Je suis dans ma chambre, en train de noter quelques idées sur mon ordinateur, quand j'entends quelqu'un frapper à ma porte. Je referme aussitôt le clapet de mon PC et invite la personne à entrer. C'est Jacob.

Il me salue et s'installe par terre, près de mon lit. Cette place lui semble attribuée depuis que mes parents savent que Leah et Seth Clearwater font partie de la bande de Sam. Dorénavant, ils nient catégoriquement que ce groupe consomme ou vend des stéroïdes. Résultat : Jacob est toujours le bienvenu à la maison, et ça me va très bien.

Je lui souris et lui demande des nouvelles de cette mystérieuse personne qui le rend si heureux. Jacob m'avait confié un jour qu'il avait quelqu'un de très important dans sa vie, mais qu'il préférait garder ça secret. J'ai respecté son choix, mais de temps en temps, je ne peux pas m'empêcher de le titiller un peu.

La conversation glisse sur Bella Swan Cullen et sa famille, mais surtout sur le docteur Cullen, que Jacob admire sans vraiment l'avouer. Au fil du temps, j'ai bien compris que la mystérieuse personne n'est pas Bella. C'est ce que je pensais au début, mais sa manière de parler d'elle m'a vite détrompée.

Je lui demande aussi des nouvelles de Sam et Emily, que je n'ai pas revus depuis un moment. J'ai préféré éviter la maison d'Emily ces dernières semaines, histoire d'esquiver Paul. Je le croise forcément au lycée, mais on s'arrange toujours pour s'ignorer.

À un moment, Jacob se met à parler de sa sœur, Rachel, et de Paul. Jacob m'a confié un jour qu'il appréciait venir chez moi de se « préserver de la vue de Paul et Rachel ensemble ».

— Ça peut paraître dingue, mais il est doux comme un agneau avec elle! Méconnaissable! s'exclame-t-il, hilare.
— C'est si comique que ça? Ça a plutôt l'air flippant, moi, je trouve, je réponds en grimaçant légèrement.
— Maintenant que tu le dis, ça fait peur, ouais...

Son fou rire repart de plus belle, et je ne peux pas m'empêcher de rire avec lui. J'essaye d'imaginer Paul en train d'embrasser Rachel, mais cette image me dégoûte instantanément.

Les heures passent, et on discute de tout et de rien, mais surtout de rien, en réalité. J'adore ces moments-là, simples et sans prise de tête. Soudain, un hurlement de loup résonne au loin.

— T'as entendu? je lui demande, captivée.
— Ouais, j'ai entendu, répond-il, un peu plus sérieux tout à coup.

J'adore écouter ce genre de bruit. Ça me rappelle à quel point la nature est précieuse et qu'il faut la protéger. Je lève les yeux vers Jacob. Il s'est redressé, les sourcils froncés.

— Je dois y aller, me dit-il en se levant précipitamment.

Je le raccompagne jusqu'à la porte d'entrée et le remercie pour sa visite. Il me dépose une bise sur le front avant de monter sur sa moto. Il démarre si vite que je n'ai même pas le temps de lui faire un signe de la main.

Je retourne dans ma chambre et rouvre mon ordinateur. Je n'ai plus qu'à me replonger dans mes notes. Les heures passent sans que je m'en rende compte, entre travail et rêveries.

Le lendemain matin, un réveil plus doux m'attend. C'est mon neveu, Mike, qui me réveille. Je grogne en sortant du lit, encore à moitié dans le brouillard, mais je finis vite par reprendre mes esprits. Au moins, je me lève chaque jour avec une tonne de câlins et de bisous, et franchement, ça n'a pas de prix.

Je me prépare tant bien que mal pour aller au lycée. Cette fichue écharpe complique tout.

— Tu ne peux pas l'enlever tout de suite, ma chérie. Allez, laisse-moi t'aider, dit ma mère avec sa douceur habituelle.

Elle m'aide à enfiler mes vêtements et à mettre mes chaussures. Je la remercie, un peu gênée d'avoir besoin d'aide pour ça, et on descend ensemble dans la cuisine pour prendre notre petit-déjeuner.

