Ce matin, l'infirmière devait venir pour la première fois refaire le pansement d'Antoine. Sa blessure le faisait atrocement souffrir, surtout la nuit. C'était comme un coup de poignard qui venait s'enfoncer à travers son thorax, entre son cœur et son épaule. Il essayait de ne rien montrer devant Candice et les enfants, mais cette douleur le maintenait éveillé plusieurs heures dans la nuit. Candice avait eu la gentillesse de l'accueillir et culpabilisait assez qu'il l'ai sauvée, pas question de l'ennuyer davantage avec ses soucis.
Plusieurs fois, notamment quand il se retrouvait seul le soir, au couché, il caressait d'un doigt l'immense pansement qui recouvrait sa blessure. Il était passé à un cheveu de la mort et pourtant il ne regrettait rien. Bien sûr, les flashs de l'accident revenaient encore et encore dans son esprit. Un bruit sourd et déchirant qui l'avait mis à terre. Une onde de choc foudroyante et violente. Une sensation de brûlure extrême comme si on l'avait marqué au fer rouge. Un était second où tout s'était mis à tourner autour de lui. Et Candice accroupie auprès de lui qui le regardait atterrée, n'osant pas y croire. Sur le moment, il pensait réellement mourir. Et fermer les yeux sur une dernière vision, le visage de Candice. Et cela lui allait. Candice était vivante et il s'endormait dans ses bras. Il avait réussi sa mission. Ce que lui avait demandé Emma, un soir où il dinait chez les Renoir.
« Laisse Emma, je vais débarrasser, il ne reste plus que quelques assiettes, dit Antoine en empilant les dernières assiettes à dessert.
JB était dans la cuisine en train de faire la vaisselle et Chrystelle essuyait. Tous les deux débattaient de l'importance de voir les films au cinéma ou sur internet. JB, en puriste ne jurait que par les grands écrans, et Chrystelle ne trouvait rien de mieux que de s'avachir sur son canapé devant Netflix. Les deux points de vue se défendaient. Mais tous les deux se faisaient un malin plaisir à ne JAMAIS être d'accord.
- Euh … Antoine, je peux te demander quelque chose ? le questionna Emma mal à l'aise, en tortillant ses mains dans son dos.
- Bien sûr Emma ! répondit Antoine. Qu'il y a t-il ? Il se demandait bien ce que voulait Emma. Il n'était pas très doué en soutien scolaire et encore moins en conseils amoureux. Que voulait bien la jeune Renoir ?
- Antoine, tu connais maman hein …
- Oui, je commence à bien la connaître, pourquoi ? rigola Antoine.
- Tu sais qu'elle peut prendre des risques, n'en faire qu'à sa tête. Elle nous dit bien qu'elle est prudente. Mais avec mes frères on s'inquiète quand même … On ne l'a pas connue policière à Paris, et puis à Singapour c'était juste notre maman. Là, elle est cheffe de groupe quand même.
- Oui, et elle gère très bien au quotidien.
- Oui, mais fais-moi quand même une promesse Antoine. Jure moi s'il te plait, de protéger maman quoiqu'il arrive. De ne pas la laisser prendre des risques inconsidérés et inutiles. Promets le moi Antoine, promets le nous.
Antoine se montra bouleversé par l'aveu d'Emma. Il ne pensait pas que les enfants se faisaient autant de souci pour leur mère. Il connaissait maintenant bien Candice, et même s'il savait qu'elle utiliserait toujours des moyens farfelus pour arriver à ses fins, jamais elle ne laisserait ses enfants orphelins. Ils demeuraient sa priorité, elle essayait tant bien que mal de jongler entre son métier, sa vie de femme et sa vie de mère. Une mère pas parfaite mais une mère aimante. Et pour Antoine, ça faisait beaucoup.
- Emma, je te le promets. Je te promets d'être toujours là pour veiller sur ta maman. Je ferai mon possible pour que rien ne lui arrive, qu'elle ne soit pas blessée. Mais je te rappelle que nous faisons des métiers dangereux… Il y a des journées, où ta maman est cantonnée à de l'administratif, et je te jure que ce n'est pas triste ! Le pire serait qu'elle se plante son crayon dans la main de rage. D'autres jours, où elle arrête des suspects en faisant parfois usage de la force ou de son arme. Sache que, même si j'ai mis du temps à le voir, ta maman est une grande commandante. Elle aime profondément son métier mais vous aime des millions de fois plus. Alors, je te promets de faire de mon mieux pour qu'il ne lui arrive rien.
