Chapitre 3

Les humains n'attendirent guère longtemps avant de se faire servir. Ils commencèrent par un gaspacho de melon mentholé. Eir remarqua que les serveurs étaient tous des vampires. Peut-être que les Volturi les avaient embauchés pour ce service afin d'éviter de révéler leur existence aux autres mortels. Ce qui était plausible. Les employés mirent des assiettes creuses où du sang avait été versé devant les Immortels. Tout en respectant les régimes alimentaires de chacun. Si elle ignorait leur nature, elle aurait pensé que c'était juste un gaspacho de tomates. Mais il fallait être ignorant ou avoir le nez bouché pour ne pas sentir l'odeur métallique typique du sang.

"_ Bon appétit, souhaita Eir, joyeusement."

Dans un premier temps, le repas se fit silencieux. Jusqu'à ce que l'Avalonienne décida de prendre la parole. Il fallait bien que quelqu'un le fasse.

"_ Comment vous êtes-vous rencontrés?"

L'humaine regarda tour à tour les rois, qui échangèrent un regard entendu et complice.

"_ Caïus a été transformé en premier, puis Marcus et quelques années plus tard, ce fut à mon tour, expliqua Aro, doucement. La première fois que nous nous sommes rencontrés, c'était à Athènes lorsque les Spartiates assiégeaient la cité. Tous les trois, nous avions élaborés un plan afin de libérer Athènes mais notre Créateur a refusé qu'on intervienne.

_ Votre... Créateur? Répéta Eir. Gidéon?"

Aro arqua un sourcil, interrogateur. Il était étonné qu'Eir connaisse ce nom. Très peu de vampires savaient l'existence du Créateur des Volturi. Il ne fut pas le seul à dévisager l'humaine comme si elle avait une deuxième tête qui avait surgit de nul part. Elle s'humecta les lèvres et crut bon de donner des explications, ce qu'Aro apprécia. Le frère de Didyme savait qu'Eir n'aimait pas mentir aux personnes en qui elle avait confiance.

"_ Ne vous ai-je pas dit que lorsque je dormais, j'arrivais à voir les souvenirs de mes aïeuls?"

Tous acquiescèrent de la tête sans exception. Aro se souvenait de la fois où Eir avait parlé de Creirwy à Caïus. Le blond l'avait prise pour une folle mais l'avait cru par la suite.

"_ Eh bien... Le premier que j'ai eu, cela concernait Creirwy et vous, Père. Quand elle est partie et que vous, vous vous acharnez à vous entraîner pour votre combat contre les Spartiates, j'ai pu voir une partie de vos souvenirs jusqu'à votre transformation.

_ Vous avez vu la rencontre entre Caïus et Gidéon? S'étonna Aro. Vous vous souvenez de ses paroles?"

Aro vit la stupéfaction s'afficher sur son visage. Une ombre passa devant les yeux de la mortelle et elle fit lentement en regardant Caïus:

"_ Il vous poussait à retrouver Creirwy pour que vous puissiez vous venger."

Le frère de Didyme était perplexe. Il fallait qu'il trouve des réponses. Il pourrait ordonner à Démétri de retrouver Gidéon afin de pouvoir lire dans ses pensées. Mais c'était risqué... Ou alors, il devait revenir sur ses paroles, accepter de se marier avec une de ses "filles" pour l'amadouer. Le Volturi jeta un coup d'œil à Eir. Il ne voulait pas la trahir mais il savait qu'elle comprendrait la situation. Pour cela, il fallait qu'il lui explique brièvement les choses mais il n'appréciait pas le fait qu'il devait mentir à son âme-sœur. Il soupira comme s'il avait un poids sur les épaules. Il était partagé entre tout lui dire ou lui cacher la vérité.

Que devait-il faire? Il ne voulait pas qu'elle se mette en danger inutilement. En plus, elle ne pourrait s'échapper de ses ennemis en fauteuil roulant. Mais il ne voulait pas non plus la vampiriser trop tôt. Il voulait vraiment avoir un enfant d'elle, si jamais, elle était prête pour en avoir. Il sentit le regard de Carlisle sur lui. Le vampire végétarien semblait comprendre à quoi pensait le Volturi. Il secoua négativement de la tête comme pour répondre à sa question silencieuse.

