Chapitre XX : Le Bourreau

Le parquet craquait légèrement sous les pas précipités de Bellatrix, qui s'empressait de se délester de ses vêtements ensanglantés, chaque mouvement ponctué par une grimace malaisée. Le soleil, une toute petite bille aveuglante à l'horizon, projetait une lumière blonde sur les lames du sol. Les fenêtres donnant sur le parc étaient entrouvertes, laissant une brise fraîche s'insinuer dans la chambre. Elle devait se hâter. Une fois prête, il lui faudrait retrouver le Seigneur des Ténèbres, lui faire face et dérouler son plan pour justifier son absence et l'échec à répondre immédiatement à son appel. Déjà les rouages de son cerveau étaient en ébullition.

L'Elfe de maison, une petite créature aux grands yeux dorés, fit irruption dans la pièce, avançant prudemment vers sa maîtresse.

— Maîtresse, le Seigneur des Ténèbres est venu cette nuit. Il vous cherchait.

— Je le sais, répondit Bellatrix d'un ton essoufflé. Que lui as-tu dit ?

— Meeney a dit qu'elle ne savait pas où se trouvait sa maîtresse.

Bellatrix se plaça face au miroir, scrutant avec appréhension les séquelles laissées par sa grossesse et son accouchement. Le reflet ne lui renvoyait rien de flatteur : sa peau était d'une pâleur maladive, ses cheveux, alourdis et presque gras, tombaient sans éclat, et de larges cernes noirs assombrissaient son regard. Aux coins de ses yeux, des larmes perlaient, qu'elle essuyait rageusement du revers de la main.

Son ventre n'avait pas retrouvé sa forme d'avant. Il demeurait un peu enflé, flasque, semblable à un ballon dégonflé. Un écoulement gênant se faisait sentir entre ses jambes à chaque contraction utérine, exacerbant son inconfort. Elle était déconcertée : elle avait cru qu'une fois l'enfant mis au monde, tout redeviendrait comme avant et que ces contractions cesseraient immédiatement. Tremblante et gagnée par une panique sourde, elle ôta les sous-vêtements qu'elle avait enfilés chez Andromeda et constata, avec horreur, qu'ils étaient imbibés de sang.

L'Elfe se tordait les mains, visiblement inquiète.

— Maîtresse désire-t-elle que Meeney l'aide à mieux se rétablir ? murmura-t-elle d'une petite voix.

— Que veux-tu dire ? répondit Bellatrix, méfiante.

— Meeney connaît des enchantements pour aider les Maîtresses après un accouchement.

— Silence, Meeney ! Tais-toi ! s'exclama Bellatrix, les yeux écarquillés de panique.

Elle tendit l'oreille, s'assurant qu'aucune âme dans la maison ne s'était levée ni n'avait entendu les paroles de l'Elfe. Brandissant sa baguette d'un geste vif, elle lança un Muffliato pour garantir leur discrétion, avant de s'approcher de Meeney, s'agenouillant presque à sa hauteur.

— Comment sais-tu que j'étais enceinte ? chuchota-t-elle d'un ton pressant.

— Meeney sait tout ce qui se passe dans cette maison, Maîtresse.

— Il faut que personne ne l'apprenne. Je t'interdis d'en parler à qui que ce soit. Souviens-toi qu'en tant qu'épouse du chef de famille, tu me dois une fidélité et une obéissance absolues.

— Bien sûr, Meeney est au service de sa Maîtresse. Meeney aime beaucoup sa Maîtresse.

— Souviens-toi que tu as dans le passé informé Rabastan que le Seigneur des Ténèbres a passé la nuit ici, lui rappela Bellatrix froidement.

Les oreilles de la petite Elfe se replièrent en arrière, semblables à celles d'un chaton apeuré.

— Meeney ne savait pas qu'elle ne devait pas le dire, Maîtresse, murmura-t-elle d'une voix tremblante et pleine de remords.

— À l'avenir, demande-moi avant de mentionner mes activités à Rabastan ou à Rodolphus.

L'Elfe hocha la tête avec véhémence, ses grands yeux brillants d'inquiétude.

— Bon, sais-tu ce qu'il faut faire dans ma situation ?

Une pointe de désespoir perçait dans cette question, comme si Bellatrix était sur le point de s'effondrer en sanglots.

— Bien sûr, Meeney a assisté à tous les accouchements des femmes de la famille Lestrange. Avec quelques enchantements, je peux faire évacuer les lochies et apaiser les tranchées.

Lochies ? Tranchées ? Bellatrix ne comprenait pas les termes employés par l'Elfe, mais une vague de soulagement immense l'envahit en entendant ces paroles.

— Oui, Meeney, faisons cela.

— Maîtresse doit s'allonger sur le lit, indiqua l'Elfe d'une voix douce.

Docilement, Bellatrix s'allongea sur le lit. L'Elfe de maison fit glisser un linge sous le corps de sa maîtresse avant de poser une main experte sur son ventre. Après quelques gestes alambiqués, Bellatrix ressentit une violente contraction qui lui arracha un cri de douleur. Le linge se tâcha d'un sang presque noir.

— C'est terminé, Maîtresse, annonça l'Elfe d'une voix apaisante.

— Déjà ? Est-ce que mon corps porte des marques visibles ? Des choses disgracieuses ? demanda Bellatrix d'un ton tranchant.

— Non, Maîtresse. Hormis ces désagréments passagers, Maîtresse n'a aucune marque notable : pas de vergetures, pas de ligne brune, ni de varices. Maîtresse est manifestement faite pour avoir des bébés.

Bellatrix leva les yeux au ciel, exaspérée.

— Et mon ventre ? Quand retrouvera-t-il son apparence normale ?

— Il a déjà diminué et reprendra sa forme initiale dans quelques semaines. Mais Meeney peut accélérer le processus si Maîtresse le souhaite.

— Oui, fais-le, Meeney.

Lorsque l'Elfe eut terminé ses enchantements, Bellatrix sentit toute douleur s'évanouir, bien que la fatigue persistât, pesante et implacable. Son ventre semblait presque plat, mais son corps était couvert de sueur et de sang.

— Dois-je vous préparer un bain, Maîtresse ? demanda Meeney avec une légère révérence.

— Oui, fais vite. Et brûle ces linges.

Sans attendre, l'Elfe s'exécuta, disparaissant vers la salle de bain, les linges souillés dans les bras. Bellatrix demeura seule un instant sur le lit, tentant de reprendre ses esprits. Son cœur battait à tout rompre, et sa respiration restait saccadée, comme si elle venait de passer des heures à pleurer, son corps encore secoué par des spasmes incontrôlables.

Sa Marque picotait encore, comme une douleur fantôme, un rappel sournois qu'elle avait ignoré son Maître. Elle était terrifiée.

XxXxXxX

Propre, parfumée, vêtue d'une robe à corset impeccablement repassée, le visage et les cheveux sublimés par des sortilèges de coquetterie, Bellatrix se tint prête à rejoindre le Seigneur des Ténèbres.

D'un geste précis, elle pressa sa Marque et reçut instantanément l'autorisation de transplaner jusqu'au Quartier Général.

Elle atterrit dans la salle de réunion, où plusieurs sorciers étaient déjà rassemblés. Le souffle court, elle nota la présence de Rodolphus, installé au centre de la table, de Rabastan près de lui, et d'autres figures familières : Alecto, Amycus, Lucius Malefoy, Ennius Rosier, et, à sa grande surprise, son père, Cygnus, assis juste à côté de Lord Voldemort. Disciplinée, elle refusa de laisser transparaître le moindre trouble et dirigea son regard vers son Maître, qui présidait la table d'un air impérieux. Lorsqu'il la vit se matérialiser dans la pièce, il se leva.

Bellatrix s'avança aussitôt vers lui et se prosterna à ses pieds, murmurant d'une voix empreinte de déférence :

— Maître, pardonnez mon retard.

Il ne répondit pas. Levant lentement les yeux vers lui, elle mobilisa toute sa maîtrise pour contenir chaque tic nerveux de son visage. Elle s'efforça de rendre son esprit fluide, malléable, tout en dissimulant soigneusement les innombrables barrières mentales qu'elle avait érigées. Elle avait déjà réussi à lui cacher ce qu'elle avait découvert dans sa pensine. Elle se jurait d'y parvenir à nouveau, cette fois avec une habileté encore plus redoutable, car l'enjeu était infiniment plus élevé.

— Où étais-tu ? demanda-t-il d'une voix froide, tout en lui indiquant de se relever d'un geste de la main.

Elle perçut une retenue glaciale dans son ton, mais répondit avec assurance :

— Maître, j'ai été de nouveau interrogée par les Aurors.

Lord Voldemort la fixa un instant, son regard perçant semblant chercher à briser les défenses qu'elle s'efforçait de maintenir. Puis, se tournant vers les hommes attablés, il déclara :

— Vous pouvez disposer. Rabastan, informe Dolohov et Mulciber que les recherches doivent cesser immédiatement.

— Bien, Maître, répondit le jeune Lestrange avant de transplaner.

— Maître, mon fils n'a pas… commença Ennius Rosier, avant que Voldemort ne l'interrompe d'un geste autoritaire de la main.

— Plus tard, Ennius.

Le Mangemort s'inclina respectueusement, puis disparut à son tour dans un claquement sec. Le père de Bellatrix contourna la table et posa sur elle un regard transperçant où se mêlaient un soulagement palpable et un soupçon d'inquiétude. D'un geste bref et maladroit, il tapota son épaule avant de déclarer d'une voix empreinte d'une émotion mal contenue :

— C'est un soulagement de te savoir saine et sauve, Bella.

Il se tourna ensuite vers Lord Voldemort, s'inclina respectueusement et murmura :

— Mon Seigneur.

Sans attendre de réponse, il transplana lui aussi dans un craquement sec.

Rodolphus et Bellatrix échangèrent un regard chargé de froideur et de mépris. Elle nota au passage que ses cheveux avaient légèrement poussé et que son visage portait les marques d'une fatigue âpre, presque hostile. Il disparut à son tour sans un mot. Un à un, les autres Mangemorts suivirent, jusqu'à ce que Bellatrix se retrouve seule face au Seigneur des Ténèbres.

Si tu lui dis la vérité, elle meurt, se répéta-t-elle intérieurement, comme un mantra.

— Qui étaient ces Aurors ? Comment t'ont-ils trouvée ? demanda-t-il en avançant imperceptiblement vers elle.

Il leva la main et l'effleura à la ligne de la mâchoire. Bellatrix tressaillit, incapable de réprimer ce frisson incontrôlé. Le contact était doux, et l'éclat rouge de ses yeux était une porte vers un monde profond et soyeux. Après cette nuit cauchemardesque, Bellatrix n'avait qu'une envie : rejoindre le confort de ses bras. Pourtant, c'était une tout autre épreuve qui l'attendait.

— J'étais sur le Chemin de Traverse pour compléter le trousseau de Narcissa en vue de ses noces prochaines, mentit-elle, le cœur serré.

— Sans prévenir personne ? Ni Rabastan, ni ta mère ? s'étonna Voldemort, ses sourcils se fronçant légèrement.

— Non, Maître.

— Tu sais pourtant qu'un tel comportement est imprudent. Ni toi, ni aucun Lestrange n'êtes à l'abri d'une arrestation. Vous êtes tous compromis, désormais.

— Je pensais que mon dernier entretien avec les Aurors, en octobre, avait suffi à laver mon nom, murmura-t-elle, espérant que son ton convaincrait. Je pensais avoir quelques mois de répit avant qu'ils ne s'intéressent à Rabastan ou Rodolphus, rendant toute sortie impossible pour nous tous.

Lord Voldemort demeura silencieux un instant, son regard scrutant chaque expression de son visage.

