Chapitre 11 - Retour à la réalité
- Quoi?
La pluie s'abattait avec fureur contre les baies vitrées de la salle de réunion de l'Hokage. Les éclairs fendaient le ciel en colère. Un déluge comme on n'en avait pas vu depuis des lustres à Konoha.
- Comment as-tu pu ne pas te rendre compte de son état Sakura? clamait Naruto debout, les poings serrés sur la table
- Mais je m'en suis rendue compte, figure-toi! Je te le répète: il n'a pas voulu que je le soigne! s'étrangla la jeune femme
- Parce qu'il faut lui donner le choix?
- Il m'a repoussée de force, plusieurs fois! Que voulais-tu que je fasse? Ce n'est plus un enfant!
- Mais enfin pourquoi agit-il ainsi, dattebayo? s'emporta le blond Cette fois ce n'est plus acceptable! Il va devoir justifier ses actes, ou je lui interdis toute prochaine mission et lui colle une obligation de soins psychiatriques.
Sakura faisait les cent pas devant le bureau de Naruto, tournant en rond, nerveuse comme jamais.
Kakashi et elle avaient fini leur périple sous cette pluie diluvienne la veille en fin d'après-midi dans une ambiance lourde et silencieuse. Le cœur gros, Sakura avait esquissé un semblant d'aurevoir qu'elle ne voulait pas lui dire, et il avait marmonné quelque chose concernant sa guérison prochaine qu'elle n'avait pas voulu entendre.
- Je reviendrai te voir demain, tu seras à l'hôpital j'imagine ? avait-il demandé d'une voix inhabituellement peu assurée
- Probablement, comme vous d'ailleurs. Votre plaie s'est infectée.
Il était resté stoïque quelques secondes sous la pluie, pour enfin comprendre la portée des mots de Sakura et atteindre de sa main sa blessure au cou laissée sans soins. Il grimaça en effleurant la boursouflure douloureuse et suintante.
- Maah… Une semaine d'antibiotiques et tout reviendra à la normale. Toi, en revanche…
- D'un ton froid … Tout ira très bien.
- ... D'accord. Mais promets-moi de...
- Je n'ai rien à vous promettre.
Le Jonin marqua une pause. Ses yeux reflétaient un trouble que la jeune femme préféra éviter de remarquer.
- ... Sakura... lâcha-t-il un peu tristement
- Vous me demandez de rester loin de vous. Je resterai loin de vous.
- ... Tu as raison. Je voulais juste m'assurer que Tsunade-sama soit bien au courant de…
- Elle le sera, coupa-t-elle encore. Je ne suis pas comme vous, moi. Je ne suis pas suicidaire.
C'était cinglant, et le Jonin ne sembla pas trouver de réponse satisfaisante. Après de longues minutes, il avait fini par hocher la tête d'un air préoccupé pour disparaître de sa vue dans un nuage de feuille.
- … Tu le savais, toi?
- Perdue Quoi? De quoi?
- Qu'il avait reçu 3 culots de globules rouges?
- Hein? Qui? Pourquoi?
- Eh bien Kakashi sensei, enfin! De qui parlons-nous, depuis tout à l'heure? Tu as l'air complètement ailleurs, Sakura, tu es sûre que tout va bien?
Elle n'avait même pas remarqué que Shikamaru était entré dans le bureau de Naruto, désormais en grande conversation avec celui-ci. Tous deux se tenaient debout en face à face, séparés par le bureau volumineux. Elle cligna des yeux, encore choquée d'avoir été absente aussi longtemps.
- Il parait qu'il est rentré salement amoché en tout cas, affirma le stratège tout en glissant un regard suspicieux vers Sakura
- … La mission a été bien plus délicate que prévu, oui.
- Tu n'as pas l'air en meilleure forme que lui ! Et… tendant le cou pour mieux voir Qu'est-ce que c'est que cette marque, sur ton épaule?
Sakura réajusta vivement son T-shirt sur ses épaules, masquant une petite marque noire en losange pourtant discrète.
- Ce n'est rien, éluda-t-elle rapidement. Je vais bien.
- Mmh... Bon, qu'avez-vous trouvé là-bas, alors? Puisque vous n'avez pas le parchemin? s'agaça Naruto, s'asseyant sur son siège avec lourdeur
- heureuse de changer de sujet Déjà, nous avons été attaqués par un inconnu, à peine arrivés. C'était un shinobi du pays de l'eau... Il n'est jamais réapparu après. Puis lorsque nous avons voulu interroger Ebizo-jiisama le lendemain, il a été empoisonné la nuit qui a suivi.
- Quoi? s'écria Naruto en se redressant un peu Rien que ça?
- Oui. Nous avons rapporté ça à Gaara, et il nous a offert sa protection pour le soigner. Nous sommes restés dans l'hôpital pour trouver un antidote, et le surveiller. Nous avons découvert que c'était le bras droit de Gaara qui avait fait le coup. Avec au moins deux de ses complices.
- … Tout ça pour… Un vieux parchemin oublié? articula Shikamaru d'un ton sceptique
- … Il faut croire.
- … C'est un sujet bien plus sensible que ce qui était prévu. Et… Un shinobi du pays de l'eau, dis-tu? Mais que faisait-il à Suna?
- Aucune idée…
«Il ne faut pas fouiller dans le passé… Il ne faut pas changer le destin»
«Vous vous mêlez de choses qui ne vous regardent pas»
- Il m'a donné comme un avertissement… songea-t-elle à voix haute De ne pas nous mêler de ces parchemins. Que cela ne nous regardait pas.
- … Quel lien peuvent avoir le pays du sable et le pays de l'eau?
- Aucune idée.
- Et après?
Après… Après, elle avait été empoisonnée. Et quand Kakashi l'avait compris, il avait ordonné un retour immédiat au pays de la feuille.
- … Après, Ebizo était stable, et Kakashi a eu l'idée de faire venir à Suna un membre de la famille Yamanaka pour lire dans l'esprit d'Ebizo. Alors nous sommes rentrés.
- Les yeux bleus brillants Ah, c'est une bonne idée, ça!
- … Mais vous auriez pu rester là-bas pour le surveiller, et nous envoyer un message via Gaara pour faire venir du renfort, non?
Elle maudissait Shikamaru et ses qualités de réflexion un peu trop rapides. Qu'était-il venu faire ici, d'ailleurs? N'est-ce pas elle que Naruto s'était empressée de faire venir ce matin? Elle se rappela alors quelques paroles échangées avec Kakashi à ce propos.
- Kakashi ne voulait pas passer par Gaara. Trop de traitres autour de lui. Nous voulions rentrer pour ne pas donner nos intentions à l'ennemi.
Elle avait la désagréable impression de subir un interrogatoire. Hors de question d'inquiéter Naruto pour rien concernant son empoisonnement. D'autant qu'en arrivant, elle s'était empressée de retrouver Tsunade-sama – elle savait que même en fin d'après-midi, elle pouvait la trouver à son bar préféré, en bonne compagnie, dans un petit quartier confidentiel de Konoha – et après de rapides explications, les deux femmes s'étaient retrouvées à l'hôpital. Les remontrances de Tsunade avaient plu, bien aidées par l'alcool qui imbibait déjà son sang. Alors qu'elle sommait Sakura de s'allonger sur la table d'examen froide et lugubre - ce qu'elle fit cependant sans broncher - elle ne cessait de la sermonner encore et encore.
- Bon sang, je t'avais enseigné la détection des poisons Sakura, comment as-tu pu te faire avoir aussi facilement?
- C'est un poison un peu particulier…
- Particulier ? C'est à dire ?
- ... Connaissez-vous la famille Kaguerame?
La Sannin marqua une pause presque imperceptible, affairée sur le chariot de matériel médical. Le tintement de verre des flacons qui s'était stoppé reprit rapidement, et la blonde lui répondit enfin, reprenant ses préparations.
- Oui... lâcha-t-elle en enfilant un gant qui claqua en écho dans la pièce sombre Heureusement pour toi, si je comprends bien ?
Sakura poussa un soupir de soulagement entre deux nausées. Elle ferma les yeux et s'autorisa une pause mentale, son avant bras cachant son visage cerné.
- ... Je suis tellement désolée, Tsunade-sama… Je vous cause des problèmes.
- Pas autant que Kakashi Hatake, rassure-toi... brusquement suspicieuse D'ailleurs, où est-il encore ?
- Il devait aller à l'hôpital en arrivant. Il doit être dans les étages.
- Empoisonné ? Lui aussi ?
- Non.
- enfilant son deuxième gant, s'aidant de ses dents Quoi? Comment est-ce possible?
- … Il n'a mangé qu'à l'extérieur. J'ai été empoisonnée à l'hôpital, c'est certain. Lui ne supportait pas la nourriture là-bas… Il passait son temps à récupérer de la nourriture dans les restaurants des alentours, et il insistait pour le partager avec moi. Il trouvait l'odeur de la nourriture de l'hôpital... Un peu bizarre. agacée de l'admettre Je ne l'ai absolument pas pris au sérieux.
- les sourcils froncés ... Cela me coûte de te dire cela, mais parfois, Kakashi Hatake a de bons pressentiments. Et il a l'odorat d'un chien de chasse.
- Ne m'en rajoutez pas une couche, s'il vous plait, Tsunade-sama...
- ...
- Gémissant de douleur, serrant ses bras sur son ventre Mmmh… Vous pensez pouvoir faire quelque chose ?
- Concentrée à nouveau, attrapant deux bulles d'eau et les rapprochant de Sakura … La famille Kaguerame est une famille bien connue de Suna, et ils ont longtemps été au service des Kazekage. Leur poison a été utilisé pour tuer l'ennemi en silence, pendant les guerres, et pour faire taire les indésirables même dans leur propre village… Il est presque indétectable, et comme c'est un don héréditaire, il possède une composition très spécifique et très difficile à cerner.
