Il a été porté à mon attention qu'au moins un de mes lecteurs a d'étranges problèmes avec mes chapitres, dont certains mots sont mystérieusement remplacés par d'autres.
Exemple provenant du précédent chapitre:
un ordre strict de ne pas ATTENTER à sa vie.
Chez ce lecteur devient :
un ordre strict de ne pas ATTENDRE à sa vie.
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Est-ce que d'autres personnes ont rencontrés un problème similaires sur mes précédents chapitres ?
Si oui, sur quels passages ?
Merci et bonne lecture.
Journal de bord du capitaine Giacometti. Jour 128, an 13
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D'ici quelques semaines, on devrait partir pour la Terre pour la visite annuelle. Delleb n'a pas apprécié que l'Utopia disparaisse des radars pendant presque toute une année, et elle s'est assurée que cette fois, toutes nos missions aient un délai-cadre bien strict. Je sais que l'Utopia a un rapport taille-force de frappe inégalé dans notre flotte, mais même après des dizaines de missions militaires, en solo ou au sein d'une escadrille, je ne peux pas dire que j'aime ça. Pas plus que je n'arrive à considérer ça comme le meilleur usage possible de l'Utopia et de son équipage.
C'est vrai que pour une frégate, elle est puissante, mais on a des croiseurs et des ruches bien plus puissantes. La vraie force de mon vaisseau, c'est son autonomie. Avec notre E2PZ et nos hyperpropulseurs, on peut littéralement visiter d'autres galaxies ! Tous les humains de bord sont formés au don, et on s'assure de ne jamais prendre plus de wraiths qu'ils ne peuvent en alimenter. On a assez de tonnage pour embarquer des vivres pour presque deux ans. Avec les Jumpers et les Darts et notre force de frappe, nous sommes à même de nous défendre en solo, si les occulteurs ne nous ont pas permis de nous en sortir en toute discrétion. Nous aligner dans une flotte pour une bataille spatiale est juste du gâchis de potentiel, et c'est tout !
Tout ça pour dire qu'on est encore déployés pour une patrouille sur la frontière avec Yghan'shi, en compagnie des croiseurs Jorshhun et Kalmatash.
Tom Giacometti, fin d'enregistrement.
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« Ubris, à quoi en est le chargement ? »
« Presque terminé, Capitaine. »
« Tout l'équipage est à bord ? »
« Il manque trois matelots et le quartier-maître. Les matelots sont sur le quai et participent au chargement. »
« Et Liu ? »
« Pas à portée de mes senseurs. »
« Combien de temps avant appareillage ? »
« Quinze minutes. »
« Envoie-lui une notification de rappel prioritaire. »
« A vos ordres. »
La porte du pont s'ouvrit sur le bourdonnement empressé typique des départs en opération.
Jiu en communication radio avec Léonard – en salle des machines – faisait le check-up technique, tandis que le reste de l'équipe de pont supervisait telle ou telle procédure.
C'est à peine si trois personne saluèrent son entrée. Tant mieux : ils avaient mieux à faire que des ronds-de-jambes.
« Jiu, quand tu as fini tes vérifications, descends au fauteuil. »
« Tu ne veux pas y aller ? »
Il sourit.
« Non. Tu as aussi le droit de t'amuser de temps en temps. »
Son ami acquiesça avec joie avant de se recentrer sur son check-up.
Jouant les capitaines, Tom se balada derrière son équipage, vérifiant un écran ou un autre, sans rien trouver à redire.
Il termina sa tournée par le poste du navigateur.
« On a reçu l'itinéraire ? » demanda-t-il à la Grinaldienne en poste.
« Oui, Capitaine. » répondit-elle en affichant ce dernier.
Détaillant l'écran, il grognant d'agacement. Au lieu de se rendre directement sur place, ils étaient censés rejoindre le Jorshhun dans le système Ydiao, puis faire un second saut pour retrouver le Kalmatash dans un secteur vide entre deux de leurs systèmes. Alors seulement, ils allaient se rendre sur la frontière pour enfin commencer leur mission.
Il se retint de faire une remarque sur la capacités des autres équipages à se débrouiller seuls.
« Commencez les calculs de trajectoire pour le premier saut. » ordonna-t-il à la place.
La femme opina et se mit au travail.
