Rapport d'incident du quartier-maître Liu de la tribu de Sama, Jour 292, an 12, quatre heures douze.

Une explosion au niveau des condensateurs des hyperpropulseurs a dépressurisé les zone trois, six et douze à trois heures trente ce matin, heure d'Oumana. Deux survivants ont été localisés dans un sas du vaisseau. Ils ont été rapatriés et sont actuellement sous surveillance médicale. Quatre membres de l'équipage manquent toujours à l'appel : deux techniciens, un matelot et un soldat. Une recherche des cadavres sera organisé une fois les réparations les plus urgentes effectuées.

Un incident impliquant l'ingénieur en chef Léonard et deux passagers terriens laisse à penser que l'origine de l'explosion pourrait être interne et volontaire – autrement dit : du sabotage.

Le capitaine étant en poste sur le fauteuil de contrôle, j'ai pris l'initiative d'ordonner le verrouillage de toutes les sections du vaisseau et la mise en place d'une fouille systématique. Si nous avons un intrus à bord et que l'explosion ne l'a pas réduit en cendres, on le trouvera.

Liu, fin d'enregistrement.

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Émergeant péniblement d'une bienfaisante inconscience, Tom se retrouva à cligner des paupières, tentant de chasser les larmes croûteuses que l'éclairage trop brillant de la salle lui faisait monter aux yeux.

Avec un gémissement douloureux, il tenta de se retourner, ses bras attachés serrés dans son dos l'empêchant de faire plus que de se tortiller lamentablement sur le sol.

Finalement, d'un coup de reins, il parvint à se tourner sur le côté.

Gual'kan, qui s'était visiblement assis dans le fauteuil de contrôle, se redressa avec un cri de colère, et partit fourrager dans le dossier du fauteuil duquel il avait arraché le cache.

« Ça sert à rien, sale traître. T'as pas le gène ! » ne put s'empêcher de railler le jeune capitaine, malgré son esprit encore embrumé par l'inconscience.

Le guerrier se redressa, le toisant avec dédain.

« De quelle gène parles-tu, sale petit vert ? Tu étais dans ce fauteuil. Aucune raison qu'il ne fonctionne pas avec ce corps. »

Il y avait quelque chose qui clochait dans ses paroles, mais quoi ? En tout cas, Gual'kan était un imbécile de croire qu'il pourrait prendre le contrôle du fauteuil. Il n'était même pas un fils de Silla.

En guise de réponse, Tom se contenta d'un rire étranglé, ce qui lui valut de se retrouver soulevé de terre. Il n'avait jamais été bien épais, aussi le guerrier n'eut-il aucune peine à le hisser par le col de son uniforme. Mais il était grand, et ce dernier ne parvint donc pas, comme il semblait le vouloir, à le suspendre à bout de bras.

Cet état de fait fit passer un éclat agacé dans le regard du guerrier.

« Sais-tu qui je suis ? » siffla ce dernier, le tenant toujours à bout de bras.

« Un sale traître qui mérite de finir dans le vide sans scaphandre pour ce qu'il a fait ? » siffla-t-il en réponse, se tortillant pour tenter de lui échapper.

« Ah ! Non, je suis votre nouveau di... »

La fin de la phrase fut avalée par un grondement de douleur alors que Gual'kan le lâchait, tombant à genou, les mains enserrant sa tête comme si elle allait exploser.

Tant bien que mal, il parvint à ne pas basculer alors que le guerrier tentait de se raccrocher à lui, et reculant d'un pas mal assuré, il l'observa se tordre de douleur au sol.

« Tuez-moi, capitaine... Tuez... »

La supplique résonna dans son esprit, l'influx de pensées brusquement interrompu alors que Gual'kan se redressait, à nouveau maître de lui-même. Ses yeux s'illuminèrent. Tom n'avait donc pas halluciné la première fois.

Soudain, les pièces du puzzle s'assemblèrent dans son esprit confus.

« Vous êtes un Goa'uld ! »
Le guerrier se figea.

« Oh. Donc, tu as déjà entendu parler de tes nouveaux dieux, créature ? »
« Je sais qui vous êtes. Mais mauvaise nouvelle pour vous : les wraiths n'ont pas de dieux. »

Un sourire cruel apparut sur les traits du guerrier.

« Ils en ont un, maintenant. Toi, et tous les habitants de ce vaisseau, allez m'obéir, et me conduire à votre monde. Immédia... »

Une fois encore, Gual'kan se plia en avant avec un grincement de souffrance.

« Capitaine... Ne faites pas ça... Tuez… Pitié... tuez-m... »

Le contact télépathique fut à nouveau coupé alors qu'il se redressait, les yeux une fois encore scintillants.