- Dans un souffle Oui, c'est ce que m'a expliqué un médecin sur place… Il m'a demandé de l'aider à contrer le poison. Qu'il y avait beaucoup de cas d'empoisonnement là-bas…
- soupirant Eh bien. La fin de la guerre n'est pas profitable pour tout le monde…
- Il parait qu'il n'y a pas d'antidote possible… gémit Sakura, frissonnant au contact de l'eau contre sa peau
- C'est vrai.
Sakura ouvrit des yeux ronds, stupéfaite et angoissée. Elle chercha dans le regard noisette de l'ancienne Hokage un réconfort qu'elle ne trouva pas.
- Je vais t'endormir momentanément, Sakura. Te retirer le poison, et sceller ton corps dans un sceau de régénérescence en continu. Il n'y a pas d'antidote connu, mais crois-moi, j'y ai longtemps travaillé, et j'y étais presque parvenue, avant que la dernière guerre n'éclate… J'y arriverai à temps. Ne t'inquiète pas.
- Soulagée sans l'être … D'accord…
- Je m'occuperai de Kakashi demain, expliqua-t-elle. S'il est venu à l'hôpital de lui-même, c'est que ça doit être sérieux ? C'est inattendu de sa part.
- Il n'est... pas en forme, en effet, éluda Sakura à demi-mot
La Sannin ne répondit pas, encore concentrée sur les préparations médicales au dessus de son chariot, les bulles d'eau gondolant sur le ventre de la rose. Dans le brouillard de la fatigue et de la confusion, la jeune kunoichi aux cheveux roses réalisa quelque chose, et une sueur froide coula le long de son dos.
- ... Tsunade-sama, puis-je vous demander quelque chose ?
- Heureusement que tu es venue me chercher maintenant en tout cas, s'écria la blonde, les joues un peu rosies C'était le saké du pays de la foudre. Le meilleur qu'on ne m'ait jamais servi. Je ne suis pas sûre que j'aurais été en état de te soigner plus tard dans la soirée…
- Tsunade-sama?
- Je suis parfaitement en état de te soigner, Sakura, s'agaça-t-elle toute seule
- … Ce n'est pas ça.
- … Quoi?
- Hésitante … Kakashi croit que c'est vous qui avez demandé à ce qu'il m'accompagne pour cette mission...
- Eberluée, tournant la tête vers son ancienne disciple Hein ? Pourquoi ça ?
- Vous savez… Il n'accepte jamais de se faire soigner. C'est l'ancien Hokage. Naruto a peut-être… prétexté que vous cherchiez à l'avoir à l'œil. En passant par moi.
- presque amusée Je suis étonnée que Naruto aille aussi loin dans ses réflexions, il murit...
- ... mal à l'aise
- Et alors ? Que me rapporte donc mon espion sur le terrain sur le cas Hatake ?
Tsunade attendit la suite, mais le regard abattu de la jeune femme parla pour elle. La Sannin leva alors les yeux au ciel, cette fois un peu exaspérée.
- Sakura, tu as côtoyé Kakashi suffisamment de temps pour savoir que c'est peine perdue, non ? Ne perds pas ton temps et ton énergie à ça. Tu n'arriveras à rien.
- ...
- d'un ton dur ... Même si je ne t'aurais pas répondu la même chose si cet idiot était encore Hokage. Mais puisqu'il a abandonné le poste que JE lui ai laissé...
- Tsunade-sama...
- Quoi? s'énerva la blonde, la main sur le front de Sakura, prête à l'endormir
- … Le détestez-vous à ce point d'avoir fait cela ? Je veux dire... Peut-être avait-il une bonne raison de passer le relais à Naruto si tôt, après tout ?
La Sannin se mordit la lèvre, visiblement perturbée. Sakura profita de ce moment de trouble pour continuer, avant de tomber définitivement dans le sommeil imposé par la blonde.
- ... Vous vous inquiétez pour lui surtout, n'est-ce pas ?
- Tu devrais plus t'inquiéter de ton sort que du sien, Sakura.
- … Tsunade-sama, ne croyez-vous pas qu'il avait besoin de souffler ?
Tsunade lui lança un regard accusateur qui jeta un froid dans le corps déjà glacé de sa disciple. La blonde recula sa main, répondant d'un ton âpre, machant chaque mot.
- ... On ne souffle pas, Sakura. Nous sommes des shinobis. Nous devons protéger la population. Nous avons des missions, et des devoirs. Kakashi Hatake a accepté de devenir Hokage, et on ne démissionne pas ainsi juste parce qu'on a besoin de souffler. d'un ton glacial C'est un manque de respect pour moi, pour Konoha, et pour tout le monde.
- ... déglutissant ... Peut-être a-t-il déjà apporté beaucoup au village, et...
- Oui, coupa-t-elle d'un ton un peu forcé. Et il aurait dû continuer.
Dans le bureau de Naruto, Sakura massait la petite marque noire sur son épaule du bout des doigts. Non, elle ne voulait pas inquiéter Naruto inutilement. Tsunade allait trouver l'antidote, et elle serait guérie avant même que cette mission ne se finisse. C'était un détail, et le jeune blond avait suffisamment de souci à régler.
La voix de Shikamaru la ramena à nouveau à la réalité.
- Naruto, il faudrait envoyer des unités dans les trois autres pays, chercher les autres parchemins. Il ne faut peut-être pas faire trainer cette affaire trop longtemps.
- … Tu as raison, admit Naruto d'un air pensif. Laisse moi juste une heure, je réfléchis aux équipes. Et tu peux déjà demander à Ino Yamanaka de venir ici. Elle doit partir dès demain, je vais voir avec qui elle va faire le voyage.
- Bien.
Shikamaru salua le blond et se retourna pour quitter la pièce, prenant le temps de dévisager Sakura d'un air toujours aussi suspicieux. Lorsque la porte de la pièce se referma derrière le Nara, Naruto se retourna vers Sakura d'un air préoccupé.
- Gaara est lié au parchemin, clama Sakura pour détourner l'attention. Si nous découvrons que c'est lui qui est maudit, qu'allons-nous faire?
- Il n'est pas maudit, maugréa Naruto. Tu vois bien, tout va bien pour lui.
- ... C'est vrai que c'est étonnant... admit Sakura.
- Il faudrait savoir qui est concerné ici. Le vieux Ebizo doit le savoir, dattebayo...
- Mais même si nous savons... Nous avions une piste pour comprendre comment annuler le sceau, d'ailleurs. Mais bon, ça n'a rien donné, malheureusement...
- Ah bon ? C'est à dire ?
- Nous avons appris l'existence d'un vieux clan à Suna qui utilisait ce type de Juinjutsu. Un sort d'aliénation mental pour les femmes du clan, dont elles auraient essayé de se soustraire, de génération en génération...
- Les femmes du clan ? Pourquoi pas les hommes ?
- crachant presque ... Pour contrôler l'homme qui les approche, et leur éviter de... fricoter ?
- se grattant la tête ... Woh, il y a vraiment des coutumes bizarres dans tous les pays...
- Bref, Kakashi a essayé de trouver un membre de ce clan au village. Mais il n'a trouvé personne... Il y a passé des jours. A croire qu'il n'y a pas de survivant.
Le blond tiqua brusquement, fronçant les sourcils. Sakura se stoppa.
- Quoi?
- … Depuis quand appelles-tu Kakashi sensei «Kakashi»?
Stupide. Elle l'était, assurément. Prise de court, elle ne trouva que la carte de l'honnêteté à jouer sur le moment.
- … Depuis qu'il me l'a demandé.
- Le regard suspicieux Il t'a demandé ça? Mais pourquoi ?
- mal à l'aise ... Ce n'est plus notre sensei depuis des années. Il... voulait que je le considère comme un co équipier d'égal à égal. Il t'a déjà demandé de l'appeler comme ça, toi aussi.
- Oui, mais moi, je n'y suis jamais arrivé, dattebayo ! C'est bien pour ça d'ailleurs que c'est vraiment trop bizarre de lui donner des ordres. Enfin, c'est juste bizarre de donner des ordres, de toute façon...
- Tu te débrouilles très bien, Naruto.
- plissant à nouveau les yeux d'un air suspicieux Je suis étonné que tu arrives à l'appeler comme ça toi, en tout cas.
- Et quoi ? s'agaça-t-elle cette fois. Quelle importance ?
- ... Aucune. C'est juste que tu me demandes de partir avec lui... Maintenant tu l'appelles comme ça...
Elle allait monter sur ses grands chevaux, les joues rosies par l'embarras. Elle allait s'offusquer de ses remarques stupides - mais un peu trop pertinentes surtout venant de lui, l'influence d'Hinata, probablement - jusqu'à ce qu'un détail lui remonte brusquement à la mémoire. Elle observa le blond mettre ses pieds croisés avec fracas sur son bureau, le dos avachi contre le dossier de sa chaise et les bras en croix dans sa nuque. Il semblait presque boudeur, et elle aurait voulu s'en moquer mais un élan de reconnaissance remonta à cet instant.
- En parlant de ça, Naruto... murmura-t-elle Pourquoi ne pas avoir dit la vérité à Kakashi... sensei ?
- La vérité ? De quoi ?
- Pourquoi lui as-tu dit que c'était Tsunade-sama qui l'avait demandé pour cette mission ? Et pas moi ?
Le regard de Naruto s'assombrit un peu. La rose eut l'impression qu'il avait brusquement 10 ans de plus. Il lui répondit avec un sérieux inattendu, retrouvant une assise un peu plus digne des sigles inscrits sur l'arrière de sa cape blanche.
- ... Tu as demandé Kakashi sensei pour ne pas partir avec Sasuke, n'est-ce pas ?
