Diri-Chan : croisons les doigts alors :D
Guest mystérieux : toujours un plaisir de suivre ton avancement :D
Cela ne faisait que cinq semaines que Drago avait quitté le corridor 3…
Tout avait changé entre temps…
Rien n'avait changé entre temps.
Cette odeur de musc, cette lourdeur dans l'air… Elles étaient toujours les mêmes. Drago avait simplement oublié… Il les sentait à travers même la porte du sas menant au corridor 3.
Potter lui avait dit d'attendre, qu'il avait besoin de se concentrer pour ne pas que sa magie lui échappe complètement dans cet environnement inhospitalier…
Alors Drago attendait, en sentant la panique monter et sa résolution faiblir. Quelques semaines plus tôt, il aurait soupçonné Potter de lui tendre un piège, de tester sa patience et ses limites. Aujourd'hui, il lui faisait confiance. C'était difficile à admettre. Il lui faisait confiance, mais il fallait le quitter. Ils n'étaient simplement pas dans le même camp : La guerre n'avait jamais fini.
Il observait son visage baissé, de profil, ses yeux légèrement fermés, ses lèvres qui bougeaient sans prononcer un mot. Le menton, le sourcil. Il reconnut l'expression décidée qu'il avait affichée face à Shacklebolt. Le rôle de Harry Potter, Celui-qui-a-Vaincu.
Le menton, le sourcil, les lèvres charnues et souples, la pommette haute, les cils noirs, les cheveux qui lui tombaient devant le visage, le cou sculpté avec les muscles mastoïdiens bien définis et la légère pomme d'Adam… Il avait oublié le corridor 3, mais il ne voulait pas oublier Harry Potter. Ou Potter. Ou Harry. Qui que fut l'individu qu'il avait connu.
Il oublierait son lit, il oublierait sa souche, il oublierait les albatros et les bocaux de confiture. Mais il n'oublierait pas l'homme.
Johnson les avait rejoints après quelques minutes de silence. Drago ne lui avait pas accordé un regard, et lui ne lui avait pas adressé un mot. Tous deux attendaient que Harry Potter soit prêt.
Celui-ci poussa finalement un soupir, puis releva la tête.
Il salua le jeune Surveillant Brigadier sans s'étonner de sa présence.
« Est-ce que les plans ont changé, Monsieur le Directeur ? Avidan m'a prévenu que vous étiez là…
– Oui… avoua Potter d'un air fatigué. Pour être honnête, je ne sais pas trop quel est le nouveau plan… »
Johnson haussa les sourcils mais ne fit pas de commentaire. Une pointe d'admiration éclaira même ses grands yeux bleus.
« Est-ce que je dois vous accompagner, ou… ? »
Potter soupira, regarda Drago un instant, puis se détourna aussitôt.
« Oui. Oui… répondit-il. C'est… Oui. » Puis, après un silence : « Allons-y. »
Les portes s'ouvrirent sans qu'un geste n'ait été effectué ni un mot prononcé, et Potter avança, Drago et Johnson sur ses talons. Sa cape flottait élégamment dans son dos, ses chaussures claquaient sur le sol à un rythme tonique et décidé…
Le corridor 3 avait changé : il était peut-être déjà trop tard. La belle discipline que Lucius Malfoy et William Waren étaient parvenus à instaurer avait déjà volé en éclat : Aucun détenu ne se comportait comme son voisin.
Certains étaient restés fidèles à son père et criaient, sur leur passage, l'identité des visiteurs. Certains les observaient passer en plissant les yeux, suspicieux. Certains se jetaient sur le sol, comme pour supplier ou leur tournaient le dos et se protégeaient les oreilles, comme pour échapper à un quelconque maléfice… Enfin, certains les insultaient, et voulurent leur jeter des pierres ou divers objets.
Aussitôt, Drago sentit un Protego puissant évoluer à leurs côtés. Il sentit aussi la température de Potter l'envelopper : Cette chaleur étrange, réconfortante et inhumaine qui l'avait à plusieurs reprises poussé dans ses bras comme un drogué en manque.