— Ils t'ont gardée toute la nuit ? demanda-t-il enfin.

— Oui, Maître.

— Qui étaient-ils ? Que t'ont-ils demandé ?

— Ils voulaient savoir si j'avais des informations sur les Aurors retrouvés morts à Rhossili, répondit-elle en retenant son souffle.

En mai dernier, elle et son Maître avaient débusqué trois Aurors impliqués dans l'assassinat d'Enguerrand Avery. Cachés dans une planque au Pays de Galles, ils avaient été interrogés avec soin, avant d'être laissés pour morts sous le symbole de la Marque des Ténèbres, somptueusement dessinée dans le ciel.

— Montre-moi, chuchota-t-il alors, d'un ton à la fois doux et inflexible, ne souffrant aucune contradiction.

Intérieurement, Bellatrix s'efforçait de ne pas céder à la panique. C'était ce qu'elle redoutait par-dessus tout. Ce qu'elle s'apprêtait à entreprendre relevait d'une expertise prodigieuse, au-delà peut-être de ses capacités. La question n'était plus simplement de dissimuler des souvenirs. En cela, elle avait acquis une certaine maîtrise : elle était confiante dans sa capacité à lui cacher la naissance de l'enfant. Mais cette fois, l'épreuve était d'une tout autre envergure. Elle devait créer des souvenirs.

Pas n'importe quels souvenirs : des souvenirs crédibles, cohérents, capables de résister au regard impitoyable de son Maître. En s'appuyant sur les souvenirs bien réels d'octobre dernier, issus de son unique entretien chez les Aurors, qu'il avait déjà sondés dans son esprit, elle espérait pouvoir tisser une illusion convaincante. Cependant, il lui fallait leur donner l'épaisseur d'une nuit entière : altérer subtilement les vêtements des Aurors, ajuster leurs positions, moduler leurs intonations, varier leurs questions… Chaque détail devait paraître naturel, fluide, et s'inscrire dans une continuité indiscernable entre réel et invention.

Cela exigeait un talent exceptionnel dans l'art de manipuler les pensées, une capacité dont très peu de sorciers étaient dotés. Elle avait réussi à duper les Aurors de cette façon lors de son entretien, mais face à son Maître, il lui faudrait faire preuve de plus de finesse et de rigueur. Mais il n'y avait pas de temps pour douter ou réfléchir davantage. Il fallait être prête.

Sans aucune délicatesse, Lord Voldemort s'infiltra dans son esprit, franchissant les barrières mentales avec une aisance coutumière. Il parcourut les souvenirs fabriqués, naviguant entre le vrai et le faux de façon implacable et maîtrisée. Heureusement, il semblait peu intéressé par les détails superflus : il cherchait des réponses précises. Les Aurors avaient-ils mentionné Avery ? Gringotts ? Dumbledore ? Avait-il été question d'un traître ? Il négligeait tout le reste. Mais pour Bellatrix, chaque instant de cette intrusion était un véritable tour de force. Maintenir l'illusion exigeait une imagination fertile, une résolution inébranlable, et une endurance mentale sans faille. Elle devait imaginer des détails infimes tout en s'appuyant sur la structure solide de ses souvenirs réels.

Il sortit de ses pensées après quelques instants. Il était si proche d'elle qu'on aurait pu croire qu'il susurrait un secret à son oreille. Ses doigts s'enroulèrent autour d'une mèche de ses cheveux qu'il porta à son visage, comme pour en respirer l'odeur.

— Tu as pris le temps de te laver, alors que je t'ai appelée il y a plusieurs heures. Tu n'as même pas accouru à ma rencontre. Me cacherais-tu quelque chose ?

— Comment cela, Maître ? répondit Bellatrix, décontenancée par la question.

— T'ont-ils fait du mal ? demanda-t-il de façon plus directe.

Bellatrix sentit un frisson la traverser. Il craignait que les Aurors aient pu lui infliger les mêmes sévices que leur ancien collègue Maggins : des attouchements, des viols. Elle eut honte d'elle.

— Non, Maître.

Sous ses cils soulignés de noir, son regard restait fixe, insondable, cherchant à dissimuler le tumulte intérieur.

— Tes souvenirs sont… brumeux, reprit-il, scrutant son visage. Comme si tu avais du mal à t'en rappeler. Si tu ne cherches pas à me cacher des choses, à quoi est-ce dû ?

— Ils m'ont gardée éveillée toute la nuit. Je suis peut-être un peu fatiguée, avança-t-elle, consciente que sa justification sonnait moins assurée qu'elle ne l'aurait souhaité.

— Vraiment ?

— C'est la seule explication, Maître, répondit-elle, le ton plus feutré, presque suppliant.

— Sais-tu combien de mes serviteurs j'ai déployé pour te retrouver ? fit-il, sa voix prenant une inflexion tranchante. J'ai fait revenir ton mari des steppes mongoles et interrogé toute ta famille pour savoir où tu étais.

— Je suis désolée, Maître, murmura-t-elle, baissant légèrement les yeux pour masquer son trouble.

— Personne ne savait où tu étais.

— Je pensais que cela ne prendrait qu'une heure tout au plus, tenta-t-elle d'expliquer, sa voix teintée d'un mélange de soumission et d'aplomb.

Il recula légèrement, la dévisageant avec un regard calculateur, chaque mouvement empreint de froideur et de contrôle. Brusquement, il saisit son bras et posa sa baguette contre la Marque.

— Que faites-vous, Maître ? s'enquit-elle d'un ton légèrement tendu.

— Où sont les éléments du trousseau que tu dis avoir achetés pour ta sœur ? demanda-t-il, ignorant ostensiblement sa question.

— Je n'ai pas eu le temps de les trouver. Les Aurors m'ont appréhendée avant, Maître, répondit-elle, un nœud dans la gorge.

— À quel endroit du Chemin de Traverse t'ont-ils arrêtée ?

— Entre Ollivander et l'apothicaire, Maître, répondit-elle, prenant soin de rester aussi convaincante que possible.

— À quelle heure ?

— Vers dix-sept heures, je crois…

Un « pop » retentit dans la pièce, et Ethan Rosier se matérialisa devant eux, un sourire railleur étirant ses lèvres lorsqu'il avisa la scène devant lui.

— Vous m'avez appelé, Maître ? lança-t-il, sa voix empreinte d'une fausse légèreté.

— Ethan, as-tu entendu dire, par tes contacts au Ministère, que Bellatrix avait été arrêtée hier après-midi sur le Chemin de Traverse ? demanda Voldemort, le ton glacial.

— Maître, j'ai interrogé tous mes informateurs cette nuit. Aucun ne m'a signalé une telle chose. Le dossier concernant Bellatrix Lestrange est officiellement clos chez eux, répondit Ethan avec assurance, son sourire toujours présent.

Lord Voldemort fixa Ethan longuement, un regard perçant, glacial. Puis, lentement, il se tourna vers Bellatrix.

— Comment expliques-tu cela, Bellatrix ?

— Rosier a été renvoyé du Ministère. Il n'a plus les contacts nécessaires pour accéder aux informations confidentielles, rétorqua-t-elle sans détour.

— Confidentielles, Lestrange ? releva Ethan d'un ton feutré. Justement, Lestrange. Pourquoi parler de confidentialité ?

— Parce que les Aurors ne partagent pas leurs dossiers sensibles avec des ratés incapables de garder leur poste au Ministère, cracha Bellatrix, son visage affichant un mépris éclatant.

Elle s'assura que chaque nuance de condescendance était visible dans son expression.

— Qu'insinues-tu, Ethan ? demanda calmement Voldemort, bien que la menace dans sa voix fût impossible à ignorer.

Ethan leva légèrement les mains, un geste ambigu, oscillant entre gravité et réticence feinte.

— Je veux simplement dire qu'il est curieux que l'arrestation de Lestrange soit aussi bien dissimulée par le bureau des Aurors, déclara-t-il. Si mes informateurs ne me rapportent rien, c'est peut-être parce qu'ils estiment que l'information, si divulguée, pourrait mettre sa vie en danger. Peut-être que l'interrogatoire devait absolument rester secret.

— Pourquoi cela ? interrogea Voldemort, son regard acéré fixé sur Ethan.

Le cœur de Bellatrix se mit à battre fort.

— Comme elle l'a souligné, je ne suis plus un Auror. Je n'ai plus accès aux informations sensibles, Maître, répondit Ethan avec une fausse humilité, sans se départir de son sourire. On ne me communique plus les dossiers les plus confidentiels, conclut-il en haussant légèrement les épaules.

En un éclair, avant même qu'Ethan ne termine de dérouler sa démonstration crasse, Bellatrix comprit deux choses : il était le traître, et il comptait la faire passer pour telle à sa place. Peut-être avait-il gardé des liens étroits avec les Aurors et savait-il pertinemment qu'elle n'avait jamais été arrêtée. Pour se sortir de ce piège, elle devrait choisir entre révéler la vérité, et ainsi signer la mort de l'enfant ainsi que de sa sœur, ou convaincre son Maître de l'impossibilité qu'elle fût la traîtresse.

— Maître… commença-t-elle, cherchant à reprendre la main.

— Tais-toi, Bellatrix, la coupa Voldemort d'un ton glacial. Continue, Ethan.

— Les Aurors ont commis une erreur en tentant de dissimuler son arrestation, reprit Ethan, un sourire calculateur se dessinant sur ses lèvres. En agissant ainsi, ils ont révélé qu'ils ne suivaient pas le protocole habituel réservé aux arrestations de moindre importance, et qu'elle n'était donc qu'un prétexte, une ruse pour lui parler directement, loin des regards extérieurs.

— C'est absurde ! s'exclama Bellatrix, ses yeux flamboyant de colère. Je ne suis pas une traîtresse ! Si j'avais réellement collaboré avec eux, pourquoi aurais-je mentionné cette arrestation ? J'aurais inventé une tout autre excuse !

— Une autre excuse, Bellatrix ? releva Voldemort.

— Je… je veux dire que sa théorie grotesque ne tient pas debout, Maître ! Il n'a pas été informé simplement parce qu'il n'est plus dans les cercles du pouvoir, c'est tout. D'ailleurs, c'est probablement lui le traître ! Il correspond parfaitement au profil : ses liens avec le Ministère, sa présence au…

— Il faudrait savoir, Bellatrix, coupa Voldemort, impassible. Ethan est-il encore en contact avec les Aurors ou non ?

Bellatrix inspira profondément, rassemblant ses pensées.

— Maître, vous savez que je ne peux pas être la traîtresse, murmura-t-elle, ses yeux cherchant désespérément un signe de confiance dans le regard froid de Voldemort.

— Maître, intervint Ethan avec assurance, si vos autres espions n'ont pas non plus eu vent de cette arrestation, alors deux options s'imposent : soit Bellatrix ment, soit les Aurors dissimulent sciemment l'information.

— Je vous l'ai dit dès mon arrivée, Maître, je n'ai rien caché du tout ! protesta Bellatrix avec force.

— Que tu me l'aies dit peut très bien faire partie du plan, rétorqua Voldemort en avançant lentement vers elle, son regard perçant. Contrairement à ce qu'il en est d'habitude, ils ont délibérément caché cette arrestation à leur ancien collaborateur, comme si ton dossier était trop sensible pour qu'il en ait connaissance. Et pourtant, une fois encore, tu es ressortie libre. Une fois encore, lavée de tout soupçon.

— Maître, vous avez vu mes souvenirs, ils…

— Va-t'en, Rosier, trancha Voldemort sans élever la voix.