"_ Avez-vous des nouvelles de Jillian et Dian? S'enquit Eir, innocemment. Mes conseillers ne m'ont rien dit parce qu'ils pensent que je suis encore trop faible pour entendre la vérité. Je vous interdis de me mentir, je le saurais d'une façon ou d'une autre."

Caïus gigota légèrement sur sa chaise mais cela ne passa pas inaperçu aux yeux de l'humaine. Elle fronça les sourcils et se souvient d'un moment qu'ils avaient passés tous les deux sur le quai de Landerneau. Elle lui avait dit qu'elle préférait savoir la vérité que de mentir pour la protéger.

"_ Effectivement, nous avons eu quelques signes de vie de votre oncle et de votre demi-sœur mais aucunes tentatives d'assassinats sur votre entourage, ni sur les vampires ayant participés à la guerre, ni sur les autres Avaloniens, déclara Marcus, d'une voix formelle. Nous supposons, avec vos Conseillers, qu'ils se cachent et réapparaîtront lorsqu'ils sauront que vous n'êtes plus dans le coma.

_ Ce n'est plus qu'une question de temps, murmura Eir. Je me trompe?"

Les yeux verdoyants de l'humaine glissèrent vers ceux cramoisies de son âme-sœur. Aro fit un léger signe de la tête comme pour confirmer les craintes silencieuses de l'Avalonienne.

"_ Et Camall, Bhàtair et Kay?

_ De ce côté là... Nous n'avons rien de nouveau.

_ D'accord. Donc eux aussi, on peut supposer qu'ils vont réapparaître bientôt..., conclut Eir, pensive. Je serais curieuse de savoir si on abritait encore des traîtres..."

Sorah releva la tête et dévisagea son amie. Puis elle jeta un coup d'oeil à Katell, Celiburn et Bran.

"_ Les Conseillers en ont trouvé. Ils se sont déjà occupés d'eux, répondit Katell rapidement.

_ Vous les avez interrogé sur les raisons de leur traîtrise?

_ Oui. Certains étaient contre l'alliance avec les Volturi. Heureusement pour nous... Ce n'était qu'une minorité.

_ Une minorité? Répéta Eir. Je vois. Ils n'acceptaient pas que nous pardonnions aussi facilement aux Volturi?

_ Exact, admit Celiburn en acquiesçant doucement de la tête.

_ Et quand comptiez-vous m'en parler? Après que je sois réveillée? Ou après ma rééducation? Après que vous vous êtes assurés que je n'étais plus faible?

_ On voulait t'en parler mais..., intervient Bran.

_ Les Conseillers vous ont interdit de me parler de ça."

Il y eut un silence de mort. Glacial. Personne n'osait prendre la parole de peur qu'il s'attire les foudres d'Eir.

"_ Celiburn... Je pensais qu'en tant que Conseiller personnel de la Maîtresse d'Avalon, tu serais venu me voir pour me prévenir. Après tout, on parle de ma sécurité, non? J'ai le droit de savoir, n'est-ce pas? Vous me dites tout ce que vous savez maintenant, autrement je serais contrainte de me passer de vos services. Me suis-je bien fait comprendre? Déclara Eir, sévèrement."

Des frissons parcoururent tout le long du dos du Volturi. Il avait complètement oublié qu'elle pouvait être si autoritaire. Mais cela lui allait bien. Pour être respecter il fallait montrer ses dents. Faire un rappel à l'ordre pour montrer qui était le chef, le dominant. Eir avait le front plissé, soucieuse. Elle passa une de ses mains dans les cheveux. Elle envoya, involontairement, une vague de parfum à Aro, qui se pinça automatiquement, les lèvres. Sa bête noire avait décidé de refaire surface. Il tournait en rond comme un lion en cage. Et une idée, une pensée l'obsédait au point de rendre Aro fou. Ses yeux se dilatèrent, changèrent de couleur. Il contempla Eir. Ses iris exprimaient clairement son désir. L'humaine ne parut pas le remarquer. Et le vampire décida de passer aux choses sérieuses. Il leva une de ses jambes pour caresser celle de la mortelle. Eir eut un sursaut. Les traits de son visage s'adoucirent lentement. Ses émeraudes glissèrent jusqu'à Aro. Il lui sourit tendrement et elle crut comprendre son message silencieux. Elle rougit sans le vouloir mais tenta de faire diversion.