Comme d'habitude, Jacob passe me chercher. Et franchement, j'adore ça. Non seulement je peux traîner un peu plus le matin, mais en plus, je n'ai pas à affronter la pluie ou le vent à pied.

Au lycée, j'utilise un magnétophone pour enregistrer mes cours. Ça évite de déranger mes camarades avec mes demandes, même si je sais qu'Embry recopie presque tout en double pour moi.

La journée se passe plutôt bien. Je traîne surtout avec Jill. On est très amies, même si on ne se voit pas tout le temps, et c'est ça qui rend notre relation unique. Aujourd'hui, c'est l'un de ces jours exceptionnels où on passe tout notre temps ensemble.

Avec mon bras en écharpe, je galère pour tout, mais Jill est là pour m'aider. Elle me refait mes lacets quand ils se défont, porte mon plateau à la cantine et me coupe même ma viande. À force, j'ai l'impression d'être une gamine de trois ans qui ne peut rien faire toute seule.

Pendant ma dernière heure de cours, j'essaie de rester concentrée, mais je me perds peu à peu. Je gribouille quelques dessins de la main droite dans mon cahier, et quand je tente d'écrire, rien ne ressemble à ce que j'imagine. Ça m'agace.

Après les cours, je rentre à pied. Jacob n'a pas pu me raccompagner : il est parti avec les autres garçons, si vite qu'ils n'ont même pas eu le temps de me dire au revoir. J'adore passer du temps avec eux, mais le problème, c'est qu'ils disparaissent parfois en un claquement de doigts.

Jill trouve ça super bizarre, mais moi, je me dis qu'ils doivent avoir leurs raisons. À chaque fois qu'elle me questionne là-dessus, je hausse les épaules et lui dis simplement que je respecte leur intimité.

En arrivant à la maison, je salue ma sœur, Daphnée, et file dans ma chambre. Je commence à recopier mes cours avec mon magnétophone. L'ordinateur est allumé, et je tape comme je peux, une lettre après l'autre, en suivant les paroles des profs.

— Ce n'est pas évident à une main… Laisse-moi faire, propose Daphnée, qui est apparue derrière moi sans que je la voie.
— T'es sûre que ça ne te dérange pas, Daphnée?

Elle acquiesce.

— Bien sûr que non. Je peux au moins faire ça pour toi.

Elle récupère le magnétophone et ajoute :

— Je m'en occupe. Je te rends tes cours à la fin de la semaine.

Je la remercie sincèrement. Depuis ce qui s'est passé avec Milo, je sens bien qu'elle s'en veut de ne pas avoir pu réagir. Mais je ne lui en veux pas. Ça ne servirait à rien, à part ruiner tous les efforts qu'elle fait. Depuis que Milo est sorti de l'hôpital, elle a même suivi des cours de secourisme.

Et franchement, rien que pour ça, je suis fière d'elle.

Les jours passent, marqués par ma nouvelle routine qui s'est installée doucement. Les journées à La Push se ressemblent toutes, ou presque. Jacob passe me chercher chaque matin et me raccompagne chez moi le soir. La seule nouveauté, ce sont mes rendez-vous chez le kiné. J'y vais tous les après-midis après les cours, et c'est Daphnée qui m'y emmène.

Ce soir, c'est le grand jour : je peux enfin retirer mon écharpe. En rentrant, je fais attention à ne pas bouger trop brusquement, même si j'en meurs d'envie. Plus d'écharpe, d'accord, mais je suis toujours en rééducation.

Pour marquer le coup, Jacob passe me chercher. On va chez Emily. Là-bas, tout le monde m'accueille avec des sourires éclatants. Les discussions fusent, et quelques nouvelles têtes que je ne connais pas encore viennent se joindre à nous. D'après ce que j'ai compris, ils sont plus jeunes que Seth, mais ils n'en ont pas l'air.

