Faire une balade à vélo

Réginald "Shark" & Rio Kastle (Yu-Gi-Oh! Zexal)


Shark avait la réputation d'être aussi intransigeant et renfrogné que l'animal dont il portait le surnom. Mais la vérité, c'était qu'il laissait presque tout passer à sa sœur, Rio, sa cadette d'un an.

Ce n'était pas parce qu'elle avait été longtemps à l'hôpital, avant le tournoi d'Heartland, des suites d'un Duel avec Quattro qui l'avait brûlée gravement sur tout le corps à cause d'un incendie spontané. Ce n'était pas non plus depuis que leurs parents étaient morts dans un accident de voiture lorsqu'ils étaient enfants. C'était juste que Rio était ce que Shark avait de plus cher au monde et qu'elle le lui rendait bien. Mais comme il était l'aîné et qu'elle était parfois capricieuse, c'était l'adolescent qu'on voyait le plus souvent se plier en quatre pour elle.

Jamais il ne serait monté à califourchon sur un vélo rose au panier en fleurs, sinon. C'était tellement plus agréable pour lui de foncer sur sa moto au milieu du périphérique de la ville ! Mais Rio avait envie d'une balade naturelle entre les collines et les vallées qui s'étendaient loin, très loin des tours multicolores d'Heartland, de son monorail et de son canal. Elle voulait se promener dans la campagne et on ne faisait pas ça avec une moto rouge qui fonce à vive allure. Shark avait donc dû louer un vélo dans une boutique pratiquement en pleine campagne et il n'en restait qu'un rose, avec un petit panier plein de fleurs des champs sur le devant.

Le frère et la sœur n'avaient même pas songé à en louer deux à la base. Lorsqu'ils partaient en promenade, c'était Shark qui conduisait Rio, perchée à l'arrière de la moto. À vélo, c'était la même chose et elle se retrouva assise sur le porte-bagage, tandis que les pétales de fleurs s'envolaient presque dans le visage de son frère.

« T'exagères, lui reprocha l'adolescent. Si c'était vraiment la bicyclette parfaite, comme tu dis, tu aurais pu prendre la jardinière avec toi derrière.

-Ne raconte pas n'importe quoi, Réginald, répliqua la jeune fille. Comme aurais-je fait pour m'accrocher avec un pot de fleurs dans les mains ?

-Et comment je fais pour voir avec leurs pétales dans les yeux ? »

Rio sourit et ses prunelles roses brillèrent de joie et de sincérité comme ça lui était rarement arrivé ces derniers temps. Il fallait dire que c'était difficile, lorsqu'on apprenait que nos parents n'avaient pas vraiment été nos parents, nos souvenirs d'enfance pas vraiment nos souvenirs d'enfance, et que nos âmes s'étaient incarnées depuis le monde de Barian, le monde des morts, dans ces corps d'enfants récemment décédés pour échapper à un adversaire mortel. On se retrouvait ensuite à devoir se battre comme ses amis qui faisaient front avec l'Astra World, l'autre monde des morts, son ennemi juré…

Mais rien de tout cela ne paraissait avoir d'importance dans cette campagne verdoyante et innocente. Le ciel, les abri-bus sur le côté, les oiseaux dans les broussailles, ils n'avaient rien à voir avec leur passé. Tout était fini maintenant… Le monde de Barian et l'Astra World ne faisaient plus qu'un à nouveau et Shark et Rio pouvaient devenir des adolescents normaux. Des adolescents qui faisaient du vélo au milieu des bourrasques de vent fraîches du printemps… D'accord, ce n'était peut-être pas exactement "normal" pour des collégiens de quinze ans, mais ils étaient ensemble et la joie de Rio rendait Shark tellement heureux…

Le chemin qui s'étalait devant eux, rejoignant bientôt le couvert de petits bouquets d'arbres, montait assez franchement sur une petite bute. Shark dut forcer sur ses mollets et se lever à demi de selle afin de la franchir. Pendant ce temps, Rio avait les deux mains cramponnées de chaque côté du porte-bagages couleur bois et ses mèches indigos et bleues volaient dans le vent. Le frère aîné se dit qu'il ne savait pas combien de temps il allait pouvoir tenir le rythme, mais il tirerait partie de chaque ombre des peupliers, chaque petite pente descendante pour renouveler son énergie à la tâche. Ceci afin que la balade dure le plus longtemps possible. Il ne voulait rien de plus qu'amener sa sœur où elle voudrait, à l'autre bout du monde, pour qu'elle continue à sourire comme elle le faisait.