"_ Quelque chose s'est passé pendant mon absence? Reprit-elle plus sérieusement."

Aro comprit qu'Eir avait pardonné à ses amis. Après tout, ils étaient la seule famille qui lui restait. Elle était dépendante d'eux à présent. Si elle venait à les perdre, elle se perdrait aussi. Son âme en serait brisée.

"_ Le traité s'est transformé en alliance entre les différentes communautés, indiqua Marcus. Nous allons organiser une réception dans peu de temps. Les invitations ont quitté Volterra et nous avons déjà reçu certaines réponses positives."

L'époux de Didyme lança un regard à Alice qui souriait comme à son habitude.

"_ Eh bien... On peut dire que je me suis réveillée juste à temps, plaisanta la mortelle."

Aro posa sa main sur celle de l'humaine. Comme il aimait écouter le son mélodieux de son coeur. Cela le rendait tellement heureux.

Le deuxième plat vint aux humains. Des tagliatelles au foie gras parfumé à la truffe.

"_ Je sens que je vais devoir faire du shopping, fit remarquer Eir en commençant à picorer son plat.

_ Athénodora s'en ait déjà chargé, déclara mielleusement Aro."

Il souleva la main d'Eir, la porta à sa bouche pour l'embrasser et se pétrifia. Quelques secondes flottèrent avant que leurs regards se croisèrent. La mortelle semblait s'amuser par le geste qu'il faisait. Elle attendait qu'il le termine mais il reposa la main sur la table. La Maîtresse d'Avalon fut légèrement déçue. Son soupir ne passa guère inaperçu aux yeux du vampire.

"_ J'aimerais bien choisir ma robe à ma convenance, dit Eir. Et puisque pour l'instant, nous devons rester à Florence en attendant les papiers d'achat de la maison, je pense que nous aurons du temps d'en faire, non?

_ Exact, admit Alice de sa voix enjouée. La pluie va rester pendant deux à trois jours. Je pourrais t'accompagner."

Eir lui offrit un de ses plus beaux sourires. Cela faisait longtemps qu'elles n'avaient pas fait de sortir ensemble. L'humaine sentit le regard de Carlisle sur elle. Elle savait déjà à quoi il pensait.

"_ Si cela peut te faire plaisir, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel. Mais évite de vouloir me faire essayer de la lingerie fine. La dernière fois, j'ai cru que tu allais déchirer tous ce qui était sur moi.

_ En même temps, cacher votre sublime corps dans ces tissus ne fait qu'accentuer notre désir pour vous, ma douce."

Aro lui toucha la jambe de son pied. Si Eir l'aurait voulu, elle lui aurait déjà rendu sa caresse. Elle était déjà bien assez frustrée de ne pas utiliser pleinement de son corps lorsque Carlisle se couchait auprès d'elle.

"_ J'aimerais tant remarcher, souhaita Eir dans un soupir. J'ai l'impression d'être inutile.

_ Ne recommence pas, intervient Carlisle. Nous en avons déjà parlé."

Marcus posa une main réconfortante sur celui du docteur.

"_ Il vaut mieux qu'elle nous en parle que de garder tout ça au fond d'elle. Ce n'est pas bon pour ta femme, dit-il à voix basse, seuls les Immortels pouvaient l'entendre.

_ Je sais mais je ne supporte pas quand elle se dévalorise. Elle ignore combien elle me fait du mal lorsqu'elle me dit ça."

Le beau-frère d'Aro eut un sourire, compatissant.

