Candice ne pouvait pas s'empêcher de penser à ce soir, à as première soirée avec Antoine, en tant que… en tant que quoi d'ailleurs ? Amis et plus si affinités ? Couple ? Elle n'arrivait pas encore à qualifier leur relation. Mais, ils avaient franchi un cap tout à l'heure, un cap important qui leur avait permis de mettre derrière eux l'étape « amis ». Et ça, ça la rendait intensément heureuse. Surtout après les émotions qu'elle avait traversé ces derniers temps. Mais pour pouvoir profiter de cette bonne soirée qui s'annonçait, Candice devait mettre la main sur son suspect !

« Chloé, tu viens avec moi. Chrystelle, tu restes ici en back up. On ne sait jamais ! annonça Candice, en prenant son arme dans son tiroir.

- Euh, pourquoi je reste ici moi ? demanda Chrystelle, en levant les yeux au ciel.

- Parce que Chloé arrivera à le raisonner. Je sens que c'est une personne assez instable psychologiquement. On file chez lui, répondit Candice.

En voiture, en direction du domicile du suspect.

- Chloé, je ne sais pas comment ça se passe avec Rocher, mais je ne veux pas prendre de risques. Je te dirai quand tu pourras venir et tu porteras un gilet pare-balles.

- Candice, je ferai attention ! T'es encore plus protectrice que Rocher… et il est déjà bien assez psychorigide.

- C'est parce qu'il tient à toi ! lui répondit Candice en souriant.

- Pas autant qu'Antoine ! Nous, avec Rocher, on est seulement amis. Alors qu'avec Antoine, cette étape a été franchie tout à l'heure… rebondit Chloé, un sourire en coin.

- Je ne sais pas ce qu'on est maintenant, à l'instant T, mais si tu veux mon avis, la barrière « amis » avait déjà été franchise depuis un moment.

- Et c'est maintenant que tu t'en rends compte ?

- Bon… On arrive devant le domicile »

Candice se gara devant le domicile du suspect. Une fois son véhicule arrêté, elle tendit son gilet à Chloé. Celle-ci la regarda en levant les yeux au ciel. Tant pis pour elle, elle préférait la savoir en sécurité. Candice lui intima une dernière fois l'ordre de rester ici.

Avec son équipe, Candice avança à pas de loup en direction de la porte d'entrée de la maison. Un pavillon de banlieue classique, identique à son voisin de droite et son voisin de gauche. Une petite maison crème aux volets jaunes.

- POLICE ! OUVREZ LA PORTE ! TOUT DE SUITE ! cria Candice, son arme à la main.

- Oui, qu'est ce qui se passe ? demanda un homme apeuré en ouvrant la porte. Âgé d'une soixantaine d'années, ce ne pouvait assurément pas être leur suspect.

- On cherche Christophe Lambert. Vous savez où il est ? lui répondit Candice.

- C'est mon fils. Que lui voulez-vous ?

- Il est recherché dans une affaire de meurtre. Où est-il en ce moment ?

- Mais, c'est impossible ! Pas Christophe ! se lamenta le père de famille.

- Nous avons des indices qui nous permettent d'affirmer que votre fils est impliqué dans notre affaire. Maintenant, dites-moi où il se trouve !

- Il est parti il y a 45 min. Il m'a dit qu'il allait à un festival de théâtre, revoir un ancien prof. Le festival… des Arts de Sète.

Candice ne l'écoutait déjà à moitié plus quand elle prit son téléphone pour appeler Chrystelle pour lui faire un point sur la situation. Elle lui demanda de localiser son portable pour s'assurer qu'il était toujours au festival. Affirmatif.

- Chloé, changement de programme. Il est à un festival de théâtre pour voir l'un de ses anciens profs. On y va !

- Sûrement, une autre de ses victimes… marmonna Chloé. Après, la directrice de casting, le réalisateur, il veut s'en prendre à son prof qu'il juge certainement incompétent. Tu comprends, s'il n'a été pris nulle part, ce n'est pas à cause de son absence de talent, mais à cause des autres selon lui ! »

Candice actionna le gyrophare pour pouvoir se précipiter sur les lieux du festival à toute vitesse. Il se déroulait au Théâtre de la Mer, un haut lieu culturel de Sète. Et comme son nom l'indiquait, au bord de la mer. Une fois garée, Candice appela Chrystelle pour lui demander de lui indiquer où pouvait se trouver Christophe Lambert.

- Candice, il est dans un local technique, sous la scène. Tu prends à droite après la buvette et tu descends les marches.

