Point de vue Paul
Je n'avais pas prévu d'aller au cinéma ce soir, mais quand j'ai vu dans l'esprit d'Embry qu'Haven y serait avec son rencard… Je ne sais pas ce qui m'a pris.
Enfin, si.
Je sais exactement ce qu'il m'a pris.
Alors j'ai ouvert mon ordinateur, j'ai cherché une fille au hasard et, en moins d'une heure, j'avais un rendez-vous avec une certaine Joanna. Une fille que je ne connais pas, qui ne me connaît pas et qui n'a pas posé trop de questions.
Et me voilà assis à une table dans le hall du cinéma, Joanna en face de moi. Elle parle de tout et de rien, mais je ne l'écoute qu'à moitié. Mon regard scrute la foule qui entre, jusqu'à ce que je la voie.
Haven.
Mon ventre se contracte.
De là où elle se tient, elle ne me voit pas encore et je prends le temps d'enregistrer chaque détail que je vois. Elle porte un petit haut bleu qui met en valeur sa peau hâlée et un jean qui lui fait des jambes interminables.
Elle avance un peu dans le hall, elle va bientôt me voir alors je reporte mon attention sur Joanna. Du coin de l'œil je remarque qu'Haven m'a vue. J'attends encore quelques secondes et je lève la tête pour la regarder. Elle détourne rapidement le regard, faisant semblant de ne pas m'avoir vue, mais c'est trop tard. Et elle le sait.
Un sourire narquois étire mes lèvres.
L'attention d'Haven est soudain détournée quand un type blond débarque à ses côtés. Mon estomac se tord.
Brett.
Il est grand, souriant et trop heureux d'être là. Ma mâchoire se contracte en le voyant poser une main légère sur le bras d'Haven. Elle ne le repousse pas. Et il lui sourit comme si elle était la huitième merveille du monde.
Ça me met hors de moi.
J'ai une furieuse envie de me lever, d'attraper ce type par le col et de lui dire qu'il n'est pas sa place, que Haven ne lui appartient pas. Mais je ne peux pas. Parce que moi non plus, je ne peux pas prétendre qu'elle m'appartient. Et si ma relation avec Rachel m'a bien appris quelque chose sur les femmes, c'est qu'elles n'appartiennent à personne, si ce n'est à elles-mêmes.
Alors à la place, je me lève et m'approche avec mon sourire le plus agaçant sur les lèvres, Joanna sur mes talons.
— Haven ! Je ne savais pas qu'on se croiserait ici ! C'est marrant, lancé-je d'un ton faussement étonné.
Elle me foudroie du regard.
— Oh, vous êtes amis ? On pourrait aller voir le même film ? Ça peut être sympa ! propose Brett avec un enthousiasme à gerber.
J'ai envie de l'étrangler.
— Non ! / Bonne idée !
Nos réponses fusent en même temps. Je lève un sourcil. Elle veut vraiment m'éviter à ce point ?
Brett fronce les sourcils.
— Oh, bah pourquoi ? demande-t-il, complètement décontenancé.
Un sourire en coin étire mes lèvres.
— Oui, Haven, pourquoi ?
Je jubile. J'adore la pousser à bout.
Elle serre les dents, jette un regard à Joanna qui, visiblement, n'est pas plus emballée par l'idée que moi. Finalement, elle finit par céder.
Oui, vraiment, j'adore la voir en colère.
On achète nos places et on va s'installer dans la salle : moi, Joanna, Haven et Brett. Je passe un bras autour des épaules de Joanna dès que le film commence. Ce n'est pas prémédité, mais sentir Haven se raidir à côté me pousse à jouer le jeu à fond. Joanna se colle aussitôt à moi. Facile. Trop facile.
J'en fais un peu plus et je murmure un truc idiot à Joanna. Juste assez bas pour que Haven n'entende que le ton, pas les mots. Juste assez pour qu'elle imagine. Puis, lentement, je prends le menton de Joanna et l'embrasse. Longuement.
Ce n'est pas juste un simple baiser.
Mais une putain de galoche.
Je ferme les yeux et, dans ma tête, ce n'est pas Joanna que je vois. C'est Haven.