Ethan ouvrit la bouche, hésitant un instant, mais l'éclat meurtrier dans les yeux de Voldemort lui coupa toute velléité d'argumentation. Il transplana sans demander son reste. Un silence pesant emplit la pièce. Lord Voldemort sortit sa baguette d'un mouvement fluide, presque nonchalant, et se mit à arpenter la pièce, ses pas résonnant dans l'espace vide.

— Maître, l'année dernière, lorsque le traître a désactivé les protections de la résidence Avery, j'étais enfermée dans votre chambre. C'est vous-même qui l'avez dit.

— C'est vrai, répondit Voldemort, et tu m'as confié il y a quelque temps que le traître n'agissait peut-être pas seul. Si tu étais enfermée dans ma chambre, c'était parce que tu avais passé la journée entière dans mes quartiers sans mon autorisation, au lendemain du mariage des Rosier, et ce, jusqu'au soir. L'idée me traverse l'esprit, Bellatrix : peut-être essayais-tu de me distraire afin de laisser la voie libre à ton complice ? Par tous les moyens ? Jusqu'à fouiner dans ma Pensine ?

Bellatrix s'effondra à ses pieds, ses mains tremblantes s'agrippant au bas de sa robe.

— Non, non, non, Maître, vous savez que c'est faux. Je suis votre servante la plus loyale, la plus dévouée. C'est Ethan le traître. Il ment, Maître, il ment ! Il dit que mon arrestation est un sujet sensible, mais il ment !

— Rookwood ne m'a pas rapporté ton arrestation, souligna Voldemort.

— Il travaille au Département des Mystères, cela n'a rien à voir, rétorqua-t-elle, cherchant désespérément une échappatoire.

Le silence s'étira alors que leurs regards se croisaient. Un duel invisible se jouait, un bras de fer entre la défiance et la loyauté. Bellatrix refusait de céder ; elle ne pouvait pas croire que son Maître accorderait plus de crédit à la version d'Ethan Rosier qu'à la sienne.

— Maître, insista-t-elle, il était présent au mariage des Rosier. Il a des liens avec les Aurors, il connaît les sceaux de protection…

— C'est le fils d'un de mes plus anciens et fidèles Mangemorts, le filleul d'Enguerrand Avery, répliqua Voldemort, sa voix tranchante. Aurait-il contribué au meurtre de son propre parrain ?

— Enguerrand avait trouvé des preuves, et il allait parler. Il a peut-être trop tardé justement parce qu'Ethan est le fils d'Ennius Rosier, son meilleur ami !

— Bellatrix, je vais être clair : je ne suis pas convaincu. Tes souvenirs sont flous, ton retard inexpliqué, et les Aurors maintiennent le silence sur ton arrestation. Pourquoi ? S'ils te considéraient insignifiante, pourquoi auraient-ils gardé cette information secrète ? Et s'ils devinaient ton allégeance, pourquoi te relâcher ?

La panique de Bellatrix atteignit son paroxysme. Son souffle s'accéléra, son esprit cherchait désespérément une issue.

— Ils n'ont simplement aucune preuve, Maître, balbutia-t-elle, la voix tremblante mais résolue. Mon interrogatoire n'a rien donné, encore une fois. Ethan Rosier est le traître, Maître !

Un silence pesant s'abattit dans la pièce, avant que Voldemort ne brise cette tension d'une voix aussi douce qu'elle était terrifiante :

— M'as-tu séduit sous les ordres des Aurors pour me soutirer des informations, Bellatrix ?

Elle se redressa précipitamment, s'accrochant à sa robe, le regard embué de larmes.

— Maître, arrêtez, vous savez… vous savez que je vous aime…

— Oui, une niaiserie fallacieuse, destinée à m'endormir, répondit-il d'un ton sarcastique et amer.

— On ne peut pas feindre quelque chose d'aussi fort, Maître. Je sais que vous l'avez senti.

Dans un geste désespéré, elle se jeta contre lui, l'enlaça, et posa ses lèvres sur les siennes. Les larmes coulaient désormais en torrents sur ses joues, mais elle n'en avait cure.

Soudain, elle se sentit violemment arrachée à lui. Des liens invisibles l'entravèrent, ligotant ses bras et ses jambes. Elle hoqueta de surprise avant de perdre l'équilibre. En tentant de s'agripper à lui, elle fut repoussée sans ménagement et s'effondra brutalement au sol. Sa baguette vola à travers la pièce pour rejoindre la main tendue de Voldemort.

— Mon Seigneur, que faites-vous… ? Maître !

Mais déjà, il avait transplané, la laissant seule, étendue sur les dalles froides et noires de la salle de réunion.

XxXxXxX

Quand il revint, de longues heures s'étaient écoulées, marquées par une angoisse et une peur dévorantes. Le Seigneur des Ténèbres s'avança lentement vers sa Mangemort, une aura animale et frénétique semblant l'envelopper à chacun de ses pas. D'un geste fluide de la main, il fit disparaître les liens qui la maintenaient au sol.

— Ollivander et l'apothicaire ont été interrogés. Ils n'ont rien vu. Pas d'arrestation, pas d'agitation particulière sur le Chemin de Traverse, annonça-t-il, sa voix vibrante d'une acidité contenue.

— Maître… commença Bellatrix, le souffle court.

— Cela ne peut signifier que deux choses, Bellatrix : soit ce n'était pas une arrestation, et tu les as rejoints de ton plein gré, soit tu caches quelque chose d'autre. Mais vois-tu, j'ai bien du mal à imaginer ce que tu pourrais avoir de si important à dissimuler, surtout lorsque ta loyauté même est mise en doute.

Il avait raison, évidemment. Déjà le doute s'insinuait en elle. Serait-ce le prix à payer pour sauver le bébé et Andromeda ? Ne valait-il pas mieux tout lui dire et espérer qu'il lui pardonne ?

— Maître, je vous en conjure, croyez-moi ! Je ne suis pas une traîtresse !

Un silence glacial s'installa. Puis, avec une froideur implacable, il déclara :

— Suis-moi.

Il se dirigea vers l'entrée d'un passage dissimulé sous la salle de réunion. Bellatrix le suivit à contrecœur, chaque pas l'enfonçant un peu plus dans une terreur indicible. Le passage déboucha sur une pièce sans porte, humide et sombre : le Sanctuaire. Ils traversèrent le mur, et là, à genoux sur le sol, elle découvrit Rodolphus, visiblement mal en point.

Il était débraillé, ses cheveux en bataille dissimulant en partie un visage ravagé par l'épuisement. La sueur perlait sur ses tempes et ruisselait le long de son cou, tandis que son souffle, court et irrégulier, trahissait son état de faiblesse.

— J'ai pris la liberté d'interroger ton complice avant de confronter vos versions des faits, déclara Lord Voldemort d'un ton cruel. Mais il semblerait qu'il ait besoin d'un peu plus de… motivation.

Bellatrix sentit l'horreur la submerger. La situation prenait une tournure terrifiante. Rodolphus restait immobile, la tête baissée, résigné.

Endoloris ! siffla Voldemort d'une voix implacable.

Aussitôt, Rodolphus se tordit de douleur, un hurlement déchirant s'échappant de ses lèvres. Son corps convulsa violemment sous les assauts du maléfice, ses mains griffant le sol dans une tentative futile de résister.

— Maître, je vous en supplie, arrêtez ! s'écria Bellatrix, horrifiée. Rodolphus n'a rien fait !

Mais son appel semblait se perdre dans le vide. Voldemort ne l'écoutait pas. Sur son visage marmoréen, une expression féroce de haine se lisait, impitoyable.

Bellatrix, désespérée, s'approcha prestement de lui, les mains tremblantes.

— Maître, stop ! supplia-t-elle à nouveau, s'agrippant à son bras dans un geste désespéré.

La réponse fut instantanée et brutale. Dès que ses mains effleurèrent son bras, il leva le maléfice impardonnable pour l'envoyer valser à travers la pièce d'un simple geste. Elle retomba lourdement au sol, un cri étouffé s'échappant de ses lèvres alors qu'une douleur aiguë irradiait son bas-ventre. La blessure invisible de son accouchement récent se réveilla violemment, et des larmes perlèrent au coin de ses yeux.

— Tu pleures pour ton cher petit mari, Bellatrix ? lança Voldemort, d'un ton sarcastique.

— Maître, je vous en conjure, répondit-elle d'une voix brisée, vous ne pouvez pas donner du crédit aux mensonges de Rosier. Il m'a toujours détestée !

Voldemort fit quelques pas dans sa direction, la dominant de toute sa hauteur, son regard rougeoyant glacé et inquisiteur.

— Il dit maintenant qu'il t'a toujours suspectée, Bellatrix. Pendant mon absence, j'ai eu le temps d'interroger plusieurs de mes fidèles. Et vois-tu, nombreux sont ceux qui nourrissent des griefs contre toi.

Bellatrix, encore à genoux, leva un regard désespéré vers lui, ses mains crispées sur le sol.

— Ils sont jaloux de moi, Maître ! Ils l'ont toujours été ! s'écria-t-elle avec ferveur.

Un silence pesant s'installa. Voldemort croisa les bras, inclinant légèrement la tête, comme pour jauger la sincérité de ses mots. Puis, d'un ton implacable, il déclara :

— Dis-moi la vérité maintenant, Bellatrix, et je cesserai de torturer ton mari.

— Je ne suis pas une traîtresse ! Ni moi, ni Rodolphus ! s'exclama-t-elle, sa voix tremblante d'émotion. Elle se tourna désespérément vers son mari. Dis-lui, Rodolphus !

Un ricanement ironique, presque douloureux, échappa à Rodolphus, toujours agenouillé. Il releva légèrement la tête, dévoilant un sourire amer qui contrastait avec son visage marqué par la douleur.

— Tu veux que je te défende, Bella ? ironisa-t-il d'une voix rauque. Maître, je ne peux pas parler pour elle, mais en ce qui me concerne je n'ai fait que vous servir toute ma vie.

— Je t'ai envoyé en mission avec Greyback pendant plus d'un an pour te punir de tes sordides machinations et te tenir éloigné de ta femme, déclara Voldemort, son ton tranchant. Cela n'a pas éveillé en toi un quelconque ressentiment ?

— Maître… murmura Rodolphus d'une voix rauque, je m'en remets à votre jugement. Je sais que j'ai mal agi en mentant à votre propos pour me venger de Bellatrix.

— Et je suppose que tu as entendu les rumeurs nous concernant, elle et moi, reprit Voldemort, sa voix imprégnée d'un sarcasme glacial. Cela ne t'a pas dérangé ?

Rodolphus remua légèrement, cherchant à croiser le regard de son Maître malgré l'un de ses yeux tuméfié qu'il ne parvenait plus à ouvrir complètement.

— Si… Maître, admit-il à contrecœur, je ne vais pas prétendre que cela m'a plu. Mais je ne vous blâme pas… Ce n'est pas ma place… Bellatrix… elle sait parfaitement comment obtenir ce qu'elle veut, quelles que soient les méthodes.

Un rire caustique échappa à Voldemort.

— Oh, j'étais aussi consentant qu'elle, Rodolphus. Elle ne m'a forcé la main en rien.

Rodolphus baissa de nouveau la tête, un filet de sang accompagna son mouvement, peignant le sol d'un arc de cercle brillant.

— Maître, je ne vous reproche rien, balbutia-t-il. Bellatrix est un poison. Mais, moi, je ne vous ai pas trahi.

Adossée au mur, Bellatrix se laissa glisser au sol, complètement défaite. Le souffle court, elle baissa la tête, ses mains tremblantes cherchant un appui sur les pierres froides. Du coin de l'œil, elle vit Voldemort s'approcher lentement de Rodolphus.

— Ouvre ton esprit, ordonna-t-il, sa voix grave et impérieuse. Complètement. Laisse-moi voir si tu dis la vérité.

