Je profite d'un week-end pour présenter officiellement Paul à ma famille lors d'un dîner. Je suis heureuse avec lui, même si avec l'éloignement nous ne nous voyons pas beaucoup. J'ai aidé ma mère à organiser le repas tout l'après-midi.

Les premiers arrivés sont Daphné, Hunter et les enfants. Ils ont tellement grandi que je n'en reviens pas. Je rentre chaque week-end, mais l'effet reste le même à chaque fois.

Paul toque à la porte une dizaine de minutes plus tard. À cet instant, je me transforme en une adolescente de quatorze ans lors de son premier rendez-vous : j'ai les mains moites et je me tortille dans tous les sens. Autant dire que je suis très, très, nerveuse. Mon père ouvre la porte et accueille Paul chaleureusement. Il entre et salue tout le monde. Miky s'approche de lui et le jauge du regard.

— Toi, t'es pas Jacob, constate-t-il.
— Non, moi, je suis Paul !
— Moi, j't'aime pas bien, parce que, tata, tu l'as fait pleurer, toujours !

Je me pose une main désespérée sur le visage avant de me reprendre. J'essaie de calmer mon neveu en lui disant de laisser Paul tranquille, parce que c'est mon amoureux. Il boude, mais finit par se taire.

Nous passons à table et tout le monde profite du dîner pour en apprendre plus sur Paul. Mes parents le bombardent de questions et il répond avec patience. Il leur explique qu'il n'est pas étudiant et qu'il ne peut pas travailler pour le moment à cause de quelques problèmes de santé. Je suis étonnée par cette révélation. Je n'étais pas au courant. Mes sourcils se froncent, mais je ne dis rien. Je lui en reparlerai plus tard…

Le repas suit son cours et, heureusement, la conversation dérive sur le futur mariage de Daphné et Hunter. Paul en profite pour se faire plus discret, soulagé de ne plus être au centre de l'attention.

Bien plus tard, nous montons nous coucher. J'ai insisté pour que Paul reste, parce que je voulais des explications sur son état de santé… Est-ce que c'est grave ? Parce que moi, je suis morte d'inquiétude.

— Tu es réellement malade ? demandé-je de but en blanc.
— En quelque sorte... avoue-t-il.
— Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé avant ?
— Parce que ma vie n'est pas en danger, déclare-t-il tout simplement.
— Tu me dis la vérité ou tu me mens pour me faire plaisir ? insisté-je, sachant qu'il ment.

Il tente de me rassurer, mais quelque chose dans ses réponses me chiffonne. S'il n'est pas réellement malade, alors c'est autre chose.

Et si j'avais raison depuis le début ? Et si Paul était un bien un loup ?

Je me mords la lèvre, mal à l'aise face à ma propre pensée. Paul semble le voir et me prend la main. Il me rassure encore une fois et, même si je ne suis pas convaincue par son explication, je finis par accepter sa réponse.

Ou peut-être que je deviens paranoïaque… Je secoue la tête et me force à ne pas y penser. Et, après tout, il ne sait pas que je suis alors il a bien le droit d'avoir des secrets aussi.

Après cette pause bienvenue, la vie reprend son cours, bien que l'ombre du secret de Paul me hante encore. Les jours s'enchaînent, rythmés par la reprise des cours et la routine quotidienne. Six mois s'écoulent encore, tandis que ma relation avec Paul reste stable, peut-être même renforcée par la distance qui nous sépare. L'éloignement semble en effet préserver une sorte d'équilibre entre nous.

Paul me rend visite régulièrement, tout comme Jared qui vient voir Kim. Quand il vient, c'est toujours un moment spécial. Évidemment, il en profite pour passer chez sa mère à chaque fois et je l'accompagne souvent, ce qui me fait plaisir même si, je suis toujours un peu mal à l'aise face à elle, parce que Paul m'a confié que sa mère n'était pas au courant de sa maladie et qu'il comptait sur moi pour ne pas faire de gaffe en sa présence.