- Merci Chrystelle ! Les gars avec moi, Chloé tu restes en retrait ! »

Les festivaliers se demandaient bien ce qui pouvait arriver. Pourquoi ce groupe de policiers avançaient armés en direction de la buvette ? Que se passait-il ? Ils regardaient Candice et son équipe avec de grands yeux interrogateurs mais se poussaient pour les laisser passer. Chloé essayait tant bien que mal de rassurer le public.

Candice arriva devant une imposante porte en fer, fermée par à clé.

- « POLICE ! OUVREZ ! Christophe, on sait que vous êtes ici ! C'est terminé maintenant…

Rien.

- Christophe, laissez moi entrer. On va parler, tenta Candice.

Rien.

- Christophe, je vais entrer, quoiqu'il en coûte. Poussez-vous de la porte !

- Mais barrez-vous ! Foutez moi la paix ! Il n'aura que ce qu'il mérite ! répondit une voix nerveuse.

Candice comprit vite que Christophe Lambert n'était pas seul et qu'un autre meurtre était possible. C'est alors qu'elle demanda silencieusement à son équipe de reculer, et elle tira dans la serrure de la porte.

Quand elle ouvrit la lourde porte en fer, elle trouva Christophe Lambert tenant en joue un homme d'une cinquantaine d'années, complètement apeuré. Sûrement son prof de théâtre comme l'avait deviné Chloé.

- Christophe, ne faites pas ça ! Cette homme n'y est pour rien.

- Si justement ! S'il m'avait mieux formé, je n'aurais pas échoué à tous mes castings ! S'il avait été un prof compétent, je n'en serais pas là ! Il doit payer le mal qu'il m'a fait !

- Christophe, posez cette arme !

- NON ! BARREZ-VOUS UNE BONNE FOIS POUR TOUTES !

- Vous savez Christophe, les profs de théâtre ne sont pas des lumières hein ! Sinon, pourquoi seraient-ils devenus profs et non acteurs ? Car ils n'ont pas réussi à l'être tout simplement, feinta Candice en allant dans son sens.

Rien.

- Bah oui, s'il avait réussi, il ne casserait pas le cul à enseigner le théâtre à une bande de gamins ! Vous devriez plutôt avoir pitié de lui Christophe. A son âge, enseigner depuis 30 ans une matière qu'il n'a jamais pratiqué, c'est pathétique…

- Je ne méritais pas ça… se lamenta le jeune homme.

- Non, c'est certain Christophe ! Il ne vous fait pas pitié votre ancien prof ? Car, moi si… En le tuant, vous mettrez dans la lumière un acteur bas de gamme. Il bénéficiera d'une gloire inestimable car on aura pitié de lui. Le prof qui s'est fait tuer par son ancien élève. Ca vaut certainement un hommage aux César ça ! Ne lui faites pas cet honneur !

- Mais il a bousillé ma vie !

- Et bien, laissez le patauger dans sa vie médiocre de prof. Inconnu, acteur de seconde zone. Christophe, votre aventure a été assez rocambolesque pour inspirer un film sur vous, j'en suis sûre !

- Vous êtes sûre ?

- Certaine ! Regardez Mesrine !

Et soudainement, Christophe Lambert abaissa son arme. Et tout alla très vite. Un policier se rua pour lui prendre des mains et Candice fonça sur le prof de théâtre. Elle le détacha.

- Tout va bien ? lui demanda-t-elle ?

- Oui, tout va bien. Mais j'ai eu sacrément peur. Je ne m'étais pas rendu compte que ce gamin souffrait autant…

- Oui, la gloire et les paillettes ça peut faire tourner la tête de beaucoup de monde… Et au fait, sans rancune sur votre job hein ! C'était pour essayer de le faire plier.

- Bien sûr, j'avais compris ! lui répondit le prof, un sourire en coin.

- Allez, on vous emmène au commissariat prendre votre déposition. Ce sera rapide et après vous pourrez rentrer chez vous ! »

Candice remonta à la surface avec le prof de théâtre, suivie de son équipe qui tenait d'une main de fer Christophe Lambert. Menotté, ce dernier semblait fier. Il repensait aux mots de Candice sur sa formidable aventure, digne d'un film. S'il ne jouerait pas son rôle, il aurait au moins été le sujet d'un film. Et ça, ce n'était pas rien ! Il aurait très bien pu tuer cet incapable de prof, il en mourrait d'envie. Mais la flic avait raison, c'était lui accorder trop d'importance.

Chloé félicita Candice pour ce coup de bluff, elle avait tout écouté grâce à l'oreillette qu'elle partageait toutes les deux. Chloé s'était permise de lui glisser deux ou trois conseils. La commandante appela Chrystelle pour lui dire qu'elles rentraient à la BSU et qu'elle avait arrêté le suspect. Place maintenant, à l'interrogatoire. Mais ce serait une formalité car il avait déjà plus ou moins reconnu les faits.

