Disclaimer : Les personnes trans sont tous·tes merveilleux·euses. Celleux qui oeuvrent contre leurs droits méritent qu'on leur crache au visage.
Attention : Rated M et relation M/M. Thématique du suicide et de la dépression. Vous lisez en connaissance de cause.
Bonjour à toutes et à tous !
Black Sunset fête ses cinq ans aujourd'hui (allez, c'est cadeau!) et je me suis dit que c'était la parfaite excuse pour publier le Spin-Off qui lui est consacré, j'ai nommé Gravity !
Je suis la première surprise de l'ampleur que cette histoire a prise dans ma tête et dans mon coeur depuis presque un an. Je ne sais pas si je dois blâmer (remercier, soyons honnête) le premier confinement ou la crise sanitaire, mais je suis certaine que 2020 aurait été beaucoup plus dure à vivre si je n'avais pas pu me réfugier dans l'écriture en général, et dans l'univers de cette histoire en particulier.
Full disclosure, j'ai rarement eu aussi peu la main sur ce que j'écris qu'ici. Clairement, mes personnages me prennent pour leur secrétaire et vivent leur vie sans rien demander à personne. Si cette histoire peut être lue indépendamment des trois autres parties de Black Sunset, elle s'y inscrit pleinement. J'ai déjà écris plus de 150 000 mots, sur un total qu'on refuse de me communiquer pour le moment.
Je n'ai pas encore décidé du rythme de publication ici, sans doute selon mes envies, alors n'oubliez pas de cocher la case « story alert » en passant par la review !
Allez, bonne lecture !
Une fois n'est pas coutume, un grand merci à Sun Dae V pour la relecture et ses retours enthousiastes ! Je vais donc redire une fois de plus : sa fic La Course au Chien Sauvage est un must-read si vous aimez Sirius Black !
Black Sunset
Spin-Off : Gravity
Gravity : A mutual physical force of nature that causes two bodies to attract each other.
Il y avait les jours avec et les jours sans.
Il se réveilla avec l'impression que sa jambe était en feu. Des ongles s'enfonçaient dans sa peau, déchirant ses muscles jusqu'à l'os. Il serra les dents pour retenir un gémissement de douleur.
Échoua.
Sa jambe pulsait. La douleur irradiait jusque dans son bassin. Des crampes torturaient son abdomen.
Il avait envie de vomir.
Il réussit à basculer sur le côté et enfouit son visage dans l'oreiller pour étouffer ses cris.
Il n'y avait rien à faire à part attendre que la tempête passe. Il espérait qu'elle ne s'éterniserait pas. Il était d'ouverture ce matin.
Il avait des jours avec et des jours sans.
De toute évidence, celui-ci serait un jour sans.
Ce n'était pas surprenant. Ça avait été un mois sans.
...
Il lui fallut une éternité pour se préparer. Il avait bien du mal à ne pas grimacer à chaque fois qu'il prenait appui sur sa jambe, sa canne un maigre secours aujourd'hui encore. Descendre les escaliers normalement était hors de question – trop douloureux, trop lent, trop dangereux – aussi glissa-t-il d'une marche à l'autre sur les fesses, l'humiliation plus facile à supporter que les aiguilles chauffées à blanc qui s'enfonçaient dans sa cuisse.
Le vent frais à l'extérieur lui donna l'impression que sa peau se rétractait sur son visage. Le fond de l'air était humide et un coup d'oeil vers le ciel lui apprit que les nuages étaient bas. Il ne manquerait pas de pleuvoir dans la journée ce qui rendrait la chaussée glissante à coup sûr.
Comme s'il n'avait pas assez de mal comme ça à garder son équilibre.
Le soleil se levait à peine et sa lumière blafarde était tout juste visible derrière les grands immeubles. Il ne croisa presque personne, mais il garda le visage vissé sur le trottoir, autant pour regarder où il mettait les pieds que pour dissimuler son visage. Il n'avait pas besoin de la compassion teintée de pitié qu'on ne manquerait pas de lui offrir autrement.
…
Il ouvrit la librairie à l'heure à l'aide de la clé spéciale qui permettait de lever les sortilèges de protection. L'odeur de parchemin, de cire et de poussière mêlés lui tira un soupir soulagé. Il se sentait plus chez lui ici que dans la petite chambre de bonne qu'il louait depuis son arrivée à Paris. Il vacilla en passant près de la table où Eugène avait exposé une sélection de livres sur les plantes en prévision du printemps. Il s'installa derrière le comptoir, grognant de soulagement une fois assis, et se prépara un thé. La seule vue de la boîte à gâteau lui tira un haut le cœur.
…
- Tu ressembles à un mort-vivant, Nigel.