Le dessert arriva enfin. C'était de petits gâteaux de toutes sortes. Opéra, Forêt Noire, tarte au citron meringuée, éclair au chocolat... Tout ce qui faisait saliver les humains les plus gourmands. Eir entama son assiette avec envie. Aro ne put s'empêcher de l'observer avec une certaine tendresse. Comme il avait hâte de l'avoir toute seule dans la chambre. Il voulait lui parler de tout et de rien. Mais il se doutait bien qu'elle ne pourrait pas tenir toute la nuit. Il ne s'inquiétait pas pour cela. Carlisle lui tiendrait compagnie.

"_ As-tu déjà une idée pour la robe? Demanda Katell.

_ Evasée et longue pour cacher mes jambes. Elles ne sont... Plus assez belles...

_ Arrête, Eir. Tu es magnifique quoi qu'il arrive, rassura Carlisle en l'embrassant sur le front."

_ Je ne t'écoute pas parce que ton avis est erroné. Tu es complètement amoureux de moi, que je sois grosse, maigre, aveugle, sourde ou muette, je suis toujours belle, fit Eir en lui souriant. Cela dit... Ça me flatte beaucoup.

_ J'aime te flatter, admit le médecin en donnant un autre baiser mais sur la main cette fois-ci."

Une sonnerie retentit dans la pièce. Eir jeta un coup d'œil à Carlisle.

"_ Laisse, on a bientôt fini le repas. Je rappellerais après, dit Eir."

La musique se tut aussitôt. Aro perçut alors une odeur d'angoisse chez l'humaine. Un pli d'anxiété ornait son magnifique front. Comme il n'aimait pas qu'elle soit en proie au stress... Il préférait lorsqu'elle plaisantait, souriait...

"_ Pourquoi ai-je l'étrange impression que l'on va me dire de revenir à Landerneau? Soupira-t-elle en posant sa tête sur sa main, lasse."

Et quelques secondes plus tard, tous les portables des Avaloniens sonnèrent, inlassablement.

"_ Ok... On ne peut pas être plus clair..., dit Bran.

_ C'est Robin, indiqua Eir en décrochant. Bonsoir! On est bien arrivé à Florence."

Elle mit le téléphone sur haut-parleur et le posa sur la table.

"_ Véléda a eu une vision, déclara Robin.

_ Qu'a-t-elle vu? S'enquit Caïus.

_ Apparemment, l'Alliance va être mise à rude épreuve. Elle n'a encore rien vu par rapport aux personnes préparant cette dissolution mais il faut que vous soyez prudent.

_ Nous le serons, Robin, fit Aro en faisant un signe de la tête. Merci de nous en avoir fait part."

Tous les regards se dirigèrent vers Alice afin de savoir si elle pouvoir avoir plus d'indices.

"_ Pour l'instant, je n'ai rien. J'essaye de me concentrer sur Jillian et Dian mais je n'ai rien de ce côté-là.

_ Et du côté de Kay et compagnie? Supposa l'Avalonienne."

Le front de la voyante se plissa puis elle soupira de frustration. Elle secoua négativement de la tête.

"_ Serait-ce une personne que nous ne connaissons pas encore? Déduisit Eir en reposant sa tête dans sa paume de main.

_ Non, je pense que je ne l'ai pas encore rencontré, expliqua Alice. Du coup, il est conscient qu'il peut agir sous mes yeux sans aucun problème.

_ Comme Victoria l'avait fait auparavant..., fit remarquer Aro, anxieux.

_ Autre chose, Robin?

_ Non. Sois prudente Eir.

_ N'aie crainte, Robin. Je n'agirais pas sous le coup de l'impulsion. Embrasse Erwan de ma part."

Sur ce, Eir raccrocha. Aro réfléchissait à un moyen de démasquer ce danger qui approchait lentement d'eux. Il jeta un coup d'œil à Eir et vit son inquiétude qui brillait dans ses yeux.

"_ Ces personnes vont essayer de s'en prendre à chacune de nos communautés pour que nous nous retournons contre leur cible. Ils veulent que nous nous retournions tous les uns contre les autres, déclara automatiquement Aro. Bientôt ils agiront contre nous et nous devons être prêt à agir afin que nous ne tombions pas dans une guerre pouvant nous être fatale.

_ Est-il judicieux de faire cette réception? Demanda Celiburn en regardant tour à tour les trois rois. Si c'est le cas, je préférerais ramener Eir à notre manoir. Elle sera bien protégée."