J'essaie donc de jouer mon rôle sans trop poser de questions, même si, au fond, cela m'inquiète. Et chaque fois que je lui en parle, il fait tout pour détourner mon attention ou me prouver que je peux lui faire confiance.

Globalement, même si tout va bien entre nous, je dois admettre que Paul a aussi un tempérament jaloux, un trait que je commence à bien connaître. Dès qu'un autre garçon me salue, je le vois froncer les sourcils ou observer la scène d'un air contrarié. Au début, cela me faisait sourire, mais au fil du temps, je commence à trouver ça un peu agaçant. J'essaie de ne pas le provoquer et je fais passer le message à mes amis avant qu'il n'arrive, mais ça me prend la tête.

Ce matin-là, je me réveille pleine d'entrain. Je suis rentrée à La Push pour des grandes vacances entre deux semestres Et Paul m'a invitée chez lui pour me présenter son père et je dois dire que ça fait quelques jours que je ne suis pas partie.

Paul est endormi et je l'observe dormir dans son lit. Il ronfle légèrement et je souris doucement. Il a dû s'absenter dans la soirée et il est rentré tard.

Je ne sais absolument pas où il va comme ça, mais j'ai remarqué qu'il sort la nuit et revient au petit matin. C'est un autre de ses secrets.

Je fronce légèrement les sourcils. Ça ne me dérangeait pas jusqu'ici, mais maintenant…

Bon sang, arrête avec ces histoires de loups !

Pourtant, une part de moi n'arrive pas à balayer l'évidence.

Je me lève et me prépare. Je veux profiter du soleil matinal pour faire une petite promenade. À peine arrivée près de la porte de la chambre, j'entends Paul bouger.

— Tu vas où sans moi ? dit-il, la voix encore empâtée.
— Je vais prendre mon petit déjeuner et aller faire un tour. Toi, dors, tu es fatigué… je lui réponds doucement.
— Tu vas où ? perd-il patience et je soupire.
— Dans les bras de mon amant ! lâché-je, sarcastique.

Paul sort du lit en furie et m'attrape par le bras. Il ne me fait pas mal et heureusement. Ce n'est pas la première fois qu'il réagit comme ça. Sa jalousie est épuisante.

— Tu rigoles j'espère ? bégaye-t-il.
— Le sarcasme, tu connais ? répliqué-je avant de sourire. Je vais faire un tour sur la plage.

Il relâche mon bras et baisse la tête un peu penaud.

— Tu me tromperais ? demande-t-il.
— Pourquoi faire, Paul ?
— Réponds à ma question ! insiste-t-il un peu sèchement.
— Non, banane ! Tu me rends heureuse, tu es là pour moi et je t'aime.
— On… on n'est jamais sortis ensemble… alors peut-être que… dit-il, plus calme.
— Oh, arrête un peu, Lahote ! réponds-je, m'énervant un peu. Ce n'est pas parce qu'on ne va pas au ciné que je vais aller voir ailleurs !

Je l'enlace et lui demande de ne plus jamais me faire de scène pareille quand je fais des blagues sur un quelconque amant caché.

— J'ai l'impression que tu vas me quitter pour ton… Brice !
— Bruce, tu veux dire et c'est impossible, il a complètement craqué sur Jill ! ris-je.
— Jill ? s'étonne Paul.
— Oui, Jill ! insiste-je. Il n'a pas de quoi s'étonner, elle est superbe, drôle, gentille, et c'est ma meilleure amie !
— J'aurais dit caractérielle, violente, autoritaire… Et c'est ta meilleure amie, se moque-t-il.
— Si je ne savais pas que je me ferais mal en te tapant, sache que je t'aurais mis un coup de poing, gronde-je, alors qu'il rit.

Nous nous embrassons et Paul s'excuse de son comportement, me promettant de travailler sur sa colère.

