Chapitre 17: Trêve de Noël, tu parles d'une trêve!

Je fis taire mon impatience à confronter Albus sur ce qui c'était réellement passé avec les Langues-de-Plomb. Je préférais attendre les vacances qui commençaient à la fin de la semaine pour en discuter avec lui entre quatre yeux. Mais quand je transplanai au Manoir des Princes, une demi-journée après le départ des élèves, car j'avais été retenu à Poudlard par une réunion organisée par McGonagall pour faire le point sur les incidents du trimestre et étudier les candidatures qu'elle avait reçu pour le poste de professeur de Métamorphose, Albus avait déjà pris la direction du Manoir Malefoy après avoir déposé le gros de ses affaires à la maison.

Je m'apprêtais à le suivre quand je fus interpelé par la voix agaçante du portrait de mon grand-père :

«Notre héritier est encore une fois parti rejoindre cette fille sans père !» dit-il sur un ton indigné.

Sans père ... si seulement c'était vrai.

«Et alors ?» répondis-je d'un ton peu amène pour le décourager, sans succès, de continuer.

«Et alors, vous pourriez peut-être pour une fois prendre vos responsabilité en mettant bon ordre à cette histoire.» dit-il avec hauteur

«Qu'est-ce que vous entendez exactement par là ?» grondai-je exaspéré de voir de quel air hautain il me toisait depuis son tableau.

«Sachez qu'à l'époque où elle était à Poudlard, votre mère a un temps fréquenté un garçon dont le profil ne correspondait pas du tout aux attentes de notre Maison. Eh bien, j'ai pris mes responsabilités en allant rencontrer les parents de ce jeune homme pour leur signifier qu'il fallait mettre un terme à cette histoire, après quoi ...» commença-t-il pompeusement.

«Après quoi,» l'interrompis-je. «ma mère s'est enfuie avec un moldu, mon père, pour échapper à votre emprise. Devant la fulgurante efficacité de vos manœuvres, je vais plutôt continuer à gérer l'affaire à ma façon.»

Indifférent à son air offusqué, je le plantai là pour m'enfoncer dans la cheminée sans même prendre la peine de me retourner pour voir lequel de ces foutus portraits riait à gorge déployée.

Je trouvai le Manoir Malefoy en pleine effervescence. J'avais du mal à m'habituer à cette nouvelle conjoncture. Après des décennies pendant lesquelles cette vieille bâtisse avait sonné creux, elle était désormais remplie de cris et de glissades dans les couloirs. D'autant plus remplie que Delphini Black ne pouvant plus aller nulle part ailleurs pour sa sécurité, le Manoir Malefoy était devenu le QG de la petite bande.

J'établis mes quartiers dans le bureau de Lucius, les gamins ayant envahi la bibliothèque, avec le soutien intangible de Narcissa, sous prétexte des devoirs qu'ils avaient à faire. Pour ma part, j'avais besoin de calme pour mettre la dernière main aux 12 recettes de potion susceptibles de métamorphoser Delphini Black en Voldemort. Ensuite, ensuite seulement,je pourrais chercher la solution la moins dangereuse possible permettant de bloquer définitivement ce processus.

Cependant, lecalme auquel j'aspirais, aller relever plus du vœu pieux que de la réalité. Le jour de mon arrivée, je me retirai de la table du dîner aussi tôtque la politesse le permettait en espérant pouvoir travailler tranquillement dans la soirée. Mais je n'étais pas installé depuis un quart d'heure dans le bureau de Lucius que celui-ci me rejoignit une bouteille de Whisky Pur Feu à la main. La qualité du breuvage que je connaissais, me retins de montrer trop de mauvaise humeur. Il s'avéra que Lucius n'était pas venu que pour fuir lui aussi une salle à manger trop pleine.

«Ecoute.» commença-t-il.«Je voudrais que tu me promettes de ne pas parler à Albus de ce que je vais te raconter. Il voulait que ça reste entre lui et moi et ça ne se fait pas de se trahir entre serpentards.»

«Grandis un peu, Lucius.» l'enjoignis-je en levant les yeux au plafond. «Albus n'est pas ton camarade de chambrée. C'est mon petit-fils et s'il t'a parlé quelque chose qui t'a inquiété, tu dois me le dire.»

En le voyant hésiter, je rajoutai:

«Je te rappelle que je suis un serpentard moi aussi, et pas le plus mauvais pour garder les secrets. Sauf à ce que ce soit absolument indispensable, je ne parlerais évidemment pas à Albus de ce que tu vas me dire.»