Rodolphus n'hésita pas une seconde et obéit. Voldemort plongea aussitôt dans ses pensées, ses traits figés trahissant une concentration absolue. L'exploration ne dura pas longtemps. Lorsqu'il se retira, son visage paraissait plus sombre qu'au départ.

— Tu ne m'as pas trahi, Rodolphus, j'en conviens, dit-il, un éclat inquiétant dans le regard. Mais tu m'en veux… pour Bellatrix, pour la mort de tes parents. Tu te poses beaucoup de questions. Nous aurons une discussion à ce sujet.

— Maître, je… tenta Rodolphus d'un ton désespéré.

— Ça ne sert à rien de nier, l'interrompit Voldemort froidement. Nous en parlerons plus tard. Pour l'instant, tu es libre de tout soupçon.

— Merci, Maître, murmura Rodolphus, avant de se pencher pour embrasser le bas de sa robe.

— Lève-toi, maintenant, ordonna Voldemort d'un ton tranchant. Mais reste. Tu ne voudrais pas manquer la suite.

D'un mouvement lent mais assuré, Voldemort détourna toute son attention vers Bellatrix. Elle était toujours adossée au mur, recroquevillée sur elle-même, comme si elle espérait s'y fondre pour échapper à son regard. Elle leva les yeux vers lui, effrayée, son visage ravagé par les larmes et la panique.

— Maître, je vous en supplie, articula-t-elle d'une voix brisée, presque inaudible.

Voldemort avança vers elle, chaque pas à peine audible sur le sol dallé.

— C'est ta dernière chance de me dire la vérité, Bellatrix, murmura-t-il, sa voix basse et menaçante.

Dis-lui, dis-lui, dis-lui, dis-lui, scandait une voix intérieure, hurlante et paniquée. Mais cette supplique mentale fut brutalement étouffée par une image : celle d'Andromeda, paraissant si jeune, si vulnérable, tenant un bébé dans ses bras. L'enfant était minuscule, presque entièrement englouti dans un linge blanc, ses cheveux si noirs contrastant avec l'éclat immaculé du tissu. Il n'arrêtait pas de pleurer.

Bellatrix serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans ses paumes.

— Je ne vous ai pas trahi, Maître, souffla-t-elle finalement, sa voix tremblante.

Ses yeux, emplis de panique, cherchaient un fragment de clémence dans son regard cruel.

Un silence glacial s'étira.

— Mauvaise réponse, murmura Voldemort, presque avec douceur.

Puis, d'un ton plus tranchant, il prononça :

Endoloris !

La douleur explosa en elle, violente et insupportable, surpassant tout ce qu'elle avait pu imaginer ou subir auparavant. Son corps se tordit au sol, chaque muscle criant de souffrance, chaque fibre nerveuse en feu. Elle hurla, sa voix déchirant le silence de la pièce, mais cela ne faisait qu'ajouter au supplice.

Son esprit vacilla, comme si la réalité elle-même se disloquait autour d'elle. Les contours de la pièce devinrent flous, ses perceptions brouillées par l'intensité de la douleur. Le sol sous elle semblait se dérober, l'abandonnant à un vide sans fin, un abîme où seules les vagues successives de souffrance existaient.

Des éclats d'images incohérentes traversèrent son esprit : une toute petite femme blonde dans un endroit lugubre, les cris d'un bébé, le long rideau brun des cheveux d'Andromeda chatouillant son visage alors qu'elles se penchaient ensemble sur un livre de gynécomagie, la silhouette imposante de Voldemort… Ils se mélangeaient dans une mosaïque incompréhensible, une spirale de terreur et de désespoir. Elle avait l'impression de s'effondrer à l'intérieur d'elle-même, son esprit incapable de trouver une prise, une ancre.

Cela dura une éternité.

— Bellatrix, qui est ton complice ? fit une voix nébuleuse, froide, loin d'elle.

— Je… je suis loyale… chuchota Bellatrix, au bout de ses forces.

Endoloris !

Le supplice reprit. Inéluctable, implacable, d'une cruauté sans limite. Une douleur atroce, dévorante, qui s'insinuait dans chaque fibre de son être, effaçant tout espoir de répit. Elle n'eut plus de voix pour hurler.

Lorsqu'elle reprit conscience, le monde autour d'elle était flou et déformé. Des voix masculines résonnaient au-dessus d'elle, distantes, pareilles à des échos spectraux surgissant d'un autre monde.

— Aurais-tu des remords… Rodolphus ? demanda la voix froide et tranchante de Voldemort.

— Non… Pardonnez-moi, Maître… répondit Rodolphus d'une voix rocailleuse et hésitante. Mais maintenant que j'y pense, cela n'a aucun sens. Prendre le parti des Aurors… après ce que Maggins lui a fait…

— Je vois que tu n'as pas l'estomac pour supporter cela, Rodolphus, déclara Voldemort, une ironie acerbe pesant dans chaque syllabe. Rentre chez toi.

— Oui, Maître.

Bellatrix perçut vaguement le bruit sec d'un transplanage, suivi d'un silence lourd et oppressant. Quelques secondes plus tard, une main froide se glissa sous sa nuque, tandis qu'une autre passait sous ses cuisses. D'un geste assuré, Voldemort la souleva sans effort, comme si elle ne pesait rien.

Alors qu'il marchait, sans un bruit, sa voix basse et venimeuse fendit l'air :

— Ton mari a soulevé une remarque importante. Mais moi, je sais ce qui sommeille au fond de toi, ce que tu refuses d'admettre, même à toi-même.

Sa voix s'alourdit, pleine d'une cruauté froide et intime :

— Une part de toi m'en veut d'avoir été enlevée et souillée par ce Sang-de-Bourbe.

— Non… Maître… murmura-t-elle faiblement, levant une main tremblante pour l'appuyer contre son torse.

Il ne répondit pas.

XxXxXxX

Elle se sentait ballottée dans ses bras, trop faible pour lutter ou même comprendre pleinement ce qui allait suivre.

La transition fut brutale : un choc glacé transperça tout son corps lorsqu'elle fut plongée dans l'eau. L'impact lui arracha un cri, immédiatement étouffé sous la surface. Ses yeux s'écarquillèrent, agrandis par la peur. Les carrelages noirs et argent autour d'elle, les bulles nacrées montant doucement, lui firent comprendre qu'elle se trouvait dans l'immense baignoire de Voldemort.

Le froid lui paralysait les membres. Ses bras, ses jambes refusaient de bouger, lourds et engourdis. Son corps semblait trahir son instinct de survie, l'abandonnant au fond de l'eau. L'air s'échappait de ses lèvres, remontant à la surface en une série de bulles. Sa vision s'assombrit, et son esprit commença à céder. La sensation de l'eau s'infiltrant dans sa gorge, brûlant ses poumons, était insupportable. Le monde se rétractait autour d'elle, se rétrécissant à cette douleur froide et suffocante, la tirant inexorablement vers une obscurité infinie.

Elle fut extraite de l'eau aussi brutalement qu'elle en était entrée, et serrée contre un corps qui paraissait chaud en comparaison avec le bain de glace. Les yeux fermés, plus épuisée qu'elle ne l'avait jamais été, elle enroula tendrement ses mains dans le tissu de la robe de son Maître, respirant à plein poumons.

Elle se sentait divaguer, perdre pied.

— Qui est ton complice, si ce n'est Rodolphus ? Rabastan ?

— Mon Seigneur… je vous aime…

— Tu te moques de moi maintenant, c'est cela ? susurra la voix glaciale, cruelle.

Elle fut de nouveau plongée dans l'eau glaciale. Elle n'eut même plus la force de crier ou de se débattre un instant. Les yeux fermés, elle se laissa couler vers le sol. Tout devint noir autour d'elle.

Elle sentait son souffle un peu précipité près de son visage. Elle respira son odeur. Et cela la fit gémir un peu. C'était comme rentrer chez soi après un interminable voyage à travers les enfers.

Son esprit s'introduisit en elle, tel un tsunami fracassant une cabane côtière, détruisant tout sur son passage. Les portes arrachées. Les fenêtres pulvérisées. Les meubles éclatés. Les débris de sa conscience semblaient voler dans tous les sens. Pourtant, presque comme une seconde peau, la protection de ses souvenirs d'Andromeda et du bébé s'interposa naturellement entre elle et son Maître. Ces barrières, telles de longues membranes protectrices, glissèrent sans résistance, immuables et organiques, insaisissables.

De la manière qu'une certaine Ludmilla avait jadis tenté d'enseigner à son jeune Maître près de trente ans auparavant, Bellatrix sentait ses capacités s'amplifier à mesure qu'elle s'abandonnait à ce qu'elle ressentait pour lui. Un amour démesuré, irrépressible.

Elle perçut la présence de Lord Voldemort traversant ses faux souvenirs. Les interrogatoires des Aurors qu'elle avait si soigneusement fabriqués se décomposèrent sous son regard inquisiteur. En un instant, tout s'effondra. Les visages, qu'elle avait façonnés pour être neutres et crédibles, se tordirent en masques grotesques, presque clownesques. Les yeux étaient globuleux, la bouche ouverte dans un sourire effrayant, la bave aux lèvres. Un Auror dansait, deux autres louchaient. Leurs questions, si minutieusement pensées, devinrent absurdes, ridicules, dénuées de toute logique. Même les contours de la pièce perdirent leur géométrie, les murs se courbant et se déformant de manière vertigineuse. Tout son château de cartes s'écroulait, lui échappant comme du sable glissant entre ses doigts, ne laissant qu'un rêve aberrant et saugrenu derrière lui.

Elle sentit soudain les mains de son Maître sur son corps nu. Mais ce n'était pas un geste de menace : il l'habillait d'un vêtement ample, doux, et évasé. L'une de ses capes. Le contact du tissu doux contre sa peau meurtrie lui procura un étrange réconfort.

Une voix murmura à son oreille, basse, où était tapi un amusement pas tout à fait refoulé :

— Bella, qu'est-ce que tu me caches ? Où étais-tu la nuit dernière ?

— Avec vous, Maître, répondit-elle, sa voix à peine un souffle, incapable d'ouvrir les yeux.

Elle voulait qu'il continue de la toucher, qu'il continue de lui murmurer des choses à l'oreille.

— Non, tu n'étais pas avec moi, répliqua-t-il avec une douceur trompeuse.

— Je suis toujours avec vous, Maître, murmura-t-elle, obstinée.

Un soupir léger, presque las. Une main se posa sur son front.

— Tu délires, dit-il simplement.

Elle sentit qu'il la portait à nouveau. Son corps, faible et endolori, ne protesta pas. Lentement, il monta un escalier étroit, puis, elle fut déposée sur un lit. Un lit qu'elle connaissait bien.

Il faisait froid.

Elle s'évanouit.

XxXxXxX

Quand elle reprit conscience, Bellatrix constata qu'elle était attachée à un mur humide et moite, une chaîne longue entravant ses mouvements. L'air était froid, lourd, presque suffocant. Ses yeux s'adaptèrent lentement à l'obscurité oppressante, et un frisson glacé parcourut son échine lorsqu'elle reconnut l'endroit : le Sanctuaire.

À ses côtés, un plateau reposait au sol, chargé d'une quantité de victuailles diverses, soigneusement empilées. Le tout était éclairé par une minuscule bougie vacillante, à moitié consumée, dont la petite flamme tremblotante peinait à chasser l'obscurité, n'atteignant que le bout de ses pieds nus, laissant le reste de la pièce englouti dans l'ombre.