« Ce corps... cet hôte... Je dois le reconnaître... il est fort. Sa volonté est puissante... mais qu'importe... Je vous briserai et vous me servirez, comme tous les autres nous ont servi. Et ça commence par toi. Fais fonctionner ce fauteuil ! »

Ainsi ligoté, il ne pourrait jamais rien faire. Autant faire semblant de coopérer et guetter une opportunité d'agir. S'il parvenait à convaincre le Goa'uld de le libérer, alors à la prochaine crise, il pourrait agir.

« D'accord. D'accord. Détachez-moi, et je ferai ce que vous voulez. »

Un rire sardonique accueillit ses paroles.

« Ne me sous-estime pas, esclave. Tu vas me dire quoi faire. Tu restes attaché. »

Merde. Il étouffa un sifflement mauvais.

Si seulement il pouvait prévenir le pont. Mais bien sûr ! Quel idiot !
« Hem... Le moins que l'on puisse dire, c'est que vous savez très bien dissimuler votre UBRIS. N'est-ce pas ? Un UBRIS parfaitement invisible, bien caché, qui voit tout et écoute tout et enregistre tout depuis sa cachette secrète, hein? »

La gifle lui fit presque faire un tour complet sur lui-même avant que ses genoux ne touchent le sol.

« Ne me prends pas pour un imbécile. J'ai déconnecté les systèmes de surveillance de cette pièce. Pas de petits messages secrets, tu es seul avec moi. »

Cette fois, il ne put s'empêcher de rire à sa seconde réalisation. Le choc de sa déconnexion du fauteuil avait dû être vraiment violent, pour lui faire oublier qu'il était télépathe.

Il tendit son esprit au hasard. Ce fut Obadan'kan qui y répondit le premier.

« Je suis actuellement retenu en otage par un Goa'uld qui s'est emparé du corps de Gual'kan, dans la salle du fauteuil. Prévenez Liu et envoyez rapidement une équipe de sécurité. Je veux qu'on le capture vivant. Pour pouvoir l'interroger et surtout, si c'est possible, récupérer Gual'kan. Compris ? »
« Oui, capitaine. » acquiesça l'artilleur.

L'échange avait duré moins d'une seconde. Avec un sourire mauvais, il fixa le Goa'uld, qui lui hurlait dessus et qui, voyant qu'il ne réagissait pas plus, lui colla un autre coup, avec toute la force d'un guerrier du gabarit de son hôte.

L'alerte était donnée. Ce n'était plus qu'une question de temps avant que les renforts n'arrivent. Il n'avait qu'à occuper le parasite jusque-là.

Il fallut sept minutes auxdits renforts pour arriver. C'était long, sept minutes à faire croire à un ennemi qu'on collabore avec lui sans pour autant éveiller ses soupçons.

Lorsque la porte s'ouvrit, il n'attendit pas de voir ce qui se trouvait de l'autre côté et se jeta au sol, afin de ne pas pouvoir servir de couvert. Grand bien lui en prit, car une dizaine de tirs de blasters s'écrasèrent contre le mur du fond.

Le Goa'uld avait aussi eu de bons réflexes, et il s'était rué à couvert du fauteuil.

Il tenta de répliquer de trois tirs à l'aveugle. Une nouvelle salve lui répondit.

Tom grinça. En l'état, la situation risquait de s'éterniser.

Se tortillant par terre, il s'avança tant bien que mal, tendant vers son esprit vers un des wraiths en poste dans la salle de contrôle pour que ce dernier relaie par radio ses ordres à Daren et son équipe de soldats humains, de l'autre côté de la porte.

« J'ai besoin d'un tir continu, que ce sale ver m'oublie. » gronda-t-il dans l'Esprit.

Deux secondes plus tard, son ordre était relayé et les boules d'énergie se mettaient à pleuvoir.

Il ondula avec plus d'ardeur, jusqu'à enfin arriver à l'endroit qu'il voulait.

« A trois, le meilleur tireur sort et m'aligne cette ordure, sur la gauche du fauteuil. »

Il donna quatre secondes au technicien pour relayer l'information, puis décompta soigneusement.
« Un, deux (il replia ses jambes contre son torse), trois ! »

Ruant de toutes ses forces, il propulsa le guerrier surpris hors de son couvert.

Dans l'embrasure, la silhouette armurée et casquée de Hania apparut, un fusil wraith en mains. Deux tirs partirent coup sur coup, touchant Gual'kan en pleine poitrine. Il trébucha, luttant contre la paralysie, les yeux scintillants. Un troisième tir le toucha en pleine tête. Il s'effondra.