— Sam m'aide à ce sujet, mais je n'ai pas l'impression de faire beaucoup de progrès m'avoue-t-il en se grattant derrière la tête, gêné parce qu'il vient de me confier.

Je souris, attendrie, et je l'attire contre moi pour l'embrasser encore une fois.

Le soir même, Paul me surprend et décide de m'emmener au restaurant. L'idée de n'être jamais sorti en amoureux l'a travaillé toute la journée et il veut y remédier.

Nous allons dans un restaurant italien qui a ouvert récemment à Forks.

Paul me confie qu'il connaît bien le propriétaire et qu'il a pu obtenir une bonne table grâce à ça. En arrivant sur place, je tombe des nues lorsque je vois Jackson Pierce, la brute épaisse qui lui servait d'amis et me martyrisait avec Paul. Presque plus que Paul, d'ailleurs, mais ça, je ne sais pas s'il est au courant.

Quand Jackson aperçoit Paul, il se précipite à sa rencontre. Il ne fait même pas attention à moi et se contente de raconter à son vieil ami à quel point tenir le restaurant lui plaît, surtout que le succès est au rendez-vous.

— Et donc, tu es venue avec une nouvelle conquête ? rit-il avant de se retourner pour m'observer. Haven ?
— Je ne suis pas « une nouvelle conquête » ! m'emporté-je, les joues cramoisies.
— Ouais, ouais, jusqu'à ce qu'il te jette.

Paul ne dit rien et je boude.

Paul et moi allons nous installer, Paul saisit la carte qu'il lit avec attention, commentant un peu les divers plats qui lui font envie.

Et moi, je rumine mes pensées.

Paul n'a rien dit.

Pourquoi Paul n'a-t-il pas pris ma défense ? Est-ce juste une mauvaise blague qu'il me joue ? Jackson et lui sont-ils de mèche depuis le début ? Paul est-il sincère avec moi ?

Je souffle discrètement et Paul ne semble même pas s'apercevoir que je fais la tête.

Alors je me reprends et fais comme si tout allait bien pendant tout le repas, même si l'idée qu'il puisse se servir de notre relation pour se moquer de moi me travaille énormément. Peut-être que ce repas dans le restaurant de Jackson ne sert qu'à prouver que la mauvaise blague fonctionne ? Paul va-t-il me jeter après ce rencard ?

Peu avant le dessert, Paul lève la tête et regarde vers l'extérieur. Je suis étonnée par cette réaction, l'image d'un loup aux aguets me flotte devant les yeux. Encore et toujours cette image de loup… Et pourquoi ai-je l'impression qu'il a entendu quelque chose que je n'ai moi-même pas entendue ?

Il se reprend et cherche son téléphone dans la poche de son manteau. Il regarde l'écran pendant quelques instants puis se prépare à partir.

Je veux lui poser la question, mais il est déjà en train de se lever.

— Je… Je dois m'en aller, dit-il en me laissant en plan.

Il quitte la pièce à toute vitesse, me laissant seule à ma table.

Et je fond en larmes en réalisant ce qui vient de se passer.

Paul m'a laissée dans le restaurant, sans argent pour payer la note, ni même un taxi pour rentrer.

Je me ressaisis et sort mon téléphone. J'appelle Jacob, mais tombe sur sa boîte vocale. Je tente tous les numéros de mes amis, mais personne ne décroche. Je peste contre tout le monde.

Je ne me sens pas capable d'appeler sur le téléphone fixe des Lahote, même si je suis en pension là-bas pour quelques jours.

Puis je souffle un coup, réalisant l'évidence. Jill. Je dois appeler Jill.

Je lui téléphone donc, en espérant qu'elle ne soit pas endormie. Elle décroche.

— Oh Jill, merci les esprits ! Paul, il–je– Oh, Jill, j'ai d'argent pour payer la note, je crois qu'i–
— Haven, respire, intervient Jill. Dis moi où tu es, j'arrive.

