Cela faisait bien 2 minutes que Candice était là, la bouche légèrement entrouverte et les yeux agrandis par la surprise. La proposition d'Antoine l'avait cueillie par surprise et laissée dans un tel état de confusion, qu'elle ne savait pas quoi faire ou répondre. Beaucoup de choses se bousculaient dans sa tête, des choses terre-à-terre et d'autres pas très catholiques. C'était plus fort qu'elle, la proposition d'Antoine avait rallumé des feux jusqu'alors refoulés.
Depuis le début de leur coopération, Candice avait passé de nombreuses nuits en compagnie d'Antoine, dans ses rêves. A chaque fois, elle faisait le premier pas et se montrait plus forte que dans la réalité. Plusieurs fois, une main frôlée avait terminé en baiser langoureux dans son bureau ou bien un tête-à-tête en nuit passionnée chez lui. Il faut dire, que depuis qu'elle avait visité son appartement, son imagination la reconduisait inlassablement là-bas.
« Candice ! Hé ho Candice ! appela Antoine.
- Hein ? Quoi ? répondit une Candice hébétée.
- Ca va ? Ca fait bien 2 minutes que tu n'as rien dit et que tu me regardes avec de grands yeux…
- Oui oui, je pensais à mon enquête. D'ailleurs, je vais aller me coucher, une grosse journée m'attends demain.
- Tu es sûre ? demanda Antoine plein d'espoir.
- Oui, on a rendez-vous avec la famille demain et puis, je te rappelle qu'on est en effectif réduit avec Christelle. Bonne nuit Antoine et à demain ! »
Et c'est ainsi qu'Antoine se retrouva planté là, au milieu du salon. Il n'en revenait pas, elle avait encore fuit, alors qu'il avait osé faire le premier pas. Bon, pas explicitement d'accord, mais pour lui le sens de sa phrase était clair. Il ne voulait pas qu'elle passe ses nuits loin de lui, là-haut dans la chambre de Léo. Il avait bien vu qu'il l'avait gênée avec sa demande. Ce n'était pas souvent que Candice Renoir ne savait pas quoi répondre et restait là bouche bée. Parfois, il aurait tellement aimé qu'elle se taise. Comme quand Attia lui faisait une remontrance par exemple, qu'un suspect se montrait trop virulent ou que Christelle critiquait la terre entière. Mais là, il attendait une réponse ! Une véritable réponse avec des mots. « Oui, Antoine, avec plaisir ! » ou bien « J'en meurs d'envie Antoine ». Même un simple « oui » aurait suffi au capitaine. Ah, elle le mettait au défi ! Très bien ! Ce soir-là, Antoine se promis en son for intérieur, qu'à la fin de sa convalescence, il aurait au moins échangé un baiser avec Candice. Même s'il espérait plus. Si elle voulait jouer, elle ne savait pas sur qui elle était tombée !
Pendant ce temps-là, Candice se dépêcha de monter les escaliers et de refermer derrière elle la porte de la chambre. Dos à la porte, elle se laissa glisser parterre la tête entre les mains. Mon Dieu, qu'elle aurait aimé répondre oui à sa demande, un grand oui sonore et enthousiaste. Qu'elle en mourait d'envie et qu'elle rêvait de reproduire pour de vrai tout ce que ces nuits sensuelles lui avaient montré. Mais elle ne pouvait pas !
Elle était sa supérieure hiérarchique et en tant que cheffe on ne badine pas avec ses adjoints. Elle imagina la mine déconfite d'Attia en les surprenant enlacés. Il faut dire que Candice avait toujours pensé que la commissaire en pinçait un peu pour le beau capitaine. Et que ce dernier, durant sa période chien fou, avait dû lui faire des avances. Antoine avait beau nier, le doute subsistait pour Candice. Bon, ses relations avec Attia étant déjà exécrables, autant ne pas rajouter de l'huile sur le feu !
Et elle ne voulait pas être une femme de plus. Une femme de plus au commissariat après Pascale et Attia et une femme de plus dans la vie d'Antoine. Elle ne supporterait pas de perdre son amitié et sa présence réconfortante pour une histoire destinée à échouer. Car elle se connaissait, elle Candice Renoir, la blessée en amour, la douteuse pathologique, qui mourrait de peur de se réengager. Après la trahison de son mari, toute sa confiance en elle et les hommes avait disparue. Pouf comme envolée, la femme sûre d'elle et de son charme qui faisait chavirer les cœurs.