C'est son goût que je veux sentir, ses lèvres que je veux redécouvrir, sa peau contre la mienne. Pendant une fraction de seconde, je ferme les yeux et je me laisse emporter. Puis, sans vraiment y penser, je les rouvre.
Et mon regard croise le sien.
Elle est figée, les yeux presque écarquillés. Elle a le souffle court.
Putain.
Je devrais arrêter là. Mais non. Mon regard reste accroché à celui de Haven. Elle ne détourne pas les yeux non plus. Je veux voir jusqu'où ça va. Je veux me délecter de sa jalousie. Alors, je continue d'embrasser Joanna.
Nos regards restent rivés l'un à l'autre. Son souffle s'accélère et un frisson me parcourt. Elle est troublée et je peux lire le désir au fond de ses yeux.
Et moi… Moi, ça me rend fou.
J'ai fait ça pour la provoquer, mais maintenant, c'est moi qui me laisse me prendre à mon propre jeu.
Et soudain, je vois sa posture changer. Son visage se fige. Ses épaules se tendent.
Ce n'est pas normal.
Mon regard glisse instinctivement sur elle.
Ce connard de Brett a posé sa main sur sa cuisse.
Tout mon corps se tend.
Je m'arrache des lèvres de Joanna, comme si elles m'avaient brûlé. Elle émet un petit son de protestation, mais je n'écoute pas. Je ne peux pas. Je garde ma main sur son visage uniquement pour me donner une contenance.
En vérité, j'ai les muscles tendus à l'extrême et j'ai envie de sauter par-dessus les sièges pour arracher la main de Brett de là, la lui briser et lui broyer les doigts.
Mais je me force à rester assis, les yeux rivés sur Haven. Son regard reste perdu dans le mien, comme si elle essayait de m'apaiser.
Bordel !
Elle ne bouge pas.
Pourquoi elle ne bouge pas ?
Si elle ne bouge pas dans la seconde qui vient, je jure que je vais me lever. Je jure que je vais, je vais—
Et elle finit par bouger.
— Il faut que j'aille aux toilettes, murmure-t-elle avant de se lever de son fauteuil.
Je la regarde partir, la mâchoire encore un peu serrée. Dès qu'elle disparaît, mon regard revient sur Brett. Il l'observe avec une expression d'incompréhension. Peut-être même un peu d'inquiétude.
Il ne la mérite pas.
Personne ne la mérite.
Même pas moi.
La suite de la soirée est un bordel monumental. Je n'arrive pas à me reconcentrer sur le film. Joanna s'accroche à moi et Haven ne revient pas à sa place. Ça m'obsède, car je sais qu'elle est encore là, réfugiée ailleurs dans cette salle.
Quand la séance se termine, elle réapparaît dans le hall, comme si de rien n'était. Brett la harcèle de questions. Ça a le don de m'agacer et je perds patience.
— Ouais, ouais, on a compris Brett, je le coupe d'un ton sec tout en levant les yeux au ciel. Laisse-la respirer ! Elle ne voulait pas gêner, c'est tout.
Haven me jette un regard reconnaissant. Puis, elle prétexte être fatiguée et demande si je peux la ramener. Mon cœur fait un bond, mais je garde mon expression neutre. Brett tente sa chance.
Mauvaise idée.
— T'embête pas, mec, je m'en occupe, répliqué-je avant qu'il n'insiste trop. On est voisins, je la dépose chez elle.
C'est moi qui la ramène. Point.
Brett se tait. Joanna ne dit rien non plus, mais je sens son agacement. Haven prend le temps de saluer Brett avant de s'éloigner de lui pour me suivre. Je grogne, mécontent. Elle est décidément trop gentille. Ce connard ne la mérite pas !
Le trajet est un supplice. Joanna est presque collée à moi, me susurre des mots doux, rit à mes faux sourires… Moi, tout ce que je veux, c'est arriver chez elle rapidement et me débarrasser d'elle. Surtout qu'Haven est assise à l'arrière, muette et visiblement contrariée par la situation.
Quand on arrive devant chez Joanna, elle traîne. Trop. Ses baisers deviennent insupportables. Elle est douce, elle est belle, mais ce n'est pas ce que je veux.
Non.
Ce que je veux, est assis à l'arrière et bouillonne en silence.
