Journal de bord du capitaine Giacometti. Jour 159, an 18.

On arrivera bientôt en bordure du système solaire. On a dû faire un détour. Un vaisseau de la flotte terrienne traînait dans les environs. Je crois qu'ils commencent à soupçonner quelque chose... Non pas que ce soit un réel problème. Surtout pas un qui soit de mon ressort... Moi, je ne m'occupe pas de politique avec les Terriens – les reines en soient louées. Moi, je les convoie, et je laisse le blabla à Rosanna Gady et à Delleb. Ça leur réussit parfaitement.

Si, d'ici qu'on soit arrivés à bon port, je n'ai toujours aucune idée d'une destination de saut hyperspatial, on retournera sur le monde où on avait découvert des Unas. En espérant en trouver qui pourront nous renseigner.

Tom Giacometti, fin d'enregistrement.

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Du doigt, Tom poussa l'assiette que son frère venait d'écarter.

« Mange. Tu en as besoin. »
« C'est déjà ma troisième assiette ! Tu veux m'engraisser ou quoi ? » protesta ce dernier en repoussant le plat encore à moitié plein.

Avec un soupir, Tom s'appuya sur le dossier de sa chaise. L'adolescent était assez grand pour savoir quand il avait faim ou pas. Il décida de changer de sujet.

« Dis, est-ce que tu arrives à communiquer avec les Unas ? J'ai essayé la télépathie avec le plus grand, mais je n'y comprends rien. Son esprit est tellement étrange... »

« C'est pas un grand, mais une grande. Morgal, c'est la femelle, et elle est plus grande que Tch'ana, qui est le mâle. »

« Oh, intéressant. Mais tu arrives à leur parler ? »
« Heu... pas vraiment... Disons que c'est surtout par gestes. Et essentiellement pour aller chasser ensemble... » marmonna son frère, fixant l'espace par le hublot.

Avec un soupir, Tom l'imita.

« Comment je suis censé leur demander de m'aider à trouver leur monde d'origine sans pouvoir communiquer avec eux ? »

Zen'kan haussa les épaules.

Ils restèrent ainsi quelques minutes dans un silence ni vraiment tendu, ni vraiment confortable, puis avec un nouveau soupir, Tom se releva. Ce n'était pas en regardant le vide intersidéral qu'il allait régler ses problèmes.

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« Ubris ? T'es là ? » demanda-t-il au vide, seul dans une pièce attenante au réfectoire qu'il avait quitté peu après son frère.
« Je suis là, Zen'kan Giacometti. »

L'hologramme de l'IA se matérialisa dans un scintillement.

« Salut. »
« Bonjour. »

« Heu... Toi, tu pourrais pas communiquer avec les Unas ? »
« Dans l'immédiat, pas plus que n'importe quel autre membre de l'équipage. Il va me falloir du temps et des données pour pouvoir apprendre leur langue. »

Zen'kan fit la moue, malheureux.
« T'as pas quelque chose dans ta mémoire ? »
Ubris pencha la tête, quelques mèches ondulées glissant sur son épaule.

« Je suis navrée. Les informations sur la Voie lactée contenues dans ma mémoire sont exclusivement celles que j'ai pu enregistrer par moi-même au cours de nos voyages, et l'accès aux rapports et autres documents de bord que Léonard et le capitaine Giacometti m'accordent. »

« Ah. »

Un instant, l'hologramme représentant une élégante hybride en robe lanthienne sembla sur le point de tendre la main pour lui effleurer le bras, mais elle se ravisa. Puis, après quelques instants, elle sourit doucement.

« Néanmoins, dès que nous aurons des informations sur la localisation de ce monde, je mettrai toute la puissance de calcul disponible et tout mon savoir à disposition, afin d'en déterminer la position exacte. »

L'adolescent releva le nez.

« C'est cool. Merci. »

« De rien. »

Le silence retomba quelques instants.

« Désirez-vous être laissé seul, Zen'kan Giacometti ? »
« Oui, s'il te plaît. Et appelle-moi juste Zen'kan, ou même Zen. »

« Nouvelle dénomination enregistrée. A bientôt, Zen'kan. » salua-t-elle avec une courbette.

« A bientôt, Ubris. »

L'hologramme disparut dans un scintillement.

Après avoir jeté un coup d'œil à l'orbe noir de la caméra, incrustée dans un coin supérieur de la pièce, il frissonna.