Sakura resta immobile. Elle attendit la suite, qui mit une éternité à arriver à ses oreilles.
- ... Sakura, est-ce que tu as peur de Sasuke ?
- Quoi ? bredouilla-t-elle Mais non, absolument pas, pourquoi ça ?
- Je ne sais pas. Tu aurais pu me demander de partir avec Sasuke...
- la voix faible Il n'est plus officiellement shinobi au service de Konoha.
- Et alors ? Tu aurais pu me demander de le réhabiliter.
- Tu ne l'aurais pas fait, Naruto.
- ... hésitant Je ne sais pas. Mais bon, il n'y a pas que moi que ça a étonné... J'ai cru que Kakashi sensei n'allait jamais accepter !
- faisant mine de ne pas savoir Ah bon ?...
- Depuis qu'il m'a laissé le poste de Hokage, il a enchainé les missions quasi sans discontinuer, et c'est même lui qui m'en demande... Des missions longues. Risquées. Bon, même si rien n'est très risqué depuis ces derniers mois… En tout cas, il a toujours accepté tout ce que je lui ai proposé. Un vrai petit soldat.
- ... Est-ce qu'il ne faisait pas ça plus jeune, aussi ? A sa période dans l'ANBU ? lâcha Sakura, les yeux immobiles plongés dans la réflexion
- Si. En tout cas, c'était son comportement habituel jusqu'à cette mission tous les deux. Là, j'ai vraiment dû insister... Il ne voulait vraiment pas la faire, je n'ai pas trop compris pourquoi. Et c'est celle dont il est ressorti le plus amoché. ses yeux bleus perçants fixés sur Sakura avec insistance Celle avec toi.
- les joues en feu ... Et alors ?
- ... Et alors...
Plusieurs secondes défilèrent en silence, et la respiration de Sakura était devenue superficielle. Il était évident que la rougeur de ses joues n'échappait pas à Naruto, et il traversa à l'esprit de Sakura que le blond était en train de comprendre. Elle avait l'impression que ses yeux innocents et naïfs transperçaient son âme et voyaient. Cela la rendait terriblement mal à l'aise, et un léger vent de panique commençait à engourdir ses membres. Ses propres souvenirs voulaient mourir dans le néant.
Il n'y avait rien à comprendre. Il ne se passait rien. La mission avait lamentablement échoué, et il allait falloir y retourner pour...
- ... Et alors je ne sais pas, dattebayo ! Je ne sais pas.
La voix claire de Naruto avait coupé les pensées de la jeune kunoichi aux cheveux roses. Celle-ci cligna des yeux quelques fois, presque extirpées de ses pensées lointaines.
- C'est juste... Vous êtes un peu bizarres.
- encore en apnée Kakashi sensei a toujours été bizarre.
- ... Il ne faudrait pas que sa bizarrerie te contamine, Sakura...
- essayant de détendre l'atmosphère en avouant une moitié de vérité Il a passé des années à nous former et à nous protéger. Peut-être qu'inconsciemment, j'essaie de le comprendre et de l'aider un peu, tu as raison.
- tirant une moue un peu contrariée ... Tu ne peux pas être sur tous les fronts, Sakura-chan.
- ... Sur tous les fronts ?
- Réserve ton énergie à Sasuke déjà, non ?
Cette simple réponse fut comme une gifle. Sakura plissa les yeux, sentant une légère colère monter en elle.
- Sasuke va bien, Naruto, encore une fois. Il n'y a aucune inquiétude à avoir à son sujet. Il est sauvage, et il a du mal à revenir au village, c'est sûr. Il y a trop de mauvais souvenirs ici pour lui... Mais il va bien. Laisse-lui juste du temps, d'accord ?
- Si tu le dis... lui répondit Naruto d'un ton pourtant peu convaincu
Sakura ne pouvait l'expliquer, mais cette conversation la dérangeait. Les nausées normalement contrôlées par le sceau remontaient au creux de son estomac, mais elle n'était pas sûr qu'il s'agissait du poison. Elle se redressa un peu, essayant de changer définitivement de sujet et de revenir au cœur de la raison qui l'avait fait venir ici en premier lieu.
- En tout cas, je peux repartir dès demain pour retourner auprès d'Ebizo-jiisama avec Ino. Je serai en état, tu peux me faire confiance.
Ils restèrent là à se toiser, le bruit de la pluie battante sur les vitres en fond sonore. Le regard du jeune Hokage passa par plusieurs phases : la stupeur, l'étonnement, puis la réflexion, pour enfin finir sur un sourire complice, qui fit relever le coin des lèvres de Sakura elle-même. Un petit rire étouffé mutuel s'échangea après cette phrase, qui détendit définitivement l'atmosphère. C'était les travers de l'équipe 7. Des liens si forts, et à la fois si complexes. Comme si chaque élément dépendait des autres éléments, tout en essayant d'être indépendants de ceux-ci. Mais il n'y avait rien à faire, quels que seraient leurs efforts pour se prémunir des états d'âmes des uns et des autres, rien n'empêcherait cette prévenance de surgir à chaque fois que l'un d'entre eux était impliqué dans quelque chose de sérieux.
- Tu veux déjà repartir, alors ? lâcha le jeune Hokage
- Cela aidera grandement la mission. Je sais où aller, qui éviter, quoi faire.
- ... Tu n'es pas en forme, Sakura-chan. Tu viens d'enchainer deux missions.. Tu dois te reposer.
- Je connais mes limites, et je peux te dire qu'elles sont loin d'être atteintes... Et qui vas-tu envoyer dans les autres pays ? Tu as une idée ?
- … Pas encore, lâcha-t-il d'un ton lointain, comme préoccupé
Elle sentait son ami pensif, ses yeux bleus azurs perdus sur le plafond, les bras croisés en arrière de la tête. Il semblait étrangement petit dans ce fauteuil trop grand. Engoncé dans un rôle trop lourd. Trop prématuré. C'était son rêve, mais c'était trop tôt. C'était le plus jeune Hokage de l'histoire de Konoha, et Kakashi lui avait laissé la lourde tâche de faire prospérer Konoha comme lui-même avait réussi à stabiliser les choses après la guerre. Elle allait compatir sur son destin et sur ce poids un peu trop lourd sur ses épaules, lorsque l'objet de ses pensées la coupa.
- Il y a besoin de Sasuke.
Les pupilles de Sakura se rétrécirent.
- ... Sasuke ? répéta-t-elle, hébétée
- son regard descendant sur Sakura mais toujours un peu lointain Oui. Sasuke.
- ... Pourquoi ?...
- ... Il a le rinnegan. Il vous emmènerait en un quart de seconde là-bas. La mission pourrait être vite terminée.
- Il s'épuise à l'utiliser. Il perd la vue à chaque fois de manière irréversible. Tu sais qu'il voit très mal…
- Il peut bien faire exception une dernière fois, surtout si c'est pour toi, non?
- Les sourcils froncés Il refusera.
- S'il sait qu'il part avec toi, il acceptera.
Il avait dit cela de manière un peu trop forcée, le regard fuyant à nouveau sur son bureau envahi de paperasse. Sakura se sentit à nouveau terriblement nerveuse, et il semblait qu'il en était de même pour son interlocuteur. Ses bras s'agitaient en arrière de son crâne, ébouriffant machinalement ses épis blonds. Il avait le visage des mauvais jours, et elle sembla comprendre, le cœur tapant plus fort dans sa poitrine.
- Sasuke... Es-tu sûr que c'est ton idée, Naruto ?
- rouge Evidemment, pourquoi cette question, dattebayo ?
- ne pouvant s'empêcher de demander Est-ce que Kakashi est venu te voir hier soir, avant d'aller à l'hôpital ?
- ... Je ne vois pas le rapport avec...
- Naruto.
Il y avait un peu de Tsunade dans ce ton et dans l'émanation de chakra même perturbé qu'émanait la jeune femme aux cheveux roses. Un éclair zébra le ciel à ce moment-là accompagné d'un grondement d'orage bruyant. Naruto sembla s'enfoncer un peu plus dans son fauteuil définitivement trop grand.
- ... Quelle importance ? Pourquoi toutes ces questions autour de Kakashi sensei, aujourd'hui ?...
- La vérité, Naruto.
- ... poussant un soupir, les yeux révulsés d'agacement ... Oui, il est passé, et après ?
- ... Donc l'idée d'ajouter Sasuke à l'équation ?...
- Oui c'est lui.
Sakura se sentit brusquement nauséeuse. Ses jambes vacillèrent, et ses poings tremblèrent un peu. Naruto la toisa dans un mélange d'empathie et de désolation.
- ... Tu as raison, Sakura. Il faut lui laisser une chance... C'est ce que Kakashi sensei dit aussi. Je ne devrais... pas être inquiet à ce point. Et toi, tu es une grande fille. Je devrais lui faire autant confiance que vous deux. Je suis désolé.
- amère ... C'est comme ça qu'il t'a présenté les choses...
- Il m'a parlé des atouts qu'il pouvait apporter pour la mission... Et puis il a raison. Ce serait une première mission pour le mettre un peu en lumière. Que les gens puissent lui faire à nouveau confiance ici. Le conseil est tellement dur envers lui... Ce ne sera pas facile, mais s'il fait de son mieux, ça devrait fonctionner.
Sakura ferma les yeux, une boule oppressant sa gorge, et une pierre lestant son estomac. Sasuke dans la lumière... Cette formulation lui sembla malheureuse et inappropriée. Car dans le fond elle le savait, et elle connaissait Naruto depuis trop longtemps pour savoir qu'il ne pouvait que partager la même pensée. Peut-être était-ce d'ailleurs pour cela que le blond s'inquiétait tant pour elle ?
Sasuke ne serait jamais dans la lumière.
- Naruto, tu te rends compte que si tu lui confies cette mission, toutes les mauvaises langues vont aller bon train et t'attendre au tournant ? Si jamais cela se passait mal...
