Candice monta les marches de l'escalier avec appréhension. La dernière fois qu'elle était venue chez lui, c'était après avoir mangé des cookies drogués. Les souvenirs de cette soirée mouvementée lui revenaient sous forme de flashs mais pas assez pour reconstituer tout le déroulé de la soirée.
Arrivée au dernier étage, la porte était entrouverte. Candice la poussa timidement et entra dans le hall d'entrée de l'appartement.
« Candice ? Entre ! Je suis dans la cuisine, au fond du couloir à droite, cria Antoine.
- Désolée pour le retard, j'ai reçu un coup de fil en bas de chez toi, mentit Candice, gênée de devoir avouer qu'elle n'avait pas oser sonner.
- Pas de soucis ! Je me suis quand même inquiété ne te voyant pas venir…
- Fallait pas ! Tiens, j'ai apporté à boire. Vin rouge, vin blanc, y en a pour tous les goûts ! répondit Candice mal à l'aise.
- Parfait ! Moi j'ai des bières au frais et tout est presque prêt.
- Tout est presque prêt ? demanda Candice.
- Bah oui, on n'allait pas seulement boire Candice ! Je vais finir par croire que tu n'aimes venir chez moi que droguée ou saoule !
- Euh …
- Je te charrie ! Bon, mes feuilletés sont au four. Je te fais visiter en attendant ? La dernière fois, tu n'as vu que le canapé, ricana Antoine.
- Merci… Je vois que tu n'as rien oublié… soupira Candice.
- Oh rien du tout ! sourit Antoine »
L'appartement était spacieux et surtout très lumineux grâce à ses larges baies vitrées qui donnaient sur la terrasse. Pour la décoration, Candice reconnut tout de suite la patte de son adjoint : minimaliste et chic. Comme son style vestimentaire en fait, un look simple mais toujours chic avec ses vêtements bien coupés le mettant parfaitement en valeur. Tout était rangé à sa place, rien ne trainait. Mais ce qui étonna Candice fut l'absence de photos. Aucune photo de ses parents, frères ou bien amis. Rien.
Mais balayant du regard la seconde chambre, Candice fut surprise de découvrir de nombreux dessins encadrés au mur. Des croquis. Ici, JB avec Lili, là une plage baignée de soleil et des nus de femme. Candice en resta sans voix. Elle était sidérée par la beauté des croquis mais également par leur existence. Mais qui les avait ils dessinés ? Quelqu'un d'autre vivait-il ici ?
« Tu es bien installé dis donc ! C'est très joli ! Et puis ces croquis sont magnifiques ! s'exclama Candice. Qui est l'artiste ?
- Euh… ben moi, répondit Antoine.
- Toi ? répondit Candice pleine de surprise.
- Oui. Bon, si je me souviens bien, on est là ce soir pour discuter d'un point précis, abrégea Antoine.
- Tu m'expliqueras un jour ? demanda Candice en regardant son adjoint dans les yeux.
- Oui, un jour, répondit Antoine en soutenant son regard. Bon, installons-nous au salon. Il fait un peu froid pour la terrasse… Je te sers un verre de blanc ou de rouge ?
- Du rouge s'il te plait. Tu sais bien, blanc sur rouge, rien ne bouge. Rouge sur blanc, tout fout le camp ! Et pour prendre ma décision, je vais avoir besoin de toute ma tête.
- Ah toi et tes expressions, tu me fais rêver ! sourit Antoine. Enfin, tu me fais rire… se reprit-il en rougissant. Tiens, ton verre, assis toi.
- Merci …
- Alors, Attia va partir ? Tu sais que tu as refait ma journée ! Elle met vraiment une mauvaise ambiance à la BSU…
- Ce n'est pas encore fait ! Mais elle ne compte pas s'éterniser. Elle veut taper plus haut qu'un commissariat de province. Je pense qu'elle vise soit Montpellier comme tremplin ou directement Marseille.
- Et ben, je lui souhaite bien du courage !
- En prévision de son départ, je peux m'inscrire d'ores et déjà au concours de commissaire. Comme ça, je serai prête le jour où elle annoncera sa mutation.
- D'accord pour la théorie. Mais est-ce que ça te tentes vraiment ce poste ? Ou tu y réfléchis car tu es flattée que la préfète ai pensé à toi ?