Lucius se recueillit un instant avant de se lancer:

«Albus était à peine arrivé, qu'il est venu me voir ici même dans ce bureau pour me poser une question à propos des Horcruxes.»

J'avais failli lâcher mon verre.

«A propos de quoi?» beuglai-je.

«Tu m'as très bien entendu. Je ne vais pas me répéter» répliqua-t-il d'un ton pincé. «Je lui ai dit que je ne pouvais décemment pas lui expliquer comment fabriquer un tel objet de magie noire, et …»

«Et tu as bien fait de t'abstenir. Ça va m'éviter de te trucider.» le coupai-je.

«Et il a répondu que ça n'avait pas d'importance, car il ne voulait pas savoir comment ça se fabrique, mais comment ça se détruit.» reprit-il en ignorant mon interruption.

«Comment ça se détruit!» répétai-je en le regardant avec des yeux ronds.

«Franchement, il avait l'air d'y tenir beaucoup. Du coup, j'étais embêté de ne pas pouvoir lui répondre. C'est pour ça que je t'en parle.» expliqua-t-il.

«Mais pourquoi est-ce que tu ne lui as pas répondu, si c'était vraiment là l'objet de sa question?» demandai-je.

«Parce que je n'en sais rien, imagine-toi!» s'écria-t-il. «J'ai une idée assez précise, théorique je te rassure, de la façon dont ça se crée; une idée nettement plus floue de la façon dont ça pourrait s'utiliser après coup; mais aucune idée de la façon dont ça se détruit. Enfin rien, au-delà de l'idée qu'il avait lui-même.»

«L'idée qu'il avait lui-même?» relevai-je.

«L'idée qu'il avait lui-même d'utiliser un Feudeymon.» répondit-il. «J'ai admis que c'était possible que ça marche. Mais je l'ai découragé de se servir d'un Feudeymon quoi qu'il veuille détruire, en soulignant combien c'était une créature dangereuse et difficile à maîtriser.»

«Quoi qu'il veuille détruire?» répétai-je à nouveau tant j'étais perdu dans ses explications.

«Oui, j'ai essayé d'en savoir un peu plus sur ce qu'il voulait détruire, car sa question ne m'a pas semblé que théorique pour tout te dire.»

«Et alors?» l'encourageai-je.

«Eh bien, je n'ai pas obtenu grand-chose. Il m'a juste dit qu'il m'avait posé cette question-là, sachant que ce qui pouvait détruire un Horcruxe pourrait forcément détruire n'importe quel autre objet magique. Ce en quoi il a probablement raison.»

En effet, Albus avait raison, mais qu'est-ce que c'était que cette histoire d'objet magique à détruire, même si ce n'était pas réellement un Horcruxe? Moi qui étais venu chercher la sérénité pour pouvoir travailler, j'étais servi. Au lieu de ça, je me creusais désespérément les méninges pour tenter de comprendre quelque chose à cette nouvelle histoire.

Et je n'étais pas encore arrivé au bout de mes surprises. Le lendemain matin, alors que j'essayais de reprendre mes esprits et mon travail après une nuit agitée, j'eus la surprise de voir Delphini Black pousser la porte du bureau où je me trouvais.

«Votre oncle n'est pas là, Miss Black» l'informai-je en pensant qu'elle cherchait Lucius.

«Je sais. C'est vous que je venais voir, Professeur Rogue.» expliqua-t-elle embarrassée. «Je n'en ai pas pour longtemps, cinq minutes.»

Je l'observais un instant. Elle n'avait pas lâché la poignée de la porte. L'inquiétude se lisait dans ses yeux bleus. Si je manifestais le moindre agacement, elle allait immédiatement s'enfuir. J'étais d'ailleurs tenté de la faire disparaître d'un froncement de sourcils, mais sachant qu'elle avait clairement dû prendre sur elle pour venir ainsi me parler, le motif de son intrusion ne pouvait pas être totalement anodin.

«Entrez dans ce cas et expliquez-moi ce qui vous amène.» répondis-je en évitant de prendre un ton trop sec.

Elle referma la porte derrière elle, mais sans avancer dans la pièce.

«J'aurais besoin que vous me donniez une potion.» dit-elle très vite à voix basse en évitant de me regarder.

«Seriez-vous souffrante, Miss Black?» demandai-je faute de comprendre le sens de sa demande.

