La neige tombait doucement, ces flocons légers se déposant en un manteau silencieux sur la terre endormie. Le froid mordant imprégnait l'air, s'infiltrant jusque dans la chambre où elle se tenait, tandis qu'elle observait, à travers la fenêtre givrée, les enfants qui se pressaient vers l'école, joue rosies par le vent glacé. En tirant la fermeture de sa valise, elle sentit son cœur se serrer. Elle ne savait que trop bien ce qui l'attendait: Les couleurs de Poudlard à la place de celle de Durmstrang.

Mais ce qu'elle laissait derrière elle était plus précieux. Elle avait l'impression de se détacher d'une part d'elle-même.

Elle jeta un dernier coup d'œil à sa chambre, aux murs familiers et aux objets qu'elle allait abandonner, comme des fragments d'une vie passée. En descendant le grand escalier, chaque pas résonnait dans un silence, comme une note de plus dans le chant du départ.

Sa gorge se serra , un nœud de solitude grandissait en elle, compressant sa poitrine.

Lorsqu'elle entra dans le grand salon, Yéléna s'arrêta, observant sa mère, qui malgré son sourire de façade, laissé transparaître une tristesse presque palpable. Elle paraissait plus frêle, comme si chaque jour sans sourire lui volait un peu plus de sa force. Yéléna s'approcha d'elle, tendit la main et la serra fermement. C'était le seul geste d'affection qu'elle osait, comme pour ne pas briser le silence qui les enveloppait. Elles restèrent ainsi, leurs mains entremêlées, figées comme deux statues. Elles inspiraient difficilement, comme si chaque respiration menaçait de briser le barrage de leurs larmes. Dans un coin de la pièce , un murmure du vent glissa à travers la fenêtre et Yéléna sentit une larme perler. Pourtant elle la ravala, laissant place au poids de l'absence à venir.

Son père, debout près de la porte, observait la scène. L'ombre d'un sourire fatigué passa sur son visage, témoin d'un amour silencieux, presque résigné. Depuis des semaines, les larmes avaient remplacé les éclats de rire chez son épouse et il savait que ce départ emportait une part de leur bonheur. Pourtant, il demeurait droit, déterminés, conscient du sacrifice mais impuissant face au vide qui naîtrait

L'heure était venue.

La porte d'entrée se referma doucement derrière le père et la fille, scellant à jamais les adieux et laissant un froid glacial dans le grand salon devenu désert. Yéléna pris le bras tendu de son père et sentit son ventre se tordre.

Lorsque sa respiration reprit son rythme normal, ses yeux s'agrandirent, captivés par le château majestueux qui s'étendait devant elle. Ses tours effleurant les nuages et ses murs anciens l'appelaient.

«Ada…C'est… Waouh! Souffla-t-elle, sa voix trahissant , un mélange d'excitation et de respect.

_ Ma petite sorcière, murmura son père, en posant une main sur son épaule. Il est temps de se dire au revoir. J'espère que tu aimeras autant cette école que ta grand-mère. Souviens-toi que nous t'aimons et que notre cœur est avec toi, peu importe où tu es.

_ Ada pourquoi ai-je l'impression que c'est un adieu? Demanda-t-elle un frisson d'inquiétude se glissant dans la voix.

_Néna répondit-il doucement, la regardant dans les yeux, avec une intensité qui la fit frémir. Les temps sont compliqués. La magie… elle est troublée. Un mal plus sombre que nous l'avions imaginé, gagne du terrain. Il te faudra être forte, plus forte que tu ne l'as jamais été.»

Elle adressa un dernier regard empli de tendresse et de tristesse à son père. Puis sans se retourner, elle remonta lentement l'allée, chaque pas l'éloignant de lui et de la chaleur familière de son monde.

Quelques heures plus tôt, quatre jeunes garçons s'installèrent dans un compartiment du fameux Poudlard Express. Le cliquetis régulier du train accompagnait leur éclat de rire et les paysages défilés en un flou de vert et de bruns derrière les fenêtres. L'odeur du vieux cuir des banquettes et la chaleur qui régnait dans le compartiment leur donnait une impression de confort familier.

«Alors James, comment se sont passés tes vacances? Demanda Rémus, en rangeant son sac.

