Journal de bord du capitaine Giacometti. Jour 211, an 18.
Au risque de paraître un peu trop optimiste, nous touchons probablement presque au but.
C'est du moins ce que me laisse espérer Arak. Si ces gens sont bien ce qu'il prétend, nous devrions pouvoir offrir une seconde chance à tous ceux que nous avons libérés.
J'espère que c'est le cas. Nous sommes partis depuis quelques semaines déjà. Milena doit commencer à s'inquiéter. Tout comme Delleb. Nous n'avons pas encore atteint la limite de durée pour le voyage annuel, mais si les choses continuent à s'éterniser, on devra envoyer un message subspatial pour la prévenir. Avec tous les risques que cela comporte. Même si le faire depuis un autre coin de la Voie lactée élimine le risque de révéler précisément l'emplacement d'Ilinka et des autres.
Bref, comme disent les Terriens, je croise les doigts.
Tom Giacometti, fin d'enregistrement.
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Ils furent menés au campement qu'ils avaient repéré du ciel, et qui n'était que la partie émergée de l'iceberg. Leurs scanners avaient détecté le feu, et les quelques cabanes de bois sous les arbres. Il n'avait pas perçu les entrées de grottes et tous les aménagements que les Unas y avaient faits.
C'est dans une de ces ouvertures qu'ils furent guidés, puis dans un réseau de boyaux naturels retaillés, jusqu'à une alcôve aux murs ornés de peintures rupestres, au centre de laquelle brûlait un grand brasero de terre entouré de banquettes recouvertes de fourrure.
Kian'kul et le porteur de la lance s'assirent, avant de leur faire signe de les imiter. Les quatre autres Unas, eux, poursuivirent dans les tunnels.
Le silence s'installa, et personne ne tenta de le briser jusqu'à ce que, revenant des profondeurs des grottes, les autres apportent de grands plats de bois et de terre, remplis de viandes crues, mais aussi de racines, de légumes et de champignons.
Kian'kul dégaina un splendide couteau d'obsidienne et, se servant de baguettes de bois taillées en pointe, se mit à soigneusement confectionner de grandes brochettes qu'elle disposait ensuite soigneusement sur le brasero.
Pendant ce temps, l'autre Unas fit passer une outre de peau, qui s'avéra remplie d'une infusion chaude et amère.
Sa dernière brochette posée, Kian'kul se rassit, pliant confortablement ses longues jambes sous elle avant de se frapper les cuisses.
« Maintenant, on peut parler. Ensuite, on mangera ! »
Tom se retint de faire la grimace. Il ne comptait pas répéter l'erreur de Taremu. Mais il devait bien y avoir un moyen d'expliquer ce qu'ils étaient exactement avec un minimum de subtilité.
« Expliquez-nous, les Uman'chli ! » exigea Kian'kul avec entrain.
Prenant un instant pour préparer sa réponse, il s'exécuta.
« Nous sommes des rebelles, en un sens. Ma race, les wraiths, sont les maîtres de la galaxie de Pégase. Nous y régnons sans partage depuis des milliers d'années. Les humains qui y vivent, comme Laban (il le désigna d'un geste) sont au mieux nos esclaves. »
Leurs deux hôtes grondèrent, mauvais, imités par les autres Unas locaux qui écoutaient, massés dans le couloir derrière eux, leur bouchant la sortie. Il s'empressa de poursuivre.
« Il y a quelques années, un de mes frères a été capturé par des humains qui viennent de cette galaxie. Ici, vous les appelez des Tau'ri, je crois. »
Kian'kul acquiesça gravement. Il poursuivit donc.
« Là-bas, avec une humaine qui s'appelle Rosanna, il a découvert que nous, les wraiths, nous n'étions pas obligés d'être les ennemis de l'humanité. Qu'on pouvait être alliés. Amis. C'est ça, les Ouman'shiis. Les autres wraiths, comme beaucoup d'humains, n'aiment pas qu'on vive ensemble. Qu'on soit unis. Alors, ils essaient de nous détruire, mais on se bat pour nos idéaux. »
« Donc cet humain est esclave? » siffla l'autre Unas, prenant la parole pour la première fois.
« Non, il... »
« Je vais répondre moi-même, mon capitaine. Merci. » intervint Laban.
Inclinant la tête, Tom lui laissa volontiers la parole.