La soldate s'avança, bientôt suivie du reste de son escouade.

Gual'kan était menotté, alors qu'on le détachait et l'aidait à se relever.

« Bien joué, capitaine ! » le félicita Daren.

Il accepta le compliment d'un geste du menton. Daren n'était pas un homme de compliments. Le vétéran satédien avait passé trop de temps à se battre aux quatre coins de la galaxie pour avoir du temps à perdre avec ce genre de fioriture.

« Bon, maintenant que vous êtes en sécurité, on le tue, ce sale traître ? » demanda-t-il avec entrain, dégainant son pistolet satédien, une antiquité tirant des balles d'aligate à tête creuse.

D'un geste de la main, il baissa l'arme de l'homme.
« Non. Je veux l'interroger. Vous me l'amenez en cellule. »
Daren fit la moue, mais gesticula à l'attention de ses hommes.
« Vous avez entendu le capitaine ! »

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Il n'avait pas eu le temps de passer la porte de la salle de contrôle que Jiu lui sautait au cou.

Il serra son frère humain dans ses bras avec reconnaissance, parfaitement conscient que ce dernier étouffait des sanglots d'une peur panique péniblement retenue contre son épaule.

Il toucha doucement son esprit, lui offrant le réconfort de sa joie de le retrouver, pour l'aider à se calmer.

« J'ai eu tellement peur... Oh ! par les Ancêtres... je suis désolé. Je me suis rendu compte de rien... Pardon. Je te demande pardon. J'aurais dû voir que quelque chose clochait... mais il y avait ce problème avec les propulseurs de positionnement et... Non... j'ai pas d'excuses... Tu aurais pu mourir... Je suis désolé... Je... »

Il coupa le train de pensées coupables d'une poussée mentale ferme.

« Je suis là. Je vais bien. Tout va bien. »

« Mais... »
« Jiu. Je vais bien. Tu faisais ton travail, et heureusement que tu étais là pour nous garder en une seule pièce et sur la bonne trajectoire pendant que je rencontrais... la population locale, dirons-nous. »

Du coin de l'œil, il aperçut un des auxiliaires de pont qui sifflait son dédain pour son hystar, sa soi-disant couardise, et sa propre faiblesse face à ses deux humains.

D'un rictus menaçant, il lui fit ravaler ses considérations sur sa vie privée.

Doucement, il décrocha Jiu de ses épaules.

« Ça va aller ? »
Le jeune homme acquiesça piteusement, s'essuya le nez d'un revers de main, lissa l'avant de son uniforme chiffonné par leur étreinte, et se retourna.

« Le capitaine est sur le pont ! Rapport complet de la situation. Argent, tu commence ! »

Tom sourit. Jiu était sensible. Trouillard, sans doute. Trop prudent, encore plus. La larme facile, absolument. Mais il était aussi un des êtres les plus braves qu'il lui ait été donné de connaître. Un cœur d'or, et un esprit vif. Ce qu'il était fier d'être son hystar !

S'avançant, il écouta le rapport du personnel de pont. Jiu et Liu avaient fait du bon boulot. Pendant qu'il était occupé à se faire prendre en otage comme un bleu, ils avaient fait en sorte que les problèmes continuent à être réglés ailleurs.

Jarul et Ibelym étaient sains et saufs à l'infirmerie, tout comme les deux Terriens qui avaient été retrouvés assommés dans leur laboratoire. L'orbite était à nouveau stable. Les occulteurs étaient réactivés. Léonard avaient eu le crâne presque fracassé par le Goa'uld, mais cette tête de pioche avait à peine accepté un don d'énergie et, refusant toute surveillance médicale, faisait partie de l'équipe de volontaires que Jer'kan était en train d'équiper pour une sortie spatiale afin d'entamer les réparations les plus urgentes.

Dans moins de deux heures, ils devraient avoir un rapport plus précis sur les dégâts dans la salle des machines, et considérer les réparations nécessaires.

Les mauvaises nouvelles venaient à la fin : Gual'kan avait été retrouvé, mais trois personnes manquaient toujours à l'appel.

Deux techniciens wraiths et un matelot humain. Les pronostics n'étaient pas bons. Les chances qu'ils aient trouvé un espace pressurisé, comme Jarul et Ibelym, étaient plus que basses. Elles étaient même improbables.

Ils n'étaient même pas certains de retrouver des corps. Ils ignoraient la taille exacte des brèches dans la coque. Pour peu qu'elles fussent assez grandes, ils devraient scanner l'espace alentour, espérant retrouver un cadavre minuscule dans un néant immense.