Ubris était comme Alexa ou Siri. En pire. Toujours en train de tout voir et de tout entendre, silencieuse et invisible. L'IA n'avait fait qu'éteindre son hologramme. Rien de plus.

Plutôt que de s'angoisser sur le potentiel d'espionnage du programme autonome, il se mit en quête de Liam'kan. Le guerrier avait clairement eu peur de lui faire du mal après l'incident de l'avant-veille, mais il restait sa meilleure option pour s'occuper et pour ne pas ruminer lorsque Tom était occupé à ses devoirs de capitaine.
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« Non, j'y comprends rien. Définitivement ! » s'agaça Tom, lâchant la main de Tch'ana, qui s'était docilement prêté au jeu de la télépathie.

Avec un petit sourire contrit, Jiu agita son bloc de feuilles et son crayon, qu'il prit avec un sifflement agacé. En être réduit à ça était exaspérant.
Les gribouillis étaient redoutablement efficaces pour des échanges basiques, du type « je te donne trois sacs de laine en échange de deux caisses de poissons ». Ils l'étaient nettement moins pour des échanges de données astronomiques.

Mais il n'avait pas mieux.

Il dessina donc un rond duquel partait une flèche, et deux approximations qu'à grand renfort de gestes, il expliqua comme étant le portrait – raté – des deux Unas.

Les reptiles se penchèrent sur son dessin, échangèrent quelques mots dans leur langue, opinèrent, puis la femelle ramassa une assiette vide et le mâle une balle appartenant à Utak, avant de les lui tendre.

Avec un grognement exaspéré, Tom reprit son dessin et ajouta des continents sur sa planète.

« Ah ! Terre ! » s'exclama Tch'ana.

« Non ! Pas Terre ! Votre monde ! Votre terre ! A vous !»
« Terre ! Rosanna No na ! Ko no nay. Ko ko no nay ! » répliqua l'Unas, pointant une main griffue vers l'arrière du vaisseau.

« Au moins, ils ont conscience qu'on avance. Ils savent même dans quel sens... » nota Jiu, avec un petit sourire navré.

Tom ne put retenir un grondement exaspéré. Il jeta un coup d'œil à son communicateur. Encore trois heures avant arrivée en bordure du système.

Il se tourna vers son hystar, lui plaquant sèchement le bloc-notes sur la poitrine.

« Tu sais quoi ? C'est ton idée. C'est toi qui t'en occupes. Tu as trois heures avant que je n'ouvre le tunnel d'hyperespace. »

« Mais... c'est moi qui suis censé être dans le fauteuil... » bafouilla Jiu.

« Plus maintenant. Tu as une mission prioritaire, et il y a un autre pilote qui peut te remplacer... moi ! » nota-t-il avec un sourire et un clin d'œil, déjà à la porte.

« Mais... »

Jiu lui lança un regard malheureux qui, un instant, le fit hésiter. Un instant seulement. Deux jours qu'il essayait en vain de communiquer avec leurs passagers. A lui d'essayer, à présent !

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D'un grattement à la limite de sa conscience, Tom se signala. Reposant sa bouteille de shampoing en équilibre précaire sur l'étrange pain de savon orangé, Zen'kan lui entrouvrit son esprit.

« Oui ? » s'enquit-il, repoussant quelques mèches savonneuses de son visage.

« On va bientôt entrer en hyperespace. Si tu veux dire au revoir à tes amis, c'est le moment ou jamais. »

« Oh, déjà ? » s'étonna-t-il.

Il n'avait pas vu le temps passer et n'avait pas une seule fois pris le temps de tendre son esprit vers celui d'Ilinka et de Rory, tout occupé qu'il était à ne pas trop baisser ses barrières, fuyant à moitié le nuage vivant qu'étaient les wraiths de l'équipage, sur la Toile.

Tant de présences, un tel foisonnement, c'était étouffant.

Le rire télépathique de son frère, brillant comme l'éclat d'une nébuleuse scintillante, le tira de ses ruminations.

« Oui, déjà. T'as quinze minutes. Et je te conseille de finir ta douche d'ici-là, ou au moins de couper l'eau et de t'asseoir avant le départ. Ce serait bête que tu te casses quelque chose et qu'en plus tu te gèles. »
« Que je gèle ? »
Tom rit encore.

