"Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux." — Marcel Proust

D'accord, maintenant que les portes de l'ascenseur s'ouvraient sur le rendez-vous de Richard, Elizabeth comprenait mieux son état de nervosité. Face à elle se tenait l'irréprochable Fitzwilliam Darcy, ce monstre de l'économie, capitaine de plusieurs navires corporatifs. Ses yeux perçants étaient comme des lames, tranchants et implacables, et Elizabeth ne put s'empêcher de frissonner un peu en croisant son regard.

L'homme la salua d'un léger mouvement de tête, ses traits figés dans une expression de froideur digne d'un glacier. Un sourire à peine esquissé se dessinait sur ses lèvres, comme si l'idée même de la remercier pour son accueil était une concession, un fardeau qu'il supportait avec une patience rare. Mais, bien sûr, cette ironie subtile ne passait pas inaperçue.

"Merci pour cet accueil si personnalisé," dit-il d'une voix glacée, ses mots comme des glaçons tombant sur du marbre. L'ironie dans sa voix trahissait qu'il n'était ni là pour faire des courbettes, ni pour se laisser attendrir.

Elizabeth le regarda un instant, évaluant le monstre qui se dressait devant elle. Ses cheveux sombres, impeccablement coiffés, sa chemise parfaitement ajustée, tout en lui criait "professionnalisme", mais derrière cette façade impeccable, elle devinait l'armure d'un homme bien plus complexe. Il n'était pas simplement un homme d'affaires. Non, il était une machine à calculer, une entité qui ne laissait aucune place à la moindre émotion, à la moindre faille.

Elle afficha un sourire poliment distant et répliqua, avec cette pointe d'humour qu'elle savait si bien manier :

"Je me fais un devoir d'accueillir les monstres des affaires avec toute la courtoisie qu'ils méritent."

Toujours son regard glacial ancré dans celui d'Elizabeth, il eut un sourire presque imperceptible jouant sur ses lèvres. Il s'avança d'un pas mesuré et jetant un coup d'œil rapide aux alentours comme s'il évaluait chaque détail, chaque recoin de son environnement. Puis, d'une voix sèche, il lança :

"J'imagine que faire le tour du propriétaire et offrir un café fait également partie des attributions d'une secrétaire, n'est-ce pas ?"

Elizabeth ne se laissa pas démonter. Un léger éclat de malice traversa son regard, et elle esquissa un sourire.

"Ah, si seulement… Mais je crains que le rôle de guide touristique et de barista ne dépasse mes compétences, monsieur Darcy," répondit-elle, l'air faussement contrite. "Heureusement, je suis experte en matière de navigation dans le dédale des affaires. Et c'est avec grand plaisir que je vous conduis directement à l'essentiel."

Elle le fixa un instant, avant de commencer à marcher vers le bureau de Richard, avec la démarche assurée d'une personne qui ne se laisse pas intimider.

"Ne vous inquiétez pas, je m'assurerai que vous ne perdiez pas votre précieux temps à parcourir ce labyrinthe d'acier et de verre." Elle tourna la tête vers lui, un sourire en coin.

Darcy, qui l'avait suivie, haussait légèrement un sourcil, visiblement amusé malgré lui par sa répartie, mais il ne répondit pas. Il se contenta de l'observer d'un air plus calculateur, puis il répliqua, d'un ton presque imperceptible :

"Je dois avouer, malgré votre talent indéniable pour la navigation d'entreprise, qu'un cappuccino n'aurait pas été de refus."

Elizabeth s'arrêta un moment, ses sourcils se haussant légèrement, surprise mais toujours aussi implacable. Un sourire malicieux étira ses lèvres alors qu'elle se tournait lentement vers lui.

"Un cappuccino ?" répéta-t-elle, feignant l'étonnement. "Il semblerait que mes compétences en café soient, en effet, insuffisantes pour combler toutes vos attentes." Elle s'inclina légèrement, un geste de parfaite théâtralité. "Mais je suis certaine que Richard saura mieux s'en occuper que moi. Et vous aurez tout le temps de discuter affaires tout en sirotant votre boisson, je suppose."

