Chapitre 4
Aro entendit un petit bruit sourd. Autre chose que la robe était tombée mais il ne mit guère longtemps avant de comprendre. C'était le soutien-gorge d'Eir. Elle venait tout juste de l'enlever. Il garda ses yeux sur le visage de l'humaine. Il voulait lui montrer qu'il ne pensait pas qu'à son corps. Qu'il voulait apprécier contempler les traits de son visage. Si doux et si raffinés. Il porta une de ses mains sur la joue chaude de la mortelle. Elle ferma instinctivement les paupières, se délectant de cette caresse, de ce contact si tendre. Puis les doigts du Volturi glissèrent sur les lèvres de la jeune femme. Il entendit le cœur de son âme-sœur palpiter comme les ailes d'un papillon. Cela le rendait heureux. Il esquissa un mince sourire alors que l'humaine rouvrait ses yeux et le contemplait tendrement.
"- Pouvez-vous me donner ma nuisette, s'il vous plait? Demanda-t-elle dans un murmure.
- Volontiers."
Le vampire se pencha, attrapa le tissu et le tendit vers la mortelle. La femme s'habilla rapidement. Trop rapidement au goût de l'Immortel. Mais il ne voulait pas se montrer trop... Rustre. Trop... Impoli. Déjà qu'il avait du mal à contenir ses pulsions. Instinctivement, il ferma les yeux. Sans trop savoir pourquoi. Par réflexes sans doute? Pour se protéger de l'aura sensuelle de son aimée? Sûrement.
"_ Je suis à ce point désirable? Questionna Eir doucement."
Le souverain des vampires eut un agréable frisson. Si seulement, elle était consciente de son attractivité... Elle était bornée à se dire qu'elle n'était pas assez belle pour satisfaire les regards des hommes, tout cela parce qu'elle ne pouvait plus marcher. C'était complètement ridicule. L'Immortel rouvrit les yeux pour voir les deux orbes verdoyantes de la mortelle.
"_ Cela se voit tant que cela? Répondit-il, suavement."
Ce fut au tour d'Eir de frissonner. Elle failli perdre l'équilibre et se retient juste à temps à la taille d'Aro. Le concerné esquissa un doux sourire. Il sentait le souffle chaud de la mortelle dans son cou. Et cela ne fit qu'attiser le désir qu'il avait pour elle. Il passa ses bras autour de la taille de l'Avalonienne et la pressa contre son torse. Il voulait la sentir contre lui. Il voulait qu'elle sache qu'elle était en sécurité dans ses bras. Des plaques de rougeurs apparaissaient au niveau de ses joues et de son cou. Elle dégageait une odeur fort appétissante. Eir paraissait mal à l'aise. Elle se mordit la lèvre d'une façon si... Érotique pour le vampire qu'il émit un grognement. Sa bête noire commençait à se réveiller et à tourner en rond. Elle essayait tant bien que mal de trouver une faille dans sa propre défense. Il sentait que son monstre voulait s'unir à Eir. N'être plus qu'un avec elle. Mais Aro ne voulait pas le laisser s'échapper. Il craignait de faire du mal à sa promise.
"_ Eh bien... Euh..., dit-elle légèrement gênée alors qu'Aro l'interrogeait silencieusement du regard."
L'Immortel suivit le regard de l'humaine et vit une bosse au niveau de son entrejambe. Il se raidit. S'il avait été humain, il aurait sans doute rougi de honte. Rapidement, il s'assied sur le lit, saisit un oreiller et le plaça sur son bassin de sorte à cacher cette gêne incongrue. Eir éclata de rire face à la réaction du vampire tout en se rasseyant sur son fauteuil roulant. Au moins, il avait réussi à la faire rire et il en était heureux. Bien qu'il savait qu'il pouvait faire mieux.
"_ Veuillez..., commença-t-il."
Eir saisit sa main en plein vol et la posa sur sa joue tendre et chaleureuse.
"_ Ne vous excusez pas, Aro. Il est normal que vous désirez votre âme-sœur, non? Fit-elle d'une voix envoûtante."
Aro lui sourit tendrement. C'était bien la première fois qu'il se sentait aussi gêné. Il avait des réactions d'adolescent. Et cela ne lui plaisait pas du tout. Surtout qu'il avait déjà dépassé ce stade.