Je lui donne l'adresse du restaurant et une petite demi-heure plus tard, Jill me rejoint à ma table.

— Raconte-moi ce que tu voulais me dire au téléphone.

Je lui raconte ma petite dispute matinale avec Paul, qu'il m'a invité dans ce restaurant et qu'il s'avère que Jackson Pierce en est le propriétaire. Enfin, je lui donne tous les détails de la soirée, sans omettre quoi que ce soit.

— Paul vient donc de me laisser en plan dans le restaurant de son meilleur ami Jackson, sans argent et sans moyen de locomotion, dis-je la voix tremblante.

Je souffle un peu pour reprendre le contrôle de ma voix.

— Il savait très bien ce qu'il faisait, c'est évident, c'est un de leur plan foireux pour se moquer de moi.

Les larmes me piquent les yeux et menacent de couler à nouveau. Jill tend la main par-dessus la table et je la saisis.

— Et, comme une conne, je suis tombée dedans la tête la première ! Paul ne m'aime pas alors que moi… Moi, je suis réellement tombée amoureuse de lui !

Jill tente de me réconforter… à sa manière.

— Ça va aller… Allez, je t'offre le dessert.

Je souris, parce que c'est elle qui paye l'addition. Enfin, pour le moment. Je lui promets de lui faire un chèque dès que possible pour la rembourser, puis elle me ramène chez moi.

Quand j'entre dans la maison, mes parents sont emmitouflés dans leurs plaids devant la télé. Ils sont étonnés de me voir arriver seule.

— Tu n'es pas avec Paul ? me demande ma mère.
— Non et, s'il vient, je ne suis pas là, d'accord ?
— Il s'est passé quelque chose ? s'étonne mon père.
— Je ne veux pas le voir, c'est tout.

Je monte me coucher dans ma chambre et pleure toutes les larmes de mon corps.

Paul me fait pleurer.

Encore une fois.

Je finis par m'endormir sans m'en rendre compte.

Puis, dans la nuit, je suis réveillée en sursaut par des bruits de cailloux s'écrasant contre ma fenêtre. Je me lève pour voir qui me dérange à cette heure-ci.

C'est Paul.

Il me demande de lui ouvrir afin que nous puissions discuter des récents événements, mais je refuse et retourne dans mon lit.

— Ne m'oblige pas à casser la vitre… dit-il d'une voix étouffée par le double vitrage.

Je ne réagis pas et je le laisse envoyer des cailloux contre le carreau. Puis, il commence un décompte. Je me précipite pour ouvrir avant qu'il n'arrive à « trois ».

— Je ne veux pas te parler ! grondé-je.

— T̕ik̕ats, je t'en prie… J'entre, on discute et, si tu me le demandes, je m'en vais, d'accord ?

Je prends une profonde inspiration tandis qu'il me fixe avec espoir.

— D'accord, cède-je en m'éloignant de la fenêtre.

D'un bond, il attrape le rebord de la fenêtre, se hisse avec agilité et se glisse à l'intérieur de la pièce.

Je cligne des yeux. C'était… fluide. Trop fluide.

Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Ce n'est pas la première fois que je le remarque. La façon dont Paul bouge, son équilibre parfait, son agilité presque irréelle… Ce n'est pas normal. Pas humain.

Je serre les bras autour de moi, troublée.

Il me fait face, l'air désolé, mais ça ne m'attendrit pas. Pas cette fois. Je reste plantée là, les bras croisés, le regard braqué sur lui, attendant ses explications.

— J'étais avec Sam, tu pourras lui demander… il a… il a rencontré un problème, commence-t-il en évitant soigneusement mon regard. Quand je suis arrivé, j'ai compris que c'était un peu plus grave que ce que je pensais.

Un problème avec Sam ? À cette heure-ci ? Mais quel genre de problème demande à Paul de tout quitter en urgence, sans un mot ?