On le reconnut. Certains s'esclaffèrent, heureux du retour de leur victime préférée.
Bien. Tout n'était pas perdu.
Potter effectua un geste du bras, et la porte de la cellule Malfoy s'ouvrit avec fracas largement avant qu'ils ne l'aient atteinte. Il y pénétra sans accorder un regard à Drago qui entendit donc la voix de son père avant de le voir :
« Monsieur Potter. Je ne m'attendais pas à ce que vous reveniez aussi rapidement vers moi. Avez-vous été déçu par… »
Drago entra à son tour, et l'expression de Lucius Malfoy se figea sur un air d'épouvante. On aurait dit qu'il n'avait jamais rien vu d'aussi horrible et répugnant que la créature qui venait d'apparaître sous ses yeux.
Il était seul, debout au milieu de la cellule, le dos droit, les mains élégamment croisées dans le dos, sa robe de prisonnier aussi cintrée et en bon état que si elle avait été réalisée sur mesure le matin même, ses superbes cheveux d'or blanc peignés en arrière… Son beau visage déformé par une expression de dégout halluciné en voyant à nouveau son fils unique.
Drago avala sa salive mais fut incapable de parler.
Johnson se faufila dans son dos et rejoignit Potter dans un angle de la cellule.
Drago s'aperçut alors que ce dernier s'était installé dans l'imposant fauteuil Bergère de son père, comme s'il était chez lui, comme si c'était une habitude entre eux. Sa tête était légèrement inclinée vers l'arrière, lui permettant, même s'il se trouvait dans une position inférieure, d'observer les prisonniers de haut… Il n'accorda cependant pas un regard au fils, fixant le père avec une expression de répulsion à peine moins forte.
Le silence s'éternisa un peu trop longtemps, alors Drago se força à prendre la parole :
« Père… » Il y avait la peur, la faiblesse, la mâchoire enflée et abimée, et le doute sur son droit à parler, alors sa voix fut basse et rauque. On aurait dit un croassement.
La lèvre supérieure de Lucius Malfoy tressauta, puis il reprit ses esprits et tourna à nouveau son visage vers l'homme dans son fauteuil :
« Monsieur Potter. Que signifie… ? »
Le silence, à nouveau.
L'expression de Potter se creusa. La haine et la répugnance se firent plus fortes, et Drago douta soudain qu'il fut capable de maîtriser sa magie à nouveau. Mais le Survivant fit craquer son cou, lâcha un soupir, puis reprit une attitude plus maîtrisée.
Enfin, il parla :
« Monsieur Malfoy. Pensez-vous que nous puissions être honnêtes l'un envers l'autre ? »
Les regards du père et du fils se croisèrent à nouveau un instant, chacun semblant penser que l'autre était l'interlocuteur désigné par cette appellation beaucoup trop respectueuse. Lucius ne s'attardât pas plus d'une demi-seconde sur le visage de son fils, et refit face à l'homme assis aussitôt.
« J'ose espérer, Monsieur Potter, que vous n'en doutez pas réellement ?
– Me croirez-vous, alors, si je vous annonce que notre sort à tous dépend de cette conversation ? Le vôtre. Le mien. Celui de votre fils, ici présent. Celui de Monsieur Johnson. Celui de vos camarades et de l'ensemble des détenus de ce corridor et de cette prison ? »
L'aristocrate plissa ses yeux glacés, et son corps eut un infime mouvement de recul. Drago, qui connaissait chaque micro attitude de son père par cœur devina qu'il aurait voulu s'asseoir, croiser ses longs doigts fins au-dessus de son bureau d'ivoire et s'autoriser l'attitude digne mais confortable du négociateur politique. Sa position d'aplomb ne lui permettait pas cette futilité.
Potter fit un geste de sa baguette, et un second fauteuil apparut aussitôt derrière le prisonnier. La réplique exacte de celui sur lequel il était assis. Un nouveau mouvement, et un Assurdiato fit taire les bruits autour d'eux.