"_ J'en conviens... Je ne voulais pas... Etre... Discourtois...
- Vous ne l'êtes pas..., rassura Eir en lui souriant de toutes ses dents."
Il y eut un autre silence entre eux. Eir recommençait à jouer avec sa mèche de cheveux tout en fredonnant une mélodie joyeuse. Ce son était totalement inconnu d'Aro. L'humaine remarqua la curiosité croissante de l'Immortel et s'empressa de dire:
"_ C'est une... Mélodie qui provient... D'Avalon... Je crois.
- Oh... Et comment l'avez-vous apprise?"
Eir rougit fortement puis elle baissa les yeux sur ses mains. Un pli soucieux vint s'installer sur le front lisse de la femme.
"_ Je ne sais pas si j'étais complètement dans le coma... Enfin... J'ai senti que je brûlais toute entière et peu à peu... Cela s'est apaisé au bout d'un certain moment. Je ne pourrais pas vous dire combien de temps cela a duré. Mais... J'ai... Je pense... Que j'étais dans... Un monde parallèle... Je crois. Il me semble... Que c'était le Tir Na Nog. J'ai eu... Une sorte de guide... Une loutre. Et tout au long de mon périple, j'entendais des mélodies. Étrangement je les connaissais.
- Vous les connaissez grâce aux souvenirs de vos ancêtres lors de votre sommeil, est-ce cela? Résuma Aro d'une voix paternelle.
- Oui... La loutre semblait me guider vers vous. Je vous entendais. Je percevais aussi la voix de Carlisle, Père ou Didyme. Mais la vôtre était plus forte. Plus chaude... Plus vibrante."
Aro observait attentivement Eir. Il était profondément intéressé par le vécu de son âme-sœur dans l'Autre Monde. Il était content de savoir qu'elle avait réussi à l'entendre même si la plupart du temps, il lui avait parlé via le combiné du téléphone. Il eut un sourire lorsqu'il vit l'expression désolée d'Eir. A présent, tout allait mieux pour lui.
"_ Par contre, je n'ai rien retenu de ce que vous m'avez dit, s'excusa-t-elle en passant sa main dans les cheveux. Je n'arrivais pas à déchiffrer vos mots mais je sentais... Je sentais que vous étiez là pour moi."
Le Volturi saisit une des mains de l'humaine et lui déposa un baiser chaste.
"_ Je serais toujours là pour vous, Eir. Ne l'oubliez pas. Où que vous soyez, quoi que vous fassiez, quoi que vous disiez. Je serais toujours à vos côtés.
- Merci, balbutia Eir en rougissant de plus belle."
Eir bloqua les roues de son fauteuil, se leva et tenta de s'installer, elle aussi sur le lit. En vain. Aro la prit sous les aisselles et la porta jusqu'à lui. Son visage était aussi rouge qu'une tomate mais qu'importe. Il l'aimait ainsi. Il la cala contre son torse. Il sentait le cœur de l'humaine battre à tout rompre sur son corps.
"_ Je vous intimide tant que cela, ma douce? Taquina le brun.
- Cela vous gêne que mon cœur fait des siennes parce que vous êtes proche de moi?"
Aro mit son visage dans le creux du cou de la mortelle. Il prit le temps de respirer sa douce odeur. Il frissonna de plaisir. Aussitôt il se sentit quelque peu serrer dans son pantalon. Décidément, tant qu'il ne se sera pas débarrassé de ce problème, il ne cessera jamais d'embarrasser Eir. Et il s'énervait contre lui-même. Tantôt il voulait la faire sienne, tantôt, il préférait attendre qu'elle soit prête pour qu'ils puissent enfin s'unir. Il agissait vraiment bizarrement même s'il savait qu'il était éperdument amoureux d'elle. Cependant Aro ne voulait pas la presser. Ils avaient encore tant de choses à se dire. A se raconter...
"_ Non. Pas du tout, murmura-t-il d'une voix rauque. J'aime l'entendre."
Il y eut un nouveau silence. Apaisant. Eir se blottit plus dans les bras du vampire.
"_ Maintenant, nous allons pouvoir apprendre à nous connaître.
Oui, soupira-t-elle. Apprenons-nous à nous connaître.
Je suis ouvert à toutes vos questions.
Eh bien..., faisons ainsi. Je vous pose une question, vous me posez une question.