Quand Haven sort de la voiture et claque la portière pour signaler son impatience, Joanna râle et finit par descendre. Haven prend sa place avec une colère sourde dans les yeux.
— Démarre, ordonne-t-elle.
Je lui obéis.
Elle attend quelques secondes avant de lâcher, venimeuse :
— T'as fini ton petit jeu ? Tu veux quoi, à la fin ?
Je lui jette un regard en coin et les mots sortent tout seuls :
— Toi.
Elle me fusille du regard, mais je vois bien qu'elle a retenu son souffle un instant.
— Ce n'est pas moi qui suis partie en disant que je regrettais.
Son ton est dur, tranchant, mais elle a raison. Alors, je ne réponds pas.
Puis elle fixe la nuit, la tête contre la vitre, et je me concentre sur la route. Le reste du trajet se fait en silence, un silence qui pèse sur moi bien plus que je ne l'aurais cru.
Quand je me gare devant chez elle, elle ouvre la portière, prête à fuir. Mais juste avant de sortir, elle se penche légèrement vers moi, plongeant son regard dans le mien.
— C'est toi qui as merdé, maintenant assume.
Sa voix est tremblante, mais chaque mot frappe juste.
Elle claque la porte et disparaît.
Et moi, je reste là, les mains crispées sur le volant, incapable de bouger.
Putain de merde.
Je l'ai mérité.
Je finis par redémarrer et prends la route sans vraiment voir où je vais. Les mots de Haven tournent en boucle, dans ma tête. J'aurais dû dire quelque chose. J'aurais dû la retenir.
Au lieu de ça, je rentre sagement chez moi.
Je traîne pour aller me coucher et j'erre comme une âme en peine dans ma chambre. En vérité, je suis bien incapable de dormir et incapable de trouver une putain de solution à ce bordel.
Le lendemain matin, j'ai les traits tirés et l'impression d'avoir pris dix ans dans la gueule. La maison est calme, comme d'habitude. J'entends seulement mon père dans la cuisine en train de se préparer à manger. Moi, je suis assis sur mon lit, un magazine entre les mains, mais je ne lis pas une seule ligne.
Soudain, j'entends les pas lourds de monsieur McGeller dans les escaliers avant même qu'il frappe à la porte. Il entre, referme derrière lui et s'assoit sur ma chaise de bureau. Son regard est fatigué.
— Ma fille a pleuré toute la nuit, lâche-t-il finalement.
Mon estomac se tord.
— Elle n'a pas cessé de répéter à Jill qu'elle est amoureuse de toi et que tu as joué avec ses sentiments.
Je serre les mâchoires et détourne les yeux. Monsieur McGeller soupire encore avant de poursuivre :
— Tu veux savoir ce qui me fatigue le plus ?
Je hoche la tête, incapable de parler.
— C'est que tu es un imbécile qui aime une fille, ma fille, sans avoir le courage de le lui dire.
La douleur dans ma poitrine s'intensifie. Je lâche le magazine et passe mes mains sur mon visage.
— Il ne se passe pas une minute sans que je pense à elle, son sourire, son odeur… Bien évidemment que je l'aime !
— Alors, qu'est-ce qui t'empêche de lui dire ?
Il se lève, me jette un dernier regard et sort de la chambre. Je prends ma tête entre mes mains, dépassée par mes émotions.
Putain.
— Putain ! crié-je en envoyant valser le magazine valser à travers la pièce
Je laisse le calme revenir dans la chambre, puis je finis par attraper mon téléphone. Mon pouce hésite un instant avant d'appuyer sur le contact de Rachel.
Elle décroche après quelques tonalités, visiblement surprise.
— Paul ?
Je passe une main sur mon visage et lâche dans un souffle :
— Rachel… J'ai merdé. Putain, je suis qu'un con…
— Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? demande-t-elle après une courte pause.
Je ferme les yeux, serre la mâchoire et me lance :
— Tu m'as demandé une chose avant de partir, une seule, être une meilleure personne pour Haven, et je n'ai pas été capable de le faire !, pesté-je contre moi-même.
Elle ne dit rien, alors je continue.
— J'ai essayé, je te jure. Je me suis rapproché d'elle, j'ai agit comme un mec bien, mais à chaque fois que je sentais que ça pouvait aller plus loin… je repensais à toi.