Lucius hésita quelques secondes, puis s'assit avec élégance.
« Je vous écoute, Monsieur Potter.
– Je veux qu'il soit clair entre nous que cette occasion ne se reproduira pas. Votre fils a plaidé en votre faveur, et c'est la seule raison pour laquelle je reviens vers vous aujourd'hui. Si ça ne tenait qu'à moi, vous vous balanceriez au bout d'une corde. Vous n'êtes en vie que parce que j'ai jugé plus utile de consacrer ma vie aux droits des loups garous, des elfes, et des centaures plutôt qu'au rétablissement d'une peine de mort que je juge pourtant plus miséricordieuse que le baiser d'un Détraqueur. »
Drago eut un mouvement de recul. Si son père n'avait pas été présent, il aurait osé prendre la parole, mais ici, devant lui, ça aurait été de l'insolence. Les deux hommes remarquèrent pourtant son mouvement et le regardèrent quelques secondes. Il prit alors conscience d'avoir pris la place de son père en les surplombant tous deux. Il lui semblait pourtant n'avoir jamais été aussi près du sol.
« Monsieur Malfoy, reprit Potter. Pour la dernière fois, je vais, comme je l'ai fait hier, vous demander ce que vous désirez. Je vous écoute. »
Lucius Malfoy garda le silence un moment, digérant le discours belliqueux de son adversaire.
« Au nom des détenus du corridor, nous désirons…
– J'ai manqué de clarté, Monsieur Malfoy. Je vous demandais ce que vous, en tant qu'individu, vous désirez. »
Nouveau silence.
C'est moi que vous désirez, Père. Je vous apporterai tout le reste : L'argent, le pouvoir, l'amitié des autres détenus. Mon corps, mon âme, ma force. Tout ce que vous m'avez offert, tout ce que vous m'avez transmis, je serais capable de vous le rendre. Je regrette tant de vous avoir abandonné, et si j'avais su que mon absence pouvait vous causer le moindre tort, jamais je ne serais parti. J'aurais tout subi comme vous m'avez appris à subir, j'aurais obéi comme je vous ai toujours obéi. J'aurais accepté le moindre de vos ordres, la pire de vos punitions. Dites mon nom.
« Il doit être difficile pour un homme tel que vous de ne choisir qu'une seule chose, reprit Potter. Dites m'en trois, ou quatre, ou cinq. Autant que vous le désirez. Nous les examinerons une par une, et je vous préviendrai quand vous vous approcherez trop des limites de ma tolérance. Cette fois, je suis prêt à discuter de chacune de vos requêtes. »
Pourquoi hésitez-vous ?
Lucius Malfoy prit une longue inspiration.
« Vous vous êtes permis d'être honnête, Monsieur Potter, et je vais donc vous rendre la pareille. Vous êtes comme moi un homme de pouvoir. Vous n'ignorez pas qu'il s'agit là d'une habitude dont il est difficile de se défaire… Je ne désire qu'une chose, et c'est conserver ma place. »
Potter ferma les yeux et parut soulagé par cette réponse.
Ce n'est pas normal. Il vous tend un piège.
« Dîtes moi comment vous aider dans cette quête de pouvoir.
– Permettez-moi de vous assurer, dans un premier temps, que cette situation nous sera profitable à tous les deux.
– J'en doute, mais poursuivez.
– J'exige la rétrogradation de Monsieur Johnson, et son remplacement dans la semaine par le Surveillant Brigadier Lloyd.
– Lloyd m'a présenté sa démission ce matin. Proposez un autre nom. »
Drago vit Johnson afficher une expression blessée dans le dos de Potter, et cela le peina. Le pauvre n'avait obtenu son poste que parce que Drago avait dénoncé son rival. Il connaissait mal le Surveillant, ne lui avait quasiment jamais adressé la parole, et la plus grande proximité qu'ils avaient connue avait été la route qu'ils avaient parcourue ensemble le jour où Potter l'avait invité à prendre le thé. Malgré cela, le type lui avait toujours paru correct, ce qui en faisait une créature rare parmi les gardiens.
