Merci à Katty Milagros, AmiralJo, Loki125, et à tous ceux qui suivent cette histoire. Vos retours sont toujours un plaisir et une belle source de motivation. C'est grâce à vous que l'histoire prend vie, et ça me fait vraiment plaisir de partager ces moments avec vous. Merci pour votre lecture et votre soutien ! :)
Chapitre 20: "Entre Vinyles et Quinoa"
La nuit fut longue. Infernale. Cameron tourna et se retourna sous les draps, incapable de trouver le sommeil. L'espace vide à côté d'elle, là où House s'était tenu quelques instants plus tôt, semblait encore chargé d'une présence fantôme. Chaque détail de leur échange repassait en boucle dans son esprit. La tendresse, la passion… et cette rupture soudaine, brutale.
Finalement, l'épuisement eut raison d'elle, et elle sombra dans un sommeil agité.
Quelques heures plus tard, un bruit sec la tira de son inconscience. La porte venait de claquer. Son cœur se serra immédiatement. House.
Elle ouvrit les yeux, encore embrumée de fatigue, et mit quelques secondes à émerger. Le silence qui s'ensuivit lui sembla plus assourdissant encore que le bruit de la porte. Elle se redressa lentement, laissant un soupir s'échapper alors que son regard se perdait dans le vide.
Lorsqu'elle quitta la chambre, elle trouva le salon désert. Son regard balaya la pièce et s'arrêta sur le canapé. Les coussins légèrement enfoncés, la couverture qu'il avait vaguement repoussée sur le côté… Il avait bel et bien dormi là. Mais il n'était plus là. Aucune note, aucun message. Juste son absence, pesante, envahissante.
Elle passa une main lasse dans ses cheveux et soupira. Pourquoi espérait elle encore autre chose ? House ne faisait jamais dans les conversations profondes. Il fuyait avant que l'émotion ne l'atteigne, avant que quoi que ce soit ne puisse prendre une tournure qu'il ne contrôlait pas.
Ne voulant pas s'attarder sur cette sensation de vide, elle se força à bouger. Se donner une contenance. Passer chez elle, prendre une douche, se changer… reprendre un semblant de normalité.
Sur la route de l'hôpital, son téléphone vibra sur le siège passager. Elle jeta un rapide coup d'œil à l'écran. Elena.
Elle hésita une fraction de seconde avant de décrocher.
— Enfin ! lança une voix féminine, assurée et vive. J'ai failli envoyer une équipe de secours ! Dit elle en rigolant.
Cameron esquissa un sourire malgré elle.
— Bonjour à toi aussi, Elena.
Un demi-sourire étira les lèvres de Cameron. L'intonation calme et assurée d'Elena avait toujours eu cet effet apaisant sur elle.
— Comment tu vas ? demanda Elena d'un ton plus sérieux. Et ne me réponds pas "bien", j'ai un sixième sens pour détecter les mensonges matinaux.
Cameron hésita un instant, le regard fixé sur la route devant elle.
— Disons que la nuit a été compliquée.
— House ?
Évidemment qu'elle savait.
— House...confirma-t-elle en soupirant. C'est une histoire un peu longue, mais disons qu'on a eu une dispute. Et, je l'avoue, j'y ai contribué. Bref, au lieu de me laisser m'expliquer, il a préféré dormir sur le canapé. Enfin, dormir… Je doute qu'il ait fermé l'œil. Et quand je me suis réveillée, il était déjà parti.
Un silence s'installa quelques secondes. Puis la voix d'Elena retentit, posée, sans la moindre hésitation :
— Il a eu peur.
Cameron haussa légèrement les sourcils.
— Peur ?
— Oui. Peur de ce qui se passe entre vous. Peur de ce que ça implique. Peur de ce qu'il ressent. Peur de lui-même. Et comme tout homme immature émotionnellement, il a pris la seule issue qu'il connaît : la fuite.
Cameron laissa échapper un rire sans joie.
— Dit comme ça, ça semble tellement simple.
