Heureusement. Heureusement que Candice était assise, bien solidement ancrée à sa chaise. Car sinon, c'était simple, elle en serait tombée à la renverse. Sous le coup de cette déflagration, ses jambes se seraient dérobées, son cœur se serait emballé et son regard troublé. Troublé par la violence du choc, et par les larmes qui risquaient de se mettre à couler.

Mais, même assise, la déflagration avait été telle, que les larmes n'allaient pas tarder à jaillir de son regard bleu océan, Candice les retenant avec force. Ce fut comme si un uppercut l'avait atteint dans la poitrine et lui avait coupé le souffle. La douleur irradiait dans tout son corps, descendant progressivement de son cœur à son ventre puis à ses jambes. La douleur l'empêchait littéralement de parler, de prononcer un mot. Candice fut comme anesthésiée. Elle, qui n'était jamais avare de mots ou bien qui en abusait pour cacher ses émotions et prendre la fuite, ne savait pas quoi répondre à cela. Rien. C'était bien une première !

« Hé ho Candice ! Réponds moi ! Tu ne dis rien… s'inquiéta Antoine devant la mine désarçonnée de sa commandante.

- Bon, tu ne réponds rien… Je crois que je t'ai tout dit alors, rajouta Antoine.

Ce dernier fit volte-face et se dirigea vers la porte. Il n'avait plus rien à faire ici. Dans une vaine tentative, il avait donné une nouvelle chance à Candice, une dernière, de le retenir. Mais devant son mutisme, c'était trop tard. Candice ne ressentait rien pour lui et n'était même pas peinée par son départ de chez elle. Voilà, il avait essayé. Sur les bons conseils de son ami JB, il avait cédé. Mis encore une fois son égo de côté, et mis son cœur à nu. Il espérait produire en elle un électrochoc, une déflagration qui la ferait réagir. Qui la secouerait. Mais rien.

La main sur la poignée, prêt à ouvrir la porte pour sortir, un léger murmure se fit entendre.

- Je ne veux pas que tu partes… murmura Candice.

- Tu pourrais répéter s'il te plait, renchérit Antoine, histoire d'être bien sûr de ce qu'il avait entendu. Histoire d'être certain que cette chaleur réconfortante qui l'enveloppait, n'était pas feinte, n'était pas une projection de son esprit.

- Antoine, je ne veux pas que tu partes… réitéra Candice, toujours dans un murmure.

- Candice, tu ne veux pas que je parte, mais, tu ne veux pas non plus que je reste. Je fais quoi moi ? Je continue à danser sur un pied ?

- Antoine…

- Depuis, cet incident avec Émilie, tu ne me regardes même pas, tu ne me parles plus, … c'est simple, je n'existe plus ! s'écria avec véhémence Antoine. Je le reconnais, j'ai été con, mais je n'ai pas à mériter ton indifférence !

- Antoine… ce n'est pas si simple … répondit Candice, les larmes aux yeux.

- Si, c'est très simple ! Soit je reste et tu redeviens comme avant, soit je pars. Cette situation me fait souffrir et je n'ai nullement envie qu'elle perdure.

- Tu n'es pas le seul à souffrir Antoine…

- Bah, on ne dirait pas ! s'emporta le capitaine, en tapant du poing sur le bureau de Candice.

Le bruit de son poing sur le meuble les fit sursauter tous les deux. Antoine n'avait pas calculer son geste ni la portée que celui-ci aurait. Mais, quand il avait entendu Candice dire qu'elle souffrait elle aussi, il fut profondément blessé par ses paroles. Encore un moyen de retourner la faute sur lui et d'en faire le méchant de l'histoire. De passer pour une victime, encore une fois.

- Antoine ! Calme toi, je t'en prie. Tu n'es pas le seul à souffrir de cette situation. Tu crois quoi ? Que tu as le monopole de la souffrance ? Et ben, tu te trompes ! rugit Candice, soudain excédée par l'acharnement de son ami.

- Comment veux-tu que je le sache Candice ? Tu ne me dis rien, tu me fuis ! A chaque tentative de ma part, soit tu m'ignores, soit tu as soudainement autre chose à faire.

- Je me protégeais ! Je me protégeais Antoine ! riposta Candice qui s'était levée et faisait maintenant face à Antoine.

- De quoi ? Tu te protégeais de quoi Candice ? Dis-moi !

- De toi … Tu n'imagines même pas ce que j'ai pu ressentir quand je t'ai vu faire la cour à ton infermière, chez moi. Comme un coup de poignard dans le cœur. Soudainement, je t'ai vu t'éloigner de moi, ne plus t'intéresser à moi…

- Ah c'est ça ! Pour une fois, tu n'étais plus le centre de mon attention, le centre du monde Candice. Je vois … répondit Antoine, dégouté.