Cela me convient parfaitement, accepta Aro."
Le vampire attendit qu'Eir reprenne la parole pour l'interroger. Il s'attendait à ce qu'elle pose n'importe quelle question.
"_ Quel était votre rang social lorsque vous étiez humain?"
Aro sourit à cette question. Il fallait bien qu'elle commence par le début. Et après tout, n'était-ce pas normal?
"_ J'étais un Prince avec Didyme d'une cité libre. J'étais un excellent élève mais je n'arrivais jamais à satisfaire les attentes de mon paternel. Pour lui, je ne faisais jamais assez. Je me souviens qu'un jour, mon père avait décidé de rentrer en guerre contre une cité voisine alors que nous n'avions pas autant d'hommes pour défendre à la fois le front et la cité. Je n'avais que quatorze ans et je savais qu'il avait fait une énorme erreur de s'en prendre à plus fort que soi. Lorsque je vis nos ennemis foulés leurs pieds sur les pavés de ma ville, ils tuèrent tous les hommes, et prenaient plaisir à violenter les femmes et les jeunes filles. J'ai pris ma mère et ma sœur et les conduisit jusqu'à un souterrain qui les menait à l'extérieur de la cité. Je ne voulais pas qu'on les attrape. Tandis que moi... J'étais le prince héritier, je me devais de me battre pour l'honneur de ma famille et pour celles qui m'ont vu grandir. Je devais être l'espoir pour les habitants de ma cité. Pour qu'ils ne puissent jamais baisser les bras face à l'envahisseur. J'y suis retourné mais je fus rapidement capturé avant même d'avoir pu combattre. Ils m'emmenèrent jusqu'à leur roi. Il décida de faire de moi un prisonnier de guerre. Je devais le servir en tant que domestique personnel."
Le vampire marqua un pause. Il sentait la curiosité de l'humaine pour lui et il en était ravi. Didyme, Marcus, Caïus, Athenodora, Sulpicia et Carlisle étaient les seuls à savoir qui il était vraiment. Et il n'était plus aussi gêné de le dire à Eir. N'était-elle pas son âme-sœur? Il lui devait la vérité. Rien que la vérité. Il lui sourit, touché par cette attention.
"_ Il aimait beaucoup la compagnie de jeunes hommes. La plupart le servait comme domestiques mais ceux qui étaient au-dessus de la beauté moyenne, devenaient ses prostitués. Il les forçaient à se travestir en femme. Ceux qui refusaient, se faisaient mutiler les parties génitales."
Eir frissonna d'effroi. Elle aimait beaucoup l'Antiquité pour ses philosophes, sa démocratie, ses arts et ses Dieux et Déesses mais ce qu'elle détestait par-dessus tout c'était bien l'irrespect que les hommes faisaient envers leurs prisonniers de guerre. Et l'entendre de la bouche d'Aro lui faisait mal. Elle croisa le regard rougeâtre et nostalgique de l'Immortel. Elle caressa le bras du roi, se voulant être rassurante.
"_ Et... Et vous?"
Eir se pinça les lèvres, comme si elle avait dit quelque chose de mal. Mais le souverain frictionna son dos pour l'apaiser. Comment pouvait-elle culpabiliser alors qu'elle voulait en savoir plus sur lui? Il savait qu'elle ne souhaitait pas remuer le couteau dans la plaie mais depuis longtemps, il avait tourné la page. Et le raconter ne lui posait plus aucun problème.
"_ J'étais le prince de celui qui l'avait attaqué. Sa nouvelle prise. Pour une raison obscure, il se montrait attentionné, protecteur. Il agissait comme un père pour moi. Un bien meilleur pour de nombreux domaines. Mais peu à peu... Il devenait de plus en plus insistant, explicite. Je voyais qu'il se détournait de tous ses autres prisonniers de guerre pour s'occuper de moi. Pour veiller sur moi. Voir même il les libérait. A cet époque, je n'avais jamais connu l'amour et je ne m'y intéressais pas. J'avais eu quelques amourettes mais cela s'arrêtait au baiser. Je trouvais que c'était une chose futile. Une croyance que les faibles avaient créer pour égayer leur vie. Je n'ai compris bien plus tard que mon geôlier était amoureux de moi."