« Oui. Ouvrir un tunnel demande énormément d'énergie. Les systèmes de survie non essentiels se coupent un moment. Cela implique l'eau chaude. Mais elle revient au bout de quelques minutes, t'en fais pas. »
« OK. Merci d'avoir prévenu. »
« De rien. » nota son frère, son esprit déjà tourné vers autre chose.

Avec un soupir, Zen termina sa douche, espérant que l'espèce de brouillard chaud produit par la plomberie lanthienne suffise à rincer ses cheveux, puis, enroulé dans une serviette, il s'assit sur un des bancs du vestiaire désert. Fermant les yeux, il tendit son esprit loin. Très, très loin. Plus loin qu'il ne l'avait jamais fait. Il n'était pas doué pour ça. Jamais il ne pourrait atteindre la Terre, à des millions de kilomètres de là. Son seul espoir était qu'Ilinka soit en train de le chercher. Et qu'elle le trouve. Dans un remous glauque, le monstre noir au fond de son âme s'agita. Encore un domaine dans lequel il brillait par son inaptitude.

Malheureusement, il ne pouvait pas se concentrer pour lancer son âme dans le vide spatial et en même temps faire taire la bête. Il la laissa donc rugir ses abominables murmures. Parler à Ilinka était plus important.

Tendu ainsi, si loin de son corps qui n'était plus qu'une vague perception aux limites de sa conscience, il se sentait comme une anémone de mer dont les tentacules mous se trouvaient ballottés par le courant jusqu'à ce qu'ils rencontrent une proie.

De proie, son esprit n'en croisa aucune mais, si obscure et discrète qu'il ne l'avait pas perçue avant d'entrer en contact avec, il percuta presque une âme d'un noir d'acier trempé, froide et calculatrice, qui se tourna vers lui, comme un millier de rouages parfaitement huilés glissant les uns sur les autres.

« Zen'kan Giacometti. » nota l'esprit, les échos de son nom télépathique – l'ombre d'un guerrier se découpant sur un soleil encore jeune, l'arôme métallique du courage et les crocs aiguisés d'un félin – résonnant sur la Toile.

« Pardon ! Je suis désolé ! Pardon, monsieur... »

Il laissa le filin de pensée s'égailler, incertain de l'appellation correcte pour l'entité (wraith à n'en pas douter) à laquelle il faisait face.

« Léonard. Ingénieur en chef Léonard. » répliqua l'intéressé, le bref éclat d'un sourire sec illuminant sa conscience à la manière d'un arc électrique.

Ce fut le nom télépathique accompagnant la pensée qui l'empêcha de promptement battre en retraite. Le portrait un peu flou d'un vieil humain à barbe blanche, l'astuce et l'opiniâtreté d'un corbeau, et l'odeur de l'huile mécanique surchauffée.

Tant de choses qui lui étaient familières, connues – et tellement incongrues dans l'esprit d'un alien pégasien millénaire.

Sa perplexité, comme les bulles d'un soda, crépitèrent sur les franges de l'esprit de l'ingénieur, qui une fois encore eut un sourire éclair.

« Mon nom m'a été donné par Rosanna Gady. C'est un nom glorieux, mais... terrien... »

« C'est qui, le vieux ? »
« L'humain ? Un grand savant de la Terre. Je porte le même nom que lui. »

« Léonard de Vinci ?! C'est pour ça que sa tronche me disait quelque chose ! »

L'autre acquiesça.

« Que faites-vous là, Zen'kan Giacometti ? » s'enquit-il ensuite.

« Heu... J'essayais de contacter Ilinka et Rory pour leur dire au revoir, mais je suis nul télépathiquement. »
Un vague relent d'approbation fit glapir de joie le monstre au fond de son âme.

« Vous êtes encore trop jeune pour exécuter ce genre de chose sans passerelles. » nota son aîné.

« Passerelles ? »
« Relais. Peu importe. L'aide d'un alpha, au minimum. »

Il allait répliquer qu'il n'avait besoin de l'aide de personne, mais ravala ses mots. Il avait besoin d'aide, en vérité.

« Vous pourriez m'aider ? »
« Je le pourrais. »
Les secondes s'écoulèrent, étrangement distordues, si loin dans la Toile de l'Esprit.