« J'ai été esclave. Ma mère a été capturée dans son village bien avant ma naissance. » expliqua-t-il, livide de colère ressassée. « Je suis né dans un endroit pas très différent de cette... ferme qu'on a détruit, où ces salauds forçaient vos congénères à... (Il s'interrompit, les poings serrés sur le cuir de son pantalon. Inspirant à fond, il tenta de reprendre contenance, avant de poursuivre.) J'ai eu un maître. Un wraith... Je l'ai servi très, très longtemps. Ma... ma maman m'avait parlé de la liberté. Elle m'avait raconté sa vie d'avant. Les nuits sous les étoiles, les histoires au coin du feu, manger quand on veut, autant qu'on veut, ne pas avoir tout le temps froid ou faim... » expliqua-t-il avec un sourire triste.
Kian'kul et le guerrier restèrent de marbre, mais plusieurs autre Unas grognèrent leur sympathie.
« Je rêvais de cette liberté, jour et nuit. Une fois, j'ai eu une occasion de m'enfuir. Je l'ai fait. Je savais que s'ils me rattrapaient, ils me tueraient sûrement, mais je n'ai pas hésité. J'ai couru, couru... jusqu'à ce que je ne sache plus où aller. Et ensuite, j'ai erré longtemps. J'étais libre, mais j'étais toujours prisonnier. A cause de ça ! »
Se battant un peu avec la fermeture de son col, Laban dévoila la cicatrice oblongue qui ornait son torse.
Un peu gêné, Tom détourna le regard, tout comme Ninaï'kan. Les Unas, au contraire, se penchèrent pour observer la marque avec intérêt.
« Cette cicatrice proclame que je suis un serviteur des wraiths. Je vais voir des humains libres, ils me tuent, car je suis l'esclave de leurs ennemis. Je vais voir les adorateurs, ils me tuent, car j'ai trahi leurs maîtres. Je me croyais condamné à vivre et mourir tout seul, mais j'ai rencontré les Ouman'shiis. J'ai surtout rencontré le capitaine Giacometti, et son équipage. Ils m'ont convaincu que tous les wraiths ne sont pas mauvais. Et ils m'ont donné une maison et une cause. J'obéis au capitaine, parce que c'est le chef et qu'il a mérité ce titre. Parce que l'équipage – la tribu – l'a choisi comme tel. Pas parce que c'est mon maître. Sur l'Utopia, je suis l'égal de Ninaï'kan et des autres guerriers. On est pareils. Donc non, je ne suis pas esclave, et je ne le serai plus jamais. Plutôt mourir que servir ! »
« Nok Keka a benna ! Tes dents sont faibles, ta peau est faible, mais ton esprit est fort. Comme celui des Unas. » approuva le guerrier à la lance.
Laban rougit.
« Merci. »
Le silence retomba. Silence que Kian'kul mit à profit pour tourner les brochettes. Une fois réinstallée, elle tourna son regard vers les deux wraiths.
« Vous dites que vous êtes les grands Onac de votre territoire. Pourquoi abandonner ce privilège ? Pourquoi devenir des parias ? Vous y gagnez quoi ? » demanda-t-elle.
Les pensées de Ninaï'kan effleurèrent l'esprit de Tom. Le guerrier était impressionné par la perspicacité de la femelle, et il ne pouvait qu'acquiescer. Il savait les Unas intelligents, bien que primitifs, mais une telle clairvoyance l'étonnait.
Et c'était aussi le moment délicat. Car la réponse le serait tout autant.
« Nous y gagnons la vie. Les wraiths sont les maîtres de Pégase, mais depuis plus d'une décennie, ma race s'entre-déchire dans une guerre civile sans pitié. Nous sommes trop nombreux, et il n'y a pas assez de nourriture pour tout le monde. Les Ouman'shii sont les seuls à ne pas mourir de faim. Nous allier aux humains nous permet de nous nourrir. Tout simplement. »
Le lancier, perplexe, fixait alternativement les brochettes puis eux, semblant se demander si du coup, il y en aurait assez. Kian'kul, plus dégourdie, les fixaient eux, avec beaucoup d'attention.
Finalement, elle tendit une main autoritaire vers Laban.
« Viens. »
Avec un regard inquiet dans leur direction, l'homme se leva et s'approcha. Elle le fit asseoir à côté d'elle, et d'un geste sec, rouvrit sa veste pour examiner de près sa cicatrice.
Avec un grincement stressé, Tom décida de percer l'abcès de suite.
« Je ne vais pas vous le cacher : on se nourrit d'êtres humains. Mais essayez de vous servir de nous, et vous le paierez, comme les Taremiens ! » lança-t-il, défiant.
La Unas le fixa quelques instants, puis éclata d'un grand rire caverneux.
« Nous aussi, on mange des humains ! Ils sont très bons ! Pourquoi on essaierait de se servir de vous comme ça ? » ricana-t-elle, dans une hilarité générale.