Je souffle un rire amer et j'ajoute, avant qu'elle ne réplique :
— Je sais que t'es partie pour de bon, Rach, je sais que que tu reviendras pas, mais une part de moi espère toujours. Alors, merde, au lieu d'avancer avec Haven comme je le devrais, je fais tout capoter. J'ai voulu jouer au con pour éviter qu'elle tombe amoureuse de moi… Mais c'est trop tard et je suis en train d'en payer les conséquences.
Rachel soupire à l'autre bout du fil.
— Qu'est-ce que t'as fait, Paul ?
Je serre les dents, le cœur au bord des lèvres.
— J'ai couché avec elle. Et j'ai dit que je regrettais.
Un silence s'installe. Je l'entends inspirer lentement, comme si elle cherchait ses mots.
— Putain, Paul…
Elle ne dit rien d'autre. Comme si elle savait que je me détestais assez pour deux. J'aurais préféré qu'elle me hurle dessus.
— Elle doit te détester, finit-elle par dire.
— Ouais.
Je frotte mon visage d'une main tremblante et me laisse tomber sur mon matelas, fixant le plafond.
— Son père est venu me voir ce matin.
Rachel ne réagit pas, alors j'enchaîne.
— Il m'a dit qu'elle avait pleuré toute la nuit. Qu'elle n'arrêtait pas de dire à Jill que j'avais joué avec ses sentiments. Et… elle a raison. J'ai tout foutu en l'air.
Rachel reste silencieuse un instant, puis lâche d'une voix plus douce :
— Tu l'aimes, on est d'accord ?
Je ferme les yeux. L'image d'Haven me revient en tête. Son rire, sa façon de plisser le nez quand elle est concentrée, son regard quand elle pense que personne ne la regarde.
— Oui.
— Alors t'as encore le choix : ne rien faire et la perdre pour toujours ou arrêter d'être un lâche et assumer tes sentiments.
Je laisse échapper un rire sans joie.
— Rach, je crois que tu comprends pas… Cette fois, j'ai merdé, grave. Et le pire, c'est que je l'ai cherché. Hier quand on était au cinéma, putain, je l'ai provoqué !
Je passe une main sur mon visage, mais ça n'efface rien.
— J'ai tout ruiné.
Elle ne répond pas, mais je l'entend respirer lourdement. Je me mords la joue, incapable de supporter le silence de Rachel plus longtemps.
— Rachel… Dis quelque chose, merde.
Elle soupire encore.
— Qu'est-ce que tu veux que je dise, Paul ?
— Que je suis un con. Que j'ai pas assuré. Que j'ai foiré la seule putain de chose que tu m'avais demandée avant de partir.
— Si tu m'as appelé, c'est pour que je t'encourage d'aller la retrouver, pas le contraire ! T'as pas besoin de moi pour foutre en l'air ton bonheur, Paul.
— T'étais pas là ce matin. Si t'avais vu son père… si t'avais entendu sa voix…
— Paul ! me dispute-t-elle. Ce n'est pas lui que tu dois convaincre !
Un frisson me traverse.
— Ecoute, reprends-elle. Oui, t'es un sacré con, mais t'es pas foutu. Pas encore.
Elle raccroche avant que je puisse répondre.
Et moi, je reste là, le téléphone collé à l'oreille, à espérer qu'elle ait raison.
/
Je suis garé devant chez Jill depuis un moment, incapable de repartir. Je ne sais pas ce que je fais ici, à part attendre comme un abruti. Son père est venu me parler ce matin, j'ai téléphoné à Rachel et, depuis, tout tourne en boucle dans ma tête.
Haven a pleuré toute la nuit.
Haven est amoureuse de moi.
Et moi, je l'aime aussi.
Alors je suis venu.
Sans plan, sans excuse valable. Juste moi, ma voiture et cette foutue envie de la voir.
Quand elle sort enfin de chez Jill, je sens immédiatement que quelque chose a changé. Elle a l'air plus légère, presque souriante. Pendant une seconde, j'hésite à démarrer et à faire demi-tour. Mais trop tard. Elle m'a vu.
Elle traverse la rue, furieuse, et ouvre la portière sans ménagement.
