Diri-Chan : ça s'améliore lentement, mais sûrement :D


Drago n'avait pour ainsi dire pas dormi de la nuit.

La veille au soir, il était quasiment parvenu à finir son assiette, et s'était même autorisé à manger une pomme en dessert. La conversation avec Potter s'était éternisée devant une tasse de tisane dans le petit salon, et Drago avait passé, tout compte fait, une excellente soirée.

Potter avait jeté un œil à sa liste de fournitures, avait râlé devant sa modestie, mais n'avait pas insisté trop lourdement pour y ajouter quoi que ce soit. Il avait en revanche invité Drago à choisir un ou deux livres dans sa bibliothèque personnelle, et lui avait promis de le laisser sélectionner quelques ouvrages dans le catalogue de Fleury et Bott à se faire livrer.

Drago avait rougi de honte en sélectionnant, par curiosité morbide, l'un des romans policiers moldus qu'il avait déjà feuilleté. Il s'était attendu à ce que Potter se moque de lui ou vanne cet intérêt malsain, mais il n'avait pas du tout réagi.

Alors que le château était plongé dans le sommeil, il l'avait raccompagné à sa cellule, l'avait enfermé, puis s'était accroché à la grille comme s'il espérait un nouveau baiser sans oser le réclamer.

Drago avait franchement hésité à accorder cette attention au Directeur, mais il avait fini par lui tourner le dos, se dévêtir en silence, et se glisser dans son lit sans un mot.

Dès que Potter avait disparu, les ennuis avaient commencé : Son estomac s'était violemment rebellé, et il avait eu bien du mal, dans le noir complet, à accéder aux toilettes pour vomir proprement. Il avait noté, mentalement, de rajouter une bougie ou une lampe à la liste de ses souhaits, puis avait vomi de nouveau, visant du mieux qu'il le pouvait, mais ruinant la propreté de sa cellule. Après quoi, chaque geste lui avait fait poser la main ou le pied dans des matières répugnantes et de plus en plus froides. Dégouté et affligé, il s'était roulé en boule contre le mur pour ne plus toucher à rien jusqu'à ce que vienne le matin qui lui permettrait de nettoyer les dégâts de la nuit.

Quand les torches s'étaient embrasées d'un coup, il avait pu constater l'ampleur de la catastrophe, et avait passé une heure à récurer les toilettes, le sol, et même le mur contre lequel il s'était abrité. Il avait à peine eu le temps de se rafraîchir lui-même avant que le pourtour de la porte de sa cellule ne s'illumine, lui indiquant ainsi le moment de se mettre au travail.

Il hésita longtemps devant les portes de métal blanc des cuisines : La veille, il avait pu éviter Ackerley. Peut-être le type ne s'était pas préparé à revoir Drago aujourd'hui. Peut-être avait-il une chance de lui échapper à nouveau aujourd'hui.

Ou peut-être se trouvait-il juste derrière le battant, l'attendant avec sa main brulée et Macnair sur ses talons. Si Macnair était présent, Drago survivrait à la rencontre, mais au prix d'une nouvelle portion de sa santé mentale…

Drago pouvait encore temporiser les choses. Il était presque sûr que s'il était en retard devant les appartements du Directeur, Potter viendrait s'enquérir de la situation. Il pouvait prétendre s'être senti mal et avoir raté l'ouverture des cuisines. Potter ne le punirait pas.

A l'instant où il allait poser sa main sur la barre de fer rouge, celle-ci vibra et la porte s'ouvrit. Drago fit un pas de côté pour laisser passer la ribambelle de chariots magiques, et observa furtivement l'intérieur des cuisines. Au début, il ne put que sentir une puissante odeur de ragout et voir à travers les vapeurs et les fumées quelques cuisiniers vaquer à leurs obligations.

Il repéra bientôt la haute silhouette d'Ackerley qui lui tournait le dos. L'homme était à une quinzaine de mètres de lui, et son chemin était encombré par des plans de travail, des marmites, des monceaux de vaisselle propre ou sale… Le chariot d'entretien de Drago n'était qu'à dix mètres en ligne droite.

Ou plutôt, il aurait dû l'être. Le mur contre lequel son matériel d'entretien l'attendait habituellement était vide. Les yeux de Drago fouillèrent l'espace désespérément, mais ne trouvèrent aucune trace de l'objet.