Elizabeth ne lui laissa pas le temps de répondre. Avec un léger sourire, elle se tourna et toqua deux fois à la porte du bureau de Richard, avant de l'ouvrir avec assurance. Darcy la suivit sans un mot, son regard toujours aussi aiguisé, observant chaque détail du lieu comme s'il cherchait à en tirer des informations cachées.

À l'intérieur, Richard se leva immédiatement de son fauteuil, un large sourire étirant ses lèvres alors qu'il tendait les bras vers Darcy. L'accolade qui suivit était calculée, chaleureuse, mais d'un professionnalisme évident. Richard, maître du jeu, n'avait jamais été du genre à laisser transparaître la moindre émotion brute dans ce genre de rencontre, malgré son état d'angoisse qui avait précédé la rencontre.

"William, enfin ! Je suis ravi que tu sois arrivé." Il recula légèrement après l'accolade, ses yeux pétillants d'enthousiasme feint. "Alors, comment s'est passé ton accueil ? Elisabeth n'a pas été trop dure avec toi, j'espère ?"

Elizabeth, qui s'était glissée discrètement dans un coin de la pièce, haussait un sourcil, un air surpris se dessinant sur son visage alors qu'elle observait les deux hommes. Elle ne s'attendait certainement pas à ce genre d'accueil. Avant qu'elle puisse dire quoi que ce soit, Richard se tourna vers elle, un sourire légèrement mystérieux sur les lèvres.

"Elisabeth, laisse-moi te présenter Darcy, mon cousin." Il marqua une pause, observant la surprise qui envahit le visage de sa secrétaire. "Il n'a pas seulement la réputation d'être un titan des affaires, mais aussi celle de faire des apparitions… plutôt mémorables, n'est-ce pas ?"

Elizabeth resta figée un instant, complètement médusée par la révélation. Elle cligna des yeux, cherchant à assimiler l'information. Cousin ? Elle se tourna lentement vers Darcy, ses yeux cherchant à lire dans son expression, comme si cela pouvait tout éclairer. Il n'avait rien de l'image d'un cousin de Richard. Un sourire légèrement ironique se dessina sur les lèvres de Darcy, comme si cette situation l'amusait particulièrement.

"Je suppose que les liens familiaux n'ont pas toujours besoin d'être… très évidents." Ses yeux toujours ancrés dans ceux d'Elisabeth, il reprit :

"L'accueil de ta secrétaire fut… étonnant." Il laissa sa phrase suspendue dans l'air, son regard toujours aussi calculateur, comme pour mesurer l'impact de ses mots.

Elizabeth fronça immédiatement les sourcils, ne sachant trop comment réagir à cette remarque à la fois flatteuse et légèrement provocante. Elle croisa les bras, son expression se durcissant un peu, prête à riposter. Mais avant qu'elle n'ait l'occasion de le faire, Richard éclata de rire, détendant immédiatement l'atmosphère.

"Je ne suis pas du tout étonné," répondit Richard, son regard brillant d'amusement. "Elizabeth a une vivacité d'esprit qui ne se laisse pas facilement impressionner, c'est ce qui fait son charme." Il se tourna vers elle avec un clin d'œil, comme pour lui rendre hommage tout en faisant l'éloge de ses talents. "Si tu as tenté de la surprendre, William, tu n'as probablement pas réussi. Elle a une résistance incroyable aux tentatives d'intimidation."

Elizabeth, sentant que la dynamique s'installait entre les deux hommes et que son rôle était désormais de se faire discrète, se contenta d'un léger sourire, masquant à peine l'agacement qui grondait en elle. Elle croisa les bras, mais son regard perça celui de Richard, bien décidé à ne pas laisser passer la situation sans une réplique. Cependant, elle se retint. Après tout, ce n'était pas l'heure de faire de vagues.

