A priori, pas de chapitre demain... Sauf si j'ai soudain une révélation divine X,)

Dédicace à Melynee qui avait pressenti le coup "du truc le plus moldu auquel t'aies jamais gouté" il y a 50 chapitres X,)

En passant : Ah ben en voilà un chapitre complet !

Guest : et encore, j'ai pas pu caser mon bébé albatros !


Comme toujours, soit les moldus étaient capable d'engloutir cinq fois la quantité de nourriture nécessaire à écœurer Drago, soit, et c'était plus probable, Potter n'avait pas regardé à la dépense pour remplir son sac sans fond à raz-bord.

C'était effectivement le repas le plus Moldu qu'il soit possible d'imaginer. Rien que les boissons – non alcoolisées pourtant – suffirent à faire mourir de rire Drago : Le coca-cola en particulier gonflait dans ses joues comme un champagne bas-de-gamme, à la fois aussi acide qu'un citron et plus sucré que tout ce qui lui avait été donné de goûter jusqu'à présent.

Et puis, il y avait les frites et les nuggets. Ce n'était pas des aliments moldus en soi, mais ils étaient accompagnés par des sauces variées et bizarres servies dans de minuscules et délicates coupettes en papier, cent fois plus adorables que celles qui enveloppaient les muffins. Ce fut au tour de Potter d'éclater de rire quand Drago lui demanda s'il s'agissait d'artisanat traditionnel moldu.

Ils mangeaient lentement, en discutant, et l'extinction des torches arriva au milieu de cet apéritif. Drago alluma sa petite lampe à pétrole et revint s'asseoir de son côté de la souche.

« Je suppose qu'ils vont s'en tirer, du coup, marmonna Potter en fixant le couloir.

Drago fronça les sourcils, et mit un moment à comprendre qu'il parlait certainement des cuisiniers : Le bruit assourdi par le mur avait cessé.

« Laisse-les tranquilles… répondit Drago. Je ne sais pas lequel a fait quoi, et ce serait cruel de punir uniquement Ackerley pour tous les autres… C'étaient eux, mais ça aurait pu être n'importe qui… J'étais une cible facile et consentante, c'est normal qu'ils en aient profité… Et puis… » Drago hésita un instant… Il aurait voulu dire « Une bite est une bite », mais le Mantra était trop vulgaire pour être prononcé ici, à ce moment, et devant cette personne, alors il l'atténua en affirmant : « Les hommes sont tous pareils. »

Potter mit un moment avant de rétorquer :

« Toi, tu n'es pas pareil.

– Parce que je suis faible, ricana Drago. Qu'est-ce que tu crois, Potter ? Que je vaux mieux qu'eux ? Non, si j'avais le choix, je préfèrerais être dans le camp de ceux qui mangent plutôt que dans celui de ceux qui sont mangés. » Et il croqua dans une frite nappée de sauce pour expliciter son propos. Comme c'était souvent le cas avec la nourriture moldue, les couverts étaient absents.

« Non, je pense pas. » Potter observait chacun de ses gestes comme si c'était un tableau. « Je t'ai donné l'occasion de te venger, et tu savais qu'il n'y aurait aucune répercussion sur toi. Si t'as rien dit, c'est pas par peur ou par faiblesse. C'est parce que t'es quelqu'un de bon. De profondément bon. »

Drago secoua la tête, mais ne répondit pas. À quoi bon discuter ?

« Y-a que deux personnes à qui tu veux pas pardonner : Moi et ta mère. Moi, je comprends, mais concernant ta mère, je vois toujours pas ce que tu lui reproches.

– Ce n'est pas ma mère, siffla Drago, blessé. C'est ma génitrice : Elle m'a porté et mis au monde, et ça s'arrête là. Et elle nous a trahis. Nous l'avons reniée.

– Elle n'a trahi personne : Elle n'a jamais été Mangemort, elle ne lui a pas prêté allégeance. Elle n'a jamais été dans aucun camp à part le tien. Quand Voldemort m'a tué, c'est à elle qu'il a demandé de vérifier si le travail avait été bien fait. Elle s'en foutait de lui, elle s'en foutait de moi. Elle m'a juste demandé de tes nouvelles à toi. Rien d'autre ne comptait à ses yeux.

– Elle nous a trahis », répéta obstinément Drago en insufflant autant de haine dans sa voix et son regard qu'il en était capable.

« C'est une paria : Toute la Grande Bretagne la déteste pour avoir pris votre défense, à toi et à ton père, et tous les Mangemorts la considèrent comme responsable de votre défaite.