Aro inclina de la tête bien qu'il ne souhaitait pas savoir Eir loin de lui. Mais il comprenait que Celiburn et sa communauté ait envie de protéger coûte que coûte la Maîtresse d'Avalon.

"_ Nous devrions prévenir les Quileutes et les lycanthropes de ce danger. Et nous devons faire une réunion pour établir un plan d'attaque.

_ Je pense que si nous annulons la réception, nos ennemis pourraient se douter de quelque chose, fit lentement Aro. C'est bien trop risqué. Heidi?"

La belle vampire vint près du Maître des Volturi.

"_ Oui, Maître?

_ Appelez toutes les personnes importantes de notre communauté. Ensuite vous contacterez les lycanthropes. Carlisle, peux-tu prévenir les Quileutes de ton côté?

_ Bien sûr, acquiesça le médecin."

Les vampires domestiques débarrassèrent la table. Aro trouvait que les Avaloniens ne discutaient pas beaucoup. Ou du moins, il n'y avait peut-être pas de matière à parler. Le Volturi détourna ses yeux pour contempler la Maîtresse d'Avalon. Maintenant qu'elle était là, à ses côtés, il se sentait entier et apaisé. Il n'avait plus besoin de la toucher pour se sentir bien. Le simple fait qu'elle soit là, dans la même pièce que lui, lui était suffisant. Carlisle se leva après avoir donné un chaste baiser sur le front de sa promise. Eir lui souriait tendrement. Aro pouvait sentir que l'humaine était heureuse de se retrouver entourée par sa famille.

Soudain, Katell bondit sur ses jambes et se dirigea vers les toilettes en trombe. Eir haussa un sourcil, interrogateur. Aro supposa qu'elle n'était pas au courant de la nouvelle. Peut-être qu'ils ne voulaient lui faire plus de mal, déjà qu'elle venait d'apprendre qu'elle avait perdu son bébé. Mais Aro trouvait que c'était une mauvaise idée de la faire attendre. Elle pourrait très mal le prendre.

"_ Nous devrions créer une police regroupant les membres de nos quatre communautés, ainsi personne ne sera mis de côté, proposa Eir. Et cela évitera des tensions inutiles.

_ C'est une bonne idée, admit Marcus. Cela mettrait tout le monde en confiance."

Caïus acquiesça l'idée de sa descendante. Katell revint avec le visage pâle. Bran se leva et vint vers elle. Aro entendit leur conversation à voix basse mais ne prit pas la parole.

"_ Aro, pouvez-vous dire à mes amis où se trouvent leur chambre? Reprit Eir tout en ne lâchant pas Katell et Bran des yeux. Ils ont l'air fatigué par le voyage."

L'Immortel se doutait que l'humaine savait qu'on lui cachait quelque chose. Eir saisit les roues de son fauteuil, et recula en quelques coups. Puis elle roula jusque dans la salle qui lui servait de salon. Elle se mit dans une grande fenêtre qui donnait sur les jardins botanique. Elle sentit un vent frais derrière elle. Elle ne se retourna pas, elle voulait rester seule pendant quelques minutes. L'humaine devina que c'était un Immortel et comme Carlisle n'était toujours pas revenu de son coup de téléphone, elle supposa que c'était sans doute Aro. Ou Sorah. Ou Didyme. Ou encore Caïus. Il y avait tellement de choix, de possibilités...

"_ Comment va la jeune belle au bois dormant? Fit une voix grave et moqueuse.

_ Comment va mon géant préféré? Répondit-elle au tact au tact."

Eir se tourna vers Félix en souriant. Comme quoi elle s'était trompée.

"_ Pour être honnête, je suis... Un peu paumée. J'ai l'impression d'avoir raté pleins de trucs.

_ Ne t'en fais pas pour ça, tu te rattraperas bien un jour."

La mortelle ne fut pas très convaincue par les mots au garde.

"_ Si tu le dis..., murmura-t-elle en haussant les épaules.

_ En tout cas, cela me fait plaisir de te revoir. Les Maîtres étaient tous très inquiets."