_ Plutôt bien…… jusqu'à ce que Sirius se trouve une nouvelle copine. Elle était…. comment dire…. Un peu plus que bipolaire.

_A ce point? S'étonna Peter, les sourcils levés.

_Tu n'as même pas idée! répondit James en secouant la tête.»

Sirius, les bras croisés et un sourire en coin, répliqua.

«Oh arrête, elle était pas si terrible!»

James éclata de rire.

«Elle te menaçait avec un couteau tout en planifiant votre mariage!»

Au moment où leurs rires résonnaient, une lettre se posa sur les genoux de Rémus. Il l'ouvrit, intrigué et resta silencieux en lisant les mots tracés avec soin.

«Petit loup,

Les années ont passé, mais mon cœur continue de te suivre.

Alors que je t'écris ces quelques lignes ma valise se termine

A très vite!

Il resta un instant figé, les mots se gravant lentement dans son esprit. Lorsqu'il aperçut un dessin en filigrane, son cœur fit un bon. Ses amis qui avaient cessé de parler, observaient la surprise qui envahissait son visage.

Celle-ci fit place à un flot de souvenir. Ce symbole, il le connaissait, un dessin discret qu'ils s'échangeaient autrefois presque en secret. Soudain les images lui revinrent, des éclats de rires partagés, des après-midi à discuter, comme si cette lettre réveillait une part de son passé, presque oubliée.

«Tu nous expliques demanda Sirius, les sourcils levés avec un air de malices.

_ Yéléna…murmura Rémus, ce prénom avait un poids, si particuliers.

_Ton ami d'enfance? demanda James intrigué.

_Oui….. enfin c'est plus que ça… répondit il en se passant une main nerveuse dans les cheveux. Elle et moi avions participé à un échange international entre sorciers, avant mon entrée à Poudlard.

_C'est étrange non? Qu'elle t'écrives après tout ce temps? Questionna Peter, les yeux plissés, intrigués.»

Rémus hésita un instant ,un sourire léger étirant ses lèvres.

«Elle et moi avons toujours été très proches. Mais pas comme ça! S'exclama-t-il en voyant Sirius arborer un sourire narquois. Yéléna est plus comme… une sœur en quelque sorte. Elle a été la première à m'accepter comme je suis, sans poser de question.

_Ça a dû être difficile quand elle est partie dit doucement James.

_Oui admit Rémus, son regard s'assombrissant. Son départ a été une véritable déchirure. On s'est écrit pendant un moment mais ensuite… je suis rentré à Poudlard et j'ai fait votre connaissance. Et peu à peu, la distance a fait son travail.»

Sirius fixa un moment son ami avant de demander.

«Mais pourquoi elle t'écris maintenant?»

Rémus haussa les épaules pensif.

«Je ne sais pas trop… c'est comme si… comme si elle allait venir ici. Murmura-t-il, presque pour lui-même, ses yeux se posant sur le paysage qui défilait à l'extérieur.»

Il avait l'impression que son passé venait le retrouver. Au fond de lui, une excitation mêlée d'inquiétude le gagnait.

Yéléna sentait les battements rapides de son cœur, résonner jusqu'au bout de ses doigts, tandis que ses pas la conduisaient aux imposantes marches du château. La pierre froide sous ses pieds semblait vibrer, comme si elle répondait à sa propre appréhension. Arrivée devant la Grande Porte, la jeune fille perçue à travers l'épaisseur du bois, la voix du directeur qui résonnait comme un murmure grave et bienveillant.

Dans la Grande Salle, un silence respectueux s'était installé, entrecoupé par le crépitement des chandelles suspendues dans les airs.

«Chers élèves une nouvelle année commence. Pour certains ce sera la dernière, pour d'autres ce sera une occasion de plus de faire des bêtises…»

Les yeux du directeur se posèrent alors sur le groupe de Gryffondor. Sirius ne put s'empêcher de faire le V de la victoire.

«Mais pour les personnes qui attendent derrière cette porte, continua le directeur. Elle marque le début d'une nouvelle vie.»

Alors qu'il prononçait ses paroles, la Grande Porte s'ouvrit, faisant entrer les premières années, plus terrifiés les uns que les autres.