Il croisa en revanche le regard de Rosier qui lui sourit d'un air énigmatique. Drago désigna silencieusement le mur vide, puis mima la perplexité à ce « camarade » improvisé qui se contenta de lui adresser un clin d'œil. Drago arrondit ses lèvres autours d'un « où ? » silencieux.

Rosier ricana et leva la tête. « Ackerley ! s'écria-t-il. La petite Souris s'inquiète de ne pas trouver ses affaires ! »

Drago étouffa un juron et recula à l'abris du couloir. Une bordée d'insultes et de menaces sortit des cuisines, mais Ackerley ne se déplaça pas jusqu'aux portes : Il se contenta d'hurler tout ce que Drago méritait de subir à son humble avis, faisant éclater de rire Rosier qui vint, comme la veille, apporter son chariot et ses affaires à Drago.

« J'aurais de l'argent la semaine prochaine, marmonna le jeune homme à son ainé en posant ses mains sur les poignées du meuble. Dis-lui que je lui donnerai tout.

– Je ne pense pas qu'il en ait après ton fric… »

Drago tira le chariot vers lui mais, comme la veille, Rosier s'amusa à le retenir.

« Pourquoi à moi, tu ne proposes pas d'argent ?

– Je t'en prie, Rosier…

– J'ai l'impression qu'on a plus à gagner à être ton ennemi que ton ami. »

Drago ferma les yeux, un nouveau mal de tête commençant à poindre.

« Qu'est-ce que tu veux ?

– Fais-moi un joli dessin.

– Quoi ? »

Drago sentit l'ahurissement se mêler à la consternation. La place de cet homme était clairement à Sainte Mangouste, pas à Azkaban. Il vit les mains de Rosier quitter le chariot, et le détenu disparut sur un dernier clin d'œil.

Drago resta abasourdi quelques secondes avant de faire faire demi-tour à son chariot et de rattraper la petite troupe brinquebalante dans le monte-charge.

Une part de lui était désormais persuadée de la folie de l'individu. C'était un malade, un déséquilibré. L'homme avait les capacité mentales et affectives d'un enfant, et Drago était un monstre de profiter de sa faiblesse.

Une autre part de lui, celle qui lui avait permis de survivre jusqu'ici refusait d'y croire : L'homme était parvenu à intégrer l'équipe de cuisiniers, malgré une compétition relativement acharnée dans la prison, car le poste était payé, bien que chichement. L'entente avec ses co-équipiers semblait bonne, quand n'importe qui aurait pu facilement profiter de sa candeur, si celle-ci avait été réelle. Ses sous-entendus et ses menaces à peine voilées étaient dites avec un ton qui laissait peu de place au doute. Il avait dissimulé le chariot de Drago pour le forcer à demander son aide : C'était lui et non Ackerley qui avait attendu son passage derrière la porte. Enfin, l'homme était un Sang-Pur, et la débilité et le délire ne touchait pas les gens comme eux, n'est-ce pas ?

N'est-ce pas ?

Une image de sa tante, avec ses yeux exorbités et ses sourires hystériques quand elle était partagée entre le plaisir et la rage d'enseigner la legilimancie et l'occlumancie à Drago lui revint en mémoire. Oh, oui, la femme avait été folle. Mais c'était Azakaban et les Détraqueurs qui lui avaient fait perdre la raison.

N'est-ce pas ?

Combien de temps fallait-il passer à Azkaban pour perdre la tête ? Depuis combien de temps Drago avait-il dépassé cette limite fatidique ?

Un chariot fit tinter sa clochette d'or pour exprimer son soutien.

Les portes du monte-charge s'ouvrirent et quatre chariots en descendirent, suivis par Drago, qui se figea soudain.

Quatre chariots ?

Le premier s'arrêta devant la porte de Runcorn. Le second devant celle de Mullan. Les deux derniers allèrent jusqu'à la porte du Directeur. Une ou deux secondes passèrent, et les quatre clochettes sonnèrent en même temps.