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A leur arrivée dans Ydiao, il avait compris la raison de ce détour. Le Jorshhun était un vieux croiseur de Silla. Une antiquité parmi les antiquités. Même s'il avait été modernisé et partiellement hybridé avec de la technologie lanthienne, il avait toujours son hyperpropulsion d'origine et était incapable de seulement ouvrir un vortex sans griller la moitié de ses circuits. Seul, le croiseur pouvait à peine faire un saut de quatre heure avant de devoir s'arrêter presque deux jours complets pour régénérer les dégâts.
Ils allaient littéralement devoir prendre le monstre de chitine en remorque.
« Contactez le Jorshhun. » ordonna-t-il à son responsable radio.
L'homme s'exécuta et, bientôt, il obtient sur l'écran principal un retour vidéo d'un wraith à la mine lasse.
« Ici le capitaine Giacometti de l'Utopia. Nous pouvons vous prendre en remorque sur les sauts d'hyperespace pour éviter que vous cramiez vos propulseurs à chaque fois. On aurait besoin des donnés techniques exactes du vaisseau pour le paramétrage. »
« Bien reçu. Je transmets au capitaine. » nota sobrement l'officier, avant de brouiller la communication.
« Et bien, quel accueil ! » siffla Liu depuis son poste.
Il opina en haussant vaguement les épaules.
L'écran s'éclaira à nouveau.
« Transmission de données en cours. »
Son officier com lui confirma d'un geste avoir reçu les fichiers.
« Transfert terminé. » annonça ce dernier.
« Bien. Envoyez-nous les données de navigation pour le remorquage dès que vous serez prêts. » approuva le wraith, toujours aussi morne.
« Entendu. »
« Fin de communication. »
« Heu... »
L'écran redevint noir avant qu'il ait le temps de dire quoi que ce soit.
Il soupira. On ne pouvait pas dire que l'autre équipage fût très bavard.
« Ubris. A partir de maintenant, calcule tous les sauts en prenant en compte le remorquage du Jorshhun. »
« Vous êtes sûr, Capitaine ? Le croiseur semble en parfait état, et emmener en hyperespace sa masse va rajouter beaucoup de contrainte sur les moteurs et l'extracteur de point zéro. »
« Oui, certain. »
« Entendu. Recalculs en cours. »
« Merci. »
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Après un second saut de près de quatorze heure, ils avaient rejoint le point de rencontre avec le Kalmatash, qui heureusement s'avéra moins vétuste que le premier croiseur.
Bientôt, ils recevaient un appel du pont de ce dernier. Tom le prit depuis son fauteuil de commandement.
« Ici le commandant Krill'mar, à bord du croiseur Kalmatash de la flotte de Delleb. » annonça pompeusement un wraith à la moustache impeccable sur l'écran principal.
Tom se retint de rouler des yeux.
Un second écran s'alluma, indiquant que le capitaine du Jorshhun était également présent. Capitaine dont les traits réguliers et élégants et la haute stature trahissaient l'ascendance de Silla.
« Je suis le commandant Hyberdalyn de Silla, à bord du croiseur Jorshhun, de la flotte de Rosanna Gady. »
Avec un vague grondement, il sut – à l'air attentif des deux autres – que c'était à son tour de se présenter.
« Cap'taine Giacometti, de l'Utopia. » lâcha-t-il simplement.
Krill'mar ne retint pas un petit reniflement dédaigneux.
« Il est évident, au vu des forces en présence, que c'est moi qui vais prendre le commandement. » nota ce dernier, comme s'il s'agissait d'une vérité absolue.
Hyberdalyn eut un feulement outré.
« Et de quel droit ? »
« Je suis le plus ancien, le plus expérimenté, et celui avec le plus de hauts faits – comme mon nom l'indique –, et j'ai le meilleur vaisseau. »
Tom n'avait pas envie de se mêler à la dispute, mais il ne put se retenir de vaguement pouffer à l'évocation de la force du vaisseau. Certes, l'Utopia était une frégate faisant juste un peu moins de la moitié de la longueur des deux croiseurs, mais cela ne signifiait en rien qu'elle était plus faible ou plus fragile que ces derniers. Le fait qu'ils soient capables de remorquer le Jorshhun en attestait.
En tout cas, son reniflement avait attiré l'attention des deux capitaines.
« Quelque chose à dire, larve ? » cracha Krill'mar.
Et c'était reparti. Encore. Il soupira, avec un sourire tordu ressemblant presque à un rictus hargneux.