– Tant mieux, cracha Drago. C'est ce que méritent les traitres.

– Mais moi, je l'ai revue plusieurs fois. Elle recevait des lettres de menaces, des hiboux morts, ce genre de conneries, et j'ai été mis sur l'affaire. Je lui ai demandé pourquoi elle quittait pas le pays, et tu sais ce qu'elle m'a répondu ?

– Je m'en moque, Potter.

– Qu'elle voulait pas que tu vives la même chose qu'elle en sortant d'ici, et qu'elle resterait là pour que tu ne sois pas seul, une fois libéré.

– Je préfèrerais parler d'autres choses que de cette femme, si ça ne te fait rien.

– Comme tu veux. Je voulais pas gâcher l'ambiance. »

Il haussa les épaules puis farfouilla à nouveau dans son sac marron pour en sortir enfin les plats principaux.

« Et bien, ce sont des sandwiches… observa Drago un brin déçu.

– Ça n'a rien à voir, rétorqua Potter avec un sourire carnassier. C'est des burgers. Et celui-là, c'est le Big-Mac. C'est LE burger le plus connu de la planète. Dans n'importe quelle capitale de n'importe quel pays, tu trouveras des Big-Mac. »

Heureusement qu'il y avait la sauce. Sans ça, le Big-Mac n'aurait été qu'un sandwich chaud et mou. Pas mauvais cependant : Un équilibre des saveurs intéressant. Une viande presque insipide pour faire ressortir le goût du pain : Un choix audacieux. Il y avait plusieurs burgers différents, et Drago gouta à chacun en portant la nourriture à sa bouche à mains nues, à moitié amusé et à moitié écœuré par cette graisse et ces sauces délicieuses qui lui coulaient entre les doigts.

Drago avait l'impression que son ventre allait éclater à la fin du repas, et il se serait probablement arrêté là s'il n'y avait pas eu les Mac-Fleury. Probablement l'un des meilleurs desserts au monde, même s'il aurait fallu le torturer pour qu'il l'avoue.

Ils avaient parlé de Rome, et Potter lui avait dressé la liste de tous les endroits qu'il lui fallait absolument visiter, sans compter les musées, les restaurants, les boites de nuit – encore un concept moldu – et puis les petits coins tranquilles cachés au cœur du Maléfistinat, pour les jours où il aurait envie d'être tranquille :

« De l'extérieur, on dirait juste une vieille volière. Mais à l'intérieur, tu verras une brique bleue un peu plus lisse que les autres. Tu tapes trois fois dessus avec une branche de saule, et quand tu ressortiras… » Il ne termina pas son explication, préférant aspirer les dernières gouttes de fanta de son gobelet de carton en produisant un bruit de siphon tout à fait inapproprié.

« Oui ? finit par réclamer Drago en souriant malgré lui.

– Et bien tu verras bien, termina Potter en savourant son effet. Et pour que les choses reviennent à la normale, il faudra refaire le parcours dans le sens contraire : La branche de saule, puis les escaliers deux fois, puis la formule. »

Drago secoua la tête, à la fois agacé et curieux, ricanant. Il accepta toutefois de ne pas interroger le Survivant plus longtemps : Découvrir ce passage secret en se remémorant ses instructions serait un bon moment.

Il resta silencieux un moment, suçotant encore la cuillère en plastique qui avait servi à déguster la glace.

« Tu es stupide, Potter, annonça-t-il finalement. Tu aurais dû empoisonner la nourriture, pour me forcer à rester. »

L'insulté rit doucement en l'observant de ses yeux songeurs. « Un petit filtre d'amour discret ? Je suis pas sûr que ça aurait changé grand-chose à la situation. Tu as bien pesé le pour et le contre, et j'ai pas l'impression que tes sentiments pour moi soient beaucoup entrés en ligne de compte dans ta décision.

– Non, en effet…

– Mais je remarque que l'idée de t'a pas empêché de gouter à tout.

– C'est ce qu'il y a de bien, quand c'est le camp des Gentils qui gagne : On peut espérer un peu d'honorabilité de votre part.

– Tu parles… T'as déjà visité Azkaban ? Ça a absolument rien d'honorable.

– J'ai entendu dire que les choses se sont améliorées depuis qu'il y a un nouveau Directeur.

– Les gens disent ça parce qu'il est beau, riche et célèbre, mais il est complètement stupide, en vrai : Il est passé à côté de l'amour de sa vie parce qu'il était bourré de préjugé sur les Mangemorts. »

Drago détourna le regard. Le discours était difficile à entendre, mais il n'aurait plus longtemps à le supporter. Il aurait été cruel d'empêcher – encore – Potter de parler.