En début de soirée, Emily me propose de rester dîner. Je refuse poliment, expliquant que mes parents m'attendent. Jacob me raccompagne alors chez moi et décide de rester un peu.

En entrant dans ma chambre, je remarque un livre posé sur mon bureau, avec un post-it collé dessus :

« Tout juste sorti de chez l'imprimeur, il est super !
La bise, Moira. »

— Oh la vache, tu connais H. Wolf? s'exclame Jacob, surexcité.
— Euh… commence-je, hésitante.
— Non, attends… Tu connais les éditeurs! Rachel… Rachel, ma sœur, est fan! Elle a ses deux autres bouquins. Si elle savait ça… Attends, mais ce bouquin sort dans un mois et demi!

Jacob est comme une pile électrique. Il me supplie presque de lui trouver un exemplaire en avant-première pour Rachel. Puis il enchaîne avec une demande complètement folle : une entrevue entre Rachel et H. Wolf.

Je calme ses ardeurs, en inventant un petit mensonge.

— Je ne connais pas l'auteur, juste son éditrice.

C'est faux, évidemment. H. Wolf, c'est moi. « H » pour Haven, et « Wolf » pour Wolfy, un surnom que je trouve simple et efficace. Wolf, c'est aussi un nom courant en Amérique du Nord et au Canada.

Je garde ce secret jalousement. Pas question que ma notoriété vienne perturber ma vie ou celle de ma famille. Si ça venait à se savoir, la réserve pourrait être envahie de fans et de journalistes.

Je décide d'envoyer un SMS à Moira, mon éditrice, qui me répond tout de suite.

« Salut, Moira. J'ai bien reçu mon colis, il est parfait ! Est-ce que tu pourrais m'envoyer un autre exemplaire? »

« Bien sûr, il partira en colis recommandé demain matin »

Je me tourne vers Jacob et souris.

— Coup de bol, elle a accepté d'en envoyer un autre. Par contre, je compte sur ta sœur pour rester discrète.
— Oh crois-moi, elle sait garder un secret, ne t'inquiète pas, dit-il énigmatique. Dis… Tu crois que tu pourrais essayer d'avoir un rendez-vous avec l'auteur? Ma sœur… Elle est vraiment fan! Je te jure, elle saurait garder l'identité secrète mieux que personne.

Il me fixe avec des yeux suppliant, et je craque.

— Je te promets rien, mais je vais essayer.

Je ne sais pas encore si je vais accepter. Il faut que je réfléchisse. Rachel est peut-être digne de confiance, mais c'est un trop gros risque. Je connais Jacob et j'ai confiance en son jugement au sujet de sa sœur, mais c'est trop important pour se laisser amadouer…

Je glisse l'exemplaire de mon roman, Sanglante, dans le casque de Jacob.

— Tiens, pour ta sœur. J'en aurai un autre bientôt.

Il tente de refuser, mais j'insiste. Il finit par me serrer dans ses bras, sincèrement reconnaissant.

Jacob reste chez nous jusqu'à l'heure du dîner, puis il repart. Il retourne chez Emily et Sam pour aller dîner.

La maison retrouve son calme après son départ. Je profite de la soirée pour lire un peu et me détendre. Le sommeil me gagne rapidement, alors je me laisse sombrer.

Le lendemain matin, je me réveille de bonne humeur. Mes séances de kiné sont enfin terminées, et je vais pouvoir être libre de mes mouvements, tout en restant précautionneuse. Je prends mon temps pour me préparer avant de descendre prendre le petit-déjeuner.

Papa est dans la cuisine, plongé dans son journal. Il me salue rapidement, puis retourne à sa lecture, l'agrémentant de petits commentaires sarcastiques. J'adore cet humour qui le caractérise, toujours là pour détendre l'atmosphère et mettre tout le monde à l'aise.

Après avoir mangé, je termine de me préparer, récupère mes affaires et sors attendre Jacob sur le perron. Comme prévu, il arrive en moto. Je soupire… C'est fini la voiture ! Il n'allait pas changer ses habitudes très longtemps. Je prends le casque qu'il me tend, l'enfile et monte derrière lui, m'agrippant à lui.