— Qu'est-ce que tu fiches ici ? Tu me suis maintenant ?
Je prends une inspiration.
— Je m'inquiète.
— Je ne vois pas pourquoi, grogne-t-elle. J'étais avec Jill, ma meilleure amie.
— Écoute, je t'ai laissée en pleurs hier soir, j'ai le droit de m'inquiéter, non ?
Elle me fusille du regard, prête à répliquer, mais je ne lui en laisse pas le temps. J'ai déjà trop attendu.
— Haven, je t'aime.
Elle cligne des yeux, prise de court. Une seconde, puis deux. Puis son expression change.
— Si tu m'aimes, pourquoi t'es parti ? lâche-t-elle d'une voix tremblante. Hein, pourquoi Paul ?
Je serre le volant entre mes doigts. Si elle savait… Si elle comprenait à quel point je suis paumé.
— Parce que j'ai peur des sentiments que j'ai pour toi !
C'est sorti tout seul. Brut, sincère, sans filtre.
Haven recule, le souffle court. Ses yeux brillent, mais elle ne dit rien.
Puis elle tourne les talons et s'enfuit en courant.
Je ne bouge pas et je la regarde disparaître à l'horizon.
C'est bien fait pour moi.
/
Je n'aurais jamais dû aller là-bas.
Je n'aurais jamais dû lui dire ça.
Non, ce n'est pas vrai.
Je devais lui dire.
Arrêter de jouer au con.
Haven me rend dingue. Chaque regard, chaque réaction, chaque foutue émotion qu'elle me fait ressentir me rend encore plus dingue d'elle.
Et elle m'a fuit.
Et je comprends pourquoi.
Alors je suis parti à mon tour.
J'ai rejoint la meute chez Emily, là où tout semble plus simple, où personne ne se prend la tête. Même si… Ils m'ont pris la tête.
Évidemment, j'ai dû tout leur raconter et ils se sont bien foutu de ma gueule.
Naturellement, ils m'ont fait comprendre que tout était de ma faute – comme si je ne le savais pas déjà – et que la fuite d'Haven n'est que le retour de bâton que je n'ai cessé de tendre pour me faire battre. Ouais, on parle en métaphore ici.
Bref.
Autour de moi, la meute plaisante, se chamaille. Emily sort une tarte à la rhubarbe du four, l'odeur sucrée envahit la pièce. Je me fait discret et essaye de me fondre dans cette ambiance pour ne pas penser à elle, à tout ce qui la rend si belle à mes yeux et… à toute la douleur que j'ai pu lui infliger.
Et puis, on frappe à la porte.
Je reconnaîtrais son odeur entre mille, mais je reste méfiant. Il se peut que ce soit son père, venu encore une fois me voir pour m'engueuler.
Sam se lève et va ouvrir.
— Je peux voir Paul ?
Mon cœur rate un battement. C'est bien sa voix que j'entends.
Les autres échangent des regards. Je pousse un soupir devant leur air satisfait et me lève. Sous les regards curieux de mes frères et sœurs, je traîne un peu des pieds jusqu'à la porte.
Quand j'arrive à la porte, Haven est bien là. Essoufflé, les joues encore humides. Mon estomac se noue. Je pousse un petit soupir, dépité par ce que mon comportement de connard lui à fait.
Encore.
Soudain, sans que je ne réalise quoique ce soit, ses bras se nouent autour de mon cou et elle m'attire vers elle. Je n'ai pas le temps de réagir avant que ses lèvres ne trouvent les miennes.
Le temps s'arrête.
Sa bouche est chaude, douce, hésitante et pourtant déterminée. Mon corps se tend, puis cède à la vague brûlante qui me traverse.
Merde. C'est bon.
Quand elle se détache enfin, je reste figé, son goût encore sur mes lèvres. Elle recule légèrement, le souffle court, le regard incertain.
Et puis, elle sourit.
Un sourire timide, hésitant, mais terriblement beau.
Un sourire que je ne peux qu'admirer.
Alors, malgré le chaos dans ma tête, malgré tout ce que je ressens, je souris aussi.
— J'aime bien quand tu souris comme ça, lâché-je sans réfléchir.
Elle sourit encore plus fort.
Et plus rien d'autre n'a d'importance.