Rémus parcourut les rangs des nouveaux élèves du regard, son cœur se serrant chaque fois qu'il constatait que Yéléna n'était pas parmi eux. Une vague de déception l'envahit, alourdissant ses épaules. Il avait espéré, peut-être naïvement, mais cette attente semblait désormais voué à l'échec. Il détourna les yeux, tentant de cacher sa peine.

«Il n'est pas rare que les neiges atteignent nos contrées. Repris Dumbledore, sa voix profonde envahissant de nouveau la salle. Mais cette année, l'hiver a pris un peu d'avance en nous envoyant une nouvelle élève venue des Terres des Neiges Éternelles, la Russie.»

Une brise froide traversa la Grande Salle, éteignant quelques chandelles et plongeant certains coins dans l'ombre. Un frisson parcourt les élèves, tandis que les regards se tournaient vers la porte, où tous semblaient attendre l'apparition de la nouvelle venue.

«Je vous demande d'accueillir Yéléna Snezinka (le Sne se prononce [ché])»

Les lourdes portes s'ouvrirent en un grondement sourd, révélant une jeune fille aux cheveux de jais, marchant d'un pas assuré. Sa silhouette fine mais droite avançait, son regard perçant parcourant la salle. Un banc racla le sol, tiré par un élève qui s'était levé brusquement. Rémus, le regard fixé sur elle, se tenait là, figée. Un éclat de rire cristallin résonna.

«Je t'ai connu plus discret! lança Yéléna, d'un ton moqueur, un sourire taquin illuminant son visage.»

Elle lui adressa un clin d'œil avant de continuer, sa marche vers le Choixpeau, impatiente de découvrir où le destin la mènerait.

Lorsque celui-ci frôla la tête de Yéléna, elle sentit un frisson la parcourir. Une magie si ancienne s'infiltrait dans son esprit. Elle ferma les yeux essayant de contenir la vague d'émotions qui l'assaillait.

Elle avait réussi malgré tous les dangers encourus pour ce semblant de liberté.

Une voix retentit soudainement dans son esprit, profonde et sage, presque comme un écho.

«Ah.. Une âme courageuse mais bien chargée de secrets…»

Yéléna se tendit, son esprit cherchant instinctivement à se protéger.

«Tu ne peux rien me cacher, jeune fille. Murmura le Choixpeau. Tu as défié bien des dangers pour être ici. Mais dis moi… que ferait ta grand-mère?»

Inspirée par cette question, elle prit une profonde inspiration et répondit en silence.

«Je choisirais le courage.

_Gryffondor! Tonna le Choixpeau, sa voix résonnant dans toute la salle.»

Les acclamations des élèves de cette maison éclatèrent instantanément. Certains frappaient leurs mains contre la table, d'autres sifflaient. Et parmi eux, un hurlement de joie se fit entendre, qui traversa la salle. Rémus debout, ne cachait plus son sourire radieux.

Yéléna et lui échangèrent un sourire, chargé de toutes les promesses de leur amitié retrouvée.

«Tu…tu es vraiment là, n'est-ce pas? Ce n'est pas juste un mirage que mon esprit dérangé invente?

_Si ton esprit est dérangé, alors le mien l'est tout autant! Je fais le même rêve. Répondit-elle en l'attirant dans une étreinte qui dissipait instantanément les années perdues.

_Comment? Pourquoi?

_Doucement! Je t'expliquerai tout. Promis. Mais pour l'instant j'aimerais vraiment que tu me présentes tes amis dont tu ne cessais de vanter les mérites.

_Oh oui bien sûr! Je te présente James Potter, à ses côtés sa tendre moitié Lily Evans. En face de James c'est Peter Pettigrow. Et le Don Juan, c'est Sirius Black.

_Black? Répéta Yéléna, une ombre de méfiance traversant son regard.»

Elle connaissait ce nom, ou plutôt ce qu'il représentait, une famille qui incarnait des valeurs qu'elle méprisait profondément, symbole de souffrance passée.

«Ce nom me dit quelque chose.»

Sirius répliqua instantanément, sa voix teintée d'amertume.

«Si tu connais mon nom, tu dois être adepte de magie noire. Entre vous, vous devez vous reconnaitre!»

Un feu glacé embrasa les yeux de Yéléna.