Candice était éreintée par cette journée riche en émotions. Par cette course au suspect d'abord, car Christophe Lambert avait été difficile à appréhender. Cette enquête avait donné du fil à retordre à toute la BSU et Candice était ravie d'avoir évité la mort d'une personne de plus. Fatiguée par les remontrances de la commissaire qui ne lui laissait jamais un moment de répits. Comme pour la mettre sans arrêt à l'épreuve, pour lui montrer son hostilité, et qui sait, la pousser à partir. Mais, elle n'y arriverait pas car Candice aurait trop à perdre. Et surtout maintenant… Surtout après cette conversation à cœur ouvert dans son bureau avec Antoine. Comment se passerait cette soirée qui s'annonçait ? Plongée dans ses pensées, elle n'entendit pas la porte de son bureau s'ouvrir sur Chloé.

« Candice Renoir est loin, loin d'ici ! Elle est à mille lieux, en train de penser à son capitaine préféré, sourit Chloé.

- Hein ? Quoi ? Mais pas du tout Chloé ! Je pensais à notre enquête, et au mal que nous a donné Christophe Lambert. Cet homme a fait deux victimes, et presqu'une troisième qui sera longtemps choquée, pour un rêve de gloire…

- On ne réagit pas tous de la même façon face à l'échec. Parfois, on se donne corps et âme pour y arriver et parfois, on blâme tout le monde, sauf soi. On se pose en victime, comme notre meurtrier.

- Bon enquête résolue ! On va boire un verre pour fêter ça ?

- A propos de ça, l'enquête étant maintenant terminée, je vais rentrer sur Paris. Rocher m'a appelée, on a une nouvelle affaire. Un cas assez complexe qui implique un homme coincé dans une autre époque, qui apriori, tuerait ses victimes comme sous Louis XIV…

- Chloé, pas besoin de t'attarder. Je sais que Rocher te manque. Alors vas-y ! Tu m'as été d'une aide précieuse sur cette enquête, et je n'aurais pas pu la résoudre sans toi. Et surtout, j'ai été infiniment heureuse de te retrouver. Juste, la prochaine fois, promets-moi qu'on se retrouvera en dehors d'une enquête, juste pour le plaisir !

- Je ne suis pas douée en promesses Candice, mais je te promets d'essayer ! Et la prochaine fois, c'est toi qui monteras sur Paris. Je te ferai découvrir mon univers…

- Et tu me présenteras Rocher !

- Candice ! C'est juste un collègue, un ami…

- Oui, ben on a vu avec Antoine, comment un ami pouvait devenir plus…

- D'ailleurs, à ce sujet, Candice, sois heureuse. Sois heureuse avec Antoine car vous le méritez tous les deux. Vous avez enduré de sacrées épreuves tous les deux. Laisse lui la porte ouverte, fais lui confiance. C'est un homme bien et il t'aime.

- Je ne sais pas encore comment évoluera notre relation, mais je sais que moi aussi je l'aime.

- Commandante, un taxi vous attend en bas, les interrompit Michel de l'accueil.

- Un taxi ? Qui est-ce ? Que me veut-il ? demanda Candice perplexe.

- Il m'a juste dit qu'il fallait que vous preniez vos affaires et qu'il vous attend devant la BSU.

- Candice, dépêche-toi ! la pressa Chloé.

- Toi, tu es au courant de quelque chose…

- Chut ! Vis le moment présent et vas-y !

- Au revoir ma Chloé, et encore merci pour tout ! Ta présence, tes conseils, ton intelligence et surtout ton amitié, la remercia Candice en prenant ses affaires »

Candice dévala les marches de la BSU à toute vitesse, intriguée par ce taxi inconnu. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle reconnut Antoine, son Antoine, appuyé contre la voiture. Habillé d'une chemise bleu ciel, de son jean noir et de sa traditionnelle veste en cuir, il était très beau.

« Mais Antoine, que fais-tu ici ? lui demanda Candice.

- Le carrosse de Madame est avancé ! lui répondit-il avec un grand sourire. Tu n'as pas oublié notre première soirée, j'espère !

- Non, non bien sûr ! C'est juste que je m'y attendais pas. Et que, je ne me suis pas changée…

- Candice, tu es parfaite. Allez monte, je t'ai préparé une surprise ! »

Et c'est tout sourire que Candice monta dans le taxi et s'assit à côté de son chevalier servant. Elle ne savait pas où elle allait, mais tant que c'était avec lui, elle serait prête à aller au bout du monde.