Au lycée, on file retrouver notre bande. Oui, notre bande, parce que j'en fais partie, même si ma présence dépend souvent de celle de Paul. Heureusement pour moi, il reste fidèle à son habitude de sécher les cours, tout comme les autres gars d'ailleurs !

Cet après-midi, Emily m'invite chaleureusement à venir prendre le goûter.

— Il sera là ou pas ? je demande.

— Oui, il sera là, déclare Quil. Il ne peut pas être absent à chaque fois, tu sais…

Je soupire en faisant mine de réfléchir. J'ai bien envie d'y aller, mais la présence de Paul me dérange vraiment. Cette invitation me rappelle ma conversation avec Sam, lors de ma première visite chez Emily…

— Je viens, pas de problème ! Je ne veux pas décevoir Emily, et surtout pas Sam !

— Sam ? s'étonne Jared.

— Si je déçois Emily, je déçois Sam, si je déçois Sam, je déçois tout le monde, et si je déçois tout le monde, Paul se sentira puissant. Et ça, hors de question !

La journée suit son cours, et je finis par me réjouir d'aller chez Emily, même si Paul sera là. D'ailleurs, le voilà qui arrive, fier comme un coq. Je le regarde passer devant moi et grimace en voyant toutes les filles papillonner des yeux en le voyant. Qu'elles sont stupides !

Après les cours, je retrouve Jacob sur le parking. Je m'équipe et grimpe à l'arrière de la moto. Bizarrement, je commence à apprécier ces trajets. Peut-être que Jacob pourrait m'apprendre à conduire, qui sait ?

Chez Emily, tout le monde est déjà installé. Apparemment, ils connaissent un raccourci par la forêt, un peu dangereux pour les non-initiés. Ils ne savent pas que je suis une randonneuse hors pair, mais tant pis. Je hoche la tête devant leur explication en m'asseyant devant une table remplie de cookies et autres pâtisseries. Emily est une cuisinière hors pair !

— Tu vas grossir, microbe.

— Merci, Paul, mais je n'ai pas besoin de ton avis, je rétorque.

— Jacob n'aime pas les grosses, ajoute-t-il avec agacement.

— Je m'en fiche que Jacob n'aime pas les grosses, si tu savais !

Quel crétin ! Il croit sérieusement que j'en ai quelque chose à faire de l'avis de Jacob sur mon poids ? Si je voulais être grosse, je le serais, point final ! Ignorant Paul, je dévore mon cookie avec appétit tout en gardant un œil sur lui. Pourquoi est-il torse nu, au fait ?

— Oh, j'ai vu Carlisle ce matin, dit Sam à mon intention. Il m'a confié que tu pourrais devenir médecin si tu voulais !

— Oula non ! J'ai d'autres projets professionnels.

— Ah ? Quoi donc ? demande Quil, curieux.

— Ce n'est pas quelque chose dont je parle. Je le garde pour moi...

— Bah, peut-être que tu me le diras un jour ! conclut-il.

Du coin de l'œil, je surprends Paul en train de fouiller dans mon sac. Je l'interpelle vivement, mais il continue et sort mon carnet gris. Non ! Pourquoi l'ai-je laissé dans mon sac ? Paul commence à l'ouvrir. Sans réfléchir, je grimpe sur la table et lui saute sur le dos pour lui arracher mon carnet des mains.

— Lâche ça tout de suite, Paul.

— Fallait pas te balader avec ton journal intime, microbe.

— Ce n'est pas mon journal intime, ducon ! Lâche ça immédiatement !

J'essaye de l'attraper, mais il est trop grand. Leah tente de m'aider, en vain. Paul reste immobile comme un roc.

— Tu sais que la force de pression de la mâchoire humaine est de quinze à vingt kilos par centimètre carré ? je lui murmure à l'oreille. Si je te mords ici, je peux te faire très mal.

— Tu n'oserais pas ! ricane-t-il en ouvrant mon carnet.

— Tu crois ?