— Ne t'inquiète pas, il va bien, s'empresse-t-il d'ajouter en voyant mon expression se décomposer. Il n'était pas en danger, mais si je n'étais pas venu, ça aurait pu…

Je plisse les yeux. Il ne veut pas mentir, mais il ne peut pas non plus dire la vérité.

Un frisson me traverse encore. Mon esprit travaille malgré moi, repassant en boucle mes pensées confuses. Les disparitions nocturnes. La chaleur anormale. L'agilité hors du commun. La façon dont il a toujours l'air aux aguets.

Non ! On a dit non !

Il s'interrompt, passe une main sur sa nuque, cherchant visiblement ses mots. Moi, je lutte pour ne pas céder trop vite.

— Haven… T̕ik̕ats… souffle-t-il. Je suis désolé d'être parti comme un voleur.

Sa voix s'adoucit, et je sens déjà mes défenses vaciller.

— Je t'aime, sincèrement. Et demain, je promets d'aller voir Jackson pour lui dire que tu es bien plus qu'une simple conquête.

Je cligne des yeux, prise entre l'envie de le croire et celle de lui faire payer son départ précipité. Mon cœur tambourine, ma fierté me hurle de ne pas flancher… mais c'est Paul. Et il a ce regard. Ce fichu regard qui me fait tout oublier.

— Je te déteste, lâché-je d'un ton boudeur, détournant les yeux pour cacher mon trouble.

Il sourit et, avant que j'aie le temps de protester, il m'attire contre lui. J'ai envie de résister, de le repousser un peu, juste pour qu'il comprenne que ce n'est pas si facile… mais sa chaleur m'englobe, son odeur m'apaise et je finis par soupirer en enfouissant mon visage contre son torse.

— Je suis désolé… murmure-t-il encore et encore, sa main glissant dans mon dos.

Et malgré moi, ma colère fond comme neige au soleil.

Après cette nuit-là, tout s'est enchaîné à une vitesse folle.

Paul et moi faisons tout pour maintenir notre équilibre, fragile parfois, mais sincère. Je suis retournée à la fac après les vacances et il m'appelle tous les jours, passe dès qu'il en a l'occasion et, même si la distance entre nous reste pesante, on fait en sorte qu'elle ne nous éloigne pas.

Il est venu plusieurs week-ends, parfois sur un coup de tête, débarquant devant mon dortoir avec ce sourire en coin qui me fait chavirer. À chaque visite, je réalise à quel point je tiens à lui.

Entre ses passages à Tacoma, mes retour à La Push, mes cours qui deviennent de plus en plus intenses et mes sorties avec Kim et Jill, les mois ont filé à une vitesse folle. Les saisons changent et l'hiver s'installe sans que je ne le voie vraiment passer.

J'ai beaucoup écrit, profitant des conseils avisés de ma professeure de littérature appliquée et, après des semaines de travail acharné, j'ai mis un point final au deuxième opus de ma nouvelle saga. L'envoyer à mon éditrice a été un moment à la fois grisant et terrifiant. Depuis, je ronge mon frein en attendant son retour.

Côté amitié, tout roule. Jill est toujours aussi pétillante et Bruce… Eh bien, Bruce a fini par céder à son charme. Leur relation est explosive, un peu comme la mienne avec Paul, sauf qu'eux semblent prendre un malin plaisir à se chercher et à se provoquer en permanence. Jill dit qu'elle le mène à la baguette, Bruce prétend le contraire et, moi, je me contente d'observer leur dynamique avec amusement.

Bref. Entre les cours, les devoirs, mes soirées d'écriture et mes appels avec Paul, mes semaines sont bien remplies. La fatigue commence à s'accumuler et, à l'approche des fêtes de fin d'année, la charge de travail devient presque étouffante.

Je soupire en refermant la porte de ma chambre. La journée a été longue et rude. Les cours deviennent de plus en plus intenses et je suis exténuée.