Les yeux d'Eir se firent très lointains. Comme si l'humaine voulait prendre de la distance avec le monde réel. Ses iris exprimaient une profonde mélancolie.

"_ Je m'en doute, soupira-t-elle. J'avais pourtant dit qu'ils devaient continuer de vivre même si je n'y étais plus.

_ C'est plus facile à dire qu'à faire. Maître Aro est votre âme-soeur. C'était difficile pour lui de passer à autre chose. Surtout qu'il venait à peine de vous trouver."

Eir baissa les yeux sur ses genoux. Elle avait l'air de s'en vouloir. Le vampire sentit une forte odeur de culpabilité.

"_ Je n'ai jamais voulu m'absenter autant d'années.

_ Je sais... Mais le principal... C'est que tu sois là, maintenant."

L'humaine soupira une nouvelle fois. Elle n'avait pas l'air de voir qu'elle apportait le bonheur à toutes personnes l'entourant.

"_ Et... Puis même si je ne m'étais pas tellement attachée à cet enfant... Je ne pense pas que je suis prête à recommencer. J'aurais trop peur d'en perdre un autre.

_ Vous avez encore du temps, toi et Carlisle. Il ne faut pas que vous vous pressiez. Vous avez encore tout votre temps.

_ J'ai trente-trois ans, Félix. Dans quelques années, je ne pourrais plus procréer. Tu ne sais pas ce que ça peut faire, tu n'es pas à ma place. Si je n'ai pas d'enfant et que je meurs de vieillesse, blessée ou assassinée, toute ma communauté mourra, s'exclama-t-elle, les larmes aux yeux.

_ Tu fais toujours vingt-trois ans, rassura Félix. Et évite de parler de ta mort, tu fais stresser mes Maîtres."

Sur ces mots, l'Immortel s'en alla. Eir voulut répliquer, se tournant vers son interlocuteur pour qu'il entende bien ce qu'elle comptait lui dire mais tomba nez à nez avec Aro. Son visage était inexpressif. Il marcha à vitesse vampirique jusqu'à la mortelle. Il prit une chaise et s'installa à côté d'elle. Ses yeux rougeâtres observaient dehors.

"_ Qu'est-ce qui vous tracasse réellement, ma douce?"

Eir ne répondit pas tout de suite.

"_ Tout. J'aurais aimé ne pas être Avalonienne. Je ne vous aurais jamais rencontré. Vous et Carlisle. Je n'aurais jamais rien su sur les vampires et autres créatures surnaturelles. J'aurais pu fonder une famille et continuer mes études pour faire le métier de mes rêves. Et au final... Qu'est-ce qui me reste? Plus rien... Je n'ai plus un semblant de vie normale."

Ce fut au tour d'Aro de soupirer. Il fut tout de même blesser par les paroles d'Eir. Comment pouvait-elle dire cela avec autant de facilité? Avec autant de détachement? Savait-elle que ses paroles lui faisaient mal?

"_ J'ai déjà réfléchis à une solution pour vos études. Vous pourriez les reprendre ici. Personne ne vous connait et se doutera de votre longue absence parmi les humains. Qu'en pensez-vous?"

La mortelle considéra pendant quelques minutes les paroles de l'Immortel. Mais au final, elle haussa les épaules dans l'indifférence la plus totale. Aro trouvait qu'elle avait changé. Elle n'était plus aussi souriante, plus aussi spontanée qu'avant. Il se doutait que c'était à cause de sa nouvelle condition et il fallait qu'elle s'y habitue jusqu'à ce qu'elle puisse à nouveau marcher. Il devait l'encourager et la réconforter.

"_ Pour ce qui est de fonder une famille, reprit le Maître des Volturi, plus lentement. Je dois avouer que lorsque j'ai appris que vous étiez mon âme-sœur... Je voulais vous garder pour moi seul. Je ne voulais pas avoir d'enfants car pour moi, ce n'était qu'une chose futile et inutile. Je voulais vous chérir avant de pouvoir vous offrir la famille dont vous rêviez. Et aujourd'hui... Je ne pense qu'à cela. Je veux avoir un enfant. Je veux le voir grandir, prononcer ses premiers mots, faire ses premiers pas. Rencontrer ses premiers amours... Je veux être là pour regarder cela avec vous. Auprès de vous."