Drago avança doucement, décrivit un large arc de cercle autour des deux dessertes, et s'accroupit en constatant que l'une d'elle semblait plus vieille et moins entretenue que toutes les autres. Il sourit en remarquant la poussière dans les angles, les traces de rouille au niveau des roues et des charnières, le bois sec et mal entretenu. Ce chariot était le sien. Il tendit la main et caressa un pied avec légèreté. Évidemment, le meuble n'eut aucune réaction, mais Drago sentit son sourire s'élargir, comme s'il venait de recevoir le plus adorable des bébés hiboux.

Il ouvrit de lui-même la porte – il ne l'avait jamais fait alors que le propriétaire des lieux était présent – et observa les meubles comme un parent voyant pour la première fois marcher sa progéniture : les deux chariots se dirigèrent vers la table, où il se cognèrent légèrement l'un contre l'autre dans leur volonté de prendre la place officielle.

Quand il releva la tête, il vit Potter, occupé à boutonner sa chemise.

« Quand je vois comment tu regardes cette chose, annonça-t-il, je regrette de ne pas avoir de petites roues. »

Drago éclata joyeusement de rire et mit la table : Il s'occupa d'abord du plateau du Directeur, puis il souleva avec curiosité la première des trois cloches d'argent qui ornaient son chariot. Sans surprise, il découvrit un petit déjeuner continental : Le même que celui de Potter, à l'exception du mug de café, remplacé pour lui par un thé noir. Il se saisit de la tasse et en huma le contenu.

« Ouais, s'empressa d'expliquer Potter, tu es plutôt du genre eau chaude, toi, non ?

– En effet.

– Par contre, c'est le thé premier prix de la salle des gardes et… » Il s'interrompit en voyant Drago avaler une gorgée et grimacer. « Il est dégueulasse, hein ?

– Un peu… »

Les deux hommes se sourirent.

« Alors, demanda Drago en s'asseyant et en promenant sa cuillère dans son bol de porridge, quel est le programme de la journée ?

– J'ai une réunion à 9h, annonça Potter en s'installant à son tour, ça devrait me prendre une heure ou deux. Ensuite, j'aurais des CV et des lettres de motiv' à te faire trier. Mais la priorité reste sur les financements. Tu penses pouvoir finir ça aujourd'hui ?

– Si tu me trouves les chiffres que je t'ai demandé la dernière fois, oui. »

Ils discutèrent tranquillement du travail en petit-déjeunant. Drago n'avait pas complètement oublié Rosier, Ackerley, Macnair, son père et tous les autres, mais il se savait à l'abri dans cette pièce et aux côtés de cet homme, même si un sentiment de crainte à son propos l'habitait toujours. Trois jours avaient passé depuis qu'il avait gagné sa parole d'échecs. Trois jours pendant lesquels Potter s'était conduit de façon remarquablement supportable. Pendant quatre jours encore, il pouvait se sentir a l'aise en ces lieux.

Potter mangeait peu le matin : Le café semblait avoir une place prépondérante dans son régime alimentaire, et le toast qu'il avalait parfois semblait davantage une gourmandise qu'un réel repas. Pourtant, ce matin-là, il avala presque l'intégralité de son plateau. Quand il eut fini, il se mit à jouer machinalement avec un bout de pain, en le faisant léviter pour l'attraper au vol, comme un vif d'or un peu mollasson. Le sujet de conversation avait de nouveau dévié sur les travaux et les taxes nationales et internationales.

« Le TAMAR est calculé en fonction des revenus du Sorcier ou de l'entreprise, expliquait patiemment Drago, mais Azkaban n'est pas une entreprise : Elle n'a pas pour vocation à être rentable. C'est pour ça que le ministère devra décider du forfait en prenant en compte les dépenses qui… »

Potter venait d'attraper son bout de pain et son regard évoquait l'intelligence d'un scroutt à pétard. Drago arrêta doucement son monologue : Il était hors de question qu'il parle dans le vide comme le faisait Granger.

L'Attrapeur sembla se réveiller au bout de quelques secondes de silence : Il se secoua, leva la tête, et sourit franchement à Drago :

« Super ! s'exclama-t-il. Donc, en gros, rien à payer de ce côté-là. Tant mieux. Tu ne manges pas plus ? »

Il avait apparemment écouté quelques mots, mais n'avait absolument rien compris. Il était cependant inutile d'insister sur la théorie tant que Drago n'aurait pas de chiffres pratiques à lui mettre sous les yeux. Il prendrait de lui-même le soin de contacter le secrétariat du Ministre.