Elle se rendit compte qu'elle était vêtue de plusieurs couches de capes noires, visiblement taillées pour s'adapter à sa taille. Pourtant, malgré leur épaisseur, elles ne parvenaient pas à la réchauffer. Ses pieds nus, posés sur la pierre rugueuse, semblaient amplifier la morsure du froid.

XxXxXxX

Plusieurs jours s'écoulèrent sans qu'aucune visite ne vînt troubler le silence glacial qui l'enveloppait. Les plateaux repas étaient remplacés avec régularité, chargés d'une variété d'aliments, mais les mains qui les déposaient demeuraient invisibles. Elle soupçonnait que son Maître en était l'auteur, mais comment en être certaine ? Jamais elle n'avait aperçu la moindre trace d'un Elfe-de-maison dans les couloirs de son Quartier Général. Chaque jour, un seau d'eau savonneuse apparaissait, accompagné d'une brosse à dents, d'une autre pour ses cheveux, et d'un pot de chambre qui se vidait de lui-même après usage. De nouvelles robes et capes fraîchement lavées, semblables à celles que son Maître portait, mais toutes ajustées et raccourcies pour convenir à sa taille. Voilà tout le confort auquel elle pouvait prétendre.

Le sol, moite et rugueux, lui griffait la peau, ajoutant une douleur sourde à son inconfort constant. Le mur de pierre auquel elle était enchaînée, avec ses reliefs irréguliers, lui interdisait de s'y adosser longtemps sans éprouver une nouvelle vague de douleur. Le seul meuble de la pièce, un banc en bois brut sur lequel elle s'était souvent assise lorsque le Seigneur des Ténèbres lui apprenait des sorts interdits, restait hors d'atteinte, situé de l'autre côté. Les chaînes qui la retenaient entravaient chacun de ses mouvements.

Chaque jour, la petite bougie qui éclairait partiellement la pièce était remplacée par une nouvelle, identique, projetant son ombre prostrée contre les murs humides.

Bellatrix sentait que la douleur de son accouchement et des tortures qu'elle avait subies s'atténuait peu à peu. Pourtant, son corps restait lourd, épuisé, incapable de récupérer pleinement. Chaque nuit, elle sombrait dans un sommeil instable et inconfortable, interrompu de ses cauchemars.

Mais plus que son corps, elle avait le cœur meurtri. L'avait-il oubliée ? L'avait-il abandonnée là ? Croyait-il donc encore qu'elle l'avait trahi ?

XxXxXxX

Il finit par lui rendre visite, un jour. Ou peut-être un soir. Cela faisait douze jours qu'elle était enfermée. Elle avait compté chaque bougie remplacée. Chaque plateau repas déposé. Chaque seau d'eau apparu.

Lorsqu'elle le vit, elle rampa vers lui aussi loin que le lui permit la chaîne qui l'entravait.

— Maître, dit-elle, la voix tremblante et les larmes aux yeux. Vous êtes venu.

Elle leva vers lui un visage marqué d'espoir, mais aussi d'une peur impossible à réprimer. Il était impassible, redressé de toute sa hauteur devant elle. Il la regardait sans ciller.

— Où étais-tu la nuit du 29 août, Bellatrix ? demanda-t-il, le ton inflexible.

— J'étais interrogée par…

Une sensation fugace, mais douloureuse, enflamma son corps. Elle sursauta, son souffle coupé.

— Cesse ton petit jeu, l'interrompit-il sèchement. J'ai vu que tout cela était un mensonge. Tu n'étais pas interrogée par les Aurors cette nuit-là. Du moins, pas de la manière dont tu me l'as montré.

Bellatrix sentit ses épaules s'affaisser.

— Non, Maître, murmura-t-elle, baissant la tête.

— Où étais-tu ?

— Je ne vous ai pas trahi… répondit-elle précipitamment.

— Je te croirais davantage si tu me disais où tu étais.

Elle n'avait aucun autre plan. Son esprit cherchait désespérément une échappatoire, mais elle n'en trouvait aucune.

— Je ne peux pas vous le dire… chuchota-t-elle finalement.

Il plissa les yeux, son ton devenant glacial :

— Je te demande pardon ?

Elle déglutit, ses mains tremblantes.

— Je… je ne peux pas vous le dire.

— Pourquoi ?

Elle resta silencieuse. Une seconde. Deux secondes. Elle ferma les yeux, crispant ses doigts contre le sol froid.

Puis, la sentence tomba, et elle dura des heures.

Endoloris.

XxXxXxX

Lorsqu'elle reprit conscience, elle ignora combien de jours s'étaient écoulés, mais une certitude s'imposa aussitôt : quelque chose avait changé. Le Sanctuaire, d'ordinaire enveloppé d'ombres inquiétantes, était cette fois baigné d'une lumière crue, blafarde, qui laissait à voir le moindre détail de la pièce. Autour d'elle, tout était là, les objets familiers, témoins de la même sinistre routine : un plateau-repas débordant de nourriture, un seau d'eau savonneuse, une bougie à moitié consumée. Mais son regard se fixa instantanément sur la scène qui se déployait devant elle.

Au centre de la pièce, ligotée et bâillonnée sur une chaise, se trouvait Narcissa. Ses yeux, d'un bleu limpide, étaient écarquillés par l'effroi, et toute sa silhouette frêle tremblait sous le poids d'une terreur muette.

— Cissy ! s'écria Bellatrix, la gorge serrée par une nausée soudaine.

Derrière sa sœur, la silhouette grande et élancée de Lord Voldemort dominait la scène. Il arborait un sourire imperceptible, cruel et mesuré, tandis que ses yeux rougeoyants se posaient sans ciller sur Bellatrix.

— Mon Seigneur… Que… Que faites-vous ? balbutia-t-elle, la voix vacillante, presque inaudible.

— Tu dois choisir, Bellatrix. Ta sœur… ou ton secret, déclara-t-il, inflexible.

— Non, Maître, je vous en supplie… implora-t-elle, le souffle court.

Le sortilège fusa comme un coup de fouet.

Endoloris !

Un hurlement déchira l'air, mais ce n'était pas Bellatrix qui souffrait. Devant elle, Narcissa, figée dans une posture de douleur insoutenable, se tordait sous l'emprise du maléfice. Ses mains liées se crispaient, son corps frémissant semblait prêt à céder, et son visage rougi par l'agonie exprimait une supplication muette, rendue plus insoutenable encore par le bâillon qui étouffait ses cris.

— Maître, non ! Je vous en conjure ! cria Bellatrix, le visage ravagé par des larmes incontrôlées.

Voldemort ne détourna pas le regard, imperturbable dans sa cruauté.

— Où étais-tu la nuit du 29 août ? demanda-t-il, maintenant toujours la torture sur Narcissa.

— Nulle part ! Rien qui ne doive vous alerter ! répliqua-t-elle dans un cri de désespoir.

Il inclina légèrement la tête, un éclat de mépris brillant dans ses prunelles infernales.

— Si c'était vrai, tu me l'aurais déjà dit, répondit-il, implacable.

Les hurlements de Narcissa, étouffés par le bâillon, se firent plus désespérés, plus insoutenables.

— ARRÊTEZ ! hurla Bellatrix.

— Tu n'as qu'à me dire la vérité, Bella, et tout cela prendra fin.

Elle allait parler. Elle ne pouvait pas laisser sa petite sœur être torturée ainsi. Mais dire la vérité, c'était condamner Andromeda. C'était condamner l'enfant. Son enfant.

Voldemort leva le maléfice, observant sa Mangemort d'un regard glacial, un éclat de satisfaction cruel dans les yeux.

— Le jeu est terminé. Soit tu me dis toute la vérité, soit Narcissa meurt.

Le cœur battant à tout rompre, Bellatrix s'efforça frénétiquement de trouver une autre excuse, une autre issue. Il ne pouvait pas exiger d'elle qu'elle choisisse entre ses deux sœurs. Pourtant, sans en avoir conscience, c'était précisément ce qu'il faisait.

—Tu as trois secondes, Bellatrix.

Parler, c'était sauver Narcissa, sauver une victime innocente, douce et loyale, sa sœur la plus proche, la préférée de leurs parents.

— Un.

Se taire, c'était sauver Andromeda, celle avec qui elle avait tout partagé, celle qui avait vu et compris son désespoir, celle qui avait accepté de garder l'enfant malgré les dangers, malgré tout. Celle qui croyait que cet enfant était celui de sa sœur et de l'homme qu'elle avait aimé. Mais celle qui était partie.

— Deux.

Se taire, c'était sauver leur bébé.

— Trois. Avada Kedavra !

Le cri de Bellatrix, semblable à une louve à l'agonie, déchira l'air. Elle vit la petite tête blonde de Narcissa basculer en avant, et tout se fractura en elle. Ce fut comme si elle avait perdu l'ouïe et la vue.

Elle ne pouvait plus bouger. Tout était gris. Inerte.

Quelque chose de chaud enveloppa son esprit vide et mort.

Des mains froides effleuraient ses joues, un « chut » se fit entendre, le contact à peine appuyé de lèvres sur les siennes, et l'obscurité de la pièce la submergea à nouveau. Elle sentit Lord Voldemort se retirer de son esprit, la laissant à bout de souffle, couverte de sueur. Elle essaya de le repousser pour apercevoir sa sœur derrière lui, mais il n'y avait rien. Pas de chaise, pas de Narcissa. Le Sanctuaire avait retrouvé son ambiance sombre, moite et glacée.

Son corps encore parcouru de tremblements et de spasmes, et elle comprit alors, horrifiée. Infiniment soulagée.

C'était une manipulation de son esprit.

Le mage noir s'était détourné, la tête levée vers le plafond, les yeux clos, les bras ballants. Il soupira, manifestement irrité et furieux.

— Qu'est-ce que tu me dissimules ? rugit-il, presque davantage pour lui-même que pour sa servante agenouillée au sol.

XxXxXxX

Des semaines passèrent. Dans l'isolement le plus total.

Elle restait allongée, hébétée, les yeux fixés sur le mur humide, laissant le temps lui échapper goutte à goutte. Chaque trace d'humidité glissant le long des reliefs irréguliers, éclairée faiblement par la lumière vacillante de la bougie, devenait une éternité à observer.

Chaque jour, elle se répétait : « S'il vient, je lui dirai tout. Ça n'en vaut pas la peine. Je n'aurais jamais dû garder ce bébé. »

Les pensées qui la hantaient devenaient de plus en plus sombres, presque insupportables. Le bébé l'obsédait. Elle s'imaginait le tuer de ses propres mains. Le jeter dans une poubelle, comme un déchet. Le donner aux loups. Ou encore, le confier à ce vampire des Carpates qu'elle avait croisé lors d'une mission. Lui, au moins, l'aurait dévoré en une seconde. Et ce serait terminé.

Ces images l'envahissaient, brutales et absurdes, nourries par une haine croissante envers ce bébé qu'elle avait choisi de garder. Une haine qu'elle ne comprenait pas entièrement, mais qui la rongeait, profondément, inexorablement.

XxXxXxX

— Lève-toi, ordonna une voix froide.

Bellatrix était plongée dans une des méditations dont elle avait appris la théorie dans un des livres de la trilogie de Ludmilla Thenn. Dans cet état de pleine conscience, elle pouvait divaguer pendant des heures, et faire passer les jours et les nuits plus rapidement. Reprendre pied avec la réalité était toujours un lent et douloureux processus.

S'impatientant de son manque de réaction, Lord Voldemort, dans un soupir, s'abaissa jusqu'à sa servante et la souleva dans ses bras. Bellatrix gémit. Son corps entier était perclus, meurtri à force de rester dans des positions inconfortables à même le sol.