- Bonjour à toi aussi, Eugène. L'eau est encore chaude.
Eugène croisa les bras sur sa poitrine et le dévisagea, l'air encore plus rancunier que d'habitude. Il soutint son regard le temps qu'il fallut, haussant un sourcil quand l'interrogatoire silencieux s'éternisa.
- Madame Garnier est déjà passée récupérer sa commande.
Eugène émit une sorte de borborygme qui ressemblait beaucoup à une insulte puis déposa le journal sur le comptoir comme tous les matins. Il préféra ouvrir le journal à la page des mots-croisés, tandis que son patron se préparait un thé, ses gestes plus brusques que d'habitude.
…
Monter à l'échelle n'avait pas été sa meilleure idée.
Parce que monter à l'échelle signifiait devoir redescendre de ladite échelle. Cela signifier basculer tout son poids sur sa jambe.
D'une main, il s'agrippa un peu plus aux barreaux et, de l'autre, il libéra son pied gauche.
Il n'était pas monté très haut, peut-être réussirait-il à redescendre à la force des bras. Il s'était retrouvé dans des situations plus compliquée que celle-ci. Il pouvait se débrouiller.
- Ça y est, j'en ai assez !
Le grognement précéda de quelques secondes deux bras autour de sa taille. Il fut soulevé avec une facilité presque aussi humiliante que les circonstances qui la nécessitait. Eugène ne le libéra que quelques secondes, juste assez longtemps pour se repositionner à sa gauche. Il fit passer son bras autour de son cou.
- Que fais-tu ?
- Je t'emmène à l'hôpital.
- Non !
Il voulut se dégager, mais une nouvelle langue de douleur lui vola son équilibre. Eugène empoigna sa veste de costume avec force pour le stabiliser.
- J'aimerais bien te voir essayer de m'en empêcher, gamin.
Un cri de douleur lui échappa quand il bascula son poids sur sa jambe. Des points noirs se mirent à danser devant ses yeux et sans Eugène, il se serait écroulé.
Si cela était encore possible, il sentit son visage rougir davantage.
Eugène l'aida à passer sa cape, puis enfila la sienne. Il le guida ensuite jusqu'à la cheminée au fond de la boutique. Un maigre feu y brûlait déjà. Eugène y jeta une pincée de poudre de Cheminette.
Il sentit un nouveau spasme secouer son estomac. Il avait horreur des voyages en Cheminée.
- Hôpital des Anges.
...
- Nous devons vous examiner avant de vous donner une prescription, Monsieur Ski. Il y a sûrement une raison pour laquelle vous avez aussi mal.
Même après tant d'années, il détestait toujours la façon dont les français écorchaient son nom. Il y avait trois lettres, ce n'était quand même pas compliqué !
- Je pense que je suis assez bien placé pour connaître la raison ! Donnez-moi cette putain de potion anti-douleur, qu'on en finisse !
Le visage de l'infirmière – une jeune femme brune engoncée dans un uniforme rouge qui ne flattait pas son teint – se ferma.
- Le règlement, c'est le règlement, monsieur.
- J'ai mal. Votre règlement doit bien dire quelque chose à ce sujet, non ? Ou est-ce juste une excuse pour cacher votre incompétence ?!
La main de l'infirmière joua avec sa baguette. Il lut dans son regard qu'elle contemplait la possibilité de lui jeter un maléfice. S'il jouait bien ses cartes, il pouvait terminer inconscient, ce qui serait un vrai soulagement.
Il ouvrit la bouche.
- Que se passe-t-il, Sandra ?
Un Guérisseur, qui devait à être à peine plus âgé que lui, se glissa entre lui et l'infirmière. Il le détailla, son regard s'attardant sur sa canne – posée sur ses genoux – à sa jambe gauche – qu'il ne pouvait pas plier –.
- Je suis désolé, intervint Eugène derrière lui. J'ai dû le traîner jusqu'ici contre son grès. Je suis prêt à le tenir pour que vous puissiez l'ausculter.
S'il n'était pas trop occupé à défier le Soigneur en silence, il aurait assassiné Eugène du regard. C'était une chose qu'il l'ait forcé à venir ici, c'en était une autre qu'il parle de lui comme s'il en était incapable.
Le Soigneur plissa légèrement les yeux, son expression juste un peu plus intense, comme s'il essayait de percer ses secrets.
- Ça ne sera pas nécessaire. Je vais m'en occuper, Sandra.
- La salle 3 est libre, dit-elle en lui tendant la collection de parchemins qu'il avait été obligé de compléter.
L'homme fit un pas vers la gauche, le bras tendu.
- Après vous.