« Parce que c'est ce qu'essaient de faire beaucoup de gens. Nous utiliser pour faire peur à leurs ennemis .» expliqua-t-il, un peu décontenancé par leur réaction, observant avec une certaine horreur les os indéniablement humains et tout aussi indéniablement cuits et rongés que les Unas spectateurs jetaient à leurs pieds en guise d'illustration.
Laban, qui n'avait pas osé bouger, semblait à présent parfaitement terrorisé.
« Comment vous mangez en étant amis avec des humains ? Si vous mourez de faim, ça veut dire que vous pouvez pas manger autre chose.» demanda Kian'kul, subitement redevenue sérieuse.
Il déglutit. La reptile était aussi perceptive que bien des reines, et sans être télépathe !
« Normalement, ils meurent mais les Ouman'shii ont trouvé une... méthode. Les humains qui vivent avec nous nous nourrissent. En échange, on les protège, on leur donne notre force, notre savoir, et parfois notre vie. »
« Vous mangez quoi qui ne les tue pas? » demanda le lancier, visiblement intéressé.
« Leur énergie vitale. On ne se nourrit de rien de solide.» expliqua-t-il, tendant sa paume, exposant le schiitar, qu'il ouvrit doucement.
Les Unas spectateurs, curieux, se penchèrent, avant de se reculer avec quelques sifflements méfiants.
Kian'kul se leva, et vint s'accroupir à côté de lui, prenant doucement sa main pour l'examiner, très prudente.
« C'est comme une mâchoire d'Onac. Mais sans trou au fond. Il n'y a que les humains ? » demanda-t-elle, le fixant avec insistance.
Il hésita un instant à mentir.
« Non. Les Unas aussi. »
Elle eut un étrange rictus, et se releva, lui tournant le dos pour s'occuper des brochettes.
« C'est injuste. Vous savez que vous pouvez nous manger, on ne sait pas si on peut vous manger » nota-t-elle sur un ton étonnamment plat.
Ninaï'kan gloussa.
« Vous voulez tester ? » demanda-t-il, tendant son avant-bras dont il avait roulé la manche.
Mais qu'est-ce qui lui prenait ?!
Kian'kul semblait tout aussi perplexe.
Le guerrier tendit encore son bras, en une invitation déterminée.
« J'ai vidé un Unas. Je voulais savoir quel goût a votre race. Il était bon. Solide, fort, bestial. Vous avez le droit de savoir. Je vous en donne un morceau. Ça repoussera. » expliqua-t-il.
Kian'kul échangea un regard avec le lancier, puis s'approcha du guerrier wraith.
« Tu me donnes ta chair pour que je la mange ? »
« Oui. Vous avez raison, c'est injuste. On sait qu'on peut se nourrir de vous, vous ne savez pas si vous pouvez vous nourrir de nous. »
« Et si tu es poison ? »
Ninaï'kan eut un grondement interrogatif.
« On le saura bien assez tôt. »
La Unas opina avec un sifflement appréciateur, puis d'un lent geste solennel, elle sortit son couteau d'obsidienne, dont elle appliqua délicatement la lame sur le gras du bras du guerrier – qui ne broncha pas. Sans le quitter des yeux, elle enfonça doucement le tranchant, faisant perler du sang vert qui coula, tachant la roche à ses pieds.
Ninaï'kan ne bougea pas d'un cil. La lame continua à s'enfoncer comme dans du beurre. Elle arrêta le geste un centimètre à peine plus loin, fixant avec fascination la chair qui avait déjà commencé à cicatriser.
« Tu n'as pas menti. Tu guériras. » approuva-t-elle, avant de retirer d'un geste vif qui fit tout de même frémir le guerrier une longue bande de bien trois doigts de large sur un d'épais.
Le lambeau de chair à la main, elle recula, venant l'observer avec attention dans la lueur du brasero.
Ninaï'kan ramena son bras contre lui avec un soupir, tâchant de le garrotter le temps que ça arrête de saigner.
«Ça va ? » s'enquit télépathiquement Tom.
« Oui, mon capitaine. »
« Qu'est-ce qui vous a pris ?!»
« Je me suis dit que comme ça, ils ne pourraient rien nous reprocher... »
Sans doute, mais ce n'était pas une raison pour en arriver là ! Ravalant sa remarque, il préféra se concentrer sur la reptile qui, son examen fini, lécha ses doigts verdis de sang avec toute la prudence d'un chasseur qui goûte une proie inconnue.
Visiblement satisfaite, elle détacha un minuscule bout de viande et le goûta, avec la même précaution. Après quelques instants, et avec un grondement d'approbation, elle en coupa un morceau plus grand, mâchant avec soin.