Tandis qu'elle était portée dans ses bras, Bellatrix ouvrit les yeux et observa l'expression de son visage lisse et pâle. Il semblait agacé, nerveux. Elle avait l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des mois. Une sensation indéfinissable, mêlant affection et tendresse, s'éveilla dans son cœur. Mais elle redoutait qu'il n'ait imaginé de nouvelles tortures insupportables, comme cette manipulation mentale qui l'avait contrainte à choisir entre la vie de Narcissa et celle d'Andromeda.

Il la conduisit, une fois encore, jusqu'à sa salle de bain, située à l'étage inférieur de ses appartements. Bellatrix protesta faiblement, se souvenant avec appréhension de l'instant où il l'avait jetée dans l'eau glacée de la grande baignoire, la poussant presque jusqu'à la noyade. Mais, à sa grande surprise, il la déposa avec une certaine délicatesse sur un fauteuil placé à l'une des extrémités de la baignoire. À cet endroit, l'eau n'était pas profonde, et des tourbillons d'eau savonneuse faisaient virevolter des bulles dans l'air chaud et parfumé de la pièce.

Chaud. Une chaleur douce, merveilleuse. Elle n'avait pas ressenti cela depuis des mois. Il s'accroupit face à elle, puis entreprit de défaire une à une les capes qui se superposaient, jusqu'à libérer les manches qu'il fit glisser de chaque côté de son corps. Bellatrix, les muscles engourdis par l'inactivité, dégagea lentement ses bras et les ramena instinctivement contre sa poitrine.

Il ignora ses vains efforts pour préserver un semblant d'intimité et la souleva de nouveau pour la déposer dans l'eau, au bord du tourbillon savonneux. L'esprit de Bellatrix restait embrumé, encore emprisonné dans la torpeur profonde provoquée par ses méditations. Pourtant, elle n'était pas assez engourdie pour ne pas remarquer que son Maître n'avait pas utilisé sa baguette pour la déplacer ou la déshabiller. Aucun subterfuge ne semblait le détourner d'elle ; au contraire, il laissait ses mains sur son corps. Et bientôt, sans une parole, il se mit à la laver lui-même.

Elle se sentait perdue, troublée. D'une tristesse infinie. Il croisa son regard un instant, mais détourna rapidement les yeux.

— Penche un peu la tête en arrière, ordonna-t-il, d'un ton aussi froid qu'à l'accoutumée.

Bellatrix obéit, se laissant glisser un peu plus dans la baignoire jusqu'à être allongée de tout son long, ses longs cheveux noirs s'éparpillant dans l'eau autour d'elle. Elle posa ses mains sur le bord de la baignoire pour ne pas être emportée par le mouvement lent et régulier du tourbillon. Elle se sentait si faible qu'elle savait que même le rythme indolent des remous suffirait à la dériver.

Puis, lorsque les mains de son Maître plongèrent dans ses cheveux, elle ferma les yeux, savourant la sensation avec une délectation frissonnante. Elle se doutait que tout cela n'était qu'une de ses nombreuses ruses ; un autre supplice raffiné dont lui seul détenait le secret. Bientôt, elle regretterait cette proximité trompeuse, ce simulacre de douceur. S'il se montrait aussi tendre et attentif, c'était uniquement pour rendre les violences à venir plus cruelles encore.

Pourtant, ses mains, à cet instant, étaient étonnamment délicates, caressant doucement ses cheveux et enveloppant son crâne de leurs paumes. Tandis que l'une restait sous sa nuque, maintenant sa tête hors de l'eau, l'autre glissa lentement le long de son corps, effleurant ses seins dont les pointes émergeaient à peine à la surface. Mais le contact fut fugace. Très vite, calant le haut de son corps contre lui, il entreprit de laver minutieusement chaque parcelle de sa peau. Il semblait indifférent à l'eau qui inondait le sol, à son corps trempé qui imbibait ses vêtements.

Lorsqu'il eut terminé, il la souleva de nouveau, trempant encore davantage sa robe, et la déposa dans le fauteuil où elle s'était tenue plus tôt. Cette fois, il utilisa sa baguette pour la sécher, ainsi que lui-même, dans des gestes précis et sans brusquerie.

Puis, il lui présenta une robe noire ajustée, dotée d'un corset. Une de ses robes.

— Tu parviendras à t'habiller seule ? demanda-t-il d'un ton neutre.

— Oui, Maître… murmura-t-elle en hochant la tête.

Chaque jour, elle enfilait les capes fraîchement lavées qu'on lui apportait. Cela lui prenait un peu de temps, mais elle s'y astreignait.

Sans un mot, il l'observa, immobile, ne faisant rien pour l'aider. Lorsqu'elle fut enfin vêtue, il s'approcha.

— Et tes cheveux ?

Elle fronça légèrement les sourcils, un brin agacée par son petit jeu.

— Pour quoi faire, Maître ?

— Je te veux présentable.

— J'utilise un sort de coquetterie.

— Lequel ?

Elle lui donna le nom du sortilège. D'un mouvement de baguette, ses cheveux se rassemblèrent en un chignon impeccable au sommet de son crâne, des mèches légères s'en échappant dans une cascade floue et élégante. Elle n'avait jamais obtenu un résultat aussi joli par elle-même.

— As-tu faim ? demanda-t-il soudain.

— Un peu… répondit Bellatrix, méfiante.

Elle sentait sa peur croître à mesure qu'elle retrouvait ses esprits. Ne pas savoir ce qu'il préparait, ce qu'il comptait lui infliger, devenait insoutenable.

— Peux-tu marcher ?

Bellatrix se hissa sur ses jambes, mais l'habitude d'être entravée la fit vaciller et tomber en avant, directement dans les bras du mage noir. Il la retint un instant contre lui avant de la redresser fermement.

— Voyons, Bellatrix, tu es plus forte que ça. Essaie encore.

Cette fois, elle parvint à faire un pas, puis un autre.

— Bien. Bois cette potion, elle t'aidera à reprendre des forces.

Il sortit une petite fiole violette de l'une des poches de sa cape et la lui tendit. Bellatrix savait qu'elle ne devrait pas lui faire confiance ; ce liquide pouvait très bien contenir un poison, une drogue destinée à la plonger dans un délire, à réveiller des souvenirs sombres ou à infliger des souffrances indicibles. Pourtant, elle l'avala sans réfléchir davantage. Elle n'avait plus la force de résister.

Il lui prit la main et l'entraîna vers l'étroit escalier menant à la cuisine, située à l'étage supérieur. Comme toujours, la table au centre de la pièce croulait sous une profusion de victuailles. Bellatrix s'assit, encore courbaturée mais un peu moins raide, et se servit des plats qui lui faisaient envie. Elle n'était pas affamée. Si le confort au Sanctuaire restait spartiate, la nourriture qui lui était apportée se distinguait toujours par sa générosité et sa saveur.

Comme une ombre silencieuse, Lord Voldemort prit place face à elle, l'observant se sustenter, les bras croisés, sans prononcer un seul mot.

Intriguée, elle haussa un sourcil.

— Qu'est-ce que vous allez me faire ? osa-t-elle demander, à peine plus fort qu'un murmure.

Il esquissa un sourire cruel.

— Qu'est-ce qui te fait croire que je vais te faire quoi que ce soit ?

Bellatrix fit un geste vague, désignant l'espace entre eux.

— Rien n'est normal ici.

— Partager un repas est une chose que nous avons souvent faite, répondit-il calmement. La seule chose anormale, c'est ton refus de me dire la vérité.

Bellatrix baissa les yeux. Elle-même ne savait plus très bien pourquoi elle restait silencieuse. Son cœur, sec et meurtri, semblait à des lieues d'Andromeda et de l'enfant. Elle n'avait plus de place pour elles dans cet univers morne et aride qui était devenu le sien.

— Ce n'est pas le sujet aujourd'hui, ajouta cependant Voldemort.

Bellatrix releva instinctivement la tête, surprise.

— Tes parents me harcèlent depuis des semaines pour te voir. Je vais t'amener à eux, et tu auras ainsi l'occasion de les rassurer sur ton état.

Une émotion confuse s'éveilla dans le cœur de Bellatrix. Ses parents ? Était-elle insensible si elle admettait qu'elle n'avait pas pensé à eux une seule fois au cours de sa captivité ? Elle avait été loin d'imaginer qu'ils s'étaient inquiétés pour elle. Une question restait en suspens : quelle attitude Lord Voldemort attendait-il d'elle ?

Lorsqu'elle eut terminé son repas, les effets de la potion se faisaient sentir. Elle se sentait suffisamment en forme pour marcher presque normalement. Se levant, elle fit face au mage noir. Il s'approcha et, après l'avoir enlacée de ses bras, ils transplanèrent ensemble.

XxXxXxX

Druella et Cygnus Black se tenaient debout au centre de leur salon, main dans la main, lorsque Bellatrix et Lord Voldemort firent irruption sans un bruit, enlacés dans une étreinte qui semblait presque intime. Le salon des Black était resté fidèle aux souvenirs de Bellatrix, mais la lumière blanche qui inondait la pièce l'éblouit. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas vu la lumière du jour. À travers les fenêtres givrées, on distinguait une fine couche de neige reposant sur le rebord. Son regard ébloui se détourna alors vers un sapin étincelant, dressé dans un coin de la pièce. Ainsi, décembre était arrivé. Plus de trois mois. Trois longs mois qu'elle était enfermée au Sanctuaire.

À peine apparus, le mage noir se détacha d'elle et se tourna vers les parents de Bellatrix, qui, presque instinctivement, laissèrent leurs mains se séparer.

— Mon Seigneur, salua Cygnus en s'inclinant légèrement.

Druella resta silencieuse, se contentant d'un discret mouvement de tête.

— Mes chers amis, je vous amène votre fille comme vous me l'aviez demandé. Embrasse tes parents, Bella.

Bellatrix s'avança d'un pas hésitant. Elle ne savait pas comment réagir ; ils n'étaient pas une famille démonstrative. Le même embarras se lisait sur les visages de ses parents, mais, obéissant à l'injonction implicite de Voldemort, ils s'embrassèrent maladroitement, leurs gestes empruntés.

— Je suis heureux de te voir, Bellatrix, murmura Cygnus d'un ton posé, tandis qu'il posait sur sa fille un regard perçant, presque scrutateur.

Bellatrix ne savait pas exactement à quoi elle ressemblait ; elle n'avait pas vu son reflet depuis des mois.

Une idée insensée lui traversa l'esprit : pleurer devant eux, leur avouer qu'elle était prisonnière, leur demander de la sauver, comme une petite fille devant ses parents. Mais l'aura imposante de son Maître, posté derrière elle, annihila cette pensée aussi vite qu'elle était venue. Elle n'était plus leur fille, elle était une Mangemort.

— Comment vas-tu ? demanda Druella, la voix douce mais distante.

— Bien… bien, mère, répondit Bellatrix, esquissant même un sourire forcé.

Lord Voldemort s'était légèrement avancé, fixant Bellatrix de ses yeux perçants. Elle n'eut aucun mal à discerner l'éclat cruel qui y brillait. La situation l'amusait visiblement. Les deux Black, nerveux, ne cessaient d'échanger des regards inquiets entre leur fille et le Seigneur des Ténèbres.

— Nous ne t'avons pas vue depuis des mois, reprit Druella, dans un chuchotement précipité. Nous étions terriblement inquiets.

— Bellatrix a élu domicile chez moi ces derniers temps, afin de mieux me servir. N'est-ce pas, Bellatrix ? lança Voldemort d'un ton faussement léger.

— Oui, c'est vrai, répondit-elle rapidement. Le Seigneur des Ténèbres et moi travaillons sur des sujets complexes ensemble.

Lord Voldemort esquissa un sourire satisfait.

— Voyez ? Elle va parfaitement bien, conclut-il en se tournant à nouveau vers ses parents.