«C'est bien ce que je pensais, arrogant et stupide , un pur produit de son éducation sang-pur. Encore traumatisé par les doloris? Ça va niveau neurones? Siffla-t-elle.»

Pendant un instant, leur regard s'affrontèrent chacun projetant dans les yeux de l'autre une colère froide, née de préjugé et de souffrances enfouies.

Dans le regard sombre de Sirius, Yéléna pouvait voir la méfiance et le jugement. Dans le sien elle sentait s'éveiller des souvenirs douloureux. Des bribes de moqueries, des sorts infligés, des accusations d'avoir le «sang souillé.» Tout cela lui revenait en mémoire, chaque mot cinglant.

Finalement, Sirius se détourna en grondant, entraînant derrière lui une nouvelle conquête qui finirait en larmes dans quelques minutes.

Pendant quelques secondes Yéléna regarda la porte qu'il venait de passer. Tout ce qu'elle avait vécu à Durmstrang lui poignardait le cœur.

«Peut-être que… je n'aurais pas dû venir murmura-t-elle la voix à peine audible.»

Elle partit, les yeux baissés.

«Yéléna attend! Je suis désolé. L'appela Rémus en la rattrapant. Sirius est toujours… impulsif dès qu'il est question de sa famille.»

Yéléna secoua la tête, un sourire amer aux lèvres.

«Alors nous avons quelque chose en commun. J'ai rêvé tellement de fois de ce moment…. et voilà comment il se passe.»

Leur regard s'accrochèrent, deux mondes opposés qui se frôlaient. La glace bleue du regard de Yéléna, affrontait la chaleur douce et dorée de celui de Rémus, comme un lever de soleil qui caresse un matin.

«Allez viens dit-il doucement, je vais te faire visiter. Ça te changera les idées.»

Après plusieurs couloirs et salles de classe, ils franchirent le tableau de la Grosse Dame. La salle commune des Gryffondor accueillit Yéléna avec ses fauteuils moelleux et ses murs ornés d'or, le tout baignant dans la lueur douce des flammes.

«C'est magnifique… murmura-t-elle une lueur d'émerveillement dans les yeux.»

Près de la cheminée, les amis de Rémus l'attendaient échangeant au sujet de l'événement du soir. Le jeune homme jeta un regard triste en constatant l'absence de Sirius. Yéléna le remarqua et une vague de culpabilité l'envahit.

«Je… je vous demande pardon commença Yéléna, une lueur de vulnérabilité dans le regard.»

Elle fit une pause cherchant ses mots avec soin.

«Je vous ai sans doute donné une bien mauvaise impression.»

James l'observa, les bras croisés, un éclat froid dans les yeux.

«C'est vrai que tu y allais un peu fort répondit-il calmement. Surtout quand on ne connait pas toute l'histoire.»

Rémus esquissa un geste pour intervenir mais Yéléna posa doucement sa main sur son bras, le retenant.

Elle prit une inspiration.

«Laisse Rémus. C'est à moi d'expliquer… J'ai passé toute ma scolarité à Durmstrang. Là-bas la magie noire règne en maître. J'ai souvent eu des heures de colle et des punitions… disons, sévère parce que je refusais de la pratiquer. Les élèves me lançaient des maléfices et leurs moqueries devenaient de plus en plus cruelles.»

Elle s'interrompit, les yeux un peu perdus.

«Alors, quand Sirius m'a accusé, ça a ravivé des souvenirs…»

Lily échangea un regard triste avec James, son visage adouci par la compassion.

«Et tes parents? Ils n'ont rien fait pour te protéger demanda-t-elle avec douceur.»

Yéléna secoua la tête, une ombre passant sur son visage.

«Je ne leur ai jamais parlé de tout ça. Ils ont…. d'autres soucis.»

James souffla bruyamment, brisant le silence qui s'était installé après ces paroles puis se tourna vers elle.

«Je comprends mieux. Finalement, toi et Sirius, êtes peut être plus semblable que vous ne le pensez.»

Il lui lança un regard sérieux.

«J'accepte tes excuses mais tu devrais vraiment aller voir Sirius le plus tôt sera le mieux. Et sinon… bienvenue à Poudlard.»

Yéléna lui tendit la main avec un sourire sincère. James lui rendit la politesse, avec toutefois une certaine méfiance.