— Parce que ça l'est. Ne perds pas ton temps à trop analyser, ça ne sert à rien avec lui. Ce type est un génie en médecine, mais une catastrophe en relations humaines. Ne te laisse pas démonter.
Un bref silence s'installa. Cameron savait qu'Elena avait raison. Mais la situation était loin d'être évidente.
— Il va revenir vers toi, ajouta son amie d'une voix plus douce. La vraie question, c'est : qu'est-ce que toi, tu veux vraiment ?
Cameron ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit.
— …C'est bien ce que je pensais, reprit Elena, un sourire perceptible dans sa voix. Réfléchis y. Et arrête de froncer les sourcils, je te connais.
Cameron secoua la tête, amusée malgré elle.
— Je suis déjà à l'hôpital. Je te rappelle plus tard.
— Ne m'oublie pas. Et Cameron ?
— Oui ?
— Ne le laisse pas gagner si facilement.
Un léger sourire aux lèvres, Cameron raccrocha et coupa le contact. Elena avait raison. Mais il lui restait encore à déterminer ce qu'elle voulait vraiment.
Et ça, c'était peut-être la partie la plus compliquée.
Arrivée à l'hôpital, Cameron coupa le contact et prit une profonde inspiration avant de sortir de la voiture. La conversation avec Elena résonnait encore dans son esprit, mais elle n'avait pas le luxe de s'y attarder. Il y avait un patient à traiter, une journée à affronter. Et House à confronter.
D'un pas rapide, elle traversa les couloirs du Princeton-Plainsboro, saluant distraitement quelques collègues sur son passage. Lorsqu'elle entra dans la salle de diagnostic, elle trouva le reste de l'équipe déjà installé autour de la table. Foreman consultait un dossier avec son habituelle rigueur, Thirteen pianotait nonchalamment sur son ordinateur, et Taub, bras croisés, observait le tableau blanc comme s'il espérait qu'une révélation y apparaisse par miracle.
À son arrivée, Foreman leva les yeux vers elle. Un bref instant, il sembla hésiter avant de parler, mais il finit par lâcher d'un ton sobre :
— Merci pour le diagnostic d'hier. Dit il en se penchant discrètement en le lui murmurant à l'oreille
Cameron sourie et hocha simplement la tête en réponse. Elle n'attendait ni reconnaissance ni compliments, mais venant de Foreman, ca lui faisait du bien.
Elle se mit alors instinctivement à tourner son regard vers la pièce, à la recherche d'une silhouette familière. Son absence était presque palpable.
Thirteen, qui n'en ratait jamais une, capta immédiatement son comportement. Avec un fin sourire en coin, elle déclara d'un ton faussement détaché :
— Si tu cherches House… on ne l'a pas vu.
Cameron fronça légèrement les sourcils. C'était étrange. Même quand il était d'humeur exécrable, House finissait toujours par apparaître, ne serait-ce que pour les provoquer ou les pousser à réfléchir dans la mauvaise direction avant de les corriger avec un air triomphant.
— C'est juste étrange qu'il ne soit pas là, murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour les autres.
— Ça veut dire qu'il évite quelque chose, conclut Foreman en refermant son dossier avec un air pragmatique.
Taub, qui observait la scène avec amusement, esquissa un sourire en coin avant d'ajouter :
— Ou quelqu'un...
Cameron releva les yeux vers lui, mais choisit de ne pas répondre. Pourtant, son silence en disait long.
House fuyait. Elle le savait. Et il n'y avait qu'une seule raison pour laquelle il éviterait la salle de diagnostic et son bureau ce matin.
Elle.
Pendant ce temps…
House, lui, s'était réfugié en consultations.
Se cacher chez Wilson aurait été trop évident, trop prévisible. Son équipe aurait fini par le retrouver là-bas, et il n'avait aucune envie de s'embêter aujourd'hui. Pas après la nuit qu'il avait passé.
Les consultations, en revanche, étaient l'endroit parfait pour disparaître. Personne ne s'attendait à le voir ici de son propre chef. D'ordinaire, il fallait des menaces, des ordres officiels, ou beaucoup de chantage pour le faire obéir. Aujourd'hui, pourtant, il était là de son plein gré, installé sur un fauteuil d'une salle d'examen, les jambes allongées, feuilletant distraitement un vieux magazine people comme si de rien n'était.