Eir ne le quittait plus des yeux. Une lueur brillait dans ses iris verdoyantes. Il sentait qu'il avait attiré sa curiosité. Il entendait parfaitement son cœur palpiter. Il battait pour lui et pour Carlisle. Et il en était heureux.

"_ Carlisle m'a dit que vous pouvez toujours procréer. C'est un bon point, je pense.

_ Oui... Je suis au courant cependant il a encore quelques doutes. Il a peur que mon utérus ait été fragilisée lors de ma grossesse. Et que si je suis encore enceinte, que le processus ne se passe pas comme prévu."

Aro réfléchissait rapidement à une solution. Il voulait la rendre heureuse. Peu à peu, une idée se forma dans son esprit. Mais il n'était pas certain que cela plaise à Eir. Il devait tout de même essayer.

"_ Nous pourrions faire une sorte d'assimilation in vitro mais au lieu que l'embryon se développe dans votre utérus, il serait confiné dans une cuve imitant le ventre d'une femme enceinte.

_ Je ne sais pas si cela va marcher..."

Aro saisit brusquement les mains de la mortelle et les porta à son visage.

"_ C'est le seul moyen pour que Carlisle, vous et moi puissions fonder notre famille."

Sur ses paroles, il baisa amoureusement les doigts d'Eir, qui n'avait toujours pas répondu.

"_ J'ai envie de vous rendre heureuse. Laissez-moi le faire, ma douce."

Son ton clôturait la conversation. Eir hocha la tête, affirmative, ce qui parut plaire à Aro. L'Immortel se jeta sur les lèvres chaudes de l'humaine. Il l'embrassait langoureusement. Il sentit un sourire se dessiner sur les lèvres d'Eir. S'il pouvait lui redonner le sourire... Il interrompit leur baiser. Une lueur malicieuse habitait les iris de l'Avalonienne.

"_ Vous avez perdu, dit-elle. Mais faisons comme si rien ne s'était passé."

Aro eut un plus large sourire. Comme il voulait la dévorer de baisers. Il n'en pouvait plus d'attendre. C'était insoutenable. Mais il devait prendre son mal en patience.

"_ Et si vous me montrez vos progrès?"

La concernée se pinçait les lèvres, légèrement soucieuse. Puis elle acquiesça lentement de la tête. Elle mit les freins sur les roues de son fauteuil. Elle enleva les reposes-pieds sur les côtés et posa ses pieds sur le sol, un peu brutalement. Aro sentit une vague d'anxiété.

"_ Je ne suis pas là pour vous juger, ma douce. Tout progrès sera récompensé."

L'humaine continuait à se mordre la lèvre inférieure, montrant clairement son stress. Doucement, Aro vit ses pieds se soulever de quelques centimètres mais il voyait bien toute la force et la détermination qu'Eir mettait dans ses gestes. Un sourire heureux s'installa sur ses lèvres tout en s'exclamant:

"_ C'est merveilleux!"

Eir arqua un sourcil. Elle était soudainement méfiante. Pour elle, ce n'était pas merveilleux. Elle ne progressait plus. Elle stagnait comme l'eau de pluie dans une flaque. Et c'était un véritable calvaire! Un cauchemar qui n'en finissait plus!

"_ Si vous arrivez à bouger vos jambes, vous arriverez à remarcher. Il faut juste être patiente.

_ Je sais. Carlisle n'arrête pas de me le dire."

Sa voix était un peu trop sèche. Aro se leva, tendit ses mains vers la mortelle et fit:

"_ Venez. J'ai remarqué que vous tenez bien sur vos jambes.

_ Très difficilement, ajouta Eir.

_ Allons faites cela pour moi. Pour nous, encouragea le Volturi. Et vous verrez, vous en serez fière."

