CHAPITRE 2


Huit heures moins le quart, Haven fait le pied de grue devant la porte d'entrée. Le bruit d'un moteur retentit et une voiture se stationne devant la jeune fille. Jacob arbore un sourire radieux et invite sa camarade à prendre place à côté de lui. Elle le remercie chaleureusement de l'amener à l'école.

Le garçon se gare devant le lycée où quelques voitures sont présentes, bien que la plupart des élèves, comme Haven, viennent à pied. Les deux jeunes descendent du véhicule sous les regards curieux de leurs camarades.

- Salut Haven ! Tiens j'ai ramassé ton sac hier, lui dit un garçon au visage enfantin.

- Merci Seth, c'est sympa de ta part ! dit-elle en attrapant son sac à dos qu'il lui tend.

À ses côté Jacob lève les yeux au ciel et lui récupère le sac des mains. Haven proteste mais finit par le laisser faire, après tout, s'il veut porter ses affaires à sa place… Sur ce, les deux jeunes gens se rendent en cours, ils avaient histoires, du moins Histoires Quileute et Amérindiennes.

- Oh mon dieu, malheur, malheur ! Je suis sûre que tu es gauchère, malheur, malheur ! s'exclame la prof avec des gestes théâtraux. Haven se dit qu'elle est folle, mais se contente d'acquiescer : oui elle était gauchère.

La jeune fille se rend à sa place habituelle, mais Jacob qui ne l'entend pas de cette oreille, l'entraîne après lui et lui désigne la place libre à côté d'Embry Call. Embry et Jacob ont toujours été amis, bien qu'ils se soient brièvement disputés l'année précédente.

Le jeune homme sourit à sa nouvelle voisine de table et lui propose de lui recopier ses cours.

- Ce serait gentil, merci, répond-elle avec un sourire gêné.

Haven se perd dans ses pensées en attendant que la classe se remplisse d'élèves. Une main passe devant ses yeux et la ramène à la réalité.

- Je vais lui casser la gueule à ce Jacob Black, grogne une jeune fille ignorant royalement Jacob derrière elle.

- Jill...

Jill est la meilleure amie d'Haven, un peu bourrine sur les bords mais d'une incroyable gentillesse. La nouvelle venue prend place derrière son amie.

- De toute façon, tu ne pourrais pas lui casser la gueule... intervient Embry.

- Et pourquoi donc mONsieur le meilleur ami de Jacob Black ?

- Tu te ferais mal.

Jill fait mine de réfléchir puis regarde Haven intensément.

- Si jamais tu as besoin, j'irais lui casser la gueule, conclue-t-elle à son intention.

Le cours commence enfin. Haven suit le discours de sa professeure tout en essayant de prendre quelques notes de la main droite. Elle finit par lâcher l'affaire au bout de quelques minutes en pestant. À l'interclasse, Jill interroge sa meilleure amie sur la raison de ses nouvelles fréquentations et Haven lui explique que Jacob se sent redevable par rapport à son épaule en écharpe.

La sonnerie retentit plus vite que prévu, Haven pousse un soupir de soulagement, elle allait échapper à Jill l'espace de deux heures de biologie et ainsi pouvoir mieux se préparer à raconter son calvaire de la veille. Jill n'avait pas choisi de rester en cours de biologie, elle avait préféré se spécialiser en musiques traditionnelles.

Les cours de biologie à La Push consistent à étudier la faune et la flore de la région et plus spécifiquement de la réserve. Il y avait bien sur un enseignement général, mais toujours dans le but de sensibiliser les élèves à leur environnement. La plupart d'entre eux ne quitteront jamais la réserve et en seront les défenseurs.

Avant d'entrer dans la salle de classe, elle croise Seth qui lui propose de manger avec lui, et donc avec tous ses copains, le midi. Elle accepte sous le regard de cocker qu'il lui lance. Il repart aussitôt tandis qu'elle se rend en classe accompagnée d'Embry.

- Aujourd'hui : dissection ! annonce le professeur, je vous ai apporté de beaux rats.

Les exclamations des élèves dégoûtés s'élèvent, tandis qu'Haven reste tétanisée sur place. Pourquoi faut-il que le cours soit sur une bestiole morte ? En temps normal, elle n'aurait pas eu de soucis, mais là… Elle revoit son neveu inanimé au sol et se met à pleurer discrètement.

- Je ne pourrais pas faire ça... murmure-t-elle à l'intention d'Embry.

- Monsieur ? Haven ne va pas bien.

- Mais non, mais non ! Tout ira bien, elle n'a pas à s'inquiéter pour si peu !