Soudainement, un claquement sec résonna. La porte s'ouvrit brusquement.
— House !
Merde. C'était rapide.
Il baissa les yeux et croisa le regard scrutateur de Cuddy.
Elle se tenait dans l'encadrement de la porte, bras croisés, un sourcil arqué. Tout dans son attitude respirait la suspicion.
— Je vous ai cherché partout, dans tout l'hôpital, dans votre bureau, chez Wilson, à la cafétéria… lança-t-elle lentement. Si on m'avait dit un jour que je vous trouverais en consultation...Je peux savoir ce qui vous prend ? Vous avez soudainement développé une passion pour la médecine générale ?
House haussa un sourcil avant d'afficher son habituel sourire en coin.
— Il fallait bien que quelqu'un sauve ces pauvres âmes errantes des méfaits de Doctissimo.
Cuddy ne sourcilla pas. Son regard restait ancré au sien, patient, perçant.
— Pourquoi êtes-vous ici, House ?
Il soupira et se laissa aller contre la table d'examen, feignant un air las.
— Peut-être que j'avais envie d'aider les gens.
— En lisant un magazine c'est comme ça que vous les aider ?
Un rictus effleura ses lèvres, mais Cuddy ne se laissa pas distraire.
— Qu'est-ce que vous fuyez ?
Il haussait un sourcil, enfin prêt à lever les yeux vers elle.
— Cuddy, votre obsession pour moi devient inquiétante. Je suis flatté, mais Wilson pourrait être jaloux.
Elle ne répondit pas tout de suite. À la place, elle s'avança dans la pièce et referma calmement la porte derrière elle.
Un détail qui lui arracha une grimace. Il détestait quand elle faisait ça.
— Vous avez l'air… contrarié, observa t'elle, son ton plus posé cette fois.
House se redressa légèrement, adoptant une expression indifférente.
— Si vous voulez parler… commença-t-elle.
House esquissa un sourire en coin, attrapant sa canne qu'il fit distraitement tourner entre ses doigts.
— Ah, mais j'ai déjà un thérapeute ! Il s'appelle Vicodin et il est toujours à l'écoute.
Cuddy soupira, secouant légèrement la tête. Elle connaissait bien la mécanique de House. Plus il utilisait l'ironie et le sarcasme comme bouclier, plus la vérité derrière était douloureuse.
Elle attendit un instant, espérant peut-être qu'il baisse la garde. Mais il ne lui offrit qu'un regard fuyant, et elle comprit que, pour l'instant, elle n'obtiendrait rien.
Elle finit par secouer la tête, exaspérée.
— D'accord. Très bien. Jouez au plus malin. Quitte à vous cacher ici soyez utile et occupez vous des trois patients qui attendent dans le couloir.
Elle posa une main sur la poignée, prête à partir, avant de marquer un temps d'arrêt. Sans se retourner, elle ajouta d'une voix plus basse, plus sérieuse :
— Mais quoi que ce soit, House, vous savez que ça ne sert à rien de l'ignorer. Ça finira toujours par vous rattraper.
Elle attendit, immobile, peut-être à l'affût d'une réaction. Mais House resta impassible, son masque de sarcasme bien en place.
Finalement, elle ouvrit la porte et s'éloigna.
La pièce lui parut soudainement trop silencieuse.
House serra légèrement la mâchoire.
Cuddy ne savait peut-être pas exactement ce qui le tracassait.
Mais elle avait raison sur une chose : il ne pourrait pas l'éviter éternellement.
Après quelques heures passées à esquiver habilement son équipe, House s'aventura dans un nouvel endroit pour se terrer : la cafétéria. Il n'était qu'une question de temps avant que Cameron, Foreman, Thirteen ou encore Taub ne flairent sa planque aux consultations, et il lui fallait un repli stratégique. Ici, au milieu du brouhaha des infirmières en pause et des internes surexcités sous caféine, il pouvait se fondre dans la masse.