Eugène commença à pousser le fauteuil roulant avec douceur. La douleur revint, lui faisant presque oublier qu'il avait définitivement l'air d'un infirme.
La salle 3 était une petite pièce blanche, juste assez large pour permettre de tourner autour du lit surélevé. Le matériel avait beau être différent de l'hôpital moldu – où il avait passé beaucoup trop de temps – la seule possibilité qu'il puisse rester coincé là plus de quelques minutes lui donnait envie de fuir en courant.
Et tant pis s'il ne pouvait plus vraiment courir.
Le Soigneur lui tendit une main, sans doute pour l'aider, ce qu'il ignora royalement. Il réussit à se mettre debout à la seule force de ses bras, puis s'installa sur le lit du mieux qu'il put.
- Satisfait ? demanda-t-il à Eugène.
Son patron secoua la tête, les rides de son front plus marquées que d'habitude. S'il avait été complètement honnête avec lui-même, il aurait sans doute reconnu qu'Eugène avait raison. Cela faisait plusieurs mois qu'il avait mal, et la douleur n'avait cessé d'empirer au fil des dernières semaines. Seulement, il avait une sainte horreur des hôpitaux et des Soigneurs – qu'ils soient sorciers ou moldus, même si cela était encore plus vrai pour ces derniers – et il n'avait pas pu se résoudre à consulter.
- Bon courage, Guérisseur. Criez s'il vous mors, je reste dans le coin.
Le coin des lèvres de l'homme frémit.
- Je suis sûr que cela ne sera pas nécessaire.
Eugène lui tapota l'épaule en passant devant lui.
- C'est vous qui le dites.
La porte se referma derrière lui et il se retrouva seul face au Soigneur. Il baissa les yeux sur son dossier.
- Je suis le Guérisseur Raphaël Delacour, dit-il. Que vous arrive-t-il, Monsieur Sky ?
Il soupira. Delacour venait de prononcer son nom correctement, avec un peu de chance, il n'était pas si incompétent.
- J'ai des douleurs dans ma jambe gauche.
- Depuis combien de temps ?
Six ans, cinq mois et six jours.
- Quelques mois. C'est de pire en pire ces derniers temps. Sans doute à cause de la météo.
Delacour haussa brièvement ses deux sourcils et fit la moue.
- Bien sûr. Je vais quand même devoir vous examiner, juste pour être sûr.
Il déglutit.
- J'ai juste besoin d'une potion anti-douleur.
S'il réussit à ce que sa voix ne tremble pas, elle donnait quand même l'impression qu'il suppliait.
Le Guérisseur perdit son sourire et son regard brun devint plus dur.
- Comme vous l'a dit ma collègue il y a quelques minutes, je suis obligé de vous examiner avant de vous faire la moindre prescription. Donc, si vous voulez cette putain de potion, il va falloir y mettre du vôtre.
Il serra les dents. Son regard se posa sur sa jambe gauche, qui continuait de pulser au rythme de ses battements de cœur. Son pantalon ne réussissait pas à cacher le fait que la chaire qui s'était trouvée-là six ans, cinq mois et six joursplus tôt avait été remplacée par une barre de métal. Il détestait sa prothèse encore plus qu'il détestait le fait qu'on ait dû lui couper une partie de sa jambe.
Et il haïssait avec toutes les fibres de son être l'idée qu'il n'ait pas d'autre choix que de de montrer son moignon à ce Guérisseur.
- Ou alors, je peux rappeler votre père pour qu'il vous raccompagne chez vous.
Il faillit éclater de rire. Son père ne l'aurait jamais accompagné dans un hôpital. Il aurait plus volontiers fait venir l'hôpital au manoir.
Non, ce n'était pas tout à fait vrai. Son père n'aurait sans doute même pas remarqué qu'il souffrait. Sa mère aurait été celle qui aurait traqué le meilleur Guérisseur au monde pour qu'il puisse soulager son fils chéri.
- Ce n'est pas mon père. C'est mon patron.
Et sans doute son seul ami, mais ce n'était pas la question. Eugène n'allait jamais accepter de le raccompagner chez lui tant qu'il n'aurait pas réglé le problème et il était incapable de rentrer seul.
Il n'avait pas le choix.
Avec un soupir, il commença à déboutonner son pantalon, se gardant bien de relever les yeux vers le Guérisseur.
Il lui fallut quelques minutes de contorsions prudentes pour se débarrasser du vêtement et seulement quelques secondes pour détacher la prothèse. Il la repoussa avec un soupir de soulagement. La douleur déjà plus supportable. Il plaça sa fausse jambe – si tant est qu'une chaussure surmontée d'une barre de métal et d'un morceau de plastique mérite le nom de jambe – contre le bord du lit puis bascula contre le dossier, les yeux rivés au plafond, ses poings serrés.