Pourquoi a-t-elle choisi biologie ? Pourquoi n'a-t-elle pas suivi Jill en musiques traditionnelles ? Ah oui, elle se souvient maintenant : pour protéger la nature. Elle se sent si stupide à ce moment précis… Sans protester, elle se laisse entraîner par Embry qui l'aide à sortir du labo.

Dans le couloir, elle fond en larmes. Monsieur Bralee, le professeur de biologie, les rejoint et s'excuse platement, il n'a pas cru en la détresse de son élève. Haven les accepte et demande l'autorisation de se rendre à l'infirmerie. Le professeur missionne Embry afin d'escorter sa camarade jusqu'au bureau de l'infirmière scolaire, Sue Clearwater.

- Jacob arrive, déclare Embry tandis que Jacob apparaît dans la ligne de mire de la jeune fille.

A cet instant, elle se dit qu'il est vraiment bizarre comme mec. Elle l'interroge, pourquoi était-il là alors qu'il devait être en cours ? Il ignore la remarque et accompagne son amie à l'infirmerie.

Haven passe les deux heures suivantes en compagnie de Sue, soit l'une des femmes les plus douce et gentille au monde. Elle est infirmière scolaire et fait parfois quelques gardes à l'hôpital de Forks.

Avant d'aller manger, Jill rejoint sa meilleure amie afin de prendre des nouvelles. Haven soupire, elle n'y échappera pas… De toute façon ça se saurait tôt ou tard. Tout finit par se savoir à La Push. Il valait mieux que Jill l'apprenne de la bouche de la personne concernée afin d'éviter toutes sortes de ragots infondés.

Alors Haven raconte. Elle raconte comment Jacob lui a déboîté l'épaule et comment il l'a gentiment emmené à l'hôpital. Elle lui raconte comment le docteur Canon, enfin, Cullen, s'est occupé d'elle et comment elle est rentrée chez elle. Et pour finir, elle lui raconte comment elle a trouvé son neveu, inanimé sur le sol de sa chambre et comment elle a réagi en appelant les secours.

Jill écoute sans rien dire. Elle voit sa meilleure amie fondre à nouveau en larme et la prend dans ses bras afin de la réconforter. Quelqu'un toque à la porte de l'infirmerie doucement, presque timidement et la voix de Seth s'élève.

- Je t'attends dans le couloir, dit-il gentiment, comme s'il était au courant et qu'il respectait son intimité.

Haven et Jill finissent par sortir du bureau de Sue et les deux filles se séparent. Jill a encore une heure de musiques. Seth récupère les affaires d'Haven et les deux se rendent à la cantine. En attendant son tour dans la file d'attente, Haven interroge Seth sur Leah, sa grande sœur. Même si elle avait été en compagnie de Sue, leur mère, pendant deux heures, elle se dit que Seth a d'autres choses à raconter.

Haven connaît bien la famille Clearwater, petite elle prenait des cours de maths avec Harry, le défunt père de famille, car elle était nulle en classe. Ainsi elle a sympathisé avec Leah, la fille aînée et Seth, le benjamin. Elle a été très triste à l'annonce de la mort d'Harry, il était comme un oncle pour elle.

Seth raconte alors que Leah vit toujours très mal sa séparation avec Sam, mais qu'elle l'accepte de mieux en mieux chaque jour. Sam est le leader de la bande de Jacob. Il sortait avec Leah au lycée, mais l'a larguée pour la cousine des Clearwater, Emily Young, qui s'avère être professeure de Traditions Quileute et Makah à l'école de la réserve.

- Il vrai que si Leah traîne avec vous, c'est que ça doit aller mieux… acquiesce Haven.

À table, la jeune fille se retrouve assise entre Jacob et Embry et face à Seth. Ils sont vite rejoints par Quil Ateara, Jared Cameron et sa petite amie, Kim Akalah. Quil est le cousin de Jacob et le deuxième meilleur ami d'Embry. Jared, lui, est un voisin de Sam Uley, c'est d'ailleurs le premier à avoir cessé toute fréquentation avec ses anciens amis d'école afin de traîner exclusivement avec Sam. Ils ont été rejoints par Paul Lahote, puis par Embry, quelque temps plus tard par Jacob et finalement par Quil. L'année d'après, ils ont été rejoints par Seth et Leah ainsi que d'autres garçons plus jeunes.

- Jacob nous a dit que tu aimes les légendes, c'est vrai ? demande Jared, tout bas.

- Oui, je les adore depuis toute petite, avoue-t-elle sur le même ton. C'est Harry qui m'en parlait, continue-t-elle en regardant Seth avec tendresse.

- Il parait aussi que tu as une peluche brune tirant sur le roux, c'est vrai ?

- Tu en poses des questions ! le réprimande Kim. Tu n'es absolument pas obligée de répondre !

