Chapitre 25: Explications nocturnes

«Je vous le dis tout net, je ne sortirai pas de ce bureau avant d'avoir compris le fin mot de toute cette histoire! Avant d'avoir compris pourquoi un de mes principaux collaborateurs vient de partir enchaîné entre quatre Aurors, après être venu jusqu'ici agresser trois élèves de Poudlard, dont ma propre fille! Avant d'avoir compris pourquoi, quand je lui ai enlevé son bâillon pour lui demander de s'expliquer sur ces agressions, la seule chose qui semblait le préoccuper, c'était qu'on ne marche dans cette espèce de poussière blanche qui était répandue sur le sol en haut de la Tour de Serdaigle.»

Et pour bien affirmer sa volonté d'obtenir immédiatement toutes les explications qu'elle réclamait, Madame la Ministre s'installa sans y être invitée dans l'un des fauteuils du bureau de McGonagall. Les bras croisés, elle toisait d'un air sévère les six adolescents qui s'étaient agglutinés les uns contre les autres sur un vieux canapé rouge hérité de Dumbeldore.

J'avais toujours trouvé Hermione Granger d'un incroyable sans gêne, et ses années à la tête du Ministère n'avaient clairement pas amélioré son caractère. Cependant, pour une fois, la curiosité qu'elle manifestait m'arrangeait bien, car j'étais loin d'avoir satisfait toute la mienne. Je comptais donc sur ses récriminations pour obtenir les éléments d'explications qui me manquaient encore. Notre Directrice se décida à s'assoir dans son propre fauteuil non sans un léger soupir. A son grand âge, je suppose qu'elle aurait volontiers différé les aveux de la petite bande pour pouvoir aller se coucher, et elle devait envier Flitwick qui, une fois l'ordre rétabli dans la Tour de Serdaigle, s'était excusé pour retourner au lit.

Nous n'étions donc que cinq, McGonagall, Granger, Lupin, Harry et moi, à faire face à Albus et ses amis dans le bureau directorial à cette heure tardive de la nuit. Notre Directrice conjura du thé pour nous, et des tasses de chocolat pour les jeunes, avant de confier à son adjoint la responsabilité d'interroger ces derniers.

«Il s'est produit ce soir dans notre école des évènements d'une extrême gravité.» commença Lupin en fixant un regardant incisif sur les adolescents toujours entassés les uns contre les autres comme pour se rassurer. «Nous avons des raisons de penser que vous avez de ces évènement une compréhension qui nous échappe. Ce faisant nous attendons de vous des explications. Complètes et détaillées.»

La petite bande échangea des regards inquiets.

«C'est une longue histoire.» soupira finalement Victoire Weasley dont le visage portait plusieurs ecchymoses.

«Comme l'a dit votre tante, Miss Weasley, nous allons prendre le temps de comprendre votre histoire. Maintenant.» insista le loup-garou.

La curiosité n'étant pas l'apanage des vivants, le Baron qui devait traîner à proximité, s'invita parmi nous en s'installant à côté du canapé occupé par les jeunes. Quant aux portraits des anciens directeurs et directrices qui faisaient soigneusement semblant de dormir, j'étais persuadé qu'ils étaient tout ouïe pour ne pas perdre une miette de ce qui allait suivre. Après un nouveau conciliabule visuel, Rose Granger-Weasley sembla désignée pour commencer le récit:

«En fait, tout a commencé l'été dernier quand nous avons voulu aider le Professeur Rogue dans ses recherches à propos de Delphini …»

«Alors que je vous avais recommandé de vous tenir à l'écart!» l'interrompis-je d'un ton sec.

«C'est vrai. Mais, Rose voulait juste vous éviter de passer à côté de quelque chose d'important.» réagit Scorpius Malefoy toujours prompt à voler au secours de sa belle.

«Et comment Miss Granger-Weasley envisageait-elle de m'éviter cet écueil?» demandai-je d'un ton sarcastique.

«Eh bien, le dernier endroit qu'a habité Voldemort avant sa disparition, c'est chez nous, au Manoir Malefoy. Rose a pensé qu'il aurait pu y cacher quelque chose.» expliqua Scorpius Malefoy.