- Si tu crois ça Antoine, c'est que tu ne me connais pas aussi bien que tu ne le penses !

- Bah non, car tu ne me dis rien, tu ne laisses rien transparaître Candice. Tes sentiments sont comme fermés à double tour, cadenassés.

- Tu en connais plus sur moi, que bien des personnes Antoine ! Je me suis livrée à toi bien plus que je ne l'ai jamais fait avec personne. Seulement avec Laurent, et on voit où ça m'a menée…

- Mais je ne suis PAS Laurent !

- Je sais bien ! Tu es Antoine, et ce serait encore plus difficile de te perdre.

- Si tu continues à te fermer, à ne pas exposer tes sentiments, c'est ce que tu risques Candice, de me perdre.

- J'en mourrais !

Tous les deux étaient complétement hébétés. Candice par ce qui était sorti de sa bouche et Antoine par les paroles qu'il avait entendues. Elles venaient du plus profond de Candice, de son âme. Son âme à découvert. Jamais il ne serait attendu à des paroles si fortes. Surtout, venant d'elle.

- Alors parle-moi ! Émilie n'est rien pour moi, et tu le sais très bien. J'essayais de te faire réagir, de te choquer, afin de connaître réellement tes sentiments à mon égard. Bon, j'ai été con. J'aurais pu le faire autrement, et ne pas te faire souffrir, et peiner Émilie. Mais, à force Candice, après toutes ces perches que je t'ai lancé, j'étais à bout. A bout.

- Antoine, j'ai peur. J'ai peur que si je me laisse aller, tout change entre nous. Au risque de te perdre.

- Pourquoi ? Pourquoi tu me perdrais forcément ?

- Parce que tous les gens que j'aime finissent par me quitter… répondit Candice, une larme coulant sur sa joue droite. Une larme pour son père, pour Laurent, pour Hervé.

- Mais, je ne suis pas les autres Candice ! Ne me prêtes pas des attentions que je n'ai pas ! Arrête de décider pour moi.

- Tu veux quoi Antoine ? Concrètement, qu'attends tu de moi ?

- Je veux que tu admettes que tu partages mes sentiments, que pour toi, je suis plus qu'un collègue, plus qu'un ami.

- Tu le sais déjà Antoine…

- Candice, je veux te l'entendre dire !

- J'ai des sentiments pour toi Antoine ! Voilà, tu es content ?

Et là, ce fut comme un poids, une chape de plomb qui s'était retirée des épaules de Candice et du cœur d'Antoine. Ca y est, les fameux mots avaient été prononcés des deux côtés. Antoine avait mis son cœur à nu, et Candice s'était révélée. Au terme d'un affrontement haut en couleur, les deux âmes sœurs avaient enfin passer ce cap. Mais maintenant, qu'allaient-ils faire ?

- Oui, Candice, tu ne peux pas imaginer.

- Alors tu restes ?

- Oui, bien sûr que je reste ! Et toi, tu me pardonnes d'avoir été con ?

- Oui.

- J'ai une furieuse envie de t'embrasser Candice, tenta Antoine en regardant avec délice les lèvres de sa commandante.

- Antoine … Pas ici voyons ! Et je ne veux pas que ça aille trop vite. Je ne veux pas que notre premier baiser soit là, au beau milieu de ce commissariat.

- Je ne suis pas le premier homme que tu embrasserais Candice. Je t'ai vu embrasser Hervé et, même Laurent, devant la BSU …

- Oui, mais c'était différent Antoine. Toi, c'est toi… Je ne veux pas que les choses aillent trop vite, je veux que l'on prenne le temps de se découvrir, de se connaître. Je connais une facette de toi, l'ami et le collègue. Tu connais la même facette de moi. Pour que ça fonctionne entre nous deux, il faudra être sincère. Je ne veux pas gâcher les premiers moments de notre relation.

- D'accord. Alors Candice Renoir, attendez-vous à être surprise ! sourit Antoine.

Pendant que les deux amoureux se regardaient avec délectation dans les yeux tout en souriant, une tornade rousse fit irruption dans le bureau de Candice.

- Candice, tu as le listing des acteurs castés par notre première vict… commença Chloé. Je dérange ? rebondit-elle, un sourire en coin, en regardant les deux policiers. Comme un match de ping-pong, elle observait Candice puis Antoine, puis de nouveau Candice puis Antoine.

- Comment tu as deviné ? lui répondit Candice en levant les yeux au ciel.

- Ha ha ! J'avais raison depuis le début ! se félicita la criminologue. Vous êtes bien trop simples à analyser tous les deux.

- Pas plus que toi et Rocher… lança Candice, fière de son effet.

- Candice, je vois que les affaires reprennent. On se voit ce soir à la maison ! termina Antoine avec un sourire allant jusqu'aux oreilles »