« Amour de sa vie, tu exagères un peu, je pense… murmura-t-il tout de même.

– Peut-être. Tu comptes embarquer tes bocaux ? »

Drago suivit le regard de Potter vers son lit, vers sa petite collection pitoyable, et se mordilla les lèvres, gêné d'exposer ainsi ce petit passe-temps de voleur immature.

« Ce sont des souvenirs, se justifia-t-il honteusement.

– Tu embarques la clochette, aussi ?

– Tu veux la récupérer ?

– Non, je préfère que tu l'aies. »

Ça ressemblait à une tentative maladroite de réclamer un cadeau. Une chose que Drago pourrait lui laisser en souvenir… Il parcourut sa cellule des yeux en cherchant ce qui pourrait convenir, et se trouva affreusement gêné en réalisant qu'il n'y avait rien qui puisse faire l'affaire : Les bocaux étaient ses bocaux. Le couteau moldu, l'oosik, la cape de morse lui avaient déjà été offerts, et il aurait été inconvenant de les transférer à quelqu'un d'autre. Le savon, le réveil, les différentes fournitures pratiques n'avaient aucun intérêt pour Potter, alors qu'elles feraient le plaisir de son successeur dans cette cellule. Le nécessaire à écriture, le pantalon moldu, le roman moldu entamé, tout ça appartenait de facto à Potter. On n'offrait pas quelque chose qu'on avait volé.

« Je pourrais te donner le calendrier, marmonna-t-il en observant le parchemin punaisé au-dessus du lit. Je ne suis pas sûr que ce soit de très bon goût : il servait à compter combien de jours il me restait, mais…

– Hein ? Non, je préfère qu'il reste sur le mur.

– La souche alors. Je sais bien qu'elle n'a aucune valeur, mais c'est moi qui l'ai gravée, et…

– Non, la table basse reste ici ! Et le tapis aussi ! Dans cette position, s'il te plait !

– Je n'ai rien d'autre à te proposer…

– T'inquiète, j'ai pas besoin de cadeau-souvenir, je me débrouille très bien avec mon cerveau détraqué ! répliqua Potter en éclatant à nouveau de rire.

– Je pensais que…

– Non, non ! Je voulais juste savoir ce qui resterait ici, parce que ça sera mon petit sanctuaire, mais je réclame rien ! » Drago détourna le regard, une nouvelle fois. « J'ai franchement besoin de rien pour penser à toi, Drago. Tout me fait penser à toi. Chaque personne que je croise me fait penser à toi, chaque geste qu'ils font, chaque mot qu'ils disent. Les bouquins me font penser à toi, la bouffe me fait penser à toi, chaque putain de pièce de ce putain de château me fait penser à toi. Chaque saloperie de créature dangereuse, et chaque bestiole un tant soit peu mignonne. Depuis le premier jour. »

C'était peut-être le burger qui ne passait pas : La boule dans sa gorge était revenue.

« Désolé, reprit Potter. Je suis lourd. Je vais te laisser te coucher, il est tard », ajouta-t-il en se levant.

Drago se redressa également, confus que son mal-être ait été aussi visible. Il protesta avec mollesse, prétendant que ce n'était pas ça du tout… Et puis soudain, il se rappela une vieille invitation moldue que Potter avait déjà utilisée devant lui, et demanda d'une voix plus claire :

« Je peux te proposer un dernier verre. »

Potter se figea bizarrement avant de tourner son regard vers Drago qui devina aussitôt s'être trompé dans la formulation. Il tenta toutefois de dissimuler sa maladresse :

« J'ai de l'eau, de la confiture, et il reste des glaçons. On peut faire des espèces de sirops qui…

– T'as lu ça dans un livre ?

– C'est toi qui m'avais dit que c'était une expression moldue, rétorqua aussitôt Drago, piqué au vif.

– Oui, mais ça a pas grand-chose à voir avec le fait de boire réellement. C'est une invitation à s'envoyer en l'air. »

Drago ferma les yeux et serra les lèvres en respirant aussi lentement que possible. Il aurait voulu faire l'autruche, cacher sa tête dans le sable et disparaître à jamais. Quand il souleva de nouveau les paupières, le visage de Potter était cramoisi, et il explosa aussitôt de rire.

« Désolé, hoqueta-t-il en hurlant de rire. Mais oui, je veux bien ! On a qu'à s'offrir un dernier verre, suggéra-t-il ensuite en jouant des sourcils.