« Et vous allez m'aider ? »

La conscience de l'ingénieur se tourna vers lui, semblable à un phare noir, et il frissonna.

« S'il vous plaît ? » supplia-t-il presque.

Léonard l'observa encore de longs instants.

« Soit. »

Ravalant un cri mental de surprise, Zen se retrouva soudain projeté en avant, comme s'il venait d'être brutalement jeté dans un monstrueux toboggan aquatique.

La chute dura une brève éternité, puis il s'écrasa, maladroitement, dans un nouvel esprit, terriblement familier.

« Bonjour, Zen'kan. »

« Salut, Markus. » répondit-il machinalement, tâchant de réunir ses pensées.

Enfin, il pensa à observer ses alentours. L'âme de son oncle était égale à elle-même : sombre et calme. C'est à peine si le traqueur faisait attention à lui. Un son lointain, comme le souvenir d'un écho de tronçonneuse, lui apprit qu'il était probablement au travail.

Curieux, subrepticement, il explora un peu cet espace mental de coutume si bien gardé.
Au détour d'un mur de souvenirs, il entraperçut un échange, dont l'esprit de son oncle était l'hôte.

Le scintillement trop blanc de Rosanna, les vaguelettes bleu nuit de Milena, et cette étrange froideur métallique qu'était Léonard.

La seconde suivante, son oncle rabattait un voile de pensées, et il se retrouvait à nouveau seul.

Comme un mur vivant, l'esprit du guerrier s'ouvrit devant lui, le poussant jusqu'à un recoin de sa conscience qu'il connaissait sans jamais avoir trop eu l'opportunité de s'y aventurer. Un jardin lumineux, aux allées de fierté, et aux parterres de joies mais aussi de tristesses. Un temple de souvenirs précieux et vivants, dédiés aux deux femmes de sa vie.

Comme s'il craignait, de toute sa sinistre maladresse, d'abîmer cet endroit merveilleux, il avança avec mille précautions, jusqu'au cœur du jardin où, en de sublimes constructions mentales, scintillaient deux extraordinaires représentations : Rosanna et Ilinka.

Perdu dans sa contemplation, il ne s'aperçut pas tout de suite qu'il n'était plus seul.

« Zen ? »

L'appel était clair, joyeux et pur. L'instant d'après, comme un poulpe fou, l'esprit d'Ilinka enlaçait le sien.

« Lili. »

« M'appelle pas comme ça ! »
Il rit.

« Comment tu vas ? »
« Bien ! On a pu aller à une manifestation contre les lobbies du pétrole. J'espère que ça sera utile. Il y avait peu de monde, mais on était là et on s'est fait voir, c'est ce qui compte. »
« Si tu le dis... »
« Et toi ? »
« Ça va. »
« C'est comment ? »
« Pour l'instant, pas très intéressant. Markus s'est débrouillé pour me trouver un tuteur. Il s'appelle Liam'kan de Silla. C'est un guerrier bien... carré. Mais il est cool. Il a failli me tuer avant-hier. »

« Quoi ?! »
« Non, mais c'était cool, vraiment... Au début, il croyait que j'étais trop nul en combat, mais en fait non, et du coup, comme il s'y attendait pas, il s'est un peu laissé emporter, et y est allé à fond. C'était trop bien, je lui ai éclaté la mâchoire. Littéralement ! » expliqua-t-il, transmettant en même temps des bribes de son duel.

L'esprit d'Ilinka tressauta, choqué, puis elle se radoucit.

« Si ça te plaît... tant mieux. Mais s'il te plaît, sois quand même un peu prudent. »

Un instant, il compara la sublime représentation de son amie que son père se faisait, et la petite boule d'or sombre toute frémissante d'inquiétude pour lui qu'était réellement Ilinka, et il ne put s'empêcher de fondre un peu.

Son Ilinka n'était pas grande, sublime et rayonnante. Mais elle était son amie. Sa vraie amie. Réelle, tangible, et tellement authentique.

« Hé, tu m'écoutes ? » s'offusqua-t-elle.

« Non, pas du tout. »
« Hé ! C'est pas cool. »
« Désolé. Tu disais ? » demanda-t-il, amusé malgré lui par les éclairs piquants de son courroux.
« Je disais que je veux que tu me promettes de prendre soin de toi. Vraiment. D'être prudent, mais aussi de pas trop écouter... tu sais... » murmura-t-elle, comme si ses mots avaient eu un quelconque pouvoir invocatoire.
« Ma dépression ? »
« Oui, c'est ça. »

« Je ferai de mon mieux. Promis. » jura-t-il de bon cœur.