« Commandant, on va tout de suite mettre les choses au clair. Je ne suis pas porté sur la politesse et le protocole, mais je ne tolérerai pas que vous me manquiez de respect. Est-ce bien compris? »
Sa question, il l'avait tant posée vocalement que télépathiquement, appuyant lourdement son esprit contre celui du commandant.
Ce n'était pas parce qu'il était jeune qu'il n'était pas capable... ni dangereux.
Hyberdalyn, qui n'avait rien perçu de sa menace télépathique, lança ses propres arguments.
« Il est évident qu'il est impensable que ce soit un déviant dégénéré qui dirige cette opération, mais je suis un fils de Silla, ce territoire est le nôtre depuis des millénaires : ma connaissance du terrain est meilleure et me désigne donc comme commandant d'opération. »
Ses griffes crissant contre le métal des accoudoirs, un grondement roulant dans la poitrine, Tom se redressa à moitié, furieux. Il y avait des choses qu'il ne tolérait pas. Notamment qu'on lui manque de respect devant son équipage, auprès duquel il avait dû si durement faire ses preuves.
Ils ne le respectaient pas ? Il n'allait certainement pas le faire.
« Hyberdalyn, je serais toi, je ne me vanterais pas d'être un fils de Silla pour traiter un de mes frères de sang de déviant dégénéré dans la même phrase. » cracha-t-il. « Quand à l'autre « commandant j'ai-un-nom-honorifique-et-je-suis-le-meilleur », tu oserais désobéir à Môman ? Non ? Alors viens me regarder de haut le jour où tu oseras tenir tête à la grande régente ! »
Un coup d'œil à l'air catastrophé de Liu et aux têtes tantôt horrifiées, tantôt très mal à l'aise de son équipage lui apprirent qu'il n'avait sans doute pas brillé par sa diplomatie.
Se faisant violence, il ravala sa tirade sur son rôle de fondateur – qu'il s'apprêtait à asséner tel un coup de grâce –, se rassit et força une expression neutre sur ses traits.
« Maintenant qu'on s'est tous bien manqué de respect, si on en revenait à la courtoisie la plus élémentaire ? » proposa-t-il.
Tout ce qu'il obtint en réponse, ce fut une double déconnexion.
Dans un silence de mort, Liu lui fit sa grimace signifiant « t'as merdé ». Il lui rendit celle signifiant « je sais ».
Le silence inter-vaisseau dura quelques longues minutes. Puis l'officier des communications se retourna à son poste.
« Capitaine, on reçoit des transmissions écrites. »
« Affichez-les. »
Le texte se mit à défiler. Les deux commandants s'étaient arrangés de leur côté. Ce serait Krill'mar qui commanderait. Toute désobéissance serait reportée en haut lieu, et les communications se feraient désormais uniquement par écrit, afin de garder une trace de tout.
Il ne put se retenir de rire à la puérilité de la démarche. Ils voulaient vraiment pouvoir tout rapporter à « maman ». Ridicule.
Se levant, il vint s'installer directement au poste de communication pour rédiger sa réponse. Ils voulaient jouer à ce jeu. Soit. Ils allaient jouer.
Bien compris. Quelles sont les modalités pour le prochain déplacement ?
L'information ne tarda pas à arriver. Les coordonnées de leur destination, mais également la formation triangulaire que le commandant voulait qu'ils adoptent. Son croiseur en premier, bien évidemment.
« Ubris. Calcule la durée du saut pour le Kalmatash. Puis calcule notre trajectoire pour qu'on arrive douze secondes après lui. N'inclut pas le Jorshhun dans le calcul. Il se déplacera par ses propres moyens. »
« Capitaine... Douze secondes est un délai très long. S'il y a une menace au point de sortie, le Kalmatash pourrait se faire détruire avant que nous arrivions. »
« Je sais. Mais je ne veux pas risquer de leur rentrer dedans en sortant d'hyperespace. »
« Mais Capitaine, nous sommes plus rapides qu'eux. Selon mes calculs, on pourrait arriver sur site quarante-deux minutes avant eux. »
« Je sais, Ubris. Mais on va y arriver douze secondes après eux. »
« Soit... Par contre, Capitaine, le Jorshhun ne pourra pas suivre. Le saut devrait durer un peu plus de cinq heures. Son hyperpropulsion ne tiendra pas le coup. »
« Pas nos oignons. C'est au commandant Krill'mar de s'assurer que toute sa flotte puisse arriver à destination. »
« On devrait au moins le prévenir. »
« Non. Si le capitaine Hyberdalyn ne connaît pas les limites de son bâtiment, c'est pas non plus notre problème. »
« Capitaine, ce n'est pas très... »
« Ce sera tout, Ubris, merci. »
L'hologramme aux traits hybrides fit la moue avant de disparaître.