Mais le destin – ou sa malchance légendaire – en décida autrement. À quelques tables de là, assis avec une tasse de café fumant et ce regard de psychologue amateur qu'il affectionnait tant, Wilson le repéra avant même qu'il ne puisse faire demi-tour.
— Oh non… soupira House.
Trop tard. Wilson lui fit signe de venir. Avec un soupir résigné, House s'affala lourdement sur la chaise en face de lui et attrapa distraitement le muffin qui traînait sur le plateau de son ami.
— Tu te planques de qui aujourd'hui ? demanda Wilson en portant sa tasse à ses lèvres. Cuddy ? Ton équipe ?
Il marqua une pause, scrutant House d'un air entendu avant d'ajouter avec un petit sourire :
— Non, bien sûr. C'est Cameron.
House fit mine d'être outré.
— Moi ? Me cacher ?
Wilson haussa un sourcil sceptique. House roula des yeux avant d'arracher un morceau du muffin.
— Qu'est-ce que tu as encore fait ? enchaîna Wilson, déjà fatigué de la conversation avant même qu'elle ne commence.
House joua avec le papier quelques secondes, comme s'il hésitait à répondre. Puis, dans un soupir, il lui raconta les événements de la veille. L'étreinte avec Cameron puis la dispute, le canapé et enfin la fuite matinale. Wilson l'écouta sans l'interrompre, hochant la tête à certains moments, levant légèrement les yeux au ciel à d'autres. Quand House eut terminé, son ami poussa un long soupir, l'air de quelqu'un qui allait devoir expliquer une évidence à un enfant particulièrement borné.
— Je comprends ton point de vue, commença Wilson, ce qui fit immédiatement froncer les sourcils de House. Mais…
— Ah ! Le fameux 'mais' ! Je l'attendais. Vas-y, fais moi la morale, grand gourou des relations humaines !
— Tu sais que j'ai raison, rétorqua Wilson avec calme. House, arrête de trouver n'importe quelle excuse pour ne pas assumer ce que tu ressens pour Cameron.
House fit mine de ne pas être concerné, haussant vaguement les épaules.
— Et qu'est-ce que je ressens exactement, Docteur spécialiste du divorce ?
— Si je dois te l'expliquer, c'est que tu es encore plus paumé que je ne le pensais, répliqua Wilson en posant sa tasse.
House détourna le regard, fixant un point invisible sur la table. Wilson continua, plus doucement :
— Si tu continues comme ça, tu vas la perdre définitivement.
Un silence s'installa. House ne bougea pas, mais son expression se fit plus fermée. Wilson savait qu'il avait touché juste.
— Vous n'avez pas une relation classique, concéda-t-il. Mais elle compte pour toi. Vous avez vécu des choses dans le désordre, pas comme dans une relation normale, c'est vrai. Mais ça ne veut pas dire que tu dois saboter tout ça avant même d'avoir essayé.
House lâcha un ricanement forcé.
— Et je suis censé faire quoi, exactement ? Lui offrir des fleurs et l'emmener voir une comédie romantique ?
Wilson lui lança un regard exaspéré.
— Pour une fois, fais les choses correctement. Invite la à dîner. Propose lui un vrai rendez-vous.
House ne répondit pas immédiatement. Il fit tourner l'emballage du muffin entre ses doigts, l'air pensif.
Wilson le regarda encore un instant avant de secouer la tête avec un léger sourire.
— Mûris un peu, House.
Puis il se leva, attrapant son plateau avant de quitter la table, laissant House seul avec ses pensées.
Il ne bougea pas pendant plusieurs secondes, fixant toujours le restant de muffin. Il détestait quand Wilson faisait ça. Avoir raison.
Après le départ de Wilson, House resta un moment assis à la cafétéria, jouant avec l'emballage du gâteau entre les mains. Il n'était pas du genre à s'attarder sur les conseils qu'on lui donnait—surtout ceux de Wilson—mais cette fois, quelque chose le travaillait.