Druella ignora ostensiblement le mage noir et se rapprocha de sa fille, saisissant doucement ses mains dans les siennes.

— Bellatrix, tu n'as qu'un mot à dire. Tu peux rester ici. Tu n'es pas obligée de vivre dans la clandestinité auprès d'un homme avec lequel tu n'es pas mariée… si tu n'en as pas envie.

Bellatrix secoua la tête avec assurance. C'était courageux de la part de sa mère d'oser dire une telle chose, mais c'était aussi dangereux et stupide.

— Maman, je vais bien. Le Seigneur des Ténèbres ne m'oblige à rien.

Lord Voldemort s'approcha de Bellatrix et glissa un bras autour de sa taille avec une aisance impertinente, venant caresser de son pouce le galbe de son sein.

— Ne prêtez pas attention aux rumeurs absurdes que certains de mes fidèles, très volubiles, auraient pu laisser courir. Il n'y a absolument rien d'inconvenant entre votre fille et moi, assura-t-il avec un sourire éclatant, bien que sa main, fermement posée sous sa poitrine, suggérât tout autre chose.

La provocation, flagrante et volontaire, n'échappa ni à Cygnus ni à Druella. Le regard de ces derniers s'assombrit immédiatement, mais aucun des deux n'osa répliquer. Après tout, il s'agissait du Seigneur des Ténèbres. Ils pouvaient, dans le secret de leur demeure, s'indigner de voir leur fille et le nom de leur famille ainsi compromis, mais, face à lui, toute opposition était inutile.

Bellatrix, pour sa part, s'étonna de l'attitude de son Maître. Il n'était pas d'ordinaire si vindicatif, si ouvertement provocateur. Mais les insistances de ses parents avaient dû lui déplaire. S'ils avaient lourdement appuyé leur demande de la voir, comme si le Seigneur des Ténèbres leur devait quoi que ce soit, cela avait sans doute éveillé sa fureur.

— Ne vous inquiétez pas pour votre fille ; elle est entre de bonnes mains, ajouta Voldemort d'un ton d'une ironie mordante.

Les parents de Bellatrix inclinèrent la tête en silence. Leur expression, bien qu'apaisée par l'état visiblement correcte de leur fille, trahissait toutefois une rancune contenue face à l'insolence affichée par le mage noir.

XxXxXxX

De retour au Quartier Général, Bellatrix gardait les yeux fermés, étroitement blottie dans les bras de son Maître. Lorsqu'elle sentit l'humidité familière des pierres moites et que leur odeur lui parvint, elle éclata en sanglots.

— Maître, je vous en supplie, ne me laissez pas ici.

Voldemort baissa les yeux vers elle.

— Je ne sais pas encore pour qui tu travailles : les Aurors, Dumbledore, ou quelque autre ennemi caché. Peut-être cherches-tu à protéger un secret ; mais s'il y a une chose que l'on ne peut te reprocher, c'est l'intensité de ta dévotion, quel qu'en soit l'objet.

Bellatrix ouvrit les yeux, levant un regard suppliant vers lui.

— Si vous pensiez encore que je suis le traître, vous m'auriez déjà tuée.

Voldemort haussa un sourcil, le visage toujours impénétrable.

— Tu serais prête à tuer ta propre sœur. Tu refuses les opportunités de libération, même lorsque celles-ci te sont offertes sur un plateau d'argent. Alors, dis-moi : à qui réserves-tu une telle loyauté, Bellatrix ?

— Ma loyauté n'appartient qu'à vous, murmura-t-elle avec une sincérité désespérée. Je n'aurais jamais accepté la proposition de mes parents si cela signifiait de vous abandonner.

Un sourire glacé effleura les lèvres du mage noir.

— Tu ne m'offres rien qui puisse justifier ma confiance, Bellatrix. Je ne vois ta loyauté nulle part. Tout, absolument tout, me porte à croire que tu joues un rôle, peut-être depuis le début.

Bellatrix se hissa sur la pointe des pieds, le désespoir transparaissant dans ses gestes. Elle posa ses mains sur son visage et l'embrassa, avec une intensité mêlée de supplication. Au bout de quelques instants, il répondit à son baiser, presque à contrecœur.

— Peut-on feindre quelque chose d'une telle nature ? murmura-t-elle, ses lèvres à peine détachées des siennes.

— La lubricité ? répondit-il avec un éclat de mépris dans la voix.

L'amour !

— L'histoire regorge d'hommes et de femmes ayant trahi ceux qu'ils prétendaient aimer le plus. Tu n'as qu'à interroger le Baron Sanglant.

— Quoi ?

— Il a tué la femme qu'il chérissait par-dessus tout. Le sang qu'il porte pour l'éternité, c'est le sien. L'amour n'est qu'un refrain parmi d'autres, maintes fois répété dans les contes de fées les plus insipides et les chansons à l'eau de rose. Et voilà que cela résonne ici, entre toi et moi. Je n'ai jamais souhaité ton amour, Bellatrix, seulement ta loyauté. L'amour est une faiblesse ; il est souvent volage et capricieux.

— Pas le mien, rétorqua Bellatrix. Je vous suis loyale pour la vie, mais je suis aussi éperdument amoureuse de vous, et peu importe ce que vous me ferez. Il n'existe aucune limite à ce que je ressens pour vous.

Lord Voldemort éclata de rire, un ricanement amer, levant les yeux au ciel.

— Ton amour m'est parfaitement inutile. Il ne t'empêche pas de me trahir.

— Je vous en supplie, ne me laissez pas ici…

— Et pourquoi ferais-je une chose pareille, Bellatrix ? Penses-tu avoir mérité de rentrer chez toi ?

— Je ne veux pas rentrer chez moi. Mon foyer est là où vous êtes. Laissez-moi rester dans vos appartements. Je n'ai pas ma baguette, je ne pourrais pas m'échapper.

— Encore une fois, Bellatrix, pourquoi devrais-je accéder à ta requête ? Quel bénéfice pourrais-je tirer de voir ton visage de traîtresse errer dans mes appartements ?

— Parce que je pourrais prendre soin de vous, dormir près de vous, vous faire l'amour chaque jour. Vous le désirez autant que moi.

— « Faire l'amour ? » répéta-t-il d'un ton moqueur. C'est ainsi que tu qualifies ce que nous partagions ?

Bellatrix rougit légèrement, le regard baissé, un sentiment de honte la gagnant.

— Appelez cela comme il vous plaira…

— À défaut d'être une guerrière, tu te proposes donc de devenir ma catin, est-ce bien cela ? Tu t'imagines encore avoir quelconque attrait à mes yeux ?

— Maître… Si vous pensez que ces insultes peuvent m'ébranler, c'est que vous ne m'avez pas encore comprise. Il n'est rien au monde que je ne sois pas prête à faire pour que vous posiez vos mains sur moi.

— Excepté me dire la vérité…

Elle baissa la tête, honteuse, mais bientôt se ravisa. L'idée qu'il la laisse seule dans ce lieu sordide la terrifiait. Alors, dans une ultime tentative, elle l'embrassa à nouveau. Contre toute attente, il répondit à son baiser, et ses mains, avec un soupçon d'empressement, glissèrent sur son corps.

Elle ressentit le vertige familier du transplanage, et lorsqu'ils réapparurent, ce fut dans la chambre du mage noir.

— Les catins ne travaillent pas gratuitement, déclara-t-il avec froideur. Considère ceci comme ma rétribution pour tes services. Mais si tu échoues à me satisfaire, tu retourneras dormir au Sanctuaire.

Sans la moindre trace d'arrogance, Bellatrix savait qu'elle le satisferait. Lui-même en était conscient. Entre eux, il n'y avait jamais eu d'autre place que celle du plaisir. Elle le connaissait désormais sur le bout des doigts, sachant exactement ce qui éveillait en lui le désir, ce qui le faisait frémir jusqu'à la folie.

Elle l'embrassa de nouveau, et elle sentit l'excitation monter entre eux, une passion brûlante, presque désespérée. Dans un geste précipité, il défit ses vêtements, la poussant doucement vers le lit. Elle s'empressa de faire glisser sa propre robe au-dessus de sa tête, et bientôt, ils se retrouvèrent tous deux en sous-vêtements. Contrairement à ses paroles précédentes, elle pouvait sentir tout le désir qu'elle continuait de provoquer en lui, une évidence pressée contre son intimité.

Un gémissement lui échappa contre sa bouche. Leurs baisers devenaient désordonnés, frénétiques, tandis qu'il faisait descendre sa culotte le long de ses jambes. Elle l'aida en repliant les genoux, laissant le tissu s'enrouler autour de sa cheville. Il avait les lèvres dans son cou, qui descendaient, brûlantes et affamées, vers ses seins. Il referma sa bouche vorace et chaude sur son sein, ses bras venant s'enrouler sous elle, jusqu'à serpenter sous sa nuque. D'un geste rendu presque maladroit par l'empressement, elle fit glisser son sous-vêtement, dévoilant la dureté de son sexe dressée entre eux, dont elle caressa la longueur de ses doigts agiles. Abandonnant son téton rendu extrêmement sensible par sa bouche, il se plaça de nouveau à sa hauteur et ils échangèrent un regard, essoufflés, tendus par l'anticipation. Sentant leur désespoir à tous les deux, elle plaça sans attendre son sexe contre son entrée et il la pénétra d'un coup.

C'était sa position préférée : en dessous, les bras et les jambes enroulés autour de lui, ventre contre ventre, bouche contre bouche. Leurs baisers étaient incessants, empreints d'une intensité brute, dépourvus de toute affectation. Rien n'était feint. Il ne perdit pas de temps en jeux ou lenteurs calculées ; chaque mouvement était profond, passionné, et désespéré, comme une tentative enragée de se rapprocher davantage l'un de l'autre.

Il gémissait contre ses lèvres. Sans retenue.

Bellatrix sentit naître en elle l'envie habituelle de tout lui dire : qu'il lui avait manqué, qu'elle l'aimait, qu'elle ne l'abandonnerait jamais. Mais elle savait que ces mots seraient vains, déplacés en cet instant. Elle s'abandonna entièrement au plaisir, criant son extase, acceptant avec ferveur l'intensité de ses assauts passionnés. Il saisit ses mains, entrelaçant ses doigts avec les siens, avant de les remonter lentement au-dessus de sa tête.

— Heureuse d'être une putain, Bellatrix ?

— Oui, Maître, répondit-elle, sans même y penser.

Et soudain, comme il l'avait déjà fait auparavant, il viola les barrières de son esprit avec une brutalité sauvage. La vague immense, froide et obscure, pleine de colère, s'abattit sur elle sans la moindre pitié, balayant tout sur son passage. Mais cette fois, l'esprit de Bellatrix était une forteresse inexpugnable. Même intimement liés comme ils l'étaient, elle résista. Cela aurait dû être impossible : résister à son Maître. Pourtant, alors qu'il franchissait ses protections sans même les percevoir, il ne cessait de s'égarer dans ce qu'il trouvait derrière elles : l'immensité de son amour pour lui.

Elle sentit son corps tressaillir alors qu'il jouissait en elle. Il s'effondra contre sa peau moite, haletant, mais son souffle s'éloignait déjà. Il exprima une sorte de grognement empli de frustration, puis il lui dit :

— En bonne putain que tu es, je devrais te laisser te faire prendre par tous mes Mangemorts, un par un.

— Maître…

— Ne m'appelle pas « Maître ». Tu as perdu ce privilège.

Il se détacha d'elle d'un geste brusque, se redressant et se précipitant pout se rhabiller. Ses gestes étaient erratiques, nerveux, presque tremblants.

— À partir d'aujourd'hui, tu n'es plus à mon service.