Aro vit le regard qu'Eir lui lança et il capta sa réponse. Son sourire se fit plus large. Il caressa les cheveux de son aimée avec beaucoup de tendresse. Il aimait voir qu'elle s'inquiétait pour lui. Il la trouvait si mignonne avec son petit air enfantin. Il ne put s'empêcher de continuer. Il était si bien lancé.
"_ Je me rappelle qu'il avait lancé une attaque sur une cité. Il voulait agrandir ses richesses, son territoire. Il a gagné haut la main. Le soir de la victoire, il avait beaucoup bu et il entra prestement dans ma chambre. Il se débarrassa de mes vêtements, me lia au lit et était prêt à me prendre. Je savais que l'alcool pouvait faire des ravages mais je n'en avais encore jamais fait les frais. Et cette nuit-là..."
Le vampire entendait les battements du cœur de l'Avalonienne s'accélérer. Elle s'inquiétait pour lui. Il trouvait cela fort touchant. Au moins il savait que ses réactions étaient sincères.
"_ Ce fut le cas. Mais il n'eut guère le temps de vraiment en profiter car une créature s'était faufilée dans la pièce, l'attrapa par le cou et lui déchira la jugulaire.
Un vampire vous a sauvé?
Une vampire, rectifia Aro."
Il ne vit pas l'expression qu'Eir avait mais il pouvait sentir une forte odeur de jalousie. Comme il aimait cette fragrance. Elle était délicieuse. Et le fait qu'elle voulait le posséder le faisait plaisir. Il raffermit son emprise sur elle, sur sa taille. Elle lâcha un léger "oh" de surprise.
"_ Dois-je en conclure que vous voulez me posséder? Demanda-t-il, suavement à son oreille."
Un autre fumet vint se mélanger à la précédente, ce qui ne fit qu'accroître le désir sexuel du vampire. Ses pupilles se dilatèrent. Ses sens s'amplifièrent. Il passa sa langue entre ses lèvres, goûtant toutes les senteurs que l'humaine lui envoyait involontairement. Eir rougit de plus belle et fit semblant de bouder. Aro lâcha un petit rire, satisfait de voir la réaction de sa dulcinée. Cela faisait bien longtemps qu'une femme ne lui avait pas signifié une possessivité aussi mignonne depuis Sulpicia.
"_ J'attends votre réponse, ma douce. Ou souhaiteriez-vous que je vous parle comme à une enfant?"
Elle poussa un soupir rempli de désir. Sa tête bascula en arrière. Son dos se cambra, sous les caresses répétées et délicieuses de l'Immortel. Ses paupières étaient à demi-fermées. Sa bouche était légèrement ouverte. Une douce invitation pour un baiser. Aro ne put s'empêcher de l'embrasser.
"_ Vous avez raison... Je vous veux..., admit Eir, en gémissant."
Son odeur changea du tout au tout. Aro se figea et retira lentement ses mains du corps de l'Avalonienne. Pourquoi avait-il l'impression qu'il y avait un mais? Pourquoi ne voulait-elle pas approfondir leur embrassade? Ils étaient nés pour se rencontrer, pour s'aimer et pour s'unir.
"_ Je suis désolée... Mais... Tant que je ne pourrais pas bouger... Je ne pourrais rien faire de bien pour satisfaire Carlisle et vous. Et pourtant... Ce n'est pas l'envie qu'il me manque, soupira-t-elle, tristement."
Aro la serra un peu plus contre lui. Son haleine caressait la chaude peau de l'humaine. Il voulait lui montrer qu'il ne lui en tenait pas rigueur.
"_ Je comprends parfaitement, ma tendre."
Il lui baisa le front, délicatement, puis son visage se réfugia rapidement dans le creux du cou de son âme-sœur.
"_ Donc... Cette vampire vous a sauvé? Résuma Eir avec une étrange voix."
Le roi sentit tout de suite la jalousie revenir au grand galop. Il redressa légèrement la tête tout en esquissant un sourire victorieux. Il savait ce qu'elle allait faire une fois qu'elle serait Immortelle. Et il se réjouissait d'avance pour cela.
"_ Oui. Elle était d'une beauté à couper le souffle. J'en étais bouche bée. Elle se dressait devant moi, tout en sirotant le sang de mon ancien... Maître, si l'on puis dire... Et je fus immédiatement tombé amoureux."