«Non. En fait, je voudrais avoir une potion que je garde avec moi, pour le cas où je serais enlevée.» murmura-t-elle très vite toujours sans croiser mon regard. «Une potion comme celle qu'avait la sorcière qui a essayé de m'enlever, je veux dire une potion comme celle dont elle s'est servie lorsqu'Albus a gagné le duel contre elle.»

Je restai muet quelques instants. Le temps de bien intégrer que cette adolescente de seize ans venait de me demander de lui fournir de quoi s'empoisonner pour le cas où elle serait capturée par ceux qui cherchaient à s'emparer d'elle.

«Est-ce que vous en avez parlé à votre tante?» demandai-je.

C'était une question stupide, je le reconnais, mais j'avais besoin de gagner un peu de temps pour mettre mes idées en ordre. Elle me fixa l'espace d'un instant avec ahurissement. Elle n'en avait évidemment pas parlé à Narcissa et ne comprenait pas que je puisse lui poser une pareille question, mais en vraie serpentarde qu'elle était, elle eut vite fait de reprendre une expression neutre.

« Bien sûr que non.» répondit-elle simplement «Mais comme vous le savez, je serai majeure dans quelques mois, je suis donc en âge de faire mes propres choix.»

Je pris le temps de la détailler. Elle avait certes grandi ces derniers mois, mais elle avait toujours l'air d'une gamine. Même débarrassée de son uniforme de l'école et vêtue comme aujourd'hui d'une robe plus féminine d'un bleu nuit qui mettait en valeur son teint pâle et ses cheveux bleus. Oui, d'une gamine, mais une gamine qui venait discuter avec moi de sa propre disparition.

«Vous pourriez aussi me faire confiance, Miss Black, et penser que je vais trouver une solution pour vous sauver. » repris-je pour essayer de la détourner de son idée.

«Je vous fais toute confiance, Professeur Rogue.» assura-t-elle avec un accent de sincérité. «Mais j'ai déjà subi deux tentatives d'enlèvement. Et les deux fois, l'enlèvement aurait pu réussir. Malgré toutes les précautions que je dois supporter, vous ne pouvez pas me garantir que ça n'arrivera jamais.»

Je me gardais bien de la contredire. Par deux fois en effet, il s'en était fallu d'un rien pour que ces tarés parviennent à s'emparer d'elle. Elle poursuivit:

«Si la prochaine fois, les choses se terminaient mal, si j'étais capturée, je sais bien qu'il en serait fini de moi, parce que ces gens qui essayent de m'enlever, me sacrifieraient immédiatement pour essayer de faire revenir …»

«Votre père.» terminai-je.

«Non, s'il vous plaît ne dîtes pas cela!» réagit-elle avec une violence inhabituelle chez elle. «Quelqu'un qui a toujours voulu se servir de moi comme un objet, n'est pas mon père. Un père, un grand-père, un parent, c'est quelqu'un qui vous aime et qui veut vous protéger. Comme vous avec Albus. Vous ne croyez pas que j'ai raison?»

Son raisonnement était plus mature que son apparence le laissait imaginer.

«Si, Miss Black, je le crois.» répondis-je gravement. «Ce triste individu n'a surement pas mérité d'être votre père.»

« Il n'est pas question que je les laisse se servir de moi pour le faire revenir à la vie, car il deviendrait une menace pour tous les gens que j'aime. Si je dois disparaître, j'ai le droit de choisir comment, et c'est pour ça que je suis venue vous demander cette potion …»

«Je vous promets de réfléchir à votre demande, Miss Black.»

Longtemps après qu'elle se soit éclipsée sur cette promesse, je continuais à regarder dans le vide droit devant moi. Le jour où Voldemort était mort pendant la bataille de Poudlard, ou plus exactement quelques jours plus tard le temps que je reprenne assez conscience à Ste-Mangouste pour comprendre que Voldemort était mort et que moi j'étais vivant, j'avais cru que la bataille que je menais contre lui dans l'ombre était terminée.

Aujourd'hui, je recommençais à douter d'avoir définitivement triomphé du salopard qui avait tué l'amour de ma vie. Je recommençais à craindre qu'une fois de plus il n'ait eu un coup d'avance. Sans un concours de circonstances totalement imprévisible qui avait soustrait Delphini Black à ses gardiens, Voldemort pourrait déjà être de retour à l'heure qu'il est avec sa volonté de destruction et de domination. Mais, je n'avais pas dit non plus mon dernier mot. Maintenant que son plan avait été éventé, je devais réussir à le contrer pour que celui qui se disait le Seigneur des Ténèbres appartienne définitivement au passé.