Wilson avait raison, bien sûr. Il savait que Cameron comptait pour lui, qu'elle n'était pas juste une complication de plus dans son quotidien déjà chaotique. Mais ça voulait aussi dire qu'il risquait gros. Il n'était pas prêt à s'engager dans quoi que ce soit, et encore moins à naviguer dans une relation qui ne correspondait à aucun schéma classique. Sauf que, qu'il l'admette ou non, Cameron n'avait jamais vraiment suivi de schéma classique avec lui.
Il soupira, jeta l'emballage du muffin tel un lancer de basket ball dans la poubelle en face, puis se leva. Il avait assez traîné pour aujourd'hui.
Lorsqu'il pénétra dans la salle de diagnostic, son équipe était en pleine discussion animée autour du tableau blanc couvert de notes et d'hypothèses. Foreman, Thirteen et Taub échangeaient sur les derniers résultats tandis que Cameron prenait des notes en arrière-plan, le regard concentré.
House sentit son estomac se contracter légèrement en croisant son regard. Pas de regard accusateur. Seulement une attente silencieuse.
Il laissa passer une seconde avant d'afficher son masque habituel.
— Vous avez trouvé un moyen d'empirer l'état du patient en mon absence, ou est-ce juste une réunion de soutien moral ?
— Ah, vous voilà enfin, lança Taub sans lever les yeux de son écran. On se demandait si vous aviez fui pour de bon.
— J'ai eu une matinée bien remplie, répliqua House en se laissant tomber sur sa chaise, posant sa canne sur la table.
— À fuir tout le monde ? demanda Foreman, sceptique.
— C'est un travail à plein temps. Mais vous ne pouvez pas comprendre.
Il fit tourner sa canne entre ses doigts, jetant un regard en biais vers Cameron. Elle ne disait toujours rien, se contentant de l'observer, comme si elle cherchait à deviner son état d'esprit.
— Bon, on en est où avec notre patient ?
Thirteen prit la parole, exposant les nouveaux résultats. House écouta d'une oreille distraite, lançant quelques commentaires sarcastiques par moments, rectifiant certaines hypothèses, tout en évitant soigneusement le regard de Cameron.
Mais il sentait sa présence. Trop proche. Trop pesante.
Une heure passa.
Le diagnostic se précisait, le traitement prenait forme, et House n'avait plus aucune excuse pour rester enfermé dans cette pièce. Il n'avait pas envie de continuer à jouer au médecin consciencieux plus longtemps.
Il se redressa légèrement et tapota sur la table avec sa canne.
— Bien, mes très chers larbins, la science a parlé : vous êtes officiellement inutiles. Allez pratiquer des analyses superflues et laissez moi savourer ce précieux moment de tranquillité.
Thirteen et Taub levèrent les yeux au ciel avant de rassembler leurs affaires avec un soupir. Foreman hésita une seconde, lançant un regard vers Cameron. Il devait sentir l'embuscade.
— Cameron, toi, tu restes, déclara House d'un ton faussement désinvolte.
Foreman haussa un sourcil curieux mais tourna les talons et quitta la pièce. Une fois seuls, Cameron croisa les bras, méfiante.
— Je fais encore partie de ta surveillance médicale ou tu viens d'inventer un nouveau jeu sadique où je suis la seule participante ? lança-t-elle.
House esquissa un sourire en coin, faussement innocent.
— Ni l'un ni l'autre. Enfin… pas tout à fait.
— Écoute, House… à propos d'hier soir…
Cameron s'interrompit, cherchant ses mots, mais il la coupa avant qu'elle ne puisse continuer.
— Oh non, pas de débriefing. Ce que je m'apprête à dire est déjà suffisamment gênant, alors inutile d'en rajouter.
Elle serra les bras contre elle, visiblement frustrée, avant de souffler :
— D'accord… mais je voulais juste dire que…
— Super! tu as dit quelque chose, conclut il en tapotant sa canne contre le sol. Maintenant qu'on a réglé ça, passons aux choses sérieuses.
Il s'avança légèrement vers elle.
— J'ai eu une révélation aujourd'hui, annonça-t-il d'un ton solennel.
Cameron arqua un sourcil.