- Eh bien quoi ?
- ... Tu es prêt à prendre ce risque ?
- Il est avec toi, Sakura-chan. Tu as probablement raison, il change. Tout va bien se passer.
Toute réponse mourut dans la gorge de Sakura avant même qu'elle ne soit sortie. L'image mentale de Kakashi s'imprima dans son cerveau, et alors qu'elle voyait sa silhouette brûler dans son esprit tellement la colère se répandait dans chacune de ses fibres, elle se retrouva d'un coup à respirer doucement et à retrouver un calme relatif tout à fait inattendu. Les évènements des derniers jours s'immisçaient dans ses pensées, et la culpabilité reprit le pas sur la rancœur et la haine en un instant.
Car bon sang après tout, s'ils en étaient là aujourd'hui, elle ne devait s'en prendre qu'à elle-même.
Si elle avait réussi à soigner correctement Kakashi, il ne serait pas encore sur un lit d'hôpital sous perfusions diverses, et serait là, tout de suite, dans ce bureau, pour préparer la suite de la mission.
Si elle avait mieux compris Kakashi. Si elle avait réussi à mieux lui faire baisser les armes. Si elle avait fait en sorte qu'il puisse se confier à elle... Au lieu de cela, elle avait posé des questions puériles et idiotes, jour après jour comme une adolescente. Elle s'était amusée de ses regards, avait cherché ses sourires, oubliant ses blessures profondes.
Tout avait échoué dans cette mission. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait plus ressenti l'échec aussi fort, et cela lui serrait l'estomac.
Elle allait repartir avec Ino, et SASUKE.
- ... Sakura-chan?
La jeune femme sursauta, le contact d'une main sur son épaule la tirant de ses pensées négatives. Au regard que Naruto lui jetait, il semblait l'avoir appelée plus d'une fois.
- A quoi penses-tu comme ça ?
- A... A rien, Naruto. Tout va bien.
- Tu es sûre ?
Mentir à son meilleur ami était terriblement difficile, mais il n'était pas envisageable de faire autrement.
D'abord, parce que Naruto n'était pas allé au bout du monde récupérer l'Uchiwa pendant des années, perdant un bras dans la bataille, pour que Sakura l'abandonne maintenant. Cette mission allait enfin le réintégrer dans le village une bonne fois pour toute. Et cette intégration, c'était le rêve du blond. C'était ce pourquoi il s'était battu pendant tant de temps. Combien de fois avait-il juré à Sakura qu'il allait lui ramener ? Elle essayait d'oublier cela dans les moments de doute, écrasée par la culpabilité. Ces paroles pourtant pleines de bienveillance, pleines d'amour alors qu'elle savait ce que Naruto pouvait ressentir pour elle à l'époque...
Elle ne pouvait pas non plus faire autrement, car elle ne savait plus. Ce qui s'était passé, pendant cette mission... C'était tellement inapproprié, à tellement d'égards. Etait-ce simplement un signal que tout allait mal avec Sasuke ? Est-ce que cela lui aurait fait pareil avec Kiba si elle était partie avec lui ? Est-ce que cela comblait juste un manque ?
Elle ne savait plus ou donner de la tête. Elle sentit la main du blond serrer un peu plus fort son épaule, et le regard de Naruto appuyer le sien comme s'il sentait de là d'où il se tenait l'intensité de ses tourments.
- Tu sais... Ne t'oblige pas à faire des choses pour... Bref, je ne sais pas. Fais les choses comme tu le sens, dattebayo !
- la voix plus tremblante qu'elle ne le voudrait ... Comme je l'entends ?
- un sourire maladroit éclairant son visage, sa main libre brandissant un pouce de victoire Après cette mission, promis, le Hokage t'accordera des vacances bien méritées !
- ... lui rendant son sourire malgré elle
- Dernière mission Sakura, et tu pourras te reposer. Sois prudente, mais... ne prend pas trop les choses au sérieux, ok ?
Il n'en rajouta pas d'avantage. Déjà parce qu'il n'y avait rien de plus à dire. Mais également car aucun mot ne pouvait plus sortir de sa bouche.
La jeune femme le serrait dans une étreinte si forte qu'il en avait craché littéralement ses poumons hors de sa cage thoracique. Il y eut un mouvement discret des trois Anbus scrutant la scène par la vitre du bureau, mais après analyse rapide, ils préférèrent laisser le Hokage de débrouiller et se libérer seul de la suffocation.
Les rues de Konoha étaient désertes. Sakura pressait le pas dans celles-ci, ses chaussures claquant sur les pavés glissants. Elle ne savait pas vraiment où elle allait. La pluie était diluvienne, et les rares habitants qu'elle croisait déambulaient à toute vitesse sous de larges parapluies, l'ignorant totalement. Elle voyageait dans ses pensées bien plus que dans le village lui-même, et la pluie qui ruisselait sur sa capuche ne l'importunait pas. Elle était totalement indifférente à son environnement.
"Vous êtes un peu bizarres."
Sakura tourna dans une rue perpendiculaire, une grimace s'affichant sur son visage fatigué. Il n'y avait que trois personnes dans la rue principale marchant autour d'elle, mais c'était déjà trop. Elle aurait juré que l'un d'entre eux s'était retourné sur elle, la dévisageant à travers le rideau de pluie pour la regarder bizarrement.
C'était comme si le Konoha dans lequel elle déambulait là maintenant n'était pas tout à fait le même que le Konoha qu'elle avait quitté plus d'une semaine auparavant. Les rues étaient similaires. Les odeurs identiques. Les bruits toujours familiers. Elle allait rejoindre son appartement, s'y écrouler une heure, peut-être deux, puis chercher Sasuke. Comme tous les jours de ces derniers mois. Comme elle en avait pris l'habitude. Elle devrait avoir des papillons dans le ventre, rien que de penser retrouver son homme. Elle devrait presser le pas. Trépigner d'impatience.
Au lieu de cela, les larmes qui coulaient sur ses joues se confondaient avec la pluie qui s'abattait sur son visage. Elle les laissait couler, le cœur trop plein de sentiments qu'elle n'arrivait pas à gérer. Elle se stoppa même dans la rue, presque à bout de souffle, oppressée par les pensées qui lui traversaient l'esprit.
" - ... Regrettez-vous vraiment ?
- Oui"
Revenir à Konoha lui renvoya sa stupidité et sa naïveté en pleine figure, et c'était comme si elle prenait une gifle.
Elle avait embrassé Kakashi. Kakashi sensei.
Ses jambes la promenaient sans qu'elle ne sache où elle se dirigeait vraiment. Jusqu'à ce qu'elle se rende compte que ce n'était pas son immeuble et son balcon rempli de camélias qui lui faisait face, mais l'hôpital de Konoha, ses façades un peu sinistres et ses innombrables fenêtres battues par la pluie.
Elle se stoppa comme une automate, perturbée. Les bruits d'une horde d'enfant en arrière atteignirent ses oreilles comme un mirage lointain. Même les éclaboussures de ceux-ci sautant dans les flaques sur ses jambes amaigries ne firent pas décrocher le regard de Sakura des fenêtres du service du 3ème étage. Son cœur se serra. Elle maudissait son inconscient qui avait amené son corps ici, devant ce bâtiment. Mais après tout, c'était son lieu de travail depuis des années. Elle devait avoir passé plus de temps dans ce lieu que dans son appartement lui-même.
Et puis, là, dans ce bâtiment, il y avait Kakashi.
Elle l'avait quitté la veille seulement, mais cela lui sembla une éternité. Ce matin déjà à peine réveillée dans son lit, elle avait jeté un coup d'œil à sa fenêtre, le cherchant du regard. Il était souvent ainsi à Suna, appuyé contre le rebord, observant l'extérieur. Ou au contraire, c'était lui qui toquait à la vitre ouverte, l'observant de l'extérieur comme on observerait un animal au zoo. Il lui jetait toujours un sourire et un regard chaleureux, lui amenant les derniers jours un excellent okayu qu'il sortait d'elle ne savait où, parfait pour ses intestins irrités.
- Kakashi sensei, ou trouvez-vous cela ?
- Maa, j'ai fait mon enquête. Mange-le avant que cela ne refroidisse...
Elle repensa avec douleur à la saveur de ce simple bouillon de riz au citron qui lui réchauffait l'estomac et apaisait ses nausées. A la voix de Kakashi qui lui faisait le rapport non officiel de ses recherches matinales. A la façon dont il semblait détaché du monde, et à la fois impliqué dans tout. Elle frissonna sous la pluie à ce souvenir, brusquement gelée et vidée.
Non, Konoha n'était plus le même qu'avant. Tout y était plus sombre. Plus inaccessible. Plus compliqué...
Kakashi avait été hospitalisé tellement de fois qu'il en avait presque obtenu une chambre tristement attitrée. Les yeux de Sakura ne pouvait se détacher de sa fenêtre, et connaissant l'hôpital par coeur, elle savait qu'il était là. Combien de fois avait-elle rendu visite à son sensei, en presque dix ans ? Si ce n'était pas l'épuisement du chakra à l'époque, c'était une blessure. Si ce n'était pas une blessure, c'était l'épuisement du chakra.
Se rendre à l'hôpital pour aller voir Kakashi, c'était presque aller acheter son pain le matin avant de démarrer la journée. C'était devenu presque une routine malheureuse. Elle pourrait entrer dans cet hôpital comme au bon vieux temps. Monter le voir et prendre de ses nouvelles, comme d'habitude. S'assurer qu'il écoutait bien les conseils qu'on lui donnait - qu'il n'écoutait jamais -, et qu'il prenait bien les antibiotiques qu'on lui prescrivait - elle pensait qu'il n'était pas assez stupide sur ce point pour ne pas le faire.