— Salut, Kim ! dis-je en voyant ma colocataire assise sur son lit, son ordinateur sur les genoux. Et salut, Jared ! ajouté-je en apercevant le garçon à travers la webcam.

Ils me saluent en retour et je m'affale sur mon lit, les laissant tranquilles tous les deux. Kim et Jared forment un couple magnifique à mes yeux, comme deux âmes sœurs. Leur complicité me fascine. Ils dégagent une telle évidence, une telle harmonie…

Quelques minutes plus tard, Kim éteint son ordinateur et se tourne vers moi.

— Alors, ta journée ?
— Pff… longue et ennuyeuse à mourir, je me plains en me tournant vers elle. Mais toi, raconte-moi plutôt comment ça s'est fait avec Jared ! Tu ne m'en as jamais parlé…

Kim rougit aussitôt.

— C'est une histoire tout à fait banale, tu sais…

Mais je ne lâche pas l'affaire. Je veux tout savoir.

Elle finit par me confier qu'elle avait le béguin pour Jared bien avant qu'ils ne sortent ensemble, et qu'au fil des deux années précédentes, ses sentiments n'avaient fait que grandir.

— Comme tu le sais, on était voisins de classe depuis le début du lycée, explique-t-elle.

Elle me raconte alors que le jour où Jared est revenu en cours après sa poussée de croissance, il s'est assis à côté d'elle, comme toujours, mais pour une raison qu'elle ignore, ils ont commencé à discuter, comme si quelque chose avait changé.

— Il me regardait de manière très insistante, dit-elle en pouffant. À un moment, je lui ai demandé d'arrêter, parce que ça me mettait vraiment mal à l'aise.

Je souris, imaginant très bien la scène.

— Il a tout de suite arrêté et s'est excusé, reprend-elle. J'ai trouvé son comportement bizarre, mais j'ai préféré ne pas trop y penser.

Elle continue en expliquant qu'après le cours, elle est sortie prendre l'air avant de revenir poser ses affaires dans son casier. C'est là qu'elle a vu un petit papier tomber.

— C'était un mot signé Jared où il était écrit « Tu seras là ce soir sur la plage ? »

Elle rougit violemment et je souris.

— Alors là, je ne t'explique pas le malaise, gémit-elle, les joues encore en feu. Ça voulait dire qu'il m'avait cramée depuis des lustres à le mater discrètement quand il jouait au foot avec ses potes… J'étais vraiment mal !

Je ris doucement en imaginant Kim assise sur un bout de bois flotté avec son carnet de dessin, feignant de griffonner.

— Et du coup, t'y es allée ?

— Je me suis dit que j'avais deux options, reprend-elle. Soit j'y allais et je me ridiculisais sur place, soit je n'y allais pas et je me ridiculisais le lendemain en cours…

— Et alors ?

— Je me suis rendue sur la plage. Et là, surprise : Jared m'attendait déjà sur mon bout de bois.

Elle sourit tendrement à ce souvenir et ses joues prennent une légère teinte rosée.

— Il était tout seul et quand il m'a vue arriver, il s'est levé, a bafouillé quelques mots et m'a avoué que je lui plaisais beaucoup… confesse-t-elle en rougissant de plus belle.

Je pousse un petit soupir, attendrie. Leur histoire est si simple, si belle.

Tellement à leur image.

Et s'ils étaient vraiment des âmes-sœur ? Et si c'était vraiment l'imprégnation ?

Je secoue la tête. C'est idiot, ce ne sont que des légendes.

Mais alors, pourquoi leur relation me semble si… instinctive ? Puis, comme toujours, une autre surgit… Si cette légende-là était vraie… alors qu'en est-il des autres ?

Je fronce les sourcils.

Et si les loups n'étaient pas qu'une histoire non plus ?

Encore une fois, je chasse cette pensée avant de me laisser tomber sur mon lit. Je vais peut-être devoir prendre rendez-vous chez un psy.