Drago se ressaisit. Les sentiments de Johnson importaient peu. Ce que révélait cette réplique de Potter, c'était surtout son honnêteté : Pas de refus net, pas de dissimulation, une négociation.
« Everglade, proposa Lucius.
– Le poste lui sera proposé, affirma Potter. Poursuivez.
– J'exige le retour de nos privilèges en ce qui concerne l'horaire des repas, ainsi qu'un accès aux douches trois fois par semaine.
– Je ne vois aucune raison de vous refuser l'accès au réfectoire à l'heure qui vous arrange le plus . En ce qui concerne les sanitaires, ce point sera laissé à la discrétion de votre Surveillant Brigadier. Autre chose ? »
Vous êtes trop gourmand. Réclamez-moi. Sa patience s'amenuise, il ne vous laissera pas demander beaucoup plus.
« J'exige que les détenus du corridor 3 qui le désirent puissent être embauchés sur le chantier de rénovation du château. J'exige que Macnair obtienne un poste de responsable des travaux où il assurera les échanges entre l'équipe des détenus ouvriers et vos maîtres d'œuvre. »
Potter hocha la tête.
« Possible. Une dernière requête, Monsieur Malfoy ?
– Père… » Il n'avait pas pu s'en empêcher.
Vous oubliez le plus important.
Lucius jeta à peine un coup d'œil à son fils.
« J'exige que Rockwood rejoigne l'équipe permanente des cuisines. »
Père…
Potter ferma les yeux.
Il avait gagné. Il ne semblait pas avoir gagné. Il semblait se débattre avec lui-même. Il semblait presque aussi déçu que Drago.
Il changea de position, posant ses coudes sur ses genoux écartés, et baissant la tête sur ses mains jointes en prière, puis reprit finalement la parole :
« Je vois que l'or va pleuvoir sur cette cellule, entre le travail de votre fils et celui de vos codétenus. Je suis d'humeur généreuse, Lucius. Voulez-vous une toute dernière chose de moi ? Voulez-vous le retour de votre fils ? Le voici. Je suis disposé à vous le rendre. Vous saviez que ce jour arriverait, et vous n'avez qu'un mot à dire. » Il ouvrit les yeux, et Drago s'alarma à nouveau de la taille minuscule de la pupille.
Lucius Malfoy laissa son regard errer sur Drago. Une nouvelle fois, le dégoût, la répugnance, étaient palpables. Le jeune homme se sentait un petit garçon sous cette étude forcée.
Pourquoi hésitez-vous ? Pourquoi ?
« Gardera-t-il son poste si j'accepte ?
– A votre convenance. »
POURQUOI ?
Le père et son fils se regardèrent longtemps. Drago tenta de lui faire comprendre, par son regard, par ses expressions, par son attitude, à quel point il désirait revenir à ses côtés. A quel point il regrettait son comportement, à quel point il serait prêt à tout pour lui…
« Ça ne sera pas nécessaire. »
Drago sentit son cœur se briser. Sa bouche béa, ses yeux s'arrondirent. POURQUOI ?
Il attendait.
Potter poussa un soupir puis se leva.
« Bien, nous en avons fini, je pense.
– Nous avions convenu d'être honnêtes, Monsieur Potter. Vous m'accordez beaucoup, n'avez-vous rien à me demander en échange ? En dehors, évidemment, du comportement exemplaire de mes hommes ?
– C'est inutile, Lucius. Je ne vous accorde rien. Les règles étaient les mêmes qu'hier : Soit tout, soit rien. Cette fois, c'est vous qui avez refusé l'essentiel. »
Je pense pas que cette nouvelle défaite de Drago soit une grosse surprise ^^
Mais je vous laisse réfléchir à pourquoi Lucius n'a pas demandé à récupérer son fiston, eu final...
Vous avouerez que Harry a été relativement insistant, pourtant :D