- Honnêtement, un peu des deux. Tu sais, j'avais beaucoup d'ambition quand je suis rentrée à la Crim' à Paris. Je voulais prouver qu'une femme, une femme prolo du Nord, pouvait réussir. Et l'expat' a sonné le glas de ma montée en grade et de ma reconnaissance. Je ne suis pas devenue cheffe d'équipe mais femme au foyer. Attention, je ne renie rien hein ! J'ai adoré voir grandir mes enfants ! Mais …
- …mais tu as une revanche à prendre, termina Antoine.
- C'est ça. Et puis, je suis plutôt flattée que la préfète me propose ce poste car je pensais qu'elle ne m'appréciait pas. Qu'elle aimait surtout mes résultats et pas moi.
- Vu le taux de résolution d'enquêtes que tu as, c'est dur de ne pas t'aimer !
- Merci, c'est très gentil de m'aimer pour mes stats ! rigola Candice.
- Euh… Ce n'est pas ce que je voulais dire hein ! répondit Antoine en regardant ses chaussures.
- Me voilà rassurée, sourit Candice en rougissant légèrement.
- Et la place de cheffe d'équipe ne te manquerait pas ?
- Si bien sûr ! Après plus de deux ans, je pense avoir trouvé ma place auprès de vous tous. Et puis, j'ai une certaine liberté que je n'aurai pas en tant que commissaire.
- Ca c'est certain ! Et avec tes enfants ?
- Bah, Emma et Jules sont grands maintenant. Et les jumeaux grandissent tellement vite tu verrais. Bientôt, ils n'auront plus besoin de moi …
- Crois moi, on a toujours besoin d'une mère … dit Antoine, soudain parti loin de cette pièce.
- Je serai commissaire hein, pas mutée au Groenland non plus ! répliqua Candice avec amusement.
- Oui, ben ça ne sera pas bien différent … Tu crouleras sous le boulot, courras à toutes sortes d'évènements et tu auras des horaires de fou.
- C'est surtout l'absence de terrain qui me rendrais folle…
- Bah là, c'est râpé ! Les seules fois où Attia sort de son bureau c'est pour accompagner la préfète sur les scènes de crime…
- Oui, je pense que ça me manquerait cruellement…
- Et tu nous manqueras cruellement. Tu me manqueras…
- Je serai toujours dans le même bâtiment Antoine ! rigola Candice pour essayer de détendre l'atmosphère.
- Tu as très bien compris Candice. J'adore travailler à tes côtés. Même si au début je t'en ai voulu, tes méthodes et tes raisonnements m'ont beaucoup appris. Je me sens plus légitime sur les enquêtes maintenant, j'arrive à lire entre les lignes. Pas aussi bien que toi, mais je vois des éléments que j'aurais loupé avant. Et puis, j'aime notre relation… On a vraiment su s'apprivoiser tous les deux. Et pourtant, ce n'était pas gagné ! Mais aujourd'hui, je n'imagine pas ne pas te voir tous les jours…
- Tu me ressers du vin s'il te plait Antoine, demanda Candice pour changer de sujet. La discussion s'engageait sur un terrain glissant là …
- Donne-moi ton verre, répondit Antoine déçu. Il aurait voulu que Candice prenne cette perche, lui qui s'était livré à cœur ouvert. Bien sûr qu'il voulait la garder près de lui, sa vie n'aurait plus du tout la même saveur loin d'elle. Mais le choix lui revenait à elle, rien qu'à elle »
Et c'est ainsi, que Candice botta une nouvelle fois en touche. Elle ne se sentait pas capable de devoir prendre deux décisions si importantes en si peu de temps. D'abord le boulot et cette grosse décision qui changerait toute sa vie. Et après, Antoine. Mais à bien y réfléchir, Antoine passait en premier pour elle, et elle ne supporterait pas non plus de ne plus le voir au quotidien. De ne pas travailler chaque jour à ses côtés. De ne plus se comprendre en un regard.
Après Singapour, elle s'était promis que rien ni personne ne la détournerait de ses désirs. Qu'elle prendrait ses propres décisions et toute seule. Mais, à bien y reconnaître, c'était plutôt ses désirs de femme qui prenaient là le pas sur ses désirs professionnels…
…
« Hé ho Candice ! La terre appelle Candice ! appela Chrystelle.
- Hum quoi ? demanda Candice en retrouvant ses esprits.
- Tu étais partie très loin là … On est arrivé devant chez notre victime. Tu pensais à quoi ?
- A rien d'important. Candice se garda bien de dire à sa collègue la vérité. Qu'elle avait refusé une belle promotion par amour. Que valent les succès s'ils ne sont pas partagés ?
- On y va ?
- On y va ! Passe devant, je te suis »