– Va te faire foutre, Potter », râla Drago, au moins un peu soulagé que la proposition ait été prise à la rigolade. Il termina de débarrasser la table basse en maugréant, et en l'écoutant reprendre son calme avec difficulté.

Ça n'aurait pourtant pas été une mauvaise idée de réellement s'envoyer en l'air. Ça aurait presque été leur seule et unique fois. Au début, il y avait eu… Ce qu'il y avait eu. Drago n'avait pas souffert de toutes leurs relations sexuelles, mais la seule qu'il avait désirée ne comptait pas : il était dans un état second à cause de la magie de Potter. Ensuite, il y avait eu le pari, et ils s'étaient abstenus de se toucher. Et puis Potter avait décidé de le laisser prendre les choses en main, et Drago n'avait jamais osé aller plus loin que les baisers et les caresses. Et puis il avait été blessé, et une nouvelle période d'abstinence était advenue. Elle avait cessé de façon plutôt agréable, avec des relations de plus en plus poussées, mais jamais tout à fait approfondies : Potter s'était mis en tête d'attendre les conditions parfaites pour une nuit d'amour romantique, et celles-ci n'avaient jamais été réunies.

Et enfin, Drago avait mis un terme à leur relation.

Non, il valait mieux ne pas y songer : Le sexe était souvent décevant. Le mystère valait mieux. Peut-être que dorénavant, l'amant mystérieux qui hanterait ses fantasmes aurait le visage, la voix et l'odeur de Potter. Quand il l'évoquerait dans ses rêves, ce serait à chaque fois leur première et unique fois, et c'était quelque chose de beau.

Ça valait mieux aussi pour Potter. Il n'avait pas été tout à fait lui-même à l'infirmerie, quand il avait dénigré l'attitude de Drago qui « réclamait » trop et semblait « en manque »… Il n'était pas tout à fait lui-même, mais une pointe de vérité se cachait forcément là-dedans, et Drago ne voulait pas paraître plus vulgaire qu'il ne l'était déjà.

Le simple fait de penser à ça voulait tout dire…

Ceci dit…

« Ceci-dit, si tu veux passer la nuit ici, proposa Drago sans oser le regarder. En tout bien tout honneur, je précise. Enfin, je suppose que la Patinoire va te sembler bien vide, et… Je veux dire, si tu n'as pas envie de dormir tout de suite, si tu veux discuter encore un peu, ou… Non, mais oublie ça. Je n'ai qu'un seul jogging, de toute façon. C'est une mauvaise idée. »

On aurait dit que le silence avait un poids, et cette lourdeur pesa de plus en plus sur les épaules de Drago qui tendit finalement le sac poubelle à Potter dans un geste brusque, les yeux toujours dirigés vers le bas, vers le bout des chaussettes noires de son vis-à-vis.

« Je ne sais pas quoi en faire, marmonna-t-il. Je n'ai jamais eu besoin de jeter quoi que ce soit ici. »

Potter ne bougea pas, mais sa voix retentit :

« C'est trop tard pour accepter ? »

Drago se mordilla les lèvres.

« C'est une mauvaise idée, répéta-t-il obstinément.

– Oui, mais c'est une idée qui me plait quand-même. »

Ils étaient tous les deux immobiles, et Drago commença à se sentir parfaitement ridicule, avec le bras tendu brandissant un sac poubelle. Potter murmura un « Evanesco » et l'encombrant objet disparut de sa main. Le bras retomba mollement.

« Si… Si tu veux, dans ce cas, tu peux prendre le jogging, marmonna de nouveau Drago. Je vais garder ma robe.

– Si tu veux, tu peux prendre le jogging, et je garde mes vêtements.

– Non. Les plis se verraient sur ta chemise. Prends le jogging. »

Potter obéit en se rendant devant la petite étagère de cartons, et Drago resta immobile à lui tourner le dos jusqu'à ce que les bruits de tissu cessent. Alors il se déplaça, s'empara de sa petite lampe à pétrole, qu'il éteignit, et gagna son lit à tâtons.

Ce n'était pas le confortable lit luxueux de la suite Directatoriale : C'était un petit lit prévu pour une personne, rendu un peu plus intime grâce au baldaquin que Potter avait dressé par magie il y a une éternité de cela. Ils furent forcés de se serrer un peu pour pouvoir tout deux profiter de la couette.

Un peu, mais pas trop. Juste leurs bras, leurs hanches… Juste par hasard, à cause de la taille du lit.


"Les bocaux sont mes bocaux" est une justification tout à fait legit pour les garder !