Les lèvres tachées de vert, elle se retourna vers Ninaï'kan.
« Tu es bon, wraith. Tu goûtes comme les Tassiers des montagnes quand ils se battent au début de l'hiver. Il a dit que vous étiez les maîtres de votre galaxie. Il n'a pas menti. Tu as le goût d'un prédateur féroce et sans pitié. »
Ninaï'kan inclina la tête, acceptant le compliment le plus étrange que Tom ait jamais entendu.
Se retournant, Kian'kul coupa le reste du morceau de chair en petits bouts, qu'elle distribua, d'abord au lancier, puis aux autres Unas, Morgal, Get'ash et Arak compris.
Chacun en prit un bout et le dégusta solennellement.
Enfin, elle se tourna vers Laban, qui avait profité de la diversion pour venir se rasseoir à la gauche de Tom.
« Humains, ces wraiths mangent tes semblables. Tu les as déjà mangés ? »
« Hein ?! Non, jamais ! »
« Tiens, prends ! » ordonna-t-elle, lui tendant le dernier morceau de chair verte.
« Non ! Je ne vais pas... »
« Tu dis être leur égal ! Ils se nourrissent de toi. Ils prennent ta Cha et la font leur. Prends. C'est wraith Cha ! Un vrai échange. Un vrai partage. Prends ! »
D'un geste et d'un grondement, Ninaï'kan l'encouragea. Tom ne dit rien, incapable de savoir comment réagir face au surréalisme de la scène. Il ne pouvait qu'imaginer comment il se sentirait à la place du pauvre soldat.
Avec une répugnance visible, Laban goba le minuscule bout de viande et l'avala tout rond, ce qui sembla ravir Kian'kul qui, à la grande horreur de l'homme, dégaina à nouveau son couteau pour détacher de son propre bras un petit morceau de chair.
« Unas Cha ! Comme ça, on est tous égaux ! » conclut-t-elle, lui présentant le morceau de viande sanguinolent.
Au bord de l'évanouissement, Laban se dépêcha de le gober puis, un peu gris, se concentra juste pour ne pas vomir.
Tom, pris de pitié, s'empressa de clore la parenthèse, en faisant remarquer que les brochettes commençaient à noircir.
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Après être revenu de leur opération de sauvetage, quand l'adrénaline s'était dissipée, Zen'kan s'était senti vidé. Il s'était effondré sur sa couchette et avait dormi comme une bûche. Quand il s'était réveillé, ils étaient en orbite basse d'une planète inconnue, et Liu lui avait expliqué que son frère était parti avec certains des Unas sur un monde inconnu, pour rencontrer un groupe de reptiles qui pourraient peut-être les aider pour les autres.
Il avait ensuite dû se frayer un chemin entre les Unas entassés dans le réfectoire pour aller se chercher à manger.
Il était en train de terminer sa troisième assiette de ragoût quand Liam'kan le rejoignit.
« Le capitaine en second m'a dit que hier, ta conduite a été exemplaire.» nota-t-il en s'asseyant en face de lui.
« J'ai juste ouvert des portes. J'me suis même pas battu. »
« Exact. Tu as obéi aux ordres. Malgré ton instinct qui te hurlait de combattre, tu n'as pas abandonné ton poste. Pour des guerriers comme nous, c'est ça le plus dur. Rester en arrière, et ne pas se battre, si tels sont les ordres. »
Zen'kan, guère convaincu, se contenta de pousser un grondement neutre.
Liam'kan se releva.
« Finis de manger, et va te changer. Je t'attendrai en salle d'entraînement. »
Zen s'était exécuté, en prenant son temps, chaque seconde précieuse pour digérer un peu plus de son copieux repas.
A son arrivée dans la pièce dédiée, il eut la surprise de la trouver, pour une fois, bondée. Et pour cause : plusieurs des Unas libérés étaient de toute évidence de farouches combattants, et dans une rivalité amicale toute guerrière, ils affrontaient avec enthousiasme les soldats du bord – essentiellement les wraiths, mais aussi certains des humains les plus courageux. Parmi lesquels Daren, le chef de la sécurité, qui à force de se vanter (et de prouver) être capable de se battre à mains nues contre des wraiths, avait bien été obligé de tester ses capacités contre des Unas.
Avisant Liam'kan dans un coin de la salle, occupé à s'entraîner en solo à des passes de dague, Zen'kan partit le rejoindre.
« Je suis là. »
Le guerrier l'ignora jusqu'à avoir terminé ses enchaînements.