Cependant, tout comme Konoha ne semblait plus être tout à fait Konoha, ce qui lui paraissait anodin avant ne l'était plus tout à fait désormais.
Son cerveau rationnel lui demandait de faire demi-tour, de regarder sa montre et de s'alarmer du temps qu'elle gaspillait. De rechercher Sasuke rapidement. De se préparer déjà pour le lendemain.
Son cœur palpitant dans sa poitrine l'incitait à monter dans cet arbre telle une intrus, à sauter au bord de cette fenêtre et à retrouver Kakashi. Elle allait toquer à cette vitre fermée à son tour, observer son regard étonné à travers les carreaux inondés de pluie, et il allait lui ouvrir en s'étonnant de sa présence. Elle allait l'attirer à lui et le serrer dans ses bras comme si c'était quelque chose d'approprié. Elle allait lui dire que c'était à elle de lui ramener quelque chose à manger, comme si c'était quelque chose d'évident.
Elle allait lui dire qu'elle était désolée... Mais qu'elle ne pouvait pas faire autrement. Que malgré ses paroles... Malgré le fait de l'avoir repoussée, les papillons qui revenaient sans cesse au creux de son abdomen ne se réveillaient pas pour retrouver Sasuke. Mais qu'ils explosaient à la seule pensée de le retrouver lui, là, tout de suite.
- Sakura-chan!
L'intéressée cligna des yeux à plusieurs reprises, comme extirpée d'un monde parallèle. Ce n'est qu'au troisième appel de son prénom que la rose détourna enfin son regard de l'hôpital.
- Sakura-chan… Est-ce que tout va bien?
Une jeune femme aux cheveux noirs et raides se tenait à côté de Sakura, ses grandes billes blanches la dévisageant d'un air soucieux sous un grand parapluie violet. Sakura se ressaisit rapidement et ses épaules s'affaissèrent un peu. Elle se tourna vers son amie et poussa un rire un peu forcé.
- Hinata-chan… ça fait longtemps. Contente de te voir.
Les traits soucieux de Hinata ne s'effacèrent pas pour autant.
- Sakura… Tu es trempée! s'exclama-t-elle en l'abritant de son parapluie Que fais-tu là, sans bouger? Tu vas tomber malade!
- Je… Je rentrais chez moi.
- Veux-tu que je te raccompagne? Tu n'as pas de parapluie?
- Non, mais… Je n'en ai pas besoin. J'allais rentrer. Ne t'inquiète pas.
La jeune femme aux cheveux roses observa la tête dodelinante de son amie. D'un regard, Hinata l'invita à s'abriter de la pluie sous la devanture d'un magasin tout proche, et Sakura se laissa convaincre de la suivre quelques instants. Son regard s'arracha de la vue de la petite fenêtre, et les papillons disparurent aussitôt du corps de la kunoichi, laissant la place à une douleur sourde dans son abdomen comme dans le sceau de son épaule qui se mit à la piquer.
Les deux femmes restèrent ainsi debout l'une à côté de l'autre sous le petit abri de fortune, et Hinata scruta Sakura d'un air à nouveau inquiet.
- Tu as l'air fatiguée…
- Je… rentre d'une longue mission. Et je repars demain.
- Les yeux écarquillés … Demain, déjà? Mais pourquoi ne te poses-tu pas un peu ?
- Riant sans rire Oh, je n'ai pas le choix. Je dois retrouver Sasuke avant la fin de l'après-midi… Nous partons ensemble.
- Oh! souffla la brune d'un ton grave inattendu. Je comprends. Et où est-il ?
- embarrassée… Je ne sais pas... Mais je le trouverai facilement.
- ... Oui, j'imagine.
Sakura poussa un léger soupir de soulagement. Au moins, elle était heureuse de ne pas être tombée par hasard sur Ino: cette conversation ne se serait pas terminée aussi facilement... Hinata, elle, se contenta de hocher la tête d'un air pensif. Depuis que la brune était en couple avec Naruto, elle et Sakura étaient devenues plus proches. Il n'y avait peut-être pas cette intimité que Sakura partageait avec Ino, mais la rose appréciait autant sa discrétion que sa profonde gentillesse. Ino s'amusait à mettre Hinata mal à l'aise en permanence, et cela amusait Sakura qui prenait partie tantôt pour l'une tantôt pour l'autre.
Cette légèreté lui parut soudain beaucoup trop lointaine pour être appréciée comme cela devrait l'être.
- Et toi Hinata, comment vas-tu? engagea Sakura dans un souffle, l'orage grondant en arrière Je suis désolée, j'ai manqué beaucoup de nos rendez-vous ensemble toutes les trois, avec Ino…
- Ne t'excuse pas ! s'offusqua Hinata, la main à ses lèvres Tu as de bonnes raisons de ne pas être avec nous !
- Oui, bien sûr, mais cela me manque aussi un peu...
- souriante ... Tout va bien ici. Les choses sont... calmes. Je ne me plains pas.
- Riant Est-ce que tu te plains parfois, de toute façon?
- Fronçant les sourcils, brusquement sérieuse Oh, oui, bien sûr !
- Ah oui?
- D'un ton inhabituellement maussade J'ai proposé à Naruto-kun de lui apporter un plat de ramen l'autre jour directement à son bureau. Tu sais, il est tellement pris par le travail qu'il ne prend même plus le temps de rentrer le midi. Souvent il ne mange même pas. Et bien la préparation m'a pris plus de temps que prévu, et j'ai tardé à arriver. Eh bien figure toi qu'il a fait venir deux Anbus directement chez nous pour vérifier que tout allait bien !
- sincèrement étonnée Hein ? A ce point ?
- Mais oui ! C'est... les joues rouges, visiblement gênée ... un peu trop étouffant. Je comprends qu'il soit inquiet, mais quand même, à ce point-là !
- ... C'est très inhabituel de sa part...
- Et c'est de pire en pire... ajouta la brune dans un souffle
- Mais qu'est-ce qui peut le rendre si nerveux ? Les choses sont calmes ici après tout ? Je ne comprends pas.
La brune resta silencieuse. Elle semblait hésitante, et Sakura l'observa alors d'un œil plus attentif. Vêtue d'une élégante robe blanche de mi-saison assortie d'un ruban de soie violet serrant sa taille, la jeune femme avait fière allure. Ses cheveux noirs corbeau tombaient désormais sur ses épaules, elle avait osé de belles boucles assorties à son ruban et un joli petit gilet aux tons rosés plus féminin que jamais finissait de parfaire sa silhouette élégante. Ce n'était pas la première fois que Sakura voyait Hinata en tenue civile - c'était même devenu le quotidien - mais elle ne l'avait jamais vu si...
... Resplendissante ?
Ce mot lui serra le cœur. Elle essaya de se reprendre, éloignant ses pensées égoïstes pour se reconcentrer sur son amie. C'est à ce moment précis qu'elle remarqua le sac en jute que la jeune Hyuga tenait de sa main gauche. Elle se pencha pour jeter un coup d'œil dans celui-ci, heureuse de trouver une issue pour changer de conversation. C'est que la brune ne semblait pas décidée à répondre, son regard blanc énigmatique et fuyant. Peut-être s'occupait-elle de ce qui ne la regardait pas, après tout...
- Oh, et qu'y a-t-il de bon là-dedans ? lança-t-elle donc d'un ton jovial un peu forcé. Est-ce que c'est le prochain repas de Naruto ?
- Rougissante, entre ouvrant son sac pour montrer son contenu à Sakura Oui, mais je ne l'ai pas encore préparé. J'ai fait vite au marché, il pleuvait trop... J'ai juste pris quelques légumes. Naruto-kun ne mange que des ramen. J'essaie juste d'égayer les choses… De faire plein de bouillons différents.
- Sincère, respirant fortement Mmh… Je sens déjà l'odeur du bouillon rien qu'en voyant ton céleri et tes champignons.
- Riant J'espère que ça lui plaira.
- J'en suis sûre. Des abricots, des fraises... J'ai presque envie de manger chez vous ce soir, dis donc.
Le visage de Hinata s'assombrit brusquement.
- Qu'est-ce qu'il y a? s'interrogea Sakura, oubliant définitivement ses propres préoccupations
- ... Je me plains du comportement de Naruto, alors que toi, tu ne vois presque jamais Sasuke... inclinant brusquement la tête Gomen', Sakura-chan... Ce n'est vraiment pas très fin de ma part...
Sakura poussa un soupir de soulagement, et posa une main sur l'épaule de son amie.
- rassurante Il n'y a pas de souci, tu le sais bien. Tout va bien avec Sasuke. Et tu as le droit de râler d'être trop couvée... Tu es une kunoichi, après tout, et pas n'importe laquelle ! Naruto n'a aucune raison de s'inquiéter. Il doit être un peu fatigué...
- timide ... Un peu.
- A ce point ?
- ... Eh bien... Oui, c'est le Hokage. C'est bien normal.
Sakura lâcha l'épaule de son amie pour se redresser, un peu raide. Etait-elle devenue stupide ? Cela ne faisait que quelques mois, et entre l'arrivée brusque de Sasuke dans sa vie, son mois de mission hors du village et cette dernière semaine hors du temps, elle n'avait probablement pas encore réalisé cela. Naruto était le 7ème Hokage. Evidemment, qu'il était fatigué. Inquiet. Peut-être épuisé... Elle s'en voulu et lança le sourire le plus réconfortant qu'elle avait en réserve pour se rattraper.
- ... Heureusement qu'il t'a, Hinata, tu sais. Je suis sûre que tu l'apaises.
- rouge tomate, serrant machinalement son sac avec nervosité Oh, je ne sais pas. J'essaie de faire de mon mieux pour l'aider, à mon niveau. Même si je ne peux pas faire grand chose pour lui.
- sincère Tu fais exactement ce dont il a besoin.