House se gratta la nuque, comme si ce qu'il s'apprêtait à dire lui coûtait plus qu'il ne voulait l'admettre.
— Disons que, dans un élan passager d'irresponsabilité, j'ai envisagé l'option totalement absurde de t'inviter à dîner.
Cameron ne s'attendait tellement pas à ça qu'un rire nerveux lui échappa. Elle l'observa, cherchant à décrypter ses mots comme une énigme.
— Attends… tu es en train de me proposer un rencard ?
— Non. J'énonce une hypothèse purement théorique. Qui, par un hasard étrange, pourrait impliquer un restaurant, une conversation à peu près civilisée et une absence momentanée de joutes verbales destructrices.
Elle le scruta, sceptique.
— Et ça, ce serait censé être… normal ?
— Évidemment que non. On ne fait pas dans la normalité, répliqua-t-il en désignant son ventre du menton. Mais on peut tenter une version déformée du concept.
Cameron plongea son regard dans le sien, cherchant à évaluer à quel point il était sérieux. House soutint le sien, légèrement nerveux derrière son masque d'arrogance.
Finalement, un sourire effleura ses lèvres.
— Très bien. Mais je choisis le restaurant.
House roula des yeux.
— Génial. Ça va sûrement être un endroit où le quinoa est roi et où les serveurs ont un sourire forcé.
— Et toi, tu comptais probablement m'emmener dans un bar miteux où l'alcool est servi dans des verres douteux.
— Ça s'appelle de l'authenticité.
Cameron secoua la tête, amusée.
— 19h30, chez Giovanni. Et sois à l'heure.
Elle attrapa ses affaires et quitta la pièce, le laissant seul avec un sourire satisfait… et une légère appréhension qu'il préférait ignorer.
19h – Avant le dîner
Cameron se tenait devant son miroir, une main posée sur son ventre arrondi. C'était ridicule. Complètement insensé. Elle n'avait pas ressenti un tel trac depuis des années. Pas même la première fois qu'elle était sortie avec House – ou plutôt, la fois où elle lui avait extorqué un dîner en échange de son retour dans l'équipe. Une soirée maladroite, inconfortable, qu'elle aurait préféré oublier.
Mais ce soir, tout était différent.
Elle n'était plus cette jeune médecin idéaliste qui croyait pouvoir sauver House de lui-même. Elle avait grandi. Elle avait vécu, aimé d'autres hommes, quitté Princeton, dirigé un service à Chicago… Et pourtant, elle était revenue. Revenue pour lui, d'une certaine manière.
Ses doigts glissèrent doucement sur la courbe de son ventre. Sept mois. Sept mois et une vie qui n'aurait jamais dû être la sienne.
Elle expira lentement et attrapa une robe fluide, élégante sans être sophistiquée, ajustée sans trop marquer ses nouvelles courbes. Ni trop habillée, ni trop négligée. Juste ce qu'il fallait pour que House ne puisse pas prétendre qu'elle faisait un effort pour lui – tout en s'assurant qu'il le remarquerait quand même.
Un équilibre subtil.
Elle posa une main sur son ventre, son sourire s'effaçant légèrement. Était ce une bonne idée ? Probablement pas.
Mais avec House, la raison n'avait jamais eu le dernier mot.
— Ce n'est qu'un dîner, murmura-t-elle pour se donner du courage.
De son côté, House était assis sur son canapé, une bière à la main, fixant un point imaginaire devant lui. Il n'avait pas bougé depuis vingt minutes.
Il n'aurait jamais dû proposer ce dîner.
C'était une connerie.
Dîner avec Cameron n'avait jamais été une bonne idée. Il en avait déjà fait l'expérience, et ça n'avait mené qu'à une conversation maladroite et une fuite en règle de sa part. À l'époque, il ne savait pas quoi faire d'elle. Trop parfaite, trop impliquée, trop… sincère.
Mais ça, c'était avant.
Aujourd'hui, il y avait un historique important entre eux, un bébé en route conséquence d'une seule nuit passée ensemble à Chicago. Des silences lourds de sous-entendus. Et une vérité qu'il refusait de formuler : elle comptait pour lui. Bien plus qu'il ne voulait l'admettre.
