radioactive - imagine dragons
Nouvel entrainement, nouveau souffle, nouvelle liberté.
Sans lien entre mes lames et la glace, je me sens vide, impuissant. La bataille et tout ce qui l'a précédé me rappelle chaque jour que la magie ne me sauve en rien.
La fine découpe de la glace sous mon parfait affutage, bien souvent accompagnée de la piqure acide de ma pointe dans cette eau gelée, provoquant une explosion de paillettes de poudreuse.
Je me donne corps et âme avec mes camarades pour réussir au mieux les nouveautés du jour. On se connait tous si bien, et pourtant, nous ne pouvons à peine associer les prénoms à un visage.
Ce qui ne ment pas et qui permet cette connaissance accrue de chaque membre, c'est la pratique. La patinoire ne ment pas, elle ne sait pas mentir. Pour faire bien, il faut être nu. Accepter de s'exposer devant tous.
Il n'y a pas de confession orale, pas de mise en contexte. Cependant, la souffrance sort de toute part, les peurs suintent de nos pores et les joies éclatent de nos cœurs.
Lorsque l'entrainement se transforme en duo, je m'écarte de la glace. L'entraineur le sait, je ne touche personne. Je travaille avec l'équipe pour la partie individuelle, pour tout ce qui se fait seul. Dès que les couples de patineurs se mettent à travailler les portés, je ne fais plus partie de l'exercice.
Je regarde les gradins, évidemment vides. Il n'apparait qu'à la fin. Parfois, ça me déçois. J'espère qu'il me voit faire toutes ses figures, bien plus complexes que celles que j'ose faire lorsque je suis seul. En réalité, je crois que j'espère qu'il me trouve doué.
Je rêve que quelqu'un me voit, moi, Harry. Pas toujours, et par le moins de personne possible… en fait, je ne souhaite cela qu'avec une seule personne. La seule avec qui je pourrais être cent pourcent en confiance, celle qui dépasserait mes amis, ma famille. L'être spécial à mes yeux, pour qui je pourrai me libérer de tout. Ce qui se rapproche le plus du Harry qui ne cherche pas à sauver toute la planète, c'est sur le glace qu'il se trouve. Il s'ouvre au froid et se referme à la chaleur.
Je me sens tellement oppressé, enfermé, prisonnier. Tout le monde me fait le même effet, je leurs dois des choses. J'ai des devoirs. Je dois les voir. Je dois leur donner des nouvelles. Je dois les écouter et subir leurs propos. Je dois m'écraser lorsqu'on me reproche quelque chose. Je dois me mettre en second. En fait, en dernier. Tout le monde doit être content de moi. Ils ne souffriront aucune déception même pour mon bien. Ils veulent m'aimer mais ne s'aiment qu'eux-mêmes et leur confort à travers moi.
Le cours se termine, le reste de l'équipe s'en va. Ils me saluent d'un sourire et l'entraineur m'offre un sourire encourageant avant de quitter la salle glacée.
Je leur rends volontiers leurs salutations, heureux du moment que je vais pouvoir m'accorder.
Je patine doucement jusqu'au centre de la glace, je prends mon temps, échauffant à nouveau mon corps d'un même mouvement. Je tourne quelques fois sur moi-même, sans réel but, juste comme ça. Et je le vois.
Comme toujours, il apparait presque aussi vite que s'il était un sorcier qui transplane. Il est toujours masqué, camouflé sous sa capuche; et je souris.
Cet inconnu m'arrache des sourires depuis deux bonnes semaines déjà, il est là, toujours, je peux être seul sans réellement l'être, le mystère qui l'entoure me plaît, cela me permets de ne rien avoir à justifier à mon être. Si avant, je ne réagissais pas physiquement à sa présence, c'est bel et bien terminé.
En guise de salutations, je m'élance sur la glace et effectue un saut de valse, une figure rapide et extrêmement simple, parfaite pour lui signifier que je l'ai vu et que j'accepte une nouvelle fois sa présence.
Il reste stoïque, comme toujours, et je lui en suis reconnaissant.
Pendant deux heures, je patine sans relâche. Je saute, je slalome, je vais vite, puis très doucement, je frôle la glace de mes doigts, je tombe et recommence. Je danse sur les mélodies qui me passent par la tête, je ris à gorge déployée lorsqu'une de mes figures réussie… ou se loupe. Et je goûte au bonheur. Au bonheur éphémère, au bonheur conscient, au bonheur qui laisse de l'amertume sur la langue.
Et lui, lui… il me regarde.
Draco…
Comme d'habitude maintenant, j'arrive en retard à la patinoire. Ce n'est pas faute d'essayer d'arriver à temps pour assister à son entrainement, je n'arrive que lorsqu'il s'approprie la glace.
Certes, c'est le meilleur moment pour l'observer. Mais voir la différence entre ce qu'il dégage en entrainement et cette boule d'émotions contradictoires dont je suis l'unique spectateur.
A chaque fois, je termine les cours une heure après lui, et à chaque fois, je loupe. Je le loupe.
Si au début, ce n'était que de la curiosité, désormais, c'est un besoin. Cette sensation de son âme qui comprends la mienne, la caresse de ses rires mais surtout de ses larmes. Il n'accepte que moi, je le sais. Il ne sait pas que c'est moi, mais tout de même… parfois, j'espère même qu'il m'attend, que certaines de ses actions sont pour moi. Je vibre avec ses sauts, mon cœur tressaute sous son intensité, mes yeux trébuchent sur ses émotions, ma respiration s'adapte à notre souffrance en résonnance.
J'ai des souvenirs très clairs du moment où j'ai commencé à m'intéresser à la personne derrière l'élu. Je sais exactement lorsque ma méchanceté envers lui est devenue une couverture, un vil mensonge face à l'effrayante réalité.
Je reste stoïque tout le long de mon spectacle particulier, sans jamais le quitter des yeux, totalement obsédé par ce que je vois.
Je ne peux dire le moment où je me suis enfoncé jusqu'au coup dans ce besoin, mais désormais, chaque pas qu'il fait me travaille jusqu'à ne plus penser qu'à ça, jusqu'à ne plus en dormir, jusqu'à chercher des réponses partout où je peux, jusqu'à n'avoir de l'attention que pour lui.
Mais comme dirait cette auteure moldue, Emily Brontë: «De quoi que soient faites nos âmes, la sienne et la mienne sont pareilles.».
Je ne le laisserai pas m'échapper.
