barda coincé en pince entre mon bras droit et mon torse, la main gauche sur la poignée de la porte, mon oncle m'interpella.
- Je sors aérer ma couette. Et je vais faire le ménage de ma chambre. Je ne peux pas dormir là-dedans, répondis-je avec une pointe de rancœur qu'il ne prit pas la peine de remarquer.
Notre jardin n'étais pas très grand -il suivait la délimitation de la maison et continuait sur 4 mètres, séparé du trottoir et de celui des voisins par des barrières en bois décolorées- malgré cela, l'herbe était haute et irrégulière, le coin droit envahis par les orties et le gauche par de jeunes pousses de ronces.
Je secouai plusieurs fois ma couverture et le bruit du tissus claquant recouvrit le salut de la voisine de gauche. Une fine et grande sexagénaire aux cheveux très courts argentés, de petites lunettes rondes en métal et un sourire toujours agréable. Madame Woodcroft s'était installée ici 30 ans plus tôt et son compagnon l'avait rejoint 10 ans après. Elle portait des habits amples en lin gris et vert et un grand collier de perles rouges.
Je la saluai de la main et lui renvoyai son sourire.
-Bonjour madame Woodcroft ! Vous avez passé une bonne année ?
-Elle s'est bien passée, mais c'est à toi que je devrais demander. Tu étais en pensionnat, c'est cela ?
- Oui ! Dans le Nord.
Entre l'arrivée de ma lettre d'admission et mon départ à Hogwarts, la nouvelle avait été tellement dure à digérer que mon oncle m'avait privé de sortie. Le voisinage n'avait pas su pourquoi j'avais disparu un an mais mon oncle avait bien dû leur donner une explication.
-Ha bien ! Fit-elle avec une inspiration qui fit sursauter son torse maigre comme elle seule savait les faire. Et tu y retourne l'année prochaine ?
- Oui ! L'école fait collège et lycée.
-Ha bien... Et tu descends dans le sud pour le soleil de l'été !
-Exactement !
J'entendis grogner par la porte entrouverte.
-Je dois vous laisser. Bonne soirée madame Woodcroft.
-Ce fût un plaisir de te revoir mon petit.
Un dernier sourire et je traînai la couverture jusqu'à ma chambre.
-Et dépêches toi ! Nous mangeons dans une demi-heure !
Une demi-heure ?! Mais je ne pouvais pas nettoyer ma chambre et préparer le repas en si peu de temps ! Voulait-il vraiment me faire dormir dans la poussière ?
Je passai donc un rapide coup sur mon bureau, le rebord de ma fenêtre, la petite commode et ma table de chevet (seuls meubles présents dans la pièce). Je tapai mes oreillers par ma fenêtre ; tout en constatant les volets fermés de la fenêtre identique à la mienne de la maison de droite, habituellement ouverts ; et rejoignis la cuisine. J'avais mis 40 minutes et le repas attendra bien que je m'y mette. Mais sur la table m'attendait déjà une assiette fumante, des couverts et un verre d'eau. Je regardais mon oncle perplexe. Lui était toujours sur le canapé devant la télé, mais s'était dressé une assiette et un verre de vin rouge sur la table basse.
- Tu as récupéré un elfe de maison ? Plaisantai-je
-De quoi tu parles ? Grommela-t-il après une seconde d'hésitation, mange, ça va être froid.
La viande était un peu grillée et les légumes pas cuits mais j'appréciai le geste. Mon oncle avait appris à survivre seul pendant une année et c'était tant mieux pour moi. Hogwarts avait réellement sauvé ma vie.