Oui, il jouait au con et le savait très bien, mais ce n'était pas lui qui avait commencé !
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Pendant trois jours, il avait pu paisiblement jouer au con. Rien à signaler nulle part.
Puis la chance avait tourné, lorsqu'ils étaient tombés sur une ruche de seconde zone en plein braconnage sur leur territoire.
Il avait sagement laissé Krill'mar faire les avertissements d'usage, puis il avait suivi tout aussi bovinement les ordres de combat.
Au moins, le commandant semblait considérer l'Utopia comme équivalent à un croiseur, et pas à une frégate wraith. Cela ne l'empêcha pas de clairement sous-utiliser les capacités du vaisseau.
Au lieu de le faire s'occulter pour s'approcher au plus près de la ruche afin d'y loger quelques drones lanthiens stratégiquement placés pendant que les croiseurs l'occupaient, il leur ordonna de se déployer pour prendre la ruche dans un feu croisé.
Tom obéit sans broncher, prenant seulement la liberté d'orienter l'Utopia de la manière optimale pour ses tourelles, qui n'étaient pas placées de la même manière que sur un vaisseau wraith standard, avant de laisser ses artilleurs s'en donner à cœur-joie.
Bien protégé sous leur bouclier, il put voir les puissants tirs de la ruche transpercer les blindages des deux croiseurs, qui ne reculèrent pas pour autant, continuant à pilonner la coque épaisse sous tous les angles.
Au bout de deux longues minutes de cette manœuvre peu efficace, il n'y tint plus et envoya un message à Krill'mar.
L'Utopia a des drones lanthiens. Demande autorisation de plonger pour détruire la tourelle principale et la propulsion de la ruche.
La réponse ne tarda pas.
Négatif. Maintenez votre trajectoire.
Serrant les poings, il hésita de longs instants, son équipage prêt à agir à la seconde où il l'ordonnerait.
« Maintenez la trajectoire » cracha-t-il finalement. « Que la tourelle principale ne vise que les objectifs prioritaires. » ajouta-t-il, n'y tenant plus.
Bientôt, le long affût cessa d'arroser à qui mieux-mieux, profitant du survol des zones blindées pour viser les points vitaux de la ruche.
Ils étaient parvenus à endommager les communications et les réacteurs, lorsque la ruche décida de prendre la fuite, les senseurs s'affolant sous la puissance de leur hyperpropulsion en pleine chauffe.
Une fois encore, il se jeta sur les communications.
Demande autorisation d'entamer une manœuvre de neutralisation.
Négatif, laissez les partir, fut la réponse.
Il gronda. C'était quoi cette décision ? Ils étaient parfaitement en mesure de coincer la ruche sur place et de la harceler jusqu'à ce qu'elle se rende ou soit détruite ! La laisser repartir, c'était lui donner l'opportunité de revenir !
Il transmit avec tout le respect dû à un supérieur ses conclusions, assorties des relevés de leurs senseurs et du résumé de leur force de frappe.
Négatif. Ne discutez plus mes ordres ou je vous fait tomber pour insubordination.
Ah, vraiment ? A qui croyait-il s'adresser ?
A vos ordres, commandant Krill'mar. Bien que l'Utopia soit en mesure d'intercepter seule la ruche, selon vos ordres express, nous allons la laisser repartir quasiment indemne, malgré une opération de braconnage potentiellement réussie, et un nombre de victimes inconnu à son actif, répondit-il par écrit, envoyant le message avec un petit sourire mauvais.
Il n'avait pas besoin de contact télépathique pour savoir que le commandant était en pétard. Il se foutait de sa gueule, et il ne pouvait rien faire en l'état.
La ruche disparut dans un éclat vert. Le combat était fini.
« Rapport de situation. » ordonna-t-il.