"Je vous laisse entre vous," dit-elle d'un ton feutré, alors qu'elle s'éloignait vers la porte du bureau, pour rejoindre son bureau dans la pièce adjacente. Cependant, Richard l'arrêta d'un geste de la main, son sourire toujours aussi décontracté.

"Ah, avant que tu partes, Elizabeth, pourrais-tu préparer deux cafés, s'il te plaît ?" demanda-t-il, avec un ton qui, bien que courtois, trahissait une pointe d'insistance.

Elle s'arrêta net, se tournant légèrement pour lui adresser un regard faussement indulgent. Juste avant qu'elle ne réponde, elle aperçut Darcy qui la fixait, un sourire amusé jouant sur ses lèvres, comme s'il savourait chaque seconde de la situation. Ses yeux brillaient de cette lueur ironique qu'il avait maintenant pris l'habitude de déployer. Il semblait particulièrement satisfait de l'évolution de la scène.

Elizabeth sentit son regard peser sur elle, et elle se retint de grimacer, n'ayant aucune envie de laisser Darcy penser qu'il avait une emprise sur elle. Au lieu de cela, elle lui lança un sourire presque tout aussi ironique, avant de se tourner vers Richard.

"Bien sûr, ça ne me dérange pas," répondit-elle d'un ton léger. "Je vais faire en sorte que ce soit à la hauteur de vos attentes, mais je vous prie d'être indulgents messieurs puisqu'il ne s'agit pas d'une compétence que je vante sur mon CV."

Elle tourna les talons, se dirigeant vers la salle de pause collective avec une démarche calme, mais intérieurement peu amusée par la situation qu'elle trouvait déplaisante.

Darcy, qui semblait s'amuser de la scène, ne dit rien, mais son sourire s'élargit, comme si tout cela n'était qu'un jeu pour lui.

Alors qu'Elizabeth faisait couler le café noir destiné à Richard, elle repensa à la remarque de Darcy sur le cappuccino. Un sourire en coin effleura ses lèvres. Il s'attendait sans doute à un simple café, et elle n'était pas du genre à laisser passer une occasion d'avoir le dernier mot.

D'un geste précis, elle prépara un cappuccino, ajoutant même une touche de mousse avec un soin presque exagéré. Si Darcy voulait un café, il aurait exactement ce qu'il avait insinué vouloir—et elle était prête à parier qu'il trouverait tout de même quelque chose à redire.

Lorsqu'elle entra à nouveau dans le bureau, elle déposa le café noir devant Richard avant de poser, avec une exquise délicatesse, la tasse de cappuccino devant Darcy, le fixant avec une lueur malicieuse dans les yeux.

Il baissa les yeux vers la tasse, puis vers elle, haussant légèrement un sourcil. Un sourire imperceptible, presque calculateur, effleura ses lèvres avant qu'il ne lâche, d'un ton piquant et ironique :

"Eh bien, malgré le fait que cela ne fasse pas partie de vos qualifications, vous faites un excellent travail."

Elizabeth ne broncha pas, mais ses doigts effleurèrent le dossier d'une chaise comme si elle pesait sa prochaine réplique.

"Que voulez-vous, monsieur Darcy ? L'adaptabilité est une qualité précieuse en entreprise," répondit-elle d'un ton faussement modeste. "Même quand il s'agit d'anticiper les attentes les plus… pointilleuses."

Un bref silence s'installa, où Richard, assis derrière son bureau, observait la scène avec un intérêt analytique. Son regard passait de son cousin à Elizabeth, intrigué. Darcy n'était pas du genre à s'engager dans ce type de joutes verbales, encore moins avec quelqu'un qu'il venait à peine de rencontrer.

"Fascinant," murmura Richard, plus pour lui-même qu'autre chose, tandis qu'il portait son café à ses lèvres, se demandant s'il venait d'assister au début d'un duel ou d'un jeu bien plus subtil.