- Merci Antoine … répondit Emma, une larme discrète coulant le long de sa joue. Je compte sur toi.
- Hey vous faites quoi encore dehors ? Elles ne vont pas venir toutes seules ces assiettes ! les héla JB, les mains dans la mousse.
- Rien, on discutait avec Emma. Pour une fois que tu fais la vaisselle… »
JB marmonna quelques paroles incompréhensibles dans sa barbe, mécontent d'être le dindon de la farce. Sa mauvaise foi habituelle fit rire tous les convives, ils le connaissait si bien !
Promesse tenue. Antoine parvenait quand même à s'endormir aux premières heures du matin, l'esprit en paix d'avoir tenu sa promesse et sauvé la femme qu'il aimait. Et puis cette dernière l'avait accueilli chez elle pour une longue période, au plus près d'elle. Alors vraiment, ça aurait pu être mille fois pire cette histoire.
Encore dans ses pensées, il sursauta lorsqu'il entendit la sonnette de la porte d'entrée retentir. Il se leva avec difficulté pour se diriger vers la porte.
Une femme d'une trentaine d'années se tenait dans l'encadrement de la porte. Une jeune femme rousse, les cheveux au carré et retenus par une pince à cheveux sur le haut de la tête. Son visage était parsemé de discrètes tâches de rousseur. Mais c'était surtout ses yeux qui attiraient l'attention. Des yeux bleus rieurs qui respiraient la bonne humeur et la douceur. Ces yeux lui firent tout de suite penser au regard bleu océan de Candice. Qui lui pouvait se montrer tantôt rieur et serein, tantôt orageux et ténébreux. Un livre qu'il ne lassait jamais de chercher à déchiffrer, un livre dont il avait réussi à trouver quelques clés. Mais tant d'autres lui restaient encore à décoder !
« Bonjour ! Je m'appelle Émilie, je viens voir le capitaine Antoine Dumas. Je suis son infirmière, annonça avec entrain la jeune femme.
- Bonjour, je suis Antoine Dumas. Entrez ! répondit Antoine en s'écartant de la porte.
- Merci !
- Suivez-moi, on va s'installer au salon.
- Je vous suis ! Wahou, vous avez une sacrée maison, elle est très belle ! s'émerveilla Émilie.
- Merci beaucoup, mais ce n'est pas la mienne.
- C'est un Airbnb ? Car si c'est le cas, je veux bien le lien de l'annonce ! Canon !
- Candice va être ravie en entendant ça, elle est si fière de sa nouvelle maison ! On est chez ma cheffe ici. Elle m'a invité à passer sa convalescence chez elle.
- Votre cheffe ? Et ben ! Vous avez des supérieurs vachement sympas dans la police, j'aurais pas dit !
- C'est ma cheffe, et mon amie, se dédouana Antoine.
- Et ben, votre cheffe-amie est vraiment sympa et généreuse !
- Oui, elle l'est ! Tout elle, répondit Antoine avec un large sourire.
- Vous avez l'air sous le charme, le taquina Émilie. Je sens que vous allez être bien ici pour retrouver du poil de la bête ! Bon, et si on regardait cette plaie. Blessure par arme à feu j'ai lu dans votre dossier.
- Oui, les risques du métier… sous-estima Antoine.
- C'est arrivé quand ?
- I semaines. J'ai passé plus de 2 semaines à l'hôpital et je suis chez Candice depuis 3 jours maintenant.
- Et comment vous sentez-vous Monsieur Dumas ?
- Bien bien … répondit Antoine.
- Vous pouvez mentir à votre cheffe-amie mais pas à moi ! Je connais très bien les conséquences d'un tir par balle. Alors, Monsieur Dumas, comment vous sentez-vous ? Une réponse honnête, pas celle de GI Joe habitué à débarrasser Sète des criminels.
Antoine aima tout de suite son infirmière. Non sans une dose d'humour mordant, elle allait droit au but. Il savait qu'avec elle, il pourrait avoir mal, mal dormir, avoir des idées noires, … qu'elle comprendrait. Qu'elle avait l'habitude des corps meurtris et des âmes en aussi mauvais état. Bien sûr, Candice pourrait également comprendre. Mais il ne voulait pas être un poids pour elle et lui faire revivre cet événement.
- Bon ok… j'ai très mal et j'arrive pas à bien dormir. Contente ?
- Oui très ! sourit Émilie »
Décidément, cette infirmière était un sacré numéro. Un sacré numéro qui lui rappelait fortement une autre femme fantasque, dans la police cette fois !