Il savait qu'il ne pouvait pas revenir en arrière. Mais il ignorait ce qu'il était censé faire maintenant.
Il attrapa sa canne, sa veste, et sortit en claquant la porte.
Chez Giovanni – 19h32
House arriva avec exactement deux minutes de retard. Pas assez pour que ce soit impoli, juste assez pour marquer son territoire. Il balaya la salle du regard et trouva Cameron à une table près de la fenêtre. Elle le vit, haussa un sourcil, et il détecta une lueur d'amusement dans ses yeux.
Elle jouait avec le bord de son verre, un tic révélateur. Mais ce n'est pas ce détail qui attira son attention.
C'était la robe.
Le décolleté était subtil, mais suffisamment étudié pour appuyer là où ça faisait mal. Il se força à relever les yeux, mais trop tard : elle l'avait vu. Un léger sourire flotta sur ses lèvres.
— Félicitations, lança-t-elle alors qu'il s'asseyait. Deux minutes seulement. C'est presque une prouesse.
— J'avais prévu un retard plus dramatique, mais il paraît que simuler un accident de voiture juste pour l'effet de style, c'est mal vu.
Elle secoua la tête, amusée.
— En effet
Il ne répondit pas, préférant attraper le menu. Éviter de trop la regarder. Éviter de penser à cette robe.
Elle posa ses coudes sur la table, se penchant légèrement en avant, et House dut lutter pour ne pas la regarder.
— Ça te fait bizarre aussi, hein ?
Il haussa un sourcil.
— Le concept de manger ? Non, j'ai toujours été doué pour ça.
— House…
Son ton était plus doux, plus sérieux. Il soupira.
— Ok. Oui. C'est bizarre. Nous, ici. Un vrai dîner, pas une arnaque déguisée ou une compensation émotionnelle post-traumatique.
— Un premier "vrai" rendez-vous, murmura-t-elle.
Il ricana.
— Si c'était un vrai premier rendez-vous, je serais censé faire semblant d'être charmant et attentif.
— Et moi, censée rire à tes blagues même quand elles sont mauvaises.
— Je fais rarement de mauvaises blagues.
Elle haussa un sourcil, sceptique, et il se surprit à sourire.
Le serveur arriva, interrompant leur échange. House commanda quelque chose d'insignifiant, tandis que Cameron opta pour un plat équilibré, comme toujours. Lorsqu'ils furent seuls de nouveau, il tapota sa canne contre le sol.
— Alors, dis-moi, on considère ça comme une anomalie cosmique ou une expérience sociale ratée d'avance ?
Elle prit une gorgée d'eau, ses yeux brillants de malice.
— Peut-être que c'est juste… ce que c'est.
— Horrifiant.
— Inévitable, corrigea-t-elle.
Un silence s'installa. House, pourtant maître des mots, se surprit à ne rien dire.
Cameron joua à nouveau avec son verre, puis, lentement, se pencha vers lui, comme pour le mettre au défi.
— Tu as passé tout le début de la soirée à essayer de ne pas regarder mon décolleté, hein ?
Il sentit une bouffée de chaleur grimper le long de sa nuque. Il plissa les yeux.
— C'est faux.
— Bien sûr.
Elle se réinstalla tranquillement, un sourire satisfait sur les lèvres.
House exhala lentement, réalisant qu'il était tombé droit dans son piège.
Et le pire, c'est qu'il adorait ça.
Chez Giovanni – 21h15
House fit rouler son verre entre ses doigts, l'alcool dessinant un cercle paresseux contre la paroi. Face à lui, Cameron jouait avec le bord de sa serviette, une habitude qu'il connaissait bien. Ce tic qui trahissait ce qu'elle essayait de masquer.
— Dis moi Chicago… lâcha-t-il, nonchalamment. Tu as accomplis ce que tu espérais ?
Elle releva les yeux vers lui, jaugeant le terrain avant de répondre.
— J'avais un bon poste, une équipe efficace, un appartement avec vue…
Un silence. Une hésitation à peine perceptible. House s'y accrocha immédiatement.