Envoyer des chasseurs à leur recherche alors qu'ils ne savaient même pas encore s'ils avaient été repérés ou pas était de la folie. Ça devrait attendre.

Il n'était néanmoins pas question qu'il ne prenne pas toutes les précautions possibles pour le reste de son équipage.

« Je veux un Jumper occulté dehors qui couvre l'équipe de réparation. On a perdu assez de gens aujourd'hui. » ordonna-t-il.

Le message fut promptement transmis.

« Que les artilleurs restent en alerte. Si on a de la visite, je veux qu'on soit prêts. »

« A vos ordres, capitaine. »
« Jiu, descends au fauteuil. Le Goa'uld trifouillait dedans et l'équipe de Daren a bien canardé la pièce. J'ignore l'étendue des dégâts. »

« J'y vais de suite. »

« Où est Liu ? » demanda-t-il à la cantonade.

Avant que quiconque ait pu lui répondre, quelqu'un tapota sur son épaule. Il se retourna.

Le coup de poing le cueillit en pleine face, et il s'effondra dans le fauteuil de commandement – dans lequel il s'apprêtait de toute manière à s'asseoir.

Il toussa un peu de sang.
« Ça, c'est pour avoir faire pleurer mon frère ! »
« Moi aussi, je suis content de te revoir, Liu. » baragouina-t-il, s'essuyant les lèvres.

« T'aurais pu crever ! »

« Mais je vais bien... » crachota-t-il, deux doigts enfoncés dans la bouche.

Il parvint finalement à attraper la dent déchaussée par le coup. D'un geste vif, il la retira.

« Tu m'a pété une dent. » nota-t-il platement.

« Tant mieux ! » siffla-t-elle, furieuse.

Il ne put retenir un sourire. Les colères de Liu étaient l'équivalent des larmes de Jiu. Le signe d'une grosse émotion. Il ne put s'empêcher de sourire davantage, soudain empli d'un étrange sentiment chaud : elle avait eu vraiment peur pour lui.

« Faut que je te cogne encore ? Pourquoi tu souris comme un abruti ? »

« Non. Merci. Je suis juste content de t'avoir comme hystar. »
Un grincement dédaigneux retentit derrière elle, réorientant immédiatement la colère de son amie, qui vint se planter devant le guerrier wraith qui avait osé pouffer.

Tom se réinstalla plus confortablement dans son siège, se tâtant prudemment la mâchoire.

« Vous avez quelque chose à dire sur vos officiers, Veril ? » siffla Liu, glaciale.

Le silence dura quelques secondes.

« Non, quartier-maître. »
« Alors taisez-vous ! »
« A vos ordres. »

Tom sourit. Il n'avait certainement pas aussi peur de Liu en colère que le reste de l'équipage, mais il ne faisait pas pour autant le fier quand elle s'énervait contre lui.

Ça n'en faisait pas moins d'elle sa meilleure amie, et il ne se lasserait jamais de la taquiner.

« T'es sexy quand tu t'énerves. » nota-t-il tout bas, afin qu'elle soit la seule à l'entendre alors qu'elle passait près de lui.

« Tu veux que je t'en colle une autre ? » grinça-t-elle tout aussi bas.

« Non merci. »
« Alors la ferme. »
Il rit.

« Daren et son équipe ont emmené Gual'kan et le Goa'uld qui l'a parasité aux cellules. J'aimerais que tu te charges de l'interrogatoire préliminaire. »
« Tu veux que j'aille lui casser la gueule ? »
« Non. On ignore exactement les capacités de ces êtres. Aucun contact. Il reste dans sa cellule. »
« Comment tu veux que je l'interroge dans de telles conditions ? »
« Tu sais être très persuasive, même sans tes poings. On ignore leur capacité à changer d'hôtes. Je ne veux pas prendre de risques. Je veux toujours au moins trois personnes pour le surveiller. »

Elle soupira bruyamment.

« Compris. »

« La priorité, c'est de savoir comment il est monté à bord. »

« Ça, on le sait déjà. »

« Ah ? »
« Il était dans un des deux... pots canopes, comme disent les Terriens. »
« Ils disent vases canopes. »
« Peu importe. »

« Et qu'y a-t-il dans le second ? »

« Aucune idée. Il n'a pas été ouvert. Je l'ai fait mettre sous scellé dans une caisse renforcée dès que Léonard m'a expliqué ce qui s'est passé. »

« Il s'est passé quoi exactement ? »
Liu haussa les épaules.

« Demande-lui, j'ai un prisonnier à interroger. »