Et elle savait que c'était vrai, au petit sourire un brin gêné de son amie aux yeux ivoires. Un flash de souvenirs de leurs noces se fraya un chemin dans le cerveau de Sakura. Un mariage extraordinaire, pour un couple hors norme. Voir ces deux-là s'unirent, c'était un peu faire la paix avec le monde entier. Les planètes qui s'alignaient. L'évidence qui s'écrivait dans l'histoire. Inutile de dire que c'est le lendemain de ce jour si festif et joyeux qu'elle avait mis un terme à sa propre première relation. Espérait-elle vivre cela avec Sasuke ? Oui, probablement. Elle détestait qu'Ino ait raison, mais elle devait se l'avouer : elle était stupidement romantique. Elle attendait un amour fort. Quelque chose qui la fasse vibrer. Quelque chose d'unique. Et Sasuke devait lui apporter cela. Alors elle allait stopper cette relation sans évidence, pour attendre son évidence à elle.
Et il était arrivé, des années après. Et...
... Et rien. Rien de tout ce qu'elle s'était imaginé n'arrivait.
Bon sang. Il n'y avait pas cette évidence.
- Et toi Sakura ?
- perdue dans ses pensées ... Moi ? De quoi ?
- Est-ce que Sasuke aime que tu lui amènes certaines choses ? Quand tu n'es pas en mission, je veux dire ?
- riant bruyamment Oh, Sasuke n'aime pas grand chose... Et je crois que je ne suis pas une aussi bonne copine... enfin femme, pour Sasuke, que tu ne l'es pour Naruto.
- Ah bon ? Et pourquoi ?
- mal à l'aise Eh bien... Je ne sais pas. Je ne connais pas trop ses goûts. Et puis quand je ne suis pas en mission, je travaille à l'hôpital... Je suis assez occupée.
- Oh, je comprends. Il y a tant de travail que cela à l'hôpital ? Je pensais que les temps étaient calmes...
- Il y a toujours beaucoup à faire... les yeux un peu dans le vague Et Tsunade-sama me chargeait sans arrêt de chercher Kakashi aussi.
- étonnée Kakashi-sama ? Pourquoi cela ?
Aussi ahurissant que cela lui paraissait - combien de fois avait-elle prononcé le nom de Kakashi dans sa vie de Kunoichi, pourtant - les vagues dans son ventre et les picotements dans sa poitrine resurgirent rien qu'en repensant à son ancien sensei.
- embarrassée Oh... Je ne peux pas trop en parler. Mais rien de grave...
Du moins, c'est ce qu'elle espérait.
- Eh bien, en tout cas, vous avez de drôles de relations, tous les quatre.
- clignant des yeux ... Comment ça ? Tous les quatre ?
- les yeux plein de malice L'équipe 7.
Sakura l'observa sans voix. Tous les quatre ?
- Vous êtes un peu bizarres. Vous vous cherchez, et à la fois vous vous fuyez...
- fébrile ... Je ne fuis personne...
Hinata la regarda dans un mélange de compassion silencieuse et d'inquiétude assourdie. Sakura tiqua et sembla comprendre, brusquement sur la défensive.
- Je ne fuis pas Sasuke.
La brune rougit de gêne, comme si ses propres pensées avaient transpiré si fort qu'elles s'étaient rendues visibles au monde contre son gré. Elle balbutia plus qu'elle ne répondit.
- Je n'ai jamais sous-entendu que...
- d'un geste de main désabusé Laisse tomber, j'ai l'habitude.
- ... L'habitude ?
- d'un ton aigre Oui. Je sais, je ne connais pas les plats préférés de Sasuke. Ni ses livres. Ni ses passe-temps. Je ne sais pas s'il préfère la mer ou la montagne, ou s'il aimerait avoir un animal de compagnie le matin quand il se lève qui lui fasse la fête au pied du lit. Je ne sais pas non plus dans quel restaurant il aimerait passer du temps... Et je ne connais pas non plus ni ses rêves, ni ses phobies. Mais j'ai besoin de temps. Nous avons besoin de temps. Tout ça ne vient pas du jour au lendemain. Je sais, nous nous connaissons depuis dix ans... Mais il est devenu quelqu'un d'autre, que je ne connais plus. Il est réapparu comme ça du jour au lendemain i peine quelques mois...
Sakura se stoppa dans son élan. Son discours avait figé Hinata qui s'était raidie, ses yeux blancs écarquillés de surprise. La rose repris alors son souffle, réalisant s'être littéralement emportée. Les prochains mots de la jeune Hyuga lui donnèrent raison.
- Je... au comble de l'embarras Gomen', Sakura. Je n'ai jamais voulu insinuer que...
- ... Je sais. Excuse-moi, c'est moi.
Bon sang, elle avait perdu son sang-froid sans même en comprendre la raison. Et alors que ses propres paroles résonnaient encore dans son cerveau, Hinata écourta la conversation, encore rouge de gêne.
- Je vais te laisser, Sakura-chan...
- embarrassée de s'être emportée Non, c'est moi, c'est juste... Tout le monde me... Bref, oublie ça.
- ...
- d'un ton penaud Acceptes-tu de me raccompagner chez moi ? Finalement tu as raison : je vais tomber malade, je suis trempée.
Passé quelques secondes de surprise, Hinata retrouva le sourire. Elle ouvrit son parapluie, comprenant le double sens de cette proposition.
- Laisse-moi aussi t'apporter deux rations de ramen pour ce soir... proposa même la brune en ouvrant son parapluie
Sakura attrapa le bras d'Hinata et se laissa guider sous la pluie battante, prenant la direction de son appartement.
- Ce n'est pas la peine, vraiment... bredouilla Sakura, gênée
- Non mais regarde : j'ai acheté trop de légumes. Nous allons en avoir pour dix jours... Et... Ca me fait plaisir. Vraiment.
- Tu as toujours cuisiné comme ça ?
- un large sourire béat sur le visage ... J'aime cuisiner, surtout pour Naruto-kun. J'aime cuisiner pour les gens que j'aime. C'était stupide tout à l'heure, ce que je t'ai demandé pour Sasuke. Exc...
- Arrête de t'excuser ou je vais devoir te punir ! lança Sakura en tapant gentiment son amie sous le parapluie
- Oui pardon. Euh... clignant les yeux pour éviter une pseudo frappe de Sakura
Hinata rit quelques instants, détendant définitivement l'atmosphère. Les deux femmes marchaient dans la rue déserte, protégée du large parapluie violet, lorsque la brune se laissa aller à quelques confidences inattendues de sa voix cristalline.
- Mes parents étaient très stricts. Dans notre clan, il y a énormément de protocoles et de contraintes. Ce Juinjutsu... Ca n'a pas été simple tous les jours. Et la cuisine... son visage s'illumina C'est bien la seule chose où nous avions une liberté totale. Mes parents me disaient souvent que chaque aliment avait une signification, et qu'il était important de choisir ses ingrédients en fonction de ses émotions du jour. C'était la façon de mes parents ne nous montrer aussi leur amour, à défaut de savoir le faire autrement...
- Ah oui ? Et les champignons, là, c'est pour quel type d'émotion ? s'amusa Sakura
- très sérieuse C'est pour la réassurance. C'est un végétal simple mais résistant. Il est ancré dans les racines, à la terre, aux écorces. Il ancre au moment présent. Il ramène aux choses essentielles. C'est une valeur sûre, tu sais ?
- Et la carotte ?
- Elle promet la santé et la prospérité. A cuisiner dans un moment de doute ou quand on est malade...
- Sérieusement ? Et les prunes ? J'adore les prunes !
- souriante Elles donnent force et courage à celui à qui on en donne. Les fleurs de pruniers survivent à n'importe quelle température de l'hiver...
- L'abricot ?
- rouge de gêne C'est... Juste un plaisir sucré qui fixe la tendresse et les sentiments amoureux.
- retenant un fou rire Es-tu sûre que Naruto soit réceptif à tout cela ?
- Non. Mais... cela n'a pas d'importance !
Evidemment. Naruto pouvait bien manger du céleri, de la salade ou du piment d'espelette. La vérité était là, sous les yeux de Sakura. Alors qu'elles continuaient à discuter de concombre et autres fruits et légumes, les yeux amoureux de Hinata à la seule évocation de son mari finirent d'extirper Sakura de ses propres angoisses. Elle se laissa envahir du bonheur contagieux de Hinata, de son rire discret et de sa démarche légère tout au long du trajet jusqu'à son appartement. Elle la quitta finalement presque à contre-coeur, l'embrassant avec chaleur pour lui faire un signe de main et s'engouffrer dans le couloir de son immeuble. L'obscurité soudaine du couloir sembla noircir son humeur et son cœur en même temps que sa vue, la faisant tâtonner jusqu'à l'interrupteur. Elle frissonna de tout son corps, frigorifiée et trempée malgré la prévenance de son amie. Un pressentiment l'envahit alors qu'elle approchait la porte de son appartement, et la réalité la rattrapa aussi vite qu'elle avait réussi à lui échapper ces dernières minutes.
Elle aurait dû demander à Hinata de lui donner quelques prunes. Juste un peu.
Le lendemain, fin de matinée
La nuit n'avait toujours pas calmé la tempête qui continuait à se déchainer. La pluie inondait toujours les rues désertes le lendemain au petit matin. Les nuages semblaient intarissables.
- La chambre de Kakashi Hatake s'il vous plait?
- … Il est au 3ème étage chambre 345, souffla l'infirmière après avoir soulevé quelques feuilles de notes. Les visites ne sont autorisées que l'après-midi messieurs…
- On vous promet de ne pas rester longtemps. C'est l'affaire de 5 minutes.
- Si vous le dites… les yeux au ciel, les laissant passer
Les deux hommes entrèrent dans l'ascenseur avant de taper le numéro approprié pour monter dans les étages.