« Je pense que la taille de mon estomac s'est réduite, répondit Drago en jugeant la quantité de porridge agrémenté de confiture qu'il était tout de même parvenu à avaler.

– Je suis vraiment désolé… » marmonna Potter avec un regard fuyant, sincèrement honteux.

Drago sourit tranquillement et se leva pour débarrasser la table. Il jeta un œil sous les deux autres cloches d'argent de son chariot et découvrit deux portions de la quiche au thon de la veille.

« Pour le moment, j'ai pas pu faire mieux, se plaignit Potter alors que Drago n'avait pas dit un mot. C'est le même menu qu'hier soir, parce qu'à cette heure-là, les cuisiniers ont pas encore commencé le repas du midi, mais… Enfin, à l'avenir, surement que tu pourras venir chercher un plateau chaud dans la salle des gardes, mais… Et je vais trafiquer le sortilège de ta cellule pour que tu aies un repas chaud au soir, seulement…

– C'est parfait, Potter » le rassura Drago en posant les assiettes sur la table. Il préférait largement manger le même menu deux fois par jour plutôt que de devoir pénétrer l'antre des Surveillants. En outre, la cuisine du Directeur lui permettrait largement de faire réchauffer son repas si cela s'avérait absolument nécessaire.

« Je sais bien que ça n'a rien de parfait » râla le Sorcier en se levant et en des dirigeant vers la salle de bain.

Drago le regarda partir en hésitant. Il n'aimait pas l'idée de devoir rassurer Potter sur ses faibles progrès, mais il voulait pas non plus que celui-ci ressasse ses échecs ad vitam aeternam

Finalement, il le rejoignit devant la salle de bain, ou il s'appuya de biais contre l'encadrement de la porte en attendant poliment que Potter finisse de se laver les dents et en l'observant, il s'interrogea sur l'endroit adéquat pour entreposer sa future brosse-à-dents : Sa cellule lui permettrait de se rafraichir l'haleine au réveil et de se coucher parfaitement propre, mais s'il lui fallait prendre deux repas sur trois dans les appartements directoriaux, alors il semblait plus logique de la laisser ici…

Potter cracha dans le lavabo, se rinça la bouche et s'essuya en le regardant à son tour.

« C'est la deuxième fois que tu me mates comme ça, Malfoy… Je vais finir par me faire des idées, menaça-t-il en s'approchant.

– Et bien je t'avais assuré être capable de rapidement te faire oublier le dégoût que tu m'inspirais », rétorqua Drago avec un sourire sarcastique.

La joie quitta immédiatement le visage de Potter qui rangea sa serviette en se détournant.

« Désolé, Potter, je plaisantais », se reprit aussitôt Drago en se souvenant être venu pour le rassurer. « Potter ! » l'appela-t-il alors que l'homme le contournait. Il lui attrapa un pan de robe quand il passa devant lui. « Potter, ce n'est certainement pas toi qui vas me reprocher une plaisanterie de mauvais goût. »

Potter s'arrêta, soupira et se retourna. « Je me suis excusé, rappela-t-il.

– Moi aussi, je viens de m'excuser », murmura poliment Drago. Il le fixa dans les yeux et reprit : « Les repas sont très bien, et tu ne me dégoûtes pas. Il n'y a que le sexe qui me dérange. Et encore… »

Drago haussa les épaules pour montrer à quel point ce sujet le touchait peu, au final.

Potter ne semblait pas convaincu. Drago fit ce qu'il savait faire : Il baissa pudiquement les yeux et attira vers lui le pan de tissu qu'il avait agrippé. Potter se rapprocha jusqu'à ce que leurs corps se frôlent presque. Il sentit l'haleine mentholée, redressa la tête, et planta son regard dans les yeux verts protégés par le verre des lunettes. Lui n'avait droit à aucune protection, mais il en avait l'habitude.

Il approcha son visage d'un centimètre pour encourager un baiser.

Potter sourit et s'approcha également. Puis attendit. Leurs nez se touchaient. Leurs lèvres pas tout à fait.

Drago soupira, ferma les yeux, et l'espace entre eux disparut.


Mooh, Potter est devenu si gentil que si l'histoire avait commencé maintenant, j'aurais presque pu remplacer la mention "angst" par "comfort"... Comment ça, ça ne va pas durer ?