Et je mords. Je mords de toutes mes forces, jusqu'à sentir ma bouche se remplir de sang. Tout le monde autour de nous retient son souffle, mais je ne cède pas. Paul commence à trembler violemment. Le temps est comme figé. Paul tremble de colère.

J'entends Seth me demander le lâcher prise, mais il en est hors de question. Au contraire, je resserre ma prise autour de Paul. Je ne le lâcherais pas tant qu'il ne m'aura pas rendu mon carnet. Je sais, je suis un peu excessive, mais, ce carnet c'est le fruit de mon travail !

Je vois tout le monde complètement paniquer autour de nous, jusqu'au moment où les tremblement de Paul s'arrête.

— Ok, si je te rends ton carnet, tu me lâches, microbe ?

— Ouais ! dis-je, bien que cela ressemble plutôt à un « Vchouaich ».

Du coin de l'œil, je vois que Leah a un air vraiment surpris. En jetant un rapide coup d'œil aux autres, je vois le même air circonspect sur tous les visages.

Il me tend mon carnet, et je l'attrape avant de desserrer ma prise. Une fois mon précieux à l'abri, je le relâche. Paul file dans la salle de bain en vitesse, probablement pour soigner sa blessure. De mon côté, je me rince la bouche plusieurs fois et range soigneusement mon carnet dans mon sac.

— Je ne peux m'empêcher d'imaginer… Si Paul était tombé amoureux de Haven, lance Embry avec un sous entendu que je ne comprends pas.

— Jamais ! je proteste en le fixant. Jamais je ne tomberais amoureuse de lui.

On se regarde intensément pendant ce qui semble une éternité. Finalement, il tourne la tête vers Sam.

— Ça fait quatre cookies que je mange, et je n'arrive pas à me débarrasser du goût du sang, dis-je, un air dégoûté sur le visage.

— Pourquoi elle avait du sang dans la bouche?demandeun nouveau venu qui passe le pas de la porte.

— Elle a mordu Paul, répond Jared. Elle lui a pratiquement arraché le trapèze.

Paul désigne son énorme pansement et le nouveau ricane, félicitant Paul de ne pas avoir cassé la baraque. Enfin, les discussions plus légères reprennent leur cours et Paul reste silencieux. Je préfère ne pas faire attention à lui, bien qu'il soit assis en face de moi. Je sais qu'il le fait exprès pour me provoquer.

Toutefois, l'après-midi passe rapidement, mais je dois rentrer. Leah propose de me raccompagner. Alors que je rassemble mes affaires, Paul me demande d'un ton étrangement curieux :

— Dis-moi, microbe, si ce n'est pas ton journal intime, c'est quoi, ce carnet ?

Je suis complètement déroutée par cette question émanant de Paul. Pourquoi ça l'intéresse, d'abord ?

— Tu m'as mordu jusqu'au sang pour ce carnet, j'ai le droit de savoir, non ?

Il a raison. Il a le droit de savoir.. un peu. Alors, je lui explique que ce carnet contient mon futur. Personne ne semble comprendre ce que je veux dire, alors je me sens obligée d'en dire plus : il y a dans ce bloc-notes une grande partie de mon projet professionnel.

— Qu'est-ce que tu aurais fait pour ton journal intime, alors ? marmonne-t-il.

— Rien, rétorqué-je. Premièrement, je n'en ai plus depuis le collège et deuxièmement, dans mes journaux, il y avait des pages et des pages qui t'étaient dédiées : «Je déteste Paul » ; « Paul a encore mis des araignées dans mon casier » ; « aujourd'hui Paul m'a poussée au self, je suis tombée et je lui ai jeté mon assiette à la figure » ; « je me suis fait coller à cause de ce crétin de Paul », je continue ou ça te suffit ?

Je termine par saluer tout le monde et m'en vais, accompagnée de Leah. Dans la voiture, prêtée par Emily, je demande à mon amie pourquoi elle traîne avec eux. Elle me répond simplement que sa vie est compliquée et qu'elle protège son petit frère. J'acquiesce. Tout est toujours compliqué… Enfin, elle me demande comment je vais, réellement.