« Va t'échauffer. Quand ils ont fini, tu montes sur le ring. »
« Pardon ? »
« Le prochain combat, c'est toi. Donc ne traînes pas et vas t'échauffer. »
Un instant, Zen'kan fut tenté d'objecter, puis il se laissa porter par la perspective du défi, et obéit sans tarder.
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Les mains dans les poches, Liu observait le spectacle. Jiu, se mâchouillant nerveusement un ongle à côté d'elle, grinça, rentrant instinctivement la tête dans les épaules alors que Zen'kan encaissait un coup de pied brutal d'un des mineurs Unas.
« Tom va être furieux quand il va le découvrir. » nota son cadet.
Elle opina.
« Ooooh que oui. »
« On devrait les arrêter, non ? »
« Nan. Regarde-les, ils s'amusent comme des petits fous. »
« C'est quand même des sacrées patates qu'il se prend là. C'est encore qu'un gosse. »
« Mais non... Il est solide, le petit teigneux. »
« Justement, c'est un Giacometti ET un fils de Silla. Il va pas s'arrêter tout seul. Et il ne régénère pas encore, lui... » nota Jiu, murmurant d'un ton pressant.
C'est qu'il avait raison le con ! Avec Tom, elle s'était habituée à ce que ce ne soit pas grave. Il finissait toujours pas guérir. Si son petit frère mourait d'une hémorragie cérébrale en son absence et sous leur responsabilité en plus, hystar ou pas, il ne le leur pardonnerait pas.
« Chier ! T'as raison! » siffla-t-elle, se redressant pour s'avancer. « Stop ! Stop ! Ça suffit ! On arrête ! Stop ! » beugla-t-elle, son autorité de quartier-maître la dispensant de devoir en venir aux mains pour séparer les belligérants. « Le spectacle est fini ! Je suis sûre que vous avez tous mieux à faire que de rester là, alors dehors ! » gesticula-t-elle, faisant se vider substantiellement la pièce.
D'un regard noir, elle nota les noms des guerriers de l'Utopia qui eurent le culot de ne même pas attendre d'être hors de vue pour inviter des Unas à poursuivre dans les cales.
Le calme revenu, et son frère occupé à sortir les derniers curieux, elle se tourna vers Liam'kan de Silla, occupé à essuyer le sang qui coulait de l'arcade sourcilière de Zen'kan.
« Dites donc, vous ? Je dois vous retirer du service actif et vous mettre dans un caisson de stase jusqu'à notre retour dans Pégase ?! »
« N... non, quartier-maître. » bafouilla-t-il, en se redressant.
« Alors pourquoi vous vous comportez comme si vous étiez suicidaire ?! »
Le guerrier cligna des yeux, perplexe.
« Je m'excuse, madame, je ne comprends pas. »
« Vous êtes censé continuer à former Zen'kan pendant son séjour parmi nous et l'aider à canaliser ses pulsions, pas chercher la moindre occasion de le faire crever bêtement ! »
« Ce n'est pas le but, quartier-maître. »
« Ah bon ? Alors vous m'expliquez pourquoi, alors qu'il est évident qu'il ne connaît pas ses limites... »
« Hé ! » s'outra le jeune wraith.
« Toi, tu te tais ! » siffla-t-elle avec un geste furieux avant de se retourner vers Liam'kan, qui ne bronchait pas davantage. « Je disais donc : alors qu'il est évident qu'il ne connaît pas ses limites, pourquoi vous ne l'arrêtez pas quand il les atteint ? Ou alors, encore mieux, pourquoi ne pas lui apprendre à connaître ses limites avant de le laisser faire ce genre de chose ? »
Le guerrier eut un sifflement mauvais.
« Il n'y a qu'en les atteignant qu'il pourra connaître ses limites. Et il vaut mille fois mieux pour lui les atteindre ici dans un milieu contrôlé et sécurisé que plus tard, sur un champ de bataille. »
« J'entends bien. Mais c'est encore une larve... »
« Hé ! »
Cette fois, elle l'ignora complètement.
« ...Il n'a par définition pas encore développé tout son potentiel. Donc ses limites actuelles ne sont pas définitives. Donc inutile de les atteindre. Et particulièrement quand le capitaine n'est pas à bord pour donner sa bénédiction à ce genre d'initiative. Me suis-je bien faite comprendre ? »
Liam'kan ne semblait pas ravi, mais il inclina la tête.
« Oui, madame. »
« Bien. Maintenant, emmenez-le à l'infirmerie. C'est pas avec un linge qu'on soigne une estafilade pareille, c'est avec des points de suture. »
« A vos ordres. »