Eir fit un léger bruit avec la bouche, guère ravie d'entendre cela de la bouche de son compagnon d'éternité, tandis que celui-ci semblait étrangement amusé par cette situation.
"_ Rassasiée par son repas, elle me délia les poignets. Elle me trouva des nouveaux vêtements et m'escorta jusqu'à la sortie du domaine. La première chose qui me frappa à l'esprit, c'était le silence. Le ciel était découvert, la nuit assez claire. Mais pour un soir de fête, tout était étrangement calme. Comme si une tempête avait passé sur la demeure. Je ne compris que bien plus tard que la vampire m'avait laissé en vie parce qu'elle n'avait plus faim.
Vous êtes chanceux.
Oui... Et non, dit-il, bizarrement."
L'intonation qu'il avait employé était différent que la normale. Eir se redressa, droite comme un piquet. Elle avait l'impression de percevoir des regrets. De la tristesse. Et un peu de souffrance? L'Avalonienne saisit la main de l'Immortel pour le rassurer. Pour l'encourager à parler ou juste pour le soutenir. Aro ne savait guère comment l'interpréter, toutefois, cela le réconforta. Eir était vraiment une personne d'attentionnée.
"_ Elle m'avait aussi épargné car son Maître m'avait remarqué pour mes compétences en politique. Cette nuit-là... J'ai rencontré Gidéon."
Un autre silence s'ensuivit. Comme l'avait dit Aro, il était profondément reconnaissant envers son Créateur même s'il ne cautionnait guère ses méthodes de travail.
"_ Du coup... Je n'ai pas pu retrouvé ni ma mère, ni ma sœur. Je n'ai pas pu libérer ma cité. Celle où j'y étais né et où j'avais grandi. Pendant près de dix ans, il m'empêcha de voir les miens sous prétexte que je n'étais pas encore assez fort pour reprendre le flambeau de ma ville. Que je n'étais pas prêt à être le chef de ma famille. Mais tout ce que je voulais, c'était retrouvé mon foyer. Peu importe les moyens d'y arriver. Et d'un autre côté... Je voulais devenir comme lui. Je voulais l'Immortalité ainsi plus personne ne serait au-dessus de moi. Je serais capable de protéger les personnes que j'aime des dangers qui nous entouraient. Lorsque j'ai eu vingt-cinq ans, il m'offrit une de ses filles. Celle qui m'avait sauvé onze ans auparavant. Il voulait que je sois son gendre. Et quoi de mieux de m'unir à elle pour sceller cet accord? Je n'y connaissais rien en femme. Je ne savais pratiquement rien de la sexualité à part mes quelques baisers échangés avec des jeunes filles de mon âge. Comment pouvais-je savoir que ce n'était qu'un moyen pour me tenir en laisse? Mais après mon union avec elle, il me transforma, disant que j'étais digne de lui et que si jamais il mourrait, il voulait que je reprenne son clan. Ce que j'ai accepté. J'aimais Amerseth, d'un amour sincère. Et elle m'aimait aussi. Nous étions heureux pendant toute ma période de jeune vampire. Nous étions inséparables mais... Je fus rapidement rattrapé par mon passé."
Aro marqua une pause pour déglutir son venin puis il reprit:
"_ J'ai entendu des rumeurs comme quoi la fille d'un riche marchand de Corinthe allait être donné au prince de cette même cité. On disait qu'elle n'avait qu'à sourire pour que tout le monde soit heureux... Mon sang ne fit qu'un tour, enfin... Façon de parler... Mais je savais de qui ils parlaient. Et je n'eus pas de mal à remonter jusqu'à Didyme. Malheureusement lorsque je fus capturé... Elle n'avait que quatre ans. Elle savait qu'elle avait eu un grand frère mais... Il semblerait qu'elle m'ait enterré, comme ma mère. Après tout, je les comprenais très bien. J'avais été absent pendant onze longues années. Il était normal que Didyme ne se souvenait pas de moi. Je m'en suis tant voulu. Je voulais rattraper le temps perdu avec elles. Hélas, Gidéon avait d'autres projets pour moi."
Le vampire sentit une nouvelle fois la curiosité envahir l'esprit de la mortelle. Il eut un sourire mais avant qu'elle ne prononce sa question, il fit très doucement:
"_ Je pense avoir suffisamment répondu à votre question, ma douce. Vous ne trouvez pas?"