Lui non plus n'avait pas spécialement envie de se laisser avoir.

Ilinka eut un petit sourire mental, puis le silence retomba. Pas un silence lourd. Juste le calme de deux âmes familières qui se retrouvent.

Il se sentait bien, quoiqu'un peu déchiré. Une part de lui était contente de partir pour ce voyage, l'autre ne voulait pas s'en aller si loin de son foyer et de sa famille.

Un temps s'écoula, si indistinct qu'il aurait été absolument incapable de dire à quel moment le bleu nuit qu'était Rory les avait rejoints, dans ce silence content.

Est-ce que c'était ça, l'esprit de ruche ? La question l'effleura, sans importance.

Puis, ombre dénuée de lumière, Markus vint les trouver, et vint le moment des vrais au revoir.

Rory n'était que sérénité paisible, et lui souhaita sincèrement beaucoup de plaisir, de découvertes et d'apprentissages formateurs. Ses voyages lui avaient beaucoup appris, et il ne doutait pas que ce serait la même chose pour lui.

Ilinka était plus conflictuelle. Joie et espoir, tristesse et crainte. Un petit maelstrom d'émotions mal contenues et à peine démêlées.

Il ne pouvait pas y faire grand-chose. Prendre ses vœux de bonheur et tenter de rassurer ses craintes. Guère plus.

« Je vais revenir. Bientôt. Promis. Et je te ramènerai un petit truc, et plein de souvenirs à partager. Juré craché. Et je te promets de faire de mon mieux avec ma déprime. Je vais mieux, et je vais tout faire pour aller encore mieux. D'accord, Lili ? »
« D'accord. » opina-t-elle.

Il n'avait même pas besoin de la voir pour savoir qu'elle était en train de renifler, les larmes aux yeux

« Et je veux que toi aussi tu me promettes quelque chose ? »
« Quoi ? » demanda-t-elle, surprise.

« Promets-moi de pas te morfondre, et que tu vas tout faire pour avoir toi aussi plein de choses à me raconter quand je reviens. »
« Promis. Je te le promets. Promis ! Promis ! Promis ! »

Il échangea une même pensée avec Rory. Elle était trop mignonne !
Les au revoir accomplis, il se tourna vers son oncle qui avait attendu, patiemment.

« Je vais y aller. Merci du... prêt d'Esprit ? »
Un grondement sourd acquiesça.

Il allait se retirer, et remonter l'immense fil de conscience étiré jusqu'à son corps, quand Markus l'arrêta.

« Tu n'oublies rien ? »

« Heu... au revoir, Markus ? »
« Non, pas moi. » siffla le traqueur, se tournant vers l'âme discrète qui était sa mère.

« Maman ? » demanda-t-il surpris.

Milena n'avait jamais été très à l'aise avec la télépathie. Surtout pas pour ce genre de réunion mentale.

L'impact lui coupa le souffle, à des millions de kilomètres de là.

« Bon voyage, mon chéri. Fais attention à toi, et si ton frère fait des conneries, tu as mon autorisation de lui coller des coups de pied au cul. D'accord ? »
« J'ai le droit de cogner Tom ? Sérieux ? »
L'esprit de Milena s'alluma d'un rire qui avait tout d'un sanglot.

« Comme tu as grandi… Je t'aime, mon chéri. »

« Moi aussi je t'aime, maman. A bientôt. »
« A bientôt. »

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D'un coup d'œil mental, Tom vérifia que tous les indicateurs de l'Utopia étaient toujours au vert. Puis, d'une pensée, il lança l'antique vaisseau en hyperespace.

Il sourit. Ils avaient huit minutes de retard sur le programme. Mais quelle importance ? Zen avait pu dire au revoir correctement. A ses amis, et plus important encore, à Milena.

Il y avait assisté rétrospectivement, par l'intermédiaire de Markus, et ne pouvait s'empêcher de se sentir optimiste. Ce qu'il avait vu contrastait profondément avec ce que son frère avait laissé voir de lui-même et avec ce qu'on lui en avait dit. Peut-être les choses seraient-elles plus faciles que prévu ?