- L'engueuler ou le réconforter? questionna la panthère de Jade, appuyé contre l'accoudoir de son fauteuil roulant, les yeux fixés dans ceux de son acolyte du jour.
- L'engueuler. On réfléchira après, répondit Yamato du tac au tac, les mains dans les poches.
La sonnette tinta la fin de la montée. Les deux hommes s'engagèrent dans le couloir, Yamato poussant le fauteuil de Gaï devant lui. Ils s'avancèrent ainsi jusqu'à la porte 345 et frappèrent énergiquement à l'unisson.
Pas de réponse.
Les deux bruns se regardèrent, interrogatifs. Gaï redoubla les coups contre la porte. Mais toujours aucune réponse... La même pensée les traversa comme un éclair l'un et l'autre, leurs sourcils se fronçant tout à coup.
Le membre de l'ANBU ouvrit la porte sans scrupule. La chambre était petite, l'éclairage faible. Le froid les prit à la gorge à peine entrés. Sans surprise, les perfusions accrochées sur le côté du lit s'écoulaient dans le vide, cathéter arraché. La fenêtre était ouverte, et la pluie battante commençait à inonder le sol, le vent soufflant dans la chambre et claquant la porte derrière les deux hommes perplexes. Gaï se frappa le front de sa main, dépité.
- Kakashi-senpai… souffla Yamato, désabusé
Au même moment
Les trois ninjas voletaient d'arbre en arbre dans un silence un peu pesant, ralentis par la pluie qui ne semblait décidément pas décidée à se stopper. Le paysage défilait à vive allure, les pauses étaient courtes, les échanges succins.
Le cap avait été remis sur Suna dès le lever du jour, direction Ebizo. Il ne fallait pas perdre de temps, l'homme pouvait mourir à tout moment, et Sakura le savait bien. Ils devaient réfléchir tous trois à la façon dont ils allaient récupérer les informations du cerveau du vieillard sans alerter sa probable garde renforcée. Cela n'allait pas être une mince affaire. En espérant que celui-ci soit déjà encore en vie…
Les trois autres équipes, informées par Naruto, avaient également mis le cap sur leurs destinations respectives le matin même. Lee, Tenten et Genma avaient fait route vers le pays de l'Eau. Ils étaient partis au petit matin. Pour les deux autres villages, Shino et Kiba accompagnés de Tsume avaient mis le cap sur Iwa, et enfin Choza, Choji et Raidô étaient partis pour Kumo. La mission initialement ultra confidentielle prenait une envergure quasi diplomatique. Personne ne savait vraiment vers quoi il allait, mais tout le monde ressentait l'importance de la réussite de cette mission.
Malgré l'importance de celle-ci, le cerveau de Sakura vaquait ailleurs. Impossible pour elle de se concentrer. Elle voletait d'arbre en arbre comme une automate. La nuit avait encore été terriblement courte et son corps s'épuisait de ses cauchemars à répétition. Elle se demandait comment elle avait trouvé le courage de se lever ce matin, accablée d'une migraine carabinée et de nausées accablantes. Le sceau sur son épaule l'avait lancée, projetant une douleur pulsatile désagréable.
Flash-back, réveil de Sakura après création du sceau par Tsunade
- Combien de temps ce sceau peut-il tenir? demanda Sakura alors qu'elle massait la marque fraichement apposée sur sa peau pâle
- Difficile à dire. Je dirais une quinzaine de jours, pas plus…
- Blême … Puis-je retourner à Suna dans les prochains jours pour finir la mission? Ou est-ce trop risqué?
- N'y reste pas trop longtemps… Au besoin, n'hésite pas à invoquer Katsuyu pour te soigner si tu sens que ton sceau faiblit.
- D'accord… Arigato gozaimasu, Tsunade-sama, lâcha Sakura en s'inclinant, encore assise au bord de son lit d'examen
- Ne me remercie pas. Je ne t'ai pas encore guérie.»
Sakura déglutit, ses jambes la faisant évoluer dans le dédale d'arbres avec plus d'habileté qu'elle ne pouvait s'y attendre.
«Je me demande juste qui va te sortir de tes cauchemars, quand nous serons arrivés désormais…»
Un rire jaune força la barrière de ses lèvres.
Non seulement personne ne la réconforterait pendant ses cauchemars, mais pire: l'objet de ceux-ci était réapparu dans sa vie, et courait à quelques mètres d'elle seulement juste en avant sur son côté droit. Voir Sasuke ici, là, à ses côtés comme si de rien n'était, aggravait son anxiété et son sentiment de malaise.
«Laisse-lui une chance. Il ne demande que cela. Tu as été là pour lui toutes ces années… Tu ne peux pas l'abandonner maintenant, non?»
Son cœur se serra. Avait-elle vraiment tout essayé? Se trompait-elle? Plongée dans ses pensées, elle chercha le regard de Sasuke, là, juste devant elle. Il ne se retournait pas, déterminé, le regard plongé sur l'horizon. Cela faisait déjà quatre heures qu'ils couraient – Sasuke avait préféré éviter d'utiliser son Rinnegan, mais probablement en fera-t-il usage sur le retour, avait-il proposé d'un ton morne – et quatre heures durant, le garçon n'avait pas dévié le regard sur la jeune femme une seule fois. Sakura ne saurait dire ce que cela lui renvoyait. Le trajet d'aller pour Suna avec Kakashi, deux semaines auparavant à peine, avait été aussi silencieux. Cependant, c'était de son fait. Elle se remémora alors les coups d'œil de Kakashi sur elle, et ses essais maladroits de la faire sourire. Il avait tenté des connexions timides vers elle, mais c'était elle qui les ignorait expressément.
Et comme à chaque fois depuis la veille lorsque ses pensées se dirigeaient vers Kakashi, et sans qu'elle ne contrôle quoi que ce soit, ses joues se mirent à chauffer. Pourtant, elle avait passé deux jours à essayer d'oublier. A mettre sous un couvercle toutes ces pensées.
Et comme l'eau bouillante d'une casserole oubliée sur le feu qui déborde, tout remonta à ce moment-là.
Elle se remémora alors la façon dont il l'avait soignée, lorsqu'elle était brûlée à l'acide. Elle se remémora ses paroles gratifiantes après avoir sauvé Ebizo-jiisama. Leurs moments de complicité à la bibliothèque et au laboratoire de l'hôpital. La façon dont il essayait de la rassurer. De la faire rire. De la protéger. De la regarder.
La façon dont il l'avait embrassée, deux jours seulement auparavant.
- Aïe!
Son visage s'écrasa lamentablement au sol, giclant des nuées de boues de toute part. Emportée par sa vitesse, elle n'avait pas repéré une racine grossière et s'était juste pris le pied dedans comme une idiote. Son pied lui lançait une douleur intense. Cette lourde chute stoppa net la course de ses deux co équipiers qui revinrent sur leurs pas. Ino se pencha sur son amie, la main sur son épaule.
- Sakura, tout va bien? lança-t-elle
Epuisée. Et idiote, bon sang. La mèche blonde de son amie cachait un de ses magnifique yeux verts qui en ce moment la surplombait et l'observait avec inquiétude.
- Tu es sûre que ça va aller?
- Mais oui ça va très bien, répondit-elle rapidement, se soignant immédiatement de son entorse, concentrant son chakra guérisseur dans son articulation gonflée et douloureuse.
Heureusement, et ce malgré le sceau et ses maigres réserves de chakra, elle cachait à merveille ses cernes et son teint blafard. Elle n'était pas la disciple de Tsunade pour rien. Mais son amie n'était pas dupe.
- On aurait pu repartir seuls avec Sasuke. Tu aurais pu nous donner toutes les informations nécessaires pour parvenir jusqu'à Ebizo sans être obligée de venir avec nous…
- Il fallait que je puisse vous guider et vous éviter des problèmes inutiles. Ne vous inquiétez pas tout va bien.
Elle vit Sasuke revenir sur ses pas, toujours drapé dans sa cape noir corbeau. Son regard était froid, le visage caché sous sa capuche.
- Tout va bien? demanda-t-il tout de même
- Très bien, argua la rose en se relevant, la cheville soignée. On y retourne.
Le brun haussa un sourcil dubitatif. Ino l'aida à se relever, et la femme aux cheveux roses accepta la main tendue sans broncher: elle ne pouvait pas se payer le luxe de refuser de l'aide en ce moment. Sasuke garda les yeux sur Sakura quelques instants alors qu'Ino les laissait seuls en tête à tête, reprenant le chemin vers Suna.
L'échange de regard fut profond mais silencieux. Jusqu'à ce que Sasuke se détourne de Sakura pour rejoindre Ino sans un mot de plus, permettant à Sakura l'arrêt de son apnée interminable.
C'était le même échange de regard que celui de la veille au soir, alors que Sasuke l'attendait chez elle, fraichement raccompagnée par Hinata à sa porte.
Flash back
- Sasuke… Tu es venu… Jusqu'ici?
- Salut. Je t'ai senti revenir.
C'était un peu froid, et un brin suspicieux. A la réflexion, s'était-elle dit après coup, c'était bien normal… Leurs derniers moments ensemble avaient été plus que difficiles. Sasuke se tenait là dans le vestibule, sa grande cape noire trempée par la pluie accrochée au porte manteau de l'entrée - il était visiblement arrivé peu de temps avant elle. Elle le contourna machinalement, accrochant son propre manteau et se déchaussant.
- Hinata va nous apporter des ramens pour ce soir... Elle savait que je n'aurais pas le temps de cuisiner. Je ne suis rentrée qu'hier.
- froid Comment se fait-il que tes missions durent toujours plus longtemps qu'elles ne devraient?