Eir leva ses yeux vers lui et répondit tout en souriant:
"_ Je ne me suis guère ennuyée même si... J'aurais... Aimé être là pour vous protéger."
Aro ébouriffa ses cheveux tout en gloussant.
"_ Je vous ai maintenant, c'est tout ce qui compte pour moi."
L'humaine fit un signe d'approbation tout en souriant de plus belle.
"_ Avez-vous eu une enfance heureuse? Demanda Aro, tout aussi curieux que la mortelle.
Eh bien... Oui. Erwan et Robin ont tout fait pour que je sois bien éduquée et heureuse. Je les considérais comme des membres de ma famille. J'étais convaincue... que... ma mère allait revenir...
Votre mère vous manque. Nous avons un point en commun. Nous avons été arrachés aux êtres les plus chers à un âge où on avait encore besoin d'eux."
Eir acquisça de la tête. Ses épaules tréssautaient doucement. Aro s'activa à la consoler, sachant qu'il était le principal fautif des larmes de son humaine. Elle ne le repoussa pas. Bien au contraire... Elle se blottit contre lui. Ils restèrent longuement ainsi dans les bras l'un de l'autre.
"_ Robin et Erwan m'ont appris à me défendre des railleries et à croire en mes rêves. Ils ont été comme une sœur et un frère pour moi. Ils m'ont tant donné. Ils auraient pu m'abandonner pour redevenir nomade..., murmura Eir d'une voix tremblante.
Ils ne vous auraient jamais fait cela. Pour la simple et bonne raison qu'ils vous aiment et vous considèrent aussi comme leur petite sœur. "
Eir se tourna vers Aro et lui sourit tendrement. Un éclat de tristesse passa furtivement dans ses iris.
"_ Si Jillian n'avait pas été si mauvais... Et que Dian... Aurait été ma cousine. J'aurai été très heureuse."
Aro raffermit sa prise sur l'humaine. Il savait pertinemment ce qu'Eir sous-entendait.
"_ Mais je peux dire que Caïus fait office d'une bonne figure paternelle, dit-elle légèrement amusée. Et Athenodora est vraiment adorable. Sans oublier votre sœur, Didyme."
Aro posa son menton sur le sommet du crâne de l'humaine. Il soupira.
"_ Qui a-t-il ? Pourquoi ce soupir ô combien profond ?
Il y a des fois où j'aimerais bien être à la place de ma sœur juste pour que vous vous occupiez de moi comme vous le faites lorsque vous êtes avec elle.
Aro... Que me faites-vous ? Une crise de jalousie ? Voyons... "
Eir se tut un court moment alors que la température de son corps ne cessait d'augmenter. Son cœur battait de plus en plus vite et de plus en plus fort. Très lentement, son visage se tourna vers celui de son âme-sœur. Leurs yeux se rencontrèrent et se scellèrent silencieusement.
"_ Mon cœur ne cesse de crier votre nom depuis que je suis reveillée, déclara-t-elle. C'est comme si... Mon corps vous appelait. Il veut... Que vous me preniez comme femme. Comme épouse. Je veux être celle qui vous soutiendra dans vos décisions, je veux être celle qui verra vos instants de faiblesses et qui les chassera d'un revers de main. Je veux être votre bouclier contre les attaques extérieures. Je veux être votre épée pour vous défendre. Je veux être forte pour que vous soyez encore plus fort aux yeux de tous."
Aro n'avait cessé de la contempler jusqu'à ce qu'elle ait terminé sa déclaration. Elle avait mis tant de détermination et d'amour dedans qu'il avait senti, pour la première fois dans sa très longue éternité, l'amour chaleureux et sincère de sa compagne.
Comment pouvait-il rester de glacer face à une telle déclaration ? Si Eir n'était pas encore mariée à Carlisle, il l'aurait sans doute prise à la seconde où elle avait terminé son monologue.
Au lieu de cela, pour la toute première fois aussi, il avait peur.
Oui. Aro Volturi avait peur. Peur de s'engager. Peur de perdre l'unique chose qu'il aimait plus que tout au monde. Plus que sa propre sœur. Plus que ses talentueux gardes. Il avait peur de perdre Eir. Et son amour.