«Quelque chose que votre famille n'aurait pas trouvé depuis toute ces années?» s'étonna Lupin.

«Il n'y a pas de Fourchelang chez les Malefoy.» intervint Albus. «Donc, quelque chose aurait pu rester dissimulé chez eux pendant toutes ses années sans que personne ne le trouve.»

«Et qu'avez-vous fait à la suite de cette brillante idée?» demandai-je d'un ton légèrement ironique, mais au fond je m'en voulais de ne pas m'être fait cette réflexion moi-même.

«Eh bien, nous avons simplement fait le tour des pièces du Manoir et dans chacune j'ai demandé aux murs de s'ouvrirent et aux cachettes de se révéler. En Fourchelang, bien sûr.» expliqua Albus avant d'ajouter. «J'ai des sources pour penser que Voldemort ne pratiquait pas de magie très sophistiquée en Fourchelang.»

«Des» sources, tu parles. Juste une source. Un portrait beaucoup trop bavard qui s'ennuyait au fin fond des cachots.

«Qu'est-ce qu'a donné ta petite enquête?» lui demandai-je d'un ton léger pour masquer ma curiosité réelle.

«En fait, il s'est passé quelque chose très vite. Une niche s'est ouverte dans la bibliothèque. Mais on a quand même fait le tour du Manoir pour vérifier qu'il n'y avait rien d'autre.» répondit mon petit fils.

Mon intérêt et mon impatience montèrent en flèche. Et je n'étais pas le seul. Du coin de l'œil, je vis le Baron tendre une main distraite vers une tasse de thé posée devant lui et observer avec étonnement que la main en question passait au travers de la tasse et du breuvage qu'elle contenait. L'espace d'un instant, il en avait même oublié qu'il était un fantôme!

«Et il y avait quoi dans cette niche?» interrogea Lupin incapable de faire taire sa propre impatience.

«Un manuscrit.» répondit sobrement Rose Granger-Weasley.

«Que vous n'avez pas jugé bon de m'apporter.»remarquai-je. «Alors que je croyais que vos investigations avaient pour but de m'aider.»

«On a juste voulu jeter un coup d'œil au manuscrit quand on a compris comment le lire, on s'est rendu compte que ça n'avait rien à voir avec vos recherches. » se justifia la fille de Madame la Ministre.

«Quand vous avez compris comment le lire.» releva cette dernière. «De quoi parles-tu Rose?»

«C'est un texte qui n'est lisible que dans un miroir.» précisa celle-ci.

«De l'écriture spéculaire? Mais qui a bien pu écrire cela?» s'étonna McGonagall qui semblait moins regretter de ne pas être partie se coucher.

« Un certain Stephen Red. C'est un récit personnel, une sorte de confession post mortem. » expliqua Scorpius Malefoy toujours prompt à utiliser des mots sophistiqués.

«Dont vous n'avez pas jugé bon de me faire part, alors même que les circonstances prouvaient que Voldemort en personne avait pris la peine de le dissimuler là.» notai-je d'un ton sec.

«Mais comme Rose vous l'a dit, Professeur Rogue, le contenu du manuscrit n'avait rien à voir avec les problèmes qui vous intéressaient.» redit Victoire Weasley. «C'est pour ça que nous l'avons gardé pour nous, pour pouvoir le lire tranquillement. Pour nous, c'était surtout une distraction, quelque chose que nous pouvions faire tous ensemble, alors que Delph ne pouvait pas sortir du Manoir Malefoy pour des questions de sécurité.Ce n'est que lorsque Boswell est intervenu dans cette histoire que nous avons pris conscience que c'était grave.»

Harry leva une main pour l'interrompre:

«Avant d'en venir à Boswell, il est peut-être temps de nous dire ce que contient ce manuscrit.»

Albus sortit de sa poche un petit carré de parchemin sur lequel il pointa sa baguette sans prononcer le moindre mot. Une fois le document revenu à sa taille normale, il le tendit à Teddy Lupin.