Ils s'en étaient bien sorti. Aucun tir n'avait passé le bouclier. Une tourelle secondaire s'était enrayée et une autre avait anormalement surchauffé et devrait être mise en maintenance. Un technicien s'était brûlé en faisant une dérivation. Il devrait s'en sortir avec une simple cicatrice.
Les deux croiseurs ne s'en étaient pas aussi bien tiré. Le Kalmatash avait encaissé deux tirs hors zone blindée et plusieurs de ses ponts étaient dépressurisés. Le nombres de morts était encore inconnu, mais leur priorité était de réparer leur système d'alimentation énergétique de toute urgence afin de pouvoir réactiver les réacteurs et l'hyperpropulsion.
Le Jorshhun avait subi encore plus de dégâts, et le vaisseau n'était guère plus qu'une épave flottante. La moitié de l'équipage au moins était mort, et le reste ne tarderait pas à suivre s'ils ne les évacuaient pas.
Autorisation de porter secours au Jorshhun ?, demanda-t-il.
Autorisation accordée.
Le temps qu'ils s'approchent et synchronisent leur trajectoire sur celle, erratique, du croiseur, l'équipe d'abordage de l'Utopia était en scaphandres, prête à intervenir dans la baie à Jumpers.
« Liu, je te confie le pont. » nota-t-il, prenant le chemin de la baie d'amarrage.
Jiu, engoncé dans un scaphandre presque trop grand pour lui, se tenait, l'air terrifié, en compagnie des soldats habitués au vide.
« Tu es sûr que tu veux y aller ? »
Son frère humain opina.
« La priorité, c'est d'évacuer l'équipage, mais on peut peut-être sauver le vaisseau. »
Il hocha la tête.
« Sois prudent. » demanda-t-il, une main inquiète posée sur l'épaule de Jiu.
« Promis. »
Il les regarda monter à bord du Jumper qui devait les déposer dans la baie à Darts toute proche, puis il fit demi-tour, tendant son esprit vers celui de son ingénieur en chef.
« Léonard, est-ce que votre présence à bord est indispensable ? »
« Non, pourquoi ? »
« J'aimerais vous envoyer sur le Kalmatash, afin que vous aidiez aux réparations. »
« Est-ce que le commandant Krill'mar a requis de l'aide ? »
« Non. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'en a pas besoin. »
L'ingénieur sonda son âme longtemps.
« Non, je n'irai pas. Un capitaine est maître à bord de son bâtiment. Si le commandant n'a pas requis d'aide, ce n'est pas à nous de lui en apporter. »
« On est pourtant en train d'aider le Jorshhun ! »
« Ce n'est pas pareil, et vous le savez. Envoyer votre équipage aider les autres vaisseaux n'enlèvera rien à votre responsabilité dans les conséquences de ce combat. »
« Quelle responsabilité ? C'est pas moi qui commandait ! J'ai essayé de convaincre ce sale prétentieux de nous laisser viser les points vitaux de la ruche ! »
L'esprit de Léonard s'assombrit comme un soir d'orage. Ce genre de demi-vérité ne prenait pas sur lui, et ils le savaient tous les deux.
Tom ne put s'empêcher de se recroqueviller un peu.
« Votre orgueil de jeune coq est autant responsable que la fierté des deux autres capitaines. Si au lieu de vous battre pour savoir qui est le meilleur, avant de vous retrancher dans votre vanité, vous aviez cherché à vous connaître les uns les autres, afin de savoir les points forts et les points faibles de chacun, on n'en serait pas là. »
« J'aurais dû faire quoi ? Désobéir à un ordre direct ? »
Un rire comme autant d'éclairs terrifiants traversa l'esprit du vieux scientifique.
« Ça ne vous dérange pas d'habitude, Tom Giacometti. Mais vous étiez tellement occupé à vouloir humilier le commandant Krill'mar que vous ne vous êtes pas soucié de faire ce qui devait être fait, quoi qu'il en coûte. »
Étouffant un grondement de rage, Tom tenta de ravaler sa fierté. Le manchot avait raison, bien sûr, et ça le rendait malade.
« En attendant, nous sommes entiers et pas eux. » ne put-il s'empêcher de lâcher, bien trop conscient de la puérilité de ses paroles.
« Et ce n'est pas grâce à vous. » nota simplement l'ingénieur, son esprit vibrant de dépit et de déception, avant de se retourner, l'ignorant royalement, le laissant seul avec sa colère, sa honte et son orgueil blessé, au pied de ses hautes murailles mentales.