Il s'empara de sa cape, qu'il enfila d'un geste rapide, avant de saisir la main de Bellatrix et de l'entraîner à vive allure à travers les couloirs, son corps demeurant entièrement nu. Elle était trop bouleversée par l'intrusion brutale dans son esprit, trop hébétée par l'effervescence de sentiments contradictoires qui déferlaient dans son cœur pour prononcer la moindre parole.

Son esprit s'embrumait, incapable de se fixer sur autre chose que l'écoulement de son sperme entre ses cuisses. Une pensée soudaine la frappa comme un éclair : elle n'avait pas pris de potion contraceptive. Froidement, une résolution sombre s'imposa à elle, viscérale. Si elle tombait de nouveau enceinte, elle éventrerait son propre corps pour arracher le fœtus.

Elle serra les mâchoires, submergée par un flot de haine et de regret. Garder l'autre lui avait déjà tout pris.

Lord Voldemort lui échappait. Il n'était plus cette figure glaciale et impassible qu'elle connaissait si bien. Sa colère vibrait dans chaque mouvement, chaque regard. Tous ses stratagèmes avaient échoué, toute la torture physique et psychologique qu'il avait infligée s'était avérée vaine. Son contrôle, habituellement absolu, vacillait.

Lorsqu'ils atteignirent le passage menant au Sanctuaire, il s'arrêta net devant un mur brut, rugueux, dépourvu de la moindre ouverture. D'un geste négligent, il fit disparaître l'opacité du mur. La surface devint transparente, révélant un passage à travers le mur qui menait directement au Sanctuaire. Au-dessus d'eux, le plafond disparut aussi, laissant une voie s'ouvrir jusqu'à la grande salle de réunion du premier étage. Désormais, depuis la salle de réunion, la vue plongeante sur l'intérieur du Sanctuaire donnait tout à voir de ce qui se passait à l'intérieur.

D'une poigne ferme, il fit traverser Bellatrix et l'attacha une fois de plus au mur opposé, là où l'attendait la chaîne qu'elle avait en horreur. Elle grimaça, le cliquetis du cadenas résonnant avec un écho cruel et familier autour de ses poignets et de ses chevilles.

Quand il eut terminé, il plaça une main autour de son cou et lui dit :

— Depuis la salle de réunion, là-haut, je laisserai tous mes hommes te regarder. Ils pourront s'aligner, chacun à leur tour, pour te prendre, où ils veulent, comme ils veulent, et aussi souvent qu'ils le souhaitent. Je prendrai soin de leur dire qu'ils ont carte blanche. Peut-être qu'à la centième queue, tu consentiras enfin à te montrer moins ingrate.

Dire que Bellatrix était choquée serait un euphémisme. La mise en scène était abominable. De là où elle était enchaînée, elle avait une vue directe la salle de réunion en hauteur, tel le balcon au premier étage d'un théâtre, offrant un panorama parfait sur la scène. Les torches fixées au mur, disposées avec soin par Voldemort lui-même, braquaient toute leur lumière sur elle, comme pour sublimer le personnage principal du spectacle grotesque qu'il s'apprêtait à offrir.

Paradoxalement, l'extravagance macabre du spectacle la rassura presque. La théâtralité exagérée de la mise en scène lui révéla un détail crucial : il tentait, une fois de plus, de la terrifier. Cette prise de conscience, bien que fragile, insuffla en elle un peu d'assurance.

Elle tourna les yeux vers lui. Il se tenait tout près, une figure imposante mais nerveuse, son corps vibrant d'une colère intense. Une frustration brutale émanait de lui, celle d'un sorcier au pouvoir incommensurable, exaspéré par son incapacité à déchiffrer une énigme simple.

Cependant, sous cette rage apparente, quelque chose d'autre transparaissait, plus discret, presque imperceptible. Au fond de ses yeux rouge sang, une lueur ténue brillait. C'était l'éclat d'un homme blessé, trahi par celle qu'il avait élevée au-dessus de tous les autres.

— S'il vous plaît… Vous ne voulez pas faire ça.

— Oh, tu veux parier, Bellatrix ? ricana-t-il, le ton venimeux.

— Vous n'aimez pas partager ce qui vous appartient.

— Tu ne m'appartiens déjà plus, rétorqua-t-il froidement. Tu l'as dit toi-même : tu es heureuse d'être une putain.

— Je suis heureuse d'être votre putain, corrigea-t-elle.

Il la fixa un instant, son expression impassible masquant à peine l'intensité de sa colère.

— Trêve de bavardages, murmura-t-il. Qui voudrais-tu que j'appelle en premier ? Greyback ? Ton cher mari prétend qu'il est mieux doté qu'un centaure. Cela te plairait, Bellatrix ? Être prise par un loup-garou sauvage et hirsute ?

— Vous savez bien que non, Maître, répondit-elle d'une voix faible.

La gifle partit avant même qu'elle ne réalise ce qui arrivait. Le choc résonna dans la pièce. La violence du coup lui coupa le souffle, mais ce fut surtout la surprise qui la pétrifia. Il n'avait jamais levé la main sur elle auparavant.

— Ne m'appelle pas « Maître », gronda-t-il. Tu as perdu ce droit, je te le rappelle.

Bellatrix redressa lentement la tête, la brûlure de la gifle irradiant sa joue. Elle croisa son regard et y vit ce dont elle se doutait : il avait pris plaisir à lui faire mal.

— Pourquoi me frappez-vous, Maître ? demanda-t-elle, un air de défi dans la voix.

Une seconde gifle, plus brutale encore, la fit chanceler. Cette fois, la douleur fut si vive qu'elle perdit presque connaissance. Pourtant, elle esquissa un sourire alors qu'elle goûtait au sang perlant au coin de ses lèvres.

— Préfères-tu quelqu'un d'autre ? Lucius Malefoy, peut-être ? continua-t-il, acerbe. Nous pourrions installer ta sœur confortablement à l'étage, qu'en dis-tu ?

— Certainement pas, il n'y a que vous que je veux, répondit-elle sans détour, son regard brillant d'un désir sincère.

— C'est faux, cracha-t-il. Tu aimes copuler avec ton mari, n'est-ce pas ? C'est pour cela que tu t'es fait détruire les ovaires à l'époque. Tu ne pouvais pas attendre davantage avant de te laisser prendre par ce bon Rodolphus.

Les mots lui coupèrent le souffle. Elle resta interdite, incapable de répondre immédiatement. Jamais elle n'avait envisagé les choses sous cet angle. À l'époque, elle n'avait même pas osé espérer un jour retrouver l'intimité de son Maître. Elle avait cédé à Rodolphus par lassitude, par résignation.

Mais quelque chose d'insolent, presque audacieux, s'éveilla en elle.

— Vous ne pouvez vous en prendre qu'à vous-même, déclara-t-elle d'une voix dure. Si vous aviez fait annuler ce mariage, au lieu d'attendre que cet incapable de Reginaldus s'en charge, j'aurais été vôtre. Seulement vôtre.

Il la toisa, son regard se durcissant encore.

— Bon, choisis, Bellatrix, sinon je fais venir Greyback, lança-t-il avec une nonchalance trompeuse.

— Vous, Maître.

La troisième gifle fut encore plus brutale. Cette fois, elle n'avait vraiment pas voulu l'appeler ainsi ; c'était un réflexe, profondément ancré.

— Ethan Rosier, alors ? proposa-t-il, un sourire cruel sur les lèvres. J'ai souvent vu dans ses pensées ce qu'il aimerait te faire. Cela te tenterait-il, Bellatrix ?

Elle secoua la tête d'un air farouche.

— C'est lui, le traître.

Voldemort fronça les sourcils, une expression d'agacement sur le visage.

— Tu as avoué me cacher quelque chose, rappela-t-il. Et tu voudrais me faire croire que cela n'a aucun rapport avec les Aurors ?

— Si Rosier n'a rien entendu de mon arrestation, c'est parce que… parce que je n'ai pas été arrêtée.

— Alors pourquoi m'avoir menti ? gronda-t-il, la voix basse et dangereuse. Comment pouvais-tu croire, ne serait-ce qu'un instant, que ce mensonge fonctionnerait ?

Cette fois, il n'y avait plus la moindre trace de jeu dans sa voix.

Un silence pesant s'installa entre eux. Ils se scrutèrent longuement, comme deux adversaires sur le point de se jeter l'un sur l'autre.

— RÉPONDS-MOI ! hurla-t-il.

Bellatrix sursauta. Des larmes épaisses s'échappèrent de ses yeux.

Il y eut un autre silence. Long, terrible.

Elle entendit un soupir.

— Greyback, alors ? fit-il finalement, brisant le silence d'un ton tranchant.

D'un geste sec, il se saisit de son bras, ses doigts glacés se refermant sur elle avec une force qui la fit frémir. Il appuya sur la Marque des Ténèbres, son regard cruel brillant d'un éclat sadique.

Pour la première fois, Bellatrix sentit une peur viscérale l'envahir. Cette fois, il semblait réellement prêt à mettre ses menaces à exécution.

— Mon Seigneur… balbutia-t-elle, terrifiée. Je… je ne peux rien vous dire, mais je vous suis fidèle.

Un « pop » retentit dans la pièce, et Bellatrix ferma les yeux avec appréhension. Le cœur battant à tout rompre, elle n'osait affronter ce qui allait suivre.

— Je l'assigne à résidence, déclara-t-il d'une voix glaciale, détachée, comme s'il énonçait une simple formalité administrative. Sous ta surveillance, ajouta-t-il en se tournant vers la personne qui venait d'apparaître. Sa baguette restera en ma possession. Si elle tente de s'enfuir, je t'autorise à l'exécuter. Elle, et toute sa famille. Ses parents, sa sœur… même celle qui a eu l'audace d'épouser un sang-de-bourbe.

Bellatrix ouvrit les yeux, son souffle court, tandis que son esprit luttait pour assimiler l'horreur de ses paroles.

— Tu as bien compris, Rodolphus ? demanda Voldemort, son ton autoritaire ne laissant aucune place à l'ambiguïté.

— Oui, Maître, répondit Rodolphus, inclinant la tête avec obéissance.

Le Seigneur des Ténèbres se tourna à nouveau vers Bellatrix. Il était redevenu froid et inaccessible.

— Nous ne nous reverrons plus, Bellatrix, déclara-t-il.

— Non, attendez, Maître… supplia-t-elle, sa voix brisée par les sanglots.

Endoloris !

La douleur explosa en elle, une vague dévastatrice qui submergea son corps et son esprit. Chaque fibre de son être hurlait, et elle se joignit à ce cri dans une plainte déchirante qui résonna dans toute la pièce.

— Mon… Mon Seigneur… parvint-elle à articuler entre deux spasmes, la voix tremblante.

Elle tenta, désespérée, de rassembler ses forces pour l'arrêter, pour le convaincre. Il s'approcha d'elle, ses lèvres se posant près de son oreille pour murmurer, d'un ton si bas que même Rodolphus ne pouvait entendre :

— Garde tes secrets, sale ingrate. Tu me fais regretter chaque décision que j'ai prise te concernant.

Sa tête heurta violemment le mur derrière elle, lui arrachant un gémissement étouffé. La pièce sembla tourner autour d'elle, le choc la laissant vacillante.

— Détache-la, et enferme-la au manoir Lestrange, ordonna-t-il froidement à Rodolphus, sans même lui accorder un regard.

Puis, sans un mot de plus, il quitta la pièce, laissant derrière lui des sanglots étouffés, un homme quelque peu interloqué et un cœur brisé.


À suivre.

Merci de laisser un commentaire si ce chapitre vous a plu. J'espère qu'il ne vous a pas rendu trop triste !

Merci de me lire,

SamaraXX