Haven rit, mais confirme avoir une peluche brune-rousse. Elle ne comprend absolument pas pourquoi Jared a posé cette question, ni pourquoi ils sourient tous à cette annonce.

- On pourrait la voir, nous aussi ? Oh Jake, ne me regarde pas comme ça !

« Pourquoi ? » se demande Haven. Sachant qu'elle n'aurait pas la réponse à cette question dans l'immédiat, elle accepte de la leur montrer. Elle rit dans sa tête, imaginant ses grands gaillards, bien costauds, avec sa peluche dans les mains. Haven est alors invité chez Emily l'après-midi même afin de leur présenter Wolfy. La jeune fille refuse d'abord : on n'incruste pas les gens chez les autres comme ça, mais Kim la rassure en lui disant qu'Emily adore recevoir du monde et qu'elle ne voudrait rater pour rien au monde la présentation officielle de la peluche. Tout est très bizarre, mais Haven accepte. De toute façon, il ne lui arrivera rien de mal.

Elle termine son repas et s'éclipse de table, prétextant une envie pressante. Devant son casier qu'elle vient d'ouvrir, elle fouille à la rechercher d'un bloc-notes, mais se ravise en soupirant : elle ne peut pas écrire.

- Je peux écrire pour toi, si tu veux

- Non, mais merci Jacob.

Il lui reste que peu d'option : rester là à rien faire, aller à la bibliothèque ou profiter de l'air extérieur. Haven choisi d'aller dehors, suivi par Jacob. Assis face à face, Jacob prend la parole.

- Je ne m'intéresse pas à toi, enfin, je ne suis pas amoureux de toi.

- Je sais, répond-elle. Tu crois seulement avoir une dette envers moi.

- Je t'aime bien, je ne me souvenais pas que je t'appréciais autant.

- Je ne sais pas ce que Paul t'a raconté mais, tu devrais plutôt parler de moi à Leah.

- Paul ?

- Laisse tomber, c'est entre lui et moi, conclue-t-elle.

Sur ce, la conversation se termine.

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Après l'école, Jacob raccompagne Haven chez elle afin qu'elle récupère Wofly. La jeune fille salue ses parents avant de filer dans sa chambre en quatrième vitesse. Elle vide son sac sur son lit et range précieusement son loup à l'intérieur.

- Bon, bah, je vais chez Emily, à plus tard.

- Emily ? Qui est-ce ?

- Emily Young. Leah sera là-bas aussi !

Haven ferme la porte et rejoint Jacob dans sa voiture.

Chez Emily, Haven souffle un coup. De quoi a-t-elle peur ? Elle va simplement montrer son loup en peluche à des gens qu'elle connait depuis le berceau, ou presque. Rien de catastrophique.

Jacob et elle entre dans la maison. Haven reste légèrement en retrait, caché derrière lui.

- Oh non mais vous étiez sérieux ? Vous avez ramené le microbe ?! s'énerve nul autre que Paul Lahote.

- Oh ça va on n'a plus trois ans, Paul, s'indigne Haven.

Ah bah si, maintenant elle sait de quoi elle avait peur, c'était de se retrouver dans la même pièce que Paul en dehors d'une salle de classe.

- Le microbe ? demande Seth intrigué.

- Oui, le microbe, la chose, la naine, faiblarde, moins que rien et j'en passe… énumère-t-elle, levant les yeux au ciel.

- J'ai toujours préféré « le microbe » quoique « moins que rien » n'était pas trop mal ! ricane Paul dans son coin.

- Ça suffit, Paul ! le réprimande un homme, Sam Uley.

Pendant ce temps, Haven avait entrepris de s'éclipser sans un bruit, mais c'est sans compter sur Leah qui l'enlace contre elle.

- Non, non, non, toi, tu restes ici, dit-Leah tout bas. Emily a fait des muffins et se sont les meilleurs au monde, après ceux de ma mère ! rit-elle.

- Allez, oubli-le et viens t'asseoir ! insiste Emily.

Chacun prend place autour de la table et se sert des gâteaux. Kim réussit à en sauver deux avant que tout ne soit englouti et en donne un à Haven.

- Il faut avoir le coup de main avec eux, rit la jeune fille sous le regard amoureux de Jared. Aller, montre nous Wolfy.

Haven sort la peluche de son sac et la remet à Kim. Tout le monde paraît étonné, apparemment elle « lui » ressemble comme deux gouttes d'eau. Haven ne comprend pas, mais n'ose pas poser de questions, pourtant, ça fuse dans son cerveau. A qui ressemble Wofly ? Certainement à un véritable loup. Comment cette bande d'ado a fait pour « connaître » un loup ?