— Mais ?
Cameron prit une gorgée d'eau, comme si ça pouvait dissiper ce qui lui pesait sur la langue.
— Mais ce n'était pas Princeton.
Il esquissa un sourire en coin.
— Attends, c'est une façon détournée de me dire que je t'ai manqué ?
Elle secoua la tête, amusée, mais son regard restait sérieux.
— Tu crois vraiment que tout tourne autour de toi ?
— Je n'y crois pas. Je le sais.
Elle lui lança un regard exaspéré, mais il y avait cette lueur d'amusement au fond de ses prunelles. Celle qui le rendait fou.
— Ce n'était pas qu'une question de lieu, ajouta-t-elle après un instant.
House haussa un sourcil, intrigué malgré lui.
— Ah. Donc c'était aussi une question de…
Il laissa sa phrase en suspens, attendant qu'elle comble le vide. Elle ne mordit pas à l'hameçon, se contentant d'un sourire énigmatique. Il fronça légèrement les sourcils.
— Tu regrettes d'être revenue ?
Elle s'appuya contre le dossier de sa chaise, l'observant longuement avant de répondre.
— Non.
— Pas du tout ?
— Pas du tout.
Son ton était posé, sans la moindre hésitation. House, lui, se renfonça dans son siège, fixant son verre comme si la réponse s'y cachait. Il porta son whisky à ses lèvres, savourant la brûlure de l'alcool avant de murmurer :
— Et cette nuit ?
Elle le regarda, immobile.
— Quoi, cette nuit ?
— Tu la regrettes ?
Cameron eut un bref sourire, presque imperceptible.
— Absolument pas. Et toi ? tu la regrettes ?
Il ne répondit pas tout de suite. Réfléchissant à ce qu'il pouvait dire qui ne lui donnerait pas plus de pouvoir qu'elle n'en avait déjà.
— Ça serait plus simple, admit il finalement.
Son cœur rata un battement. Une confession en demi-teinte, mais venant de House, c'était presque une déclaration. Elle ne s'attendait pas à ça. Mais avant qu'elle puisse répondre, il reposa son verre et changea brusquement de ton.
— Bon. Maintenant qu'on a joué à "Vérité", on enchaîne sur "Action" ?
Elle haussa un sourcil.
— Quel genre d'action ?
Il attrapa sa canne et se leva.
— Un dernier verre chez moi. Pour voir si ce dîner peut être encore plus gênant.
Cameron croisa les bras, le scrutant avec amusement.
— Je croyais que ton whisky était réservé à Wilson quand il vient pleurer sur sa vie sentimentale.
— Ça me sert aussi à éviter de trop réfléchir.
Un silence. Il la regarda, attendant sa réaction. Elle inclina légèrement la tête, sondant son regard.
— Je ne bois pas d'alcool.
House esquissa un sourire en coin.
— C'est une façon déguisée de te faire venir chez moi.
Cameron haussa un sourcil, faussement perplexe.
— Oh. Vraiment ? J'ai failli tomber dans le piège.
— J'aurais aussi pu prétendre avoir une collection impressionnante de vinyles à te montrer.
Elle plissa les yeux, moqueuse.
— Et ça marche cette technique ?
House prit un air faussement sérieux.
— Seulement sur les femmes qui ont du goût.
— Et un faible pour les causes perdues ?
Il haussa un sourcil, un sourire effleurant ses lèvres.
— Ce serait dommage de briser mes illusions maintenant.
Un silence. Juste assez long pour que l'air se charge d'une tension indéfinissable.
— D'accord, souffla-t-elle finalement. Mais si tu me fais écouter un obscur groupe de rock des années 70 en prétendant que ça va changer ma vie, je me réserve le droit de partir en courant.
Elle attrapa son sac, un éclat amusé dans les yeux. House, lui, esquissa un sourire satisfait tandis qu'ils se dirigeaient vers la sortie.
Il n'avait aucune idée de ce qu'il était en train de faire.
Mais pour une fois, il n'avait pas envie d'y réfléchir.