Il se concentra sur sa respiration pour ignorer le fait qu'il se sentait nu et vulnérable.
Et pour éviter de se faire emporter par les souvenirs qui bouillonnaient sous son crâne depuis son arrivée à l'hôpital.
Il sentit le Guérisseur le rejoindre sur sa gauche. Il posa sa main sur la chaussette spéciale qui protégeait son moignon de la prothèse.
- Je dois l'enlever...
- Faites ce que vous avez à faire et faites-le en silence, grogna-t-il.
Sa convalescence lui avait donné des centaines d'occasion d'apprendre à ignorer ce que l'on faisait subir à son bout de jambe. Il sentit vaguement les doigts du Soigneur sur sa peau recouverte de cicatrices.
Votre jambe était trop abîmée.
Nous n'avons pas pu la sauver.
C'était le seul moyen.
Vous avez de la chance d'être encore en vie.
Le Soigneur palpa le muscle de sa cuisse et il ne put retenir un grognement de douleur.
- Désolé...
Delacour enleva ses mains puis agita sa baguette pendant de longues minutes. Il s'éloigna pour revenir. Il y eut un bruit métallique et le silence.
Il se racla la gorge.
- Je peux avoir ma putain de potion anti-douleur, maintenant ?
- J'ai bien peur que non.
Le plafond en pierres de l'Hôpital des Anges cessa d'être passionnant. Il tourna la tête vers Delacour.
Le Soigneur était installé sur un tabouret, les bras croisés sur sa poitrine.
- Ne me dites pas qu'il va falloir couper plus haut, parce que je vais finir par être embêté.
Delacour retint un nouveau sourire.
- Non. Ceux qui se sont occupés de l'opération ont fait du très bon travail.
Il serra les dents.
On lui avait coupé une partie de sa jambe. Il se fichait bien de savoir si cela avait été fait dans les règles de l'art. Si cela avait été du très bon travail, il aurait encore dix orteils.
- Quel est le problème, alors ?
- La prothèse.
- Je ne suis pas le plus grand fan non plus, mais je n'en ai pas d'autre.
Delacour secoua la tête.
- Outre le fait qu'il existe des modèles magiques bien plus ergonomiques, je pense que celle-ci n'est plus adaptée à votre moignon, en plus d'être complètement usée. Ce qui explique les douleurs, les plaques rouges sur votre peau et la contracture du muscle.
Il avait fallut plusieurs semaines au moldu qui avait conçu sa prothèse pour arriver à un résultat satisfaisant. Il n'avait pas envie de repasser par là.
- Je n'ai pas les moyens de la changer, dit-il.
Ce n'était pas tout à fait vrai, mais c'était une parfaite excuse.
- Ce n'est pas un problème. On va attendre deux semaines pour que les tissus guérissent complètement et que le muscle se remette. Je vais vous prescrire un baume cicatrisant et une potion pour détendre le muscle de votre cuisse. Mon agenda est assez chargé, mais je devrais pouvoir vous trouver une place quelque part.
Delacour pouvait toujours rêver s'il croyait qu'il allait revenir dans deux semaines. Il était encore capable de se faire sa propre potion anti-douleur si cet imbécile refusait de lui en donner.
Il remit la chaussette sur son moignon et tendit la main vers sa prothèse.
Delacour fut plus rapide.
- Je viens de vous dire que c'était ça qui causait vos douleurs.
- Et j'en ai besoin pour marcher.
Il se leva, emportant la prothèse avec lui.
- J'en ai besoin pour marcher !
Le Soigneur s'éloigna encore.
- Il faudra faire sans pour les deux prochaines semaines, j'en ai bien peur.
- Cette prothèse m'appartient !
Delacour ignora et son ton mordant, et son regard sombre. Il poussa la poignée.
- Je vais vous chercher une paire de béquilles.
Il disparut avec la prothèse, le laissant seul avec son moignon douloureux et l'impression que le poids qui pesait sur ses épaules – et sur son coeur – était plus lourd que jamais.
…
Comme d'habitude, je suis curieuse d'avoir votre avis sur :
- Nigel Sky
- Eugène
- Raphaël Delacour
Et bien entendu, si vous avez des théories concernant le(s) lien(s) entre ce Spin-Off et le reste de mon UA maison, je suis tout ouïe.
Je vais pas vous mentir, le moyen le plus efficace pour me motiver à poster le prochain chapitre est une review !
On se dit à la semaine prochaine du côté de Black Sunset : Supernova.
Orlane.
Mis en ligne le 06/03/2021 pour le cinquième anniversaire de la publication de Black Sunset.