- Prise de court Je ne sais pas. Je n'ai peut-être pas de chance…
Après quelques secondes d'un silence pesant, les deux anciens co équipiers s'installèrent autour de la petite table de Sakura dans un silence gêné. Trois branches de cerisiers en fleurs dans un vase surélevé trônaient sur la table, à la place du bouquet d'hortensia disparu – Sakura était décidément bien trop absente pour entretenir une plante quelconque, merci Ino. La kunoichi avait machinalement sorti deux verres et avait proposé quelque chose à boire, réalisant à nouveau à quel point elle ne savait pas vraiment ce qu'il appréciait. 3 mois, c'était à la fois long et court... Lorsqu'il lui demanda seulement de l'eau, elle eut une moue un peu résignée inattendue. Elle n'osa prendre autre chose, et c'est devant deux verres d'eau désespérément plate qu'ils finirent par oser s'échanger quelques paroles.
- Tu dois être fatiguée… Je passais juste voir comment tu allais. Je ne t'embêterais pas longtemps.
- Tu… Tu ne m'embêtes pas du tout.
Son visage devait la contredire, vu le froncement de sourcils un brin blasé de son interlocuteur.
- Naruto m'a retrouvé cet après-midi. Il m'a expliqué pour la mission.
Sakura déglutit, son cœur battant brusquement plus fort dans sa poitrine.
- … C'est bizarre de refaire une mission pour Konoha, lâcha-t-il d'un ton un peu morne, amenant le verre d'eau à ses lèvres
- Naruto te fait confiance, éluda Sakura, les yeux fixés sur les fleurs de cerisiers
- … Pourquoi Kakashi est-il rentré amoché à ce point? L'ennemi était si dangereux que ça?
- Une boule dans la gorge … Nous nous sommes faits prendre par surprise dans le désert, articula-t-elle, se cachant elle-même derrière son verre malheureusement transparent
- … Par surprise?
- Nous… étions depuis plus d'une semaine sur le qui-vive en permanence. Nous n'avons pas beaucoup dormi.
- Il ne dort jamais.
- … C'était plus compliqué que prévu.
Il était évident que Sasuke attendait une réponse plus développée. Son visage incrédule rendit la rose particulièrement nerveuse, et cela n'échappait pas à l'Uchiwa. Sakura serra ses mains autour de son verre vide. Elle essaya de se concentrer sur l'odeur florale que dégageait ces branches de cerisiers fraichement coupées: cela lui évitait de basculer dans la vague sensation de panique qui commençait à affleurer.
C'était trop tôt. Tout était trop frais. Elle avait besoin de se retrouver. De réfléchir.
- … Si tu le dis.
Il avait laissé ce silence volontairement oppressant s'étirer, jusqu'à ce qu'il lui donne un peu de ses propres nouvelles, faisant redescendre un certain niveau de pression. Il expliquait ce qu'il avait fait, ces dix derniers jours. Elle avait écouté sans entendre, coupable de ne pas avoir même pensé à lui demander. Il disait de toute façon toujours si peu qu'elle s'était habituée parfois à ses monologues. Des bribes de mots arrivaient à ses oreilles, surveillance, entrainement, Rinnegan, villages ennemis, mais tout était décousu. Elle se reconnecta à la réalité lorsqu'elle le vit se relever – combien de temps s'était-il écoulé? Elle était incapable de le dire, mais la nuit était tombée tout de même. Il posa son verre sur le bord de l'évier et se retournant vers elle, son chakra émanant de manière un peu plus forte.
- Je te laisse… Tu dois te reposer, lâcha-t-il d'un ton plat. Rendez-vous demain matin à l'entrée de la forêt, 7h, c'est ça?
- … C'est ça.
- Bien.
Elle respira profondément, une vague de soulagement l'envahissant de le voir s'apprêter à partir. Elle se leva et le raccompagna jusqu'à la porte d'entrée, guidée par la culpabilité. Il attrapa sa cape toujours humide qu'il replaça sur ses épaules, et alors que Sakura s'approchait de la porte pour lui ouvrir, cherchant en elle-même des mots d'excuses de ses manquements de ce soir, elle sentit une main dans sa nuque, et des lèvres contre les siennes. Ce contact pourtant légitime et attendu rendit la jeune femme si mal à l'aise que c'était comme si son cœur était trop gros pour sa cage thoracique. Elle essaya de rester aussi stoïque que possible, mais c'était comme si l'Uchiwa jouait avec ses nerfs, l'embrassant comme il ne l'avait jamais embrassée. Il lui déposait quelque chose dans ce baiser, plus insistant et plus appuyé qu'il ne l'avait jamais été. Lorsqu'elle le vit s'éloigner d'elle, sa main toujours dans sa nuque, elle rougit de honte autant que d'embarras.
«Je veux être sûr… Que tu sois à moi, Sakura. Juste à moi»
Sasuke l'observait avec une certaine tendresse malgré tout, esquissant un sourire maladroit qui accéléra le cœur de Sakura et lui fit pulser le sang dans ses tempes.
- A demain.
Sakura n'avait pas fermé l'œil de la nuit malgré l'épuisement. Elle avait même tenté des techniques de fluidité de chakra pour abaisser son flux et provoquer un sommeil un peu artificiel, mais rien n'avait fonctionné. Elle se sentait assaillie de questions et ressentait un mal-être qui lui tordait les entrailles.
Le voyage se poursuivit sous une pluie diluvienne une bonne partie de la journée, jusqu'en fin d'après-midi où les trois co-équipiers eurent enfin une accalmie bienvenue. L'Uchiwa se stoppa le premier, toujours en tête, rapidement rejoint par Ino qui le talonnait. La rose fit son apparition plusieurs minutes plus tard, à la traine.
- Arrêtons-nous ici pour la nuit, proposa le brun.
Ino jeta un coup d'œil à son acolyte féminine: il allait sans dire que cette pause était nécessaire. La blonde jeta son sac au sol pour sortir quelques ustensiles de survie, sortant le matériel pour une petite tente de fortune. Sakura s'assit au pied d'un arbre et se laissa aller dos contre l'écorce, les yeux fermés de fatigue et de tension. Elle ne remarqua pas le regard inquiet et plein de questions de son amie. Sasuke commença à faire le feu et s'éloigna dans la forêt, laissant les deux amies seules. Après un coup d'œil suspicieux vers le dernier endroit où Sasuke avait été visible, Ino s'approcha de Sakura, continuant de monter les piquets de la tente.
- Qu'est-ce qui se passe, Sakura? Quelque chose ne va pas?
- …. Tout va bien, jeta Sakura dans un souffle tout en se penchant en avant, les coudes sur les genoux et ses doigts massant ses tempes
- Arrête… Ne me mens pas! Ça a un rapport avec Sasuke?
- Pas du tout, nia précipitamment Sakura.
- Alors quoi?
- Je suis juste fatiguée. Une nuit de sommeil et tout ira mieux.
- Et où est passée la grande disciple de Tsunade-sama? Qu'attends-tu pour te guérir et retrouver ton énergie?
- … Je n'y arrive pas.
- Pourquoi donc ?
Sakura hésita, le cerveau englué par la fatigue physique autant que la fatigue mentale. Ino la harcèlerait jusqu'à ce qu'elle supplie que cela s'arrête ventre à terre, et même cela n'y fera rien. Elle se demanda quel aveu était le moins risqué, au moins pour protéger sa santé mentale et ses nerfs à vif. Après tout, la blonde ne voulait que son bien. Ce n'était pas un ennemi. Après le quatrième «pourquoi» furieux et impatient, Sakura baissa les armes, jeta un coup d'œil rapide autour d'elle et baissa d'un geste un peu lent sa tunique bleue – elle avait retrouvé ses tenues classiques, à son grand regret. Ino la regarda d'un air circonspect jusqu'à ce qu'une forme en losange noire et étincelante attire son œil sur l'épaule de son amie.
- J'ai été empoisonnée à Suna.
Un peu plus tôt dans l'après-midi, village de Konoha
Il y avait l'orage dans le ciel, que rien n'avait semblé pouvoir stopper, deux jours durant. L'accalmie arrivait pourtant, enfin. Quelques timides éclats de soleil orangés transperçaient enfin les épais nuages gris, abreuvant de la clarté du soir les rues, les toits et la végétation.
Et il y avait l'orage dans le cœur d'une ancienne Hokage aux cheveux clairs comme les blés, sa poitrine imposante rebondissant au rythme de ses pas pressés. Ses talons hauts claquaient avec fureur sur le sol et résonnaient dans le long couloir. Un orage mal contrôlé, qui faisait reculer le personnel de l'hôpital passant à côté d'elle, un chakra meurtrier émanant comme un nuage autour de sa silhouette.
- Il devait avoir encore deux jours de perfusions d'antibiotique… gémit un infirmier qui trottinait en arrière de Tsunade
La Sanin ne répondit pas, le visage déformé par la colère. Elle disparut dans le hall de l'hôpital, lâchant quelques ordres d'un ton acerbe juste avant de disparaître, sa main levée empêchant quiconque de tenter de la suivre. Shizune, qui avait assisté à la scène, souffla de dépit. L'infirmier malheureux arriva à la hauteur de la brune, la questionnant du regard tout en se grattant nerveusement la tête. Shizune haussa les épaules en réponse au regard de son collègue, levant les mains au ciel d'un air de dire que l'on n'y pouvait rien.
- Cette fois, il ne s'en sortira pas vivant… Elle va le tuer.
- De quoi? L'infection? balbutia le médecin perdu
- Non: Tsunade-sama.
Merci beaucoup à ceux qui me suivent, chapitre de transition un peu longuet mais Kakashi sera de retour au chapitre suivant, et je ferai des chapitres plus courts, je me laisse emballer à chaque fois. Je modifie beaucoup mon histoire initiale finalement, en espérant que cela vous fasse passer un bon moment ! A très bientôt !