- Fait voir ça ! déclare Paul en s'approchant.

Alors que la main de Paul s'approche dangereusement de Wolfy, Haven intervient sèchement :

- Touche pas à mon loup, ordonne-t-elle.

- Tu te fous de moi là ?

- Non, tu ne touches pas à Wolfy.

Ils n'ont plus trois ans, ni quatre, ni cinq mais bien dix-sept et Haven regrette déjà d'avoir insinué plus tôt qu'ils pouvaient faire un effort chacun. Non, elle ne peut pas tolérer qu'il touche à ses affaires.

- J'en ai marre que tu me prennes mes affaires et je n'ai pas envie que Wolfy disparaisse, dit-elle sèchement.

- Je ne vais pas te le voler !

- C'est dingue, c'est exactement ce que tu m'as dit la première fois que tu m'as volé mes jouets !

- T'es rancunière ma parole !

- Avec toi, oui ! Tu m'as tout volé, de mes jouets jusqu'à mon goûter en passant par mes affaires scolaires. Tout. Absolument tout !

- Ça va on était gamin ! C'était facile, t'étais qu'un microbe sur patte ! se défend Paul, passablement énervé.

Haven hallucine, c'était de sa faute maintenant ? Parce qu'elle ne se défendait pas, il pouvait la dépouiller de ses affaires ?

- Oui c'est vrai, c'était tellement facile d'envoyer sa brute me retenir, crache-t-elle. Je dois admettre que je ne me suis jamais fait taper, c'était vraiment trop gentil de ta part.

Elle se lève, s'excuse et sort de la maison, son sac sur l'épaule et son doudou dans les bras. Au fur et à mesure qu'elle s'éloigne elle entend du remue-ménage dans la maison d'Emily Young :

- JACOB ! CALME-TOI, TU M'ENTENDS ? hurle Sam au milieu d'étrange grognements, PAUL, TOI AUSSI ! DEHORS ! JARED AIDE-MOI À LES SORTIR DE LÀ !

Elle entend des bruits de tables renversées et de vaisselles brisées. Elle continue à avancer sans un regard en arrière malgré la curiosité qui la ronge. D'où provenaient ses grognements ? De Jacob ? Pourquoi ? Comment ? Et Paul ? Et pourquoi avait-il fallu qu'elle reparle de ça ? Pourquoi fallait-il que Paul l'appelle par ce stupide surnom !

Derrière elle, elle entend le bruit caractéristique d'un pick-up roulant sur les chemins de terre à La Push. C'est Sam qui lui propose de la raccompagner chez elle. Elle refuse vivement, mais finit par se résigner, de chez Emily à chez elle, elle en a bien pour une heure de marche… Dans le véhicule, le leader de groupe s'excuse du comportement de Paul.

- Tu sais, Paul est stupide et arrogant mais c'est un mec bien… plaide-t-il.

- Non, c'est juste un mec stupide et arrogant. Point.

- En tout cas sache que tu seras toujours la bienvenue chez nous. De plus, tu es capable d'amadouer Leah et dieu sait que ce n'est pas rien ! Je ne savais pas qu'elle était capable d'affection envers quelqu'un depuis… Enfin depuis...

- Ouais, répond Haven, ne sachant pas quoi dire d'autre. Leah a toujours été sympa avec moi, c'est tout, elle m'aime bien et je l'aime bien, rien de super compliqué.

Un silence gênant parcourt l'habitacle. Sam conduit sans se presser, à croire qu'il le fait exprès. Haven finit par rompre le silence ambiant :

- Ils se sont battus ?

- Qui ça ?

- Jacob et Paul. Ils se sont battus ?

- Oui. Mais ne t'inquiète pas, on les a séparés rapidement.

- Il y aura Paul ? Je veux dire, la prochaine fois que je viendrais ?

- Oui surement, mais ne t'en fait pas pour lui, la rassure Sam. On est arrivé.

La jeune fille le remercie de l'avoir raccompagnée et descend du véhicule. Elle regarde le pick-up faire demi-tour et finit par rentrer chez elle. Elle grimpe dans sa chambre à toute vitesse et s'effondre sur son lit. Quelques minutes après son père entre doucement dans la pièce.

- On frappe avant d'entrer ! gronde-t-elle.

- Pardon ma puce... s'excuse son père, sachant très bien que sa fille s'en voudrait de lui avoir parlé comme ça. Ce n'est pas dans ses habitudes. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- J'ai vue Paul.

- Lahote ?

- Qui d'autre ?

- Tu as raison. Que s'est-il passé ?

- On s'est disputé.

- On ne change pas les vieilles habitudes comme on dit, dit-il en soupirant.

Son père l'embrasse sur le front avant de quitter la pièce.


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