Enfin, comment ils feraient au travail tous les deux ? Candice n'avait jamais mêlé travail et amour dans sa vie et ce n'était pas plus mal ! Elle se souviendrait toujours de ses parents travaillant ensemble au garage de Valenciennes, se disputant pour un oui ou pour un non, et rapportant leur rancœur à la table de la cuisine le soir. Non non, Candice ne pouvait pas imposer ça à son équipe et à ses enfants.
C'est donc la mort dans l'âme que tous les deux se couchèrent dans leurs lits respectifs. Leur nuit se ressembla en tous points car aucun des deux ne put fermer l'œil de la nuit. Candice passa un long moment à fixer le plafond de la chambre de Léo, maudissant ce dernier d'avoir collé des étoiles lumineuses au plafond. Merci les traces après ! Et Antoine, lui, laissa son regard errer par la fenêtre. Il observa sans les voir, les massifs qui menaient à la plage en contrebas. Cette nuit étoilée était propice à la contemplation intérieure.
Tournant et se retournant encore et encore dans son lit, Candice regarda son réveil. 5h10. C'était décidé, elle n'arriverait plus à dormir. Alors autant mettre à profit ce temps. Elle décida donc de se lever, de s'habiller et de filer au travail. Elle aurait ainsi le temps de faire un point sur le dossier avant la visite aux proches… et d'éviter Antoine. C'est donc à 5h55 qu'elle referma la porte de son domicile après avoir laissé un mot à son adjoint. Bruit qu'Antoine entendit depuis sa chambre.
Antoine,
J'ai dû filer au commissariat tôt ce matin. Comme on est toutes les deux avec Christelle, il ne faut pas qu'on chôme… Laurent doit passer chercher les enfants vers 8h pour les emmener à l'école, tu auras donc la journée tranquille. Profite en !
A ce soir,
Candice
Ps : si tu as envie de quelque chose à manger pour ce soir, envoie moi un SMS. J'irai faire des courses en rentrant.
« Candice ? Mais t'es tombée de ton lit ? demanda élégamment Christelle.
- Hein ? répondit Candice encore plongée dans son rapport.
- Bah, il est 8h00 et tu es déjà là ! Je ne suis pas habituée…
- Hé ho, je te rappelle qu'on n'est plus que deux à la BSU avec le départ de JB et la convalescence d'Antoine. Et c'est pas demain la veille qu'Attia nous fournira du renfort… Alors ma petite, toi et moi on ne vas pas chômer !
- Huuuum ça fait envie … maugréa Christelle.
- Bon, j'ai réfléchi toute la soirée à notre victime sans yeux. On est d'accord, les yeux c'est fait pour voir. Peut-être qu'elle a assisté à une scène qu'elle n'aurait pas dû voir.
- Oui, peut-être, approuva Christelle.
- Ou alors, c'est une vengeance ! Car on connaît tous l'expression « Je vais te crever les yeux » quand on en a après quelqu'un.
- Candice, tes suppositions tiennent la route. Mais on en saura plus après avoir échangé avec la femme de notre victime. En route ?
- Allez, en route. C'est moi qui conduit !
- Renoir, Da Silva ! les héla la commissaire.
- Oui ? demanda Candice en se retournant vers Attia.
- Où allez-vous ?
- Chez la victime, rencontrer sa femme. On voudrait connaître le profil psychologique de Sacha, répondit Candice.
- Bien. Je compte sur vous pour résoudre cette enquête rapidement. Ce meurtre est assez sordide, évitons que ce déséquilibré fasse d'autres victimes ! Et puis, je ne vous cache pas que la victime était une amie proche du maire de la ville… Il m'appelle toutes les 30 minutes pour connaître l'avancée de l'enquête, j'ai besoin d'informations pour lui répondre.
- Christelle et moi traiterons cette enquête comme toutes les autres, maire de Sète ou pas. Sur ce, commissaire, à tout à l'heure » répondit Candice en laissant plantée Attia dans le couloir.
Candice avait peu dormi la nuit précédente, pas question qu'Attia lui prenne la tête ! Elle connaissait parfaitement son métier et l'implication de Christelle, pas besoin de lui mettre la pression pour ménager les égos politiques. Dieu, que ça avait le don de l'énerver la politique et les petits arrangements entre « amis ».