Elle se leva aussi, hésitante. Elle saisit les mains de son âme-sœur. Et comme à chaque fois que leur peau se rencontrait, une décharge électrique se propageait dans tout leur corps. La mortelle ne put esquisser le moindre mouvement des jambes. Son visage affichait clairement sa concentration. Elle était bien déterminée à faire bouger ses fichues jambes. Son pied s'écarta du sol très lentement. Elle se pinça les lèvres. Un pli se forma sur son front. Et son pied se posa à quelques centimètres de là où il était auparavant.

"_ Très bien! Encouragea Aro. Il faut continuer ainsi."

Eir continua à "marcher" pendant quelques minutes mais fut rapidement essoufflée. Aro remarqua aussi qu'elle n'était plus aussi à l'aise avec son équilibre. Il se dit que c'était peut-être suffisant pour aujourd'hui.

"_ Nous allons nous arrêter là pour ce soir."

L'humaine ne broncha pas. L'Immortel l'aida à retourner dans son fauteuil.

"_ Je vais vous conduire à votre chambre. Vous devez être fatiguée de votre voyage.

_ Oh... Oui, soupira-t-elle en fermant les yeux. Je me bats pour les garder ouverts."

Aro éclata de rire et sentit que son humaine s'était détendue. Il ouvrit une autre porte et la fit entrer dans une pièce assez grande. Il y avait un lit king size. Le vampire perçut l'excitation dans l'odeur de la mortelle. Il eut un sourire satisfait. Il appréciait le délicieux parfum qui se dégageait du corps de son âme-sœur. Les bagages se trouvaient au pied du lit. Eir en attrapa une et la posa sur le lit. Elle l'ouvrit et chercha une de ses nombreuses nuisettes. Trouvant enfin l'objet de ses désirs, elle tourna son regard vers l'Immortel. Aro passa la pointe de sa langue sur ses lèvres, pensant déjà à la vision d'une Eir se déshabillant devant lui. Elle crut suivre le fils de ses pensées. Ses joues prirent une jolie teinte rosée. Le Volturi mit sa main sur l'épaule de la femme et fit:

"_ Je peux sortir vous le souhaitez."

Mais Eir lui prit sa main et répondit doucement:

"_ Je ne veux pas que vous me quittiez. J'aurais... Besoin de votre aide."

Elle se leva tandis qu'Aro la maintenait debout. L'Avalonienne enleva lentement sa robe qui tomba lestement sur le sol. Le vampire se contentait de regarder derrière Eir afin d'éviter de se jeter sur elle pour lui faire l'amour. L'odeur délicieuse de l'humaine avec celle de la dentelle ne faisait qu'accentuer son désir pour elle. Il crut qu'il allait mourir. Il arrêta de respirer.

"_ Vous avez le droit de me regarder, Aro."

Le concerné ferma les yeux. La proposition était fort tentante mais non. Il voulait la préserver de ses pulsions. Il ne voulait pas profiter de la faiblesse d'Eir. Il sentait qu'elle ne voulait pas avoir de rapport sexuel tant qu'elle ne pourra pas se mouvoir comme avant.

"_ Ne jouez pas avec le feu, prévient-il d'une voix rauque.

_ Ne suis-je pas en train de le faire? Provoqua-t-elle en baisant l'arrête de la mâchoire du roi."

Il grogna. Il était partagé. Il voulait rendre son embrassade mais il craignait de perdre ses moyens. Eir ne semblait pas avoir conscience du risque qu'elle encourait. Aro n'avait pas la même maîtrise que Carlisle. Le Volturi buvait du sang humain, l'avait-elle oublié?

"_ S'il vous plait, Eir. Respectez ma décision."

Cette fois encore, il avait utilisé sa voix autoritaire. Il perçut un frisson qui parcourut agréablement le corps de l'humaine. Apparemment elle appréciait entendre le son de sa voix. Elle aimait recevoir des ordres. C'était plutôt bon à savoir. Il chercha dans les souvenirs qu'il avait pu voir à travers l'esprit de son vieil ami... Carlisle n'avait jamais donné d'ordre lors de leurs ébats. Voilà, une expérience fort intéressante pour ces âmes-soeurs. Et il gardera cette information pour lui seul. Il voulait faire cette expérience avec elle. Rien qu'avec elle, seule.