— Je n'arrive plus à le regarder dormir, avoué-je à voix basse.

— Il faut que tu en parles à quelqu'un de qualifié, me conseille Leah. Si tu ne peux plus regarder Milo dormir, comment feras-tu avec tes propres enfants ? Il faut que tu évacues ton traumatisme, ma belle.

Je hoche la tête. Leah a raison, il faut que j'en parle à un psy. Chez moi, Leah prend le temps de saluer ma famille et de discuter un peu avant de partir rejoindre sa bande d'amis.

Après le départ de Leah, j'évoque avec mes parents d'éventuelles consultations chez un psy. Ils me soutiennent dans mon choix. Je file dans ma chambre, et je reçois un message, que je m'empresse de lire. C'est Jake.

« Carlisle te félicite pour la morsure ! Aucun point de suture et aucune cicatrice. »

Je regarde mon téléphone, perplexe. J'ai l'impression que Jacob ment, mais je ne saurais pas dire pourquoi. Et puis, je suis déçue : pas de cicatrice ? Zut !

Point de vue Paul

Dès que Leah entre dans la maison, je sais que ça va mal finir. Son regard brûle de colère, et avant que je puisse dire quoi que ce soit, elle me frappe sur la clavicule. Exactement là où Haven m'a mordu. Je grimace sous la douleur, mais je ne bronche pas.

— Tu étais obligé de l'emmerder ? hurle-t-elle, les poings serrés. Pourquoi tu fais tout pour être détestable ?

Son ton me crispe. Pourquoi est-ce que c'est toujours moi, le problème ?

— Tout de suite les grands mots, rétorqué-je, agacé.

Leah s'apprête à frapper à nouveau. Je le vois dans ses yeux et dans la tension de ses épaules. Mais Jacob intervient, l'attrapant par-derrière pour la tirer en arrière.

— Calme-toi, Leah, dit-il doucement.

Elle lui échappe, ses yeux toujours braqués sur moi.

— Fiche-lui la paix ! me lance-t-elle, furieuse.

Je soupire. Franchement, je n'ai pas envie de me battre avec elle.

— Ça va, Leah, dis-je en levant les mains. Et puis, n'oublie pas que je me suis contrôlé pour ne pas la tuer tout à l'heure. C'est quand même elle qui m'a bouffé la moitié de l'épaule.

Leah me foudroie du regard, mais c'est Jacob qui répond, un sourire moqueur sur les lèvres.

— À qui la faute, hein ? raille-t-il. Mais, sérieusement, je dois avouer que tu m'as impressionné. Qu'est-ce qu'il a bien pu se passer dans ta petite tête ?

Je détourne les yeux et attrape un muffin sur la table. La question me gêne plus qu'elle ne devrait. Je n'ai pas envie de parler de ça. Ni de cette sensation étrange qui m'habite depuis que Haven fait partie de notre bande de pote, ni de tout ce qui m'a traversé l'esprit quand Haven a planté ses dents dans mon épaule. J'étais en colère, oui, mais… pas seulement. Il y avait autre chose que je ne parviens pas à saisir tout à fait. Quelque chose que je ne devrais pas ressentir.

— Je ne voulais pas la tuer, c'est tout, dis-je en haussant les épaules, mettant fin à la conversation.

Jacob acquiesce, mais je vois qu'il est curieux. Il sort son téléphone et fait défiler un message avant de nous le montrer.

— Pour info, je lui ai dit que Carlisle est venu l'examiner et que c'est moins grave que ça en a l'air.

Je hoche la tête, feignant l'indifférence. Mais dans ma tête, c'est le chaos. Pourquoi est-ce que Haven m'obsède autant ? Ce n'est pas censé arriver. Pas alors que je devrais penser à Rachel et à notre amour parfait et sans faille. Et pourtant…

Je serre le muffin dans ma main, incapable de comprendre pourquoi, quand Haven est près de moi, elle occupe toutes mes pensées.