Chapitre 5
Au beau milieu de la nuit, Aro fut tiré de sa douce contemplation par une présence masculine qui se trouvait derrière la porte de la chambre. L'individu ne frappa guère, voulant respecter le repos de l'humaine. Il jeta un coup d'œil sur le corps endormi. Le Volturi grimaça, guère ravi de se séparer de sa moitié. Il s'extirpa du lit avec difficulté car Eir semblait ne pas vouloir le laisser partir. Il trouva cette attention adorable de la part de la mortelle. Sa mauvaise humeur se dissipa quelque peu. Ou du moins, elle diminua sans pour autant disparaître totalement.
Arrivé au seuil de la porte, il saisit la poignée et l'ouvrir délicatement. Il se trouva nez à nez avec Félix. Son garde avait l'air consterné, peiné de devoir déranger son Maître avec sa compagne d'éternité. Mais Aro sentait que le capitaine de la Garde Royale ne l'aurait pas fait sans raison valable. C'est en partie pour cela qu'Aro ne lui remontait pas les bretelles. Félix déglutit difficilement son venin, ce qui attisa la curiosité du roi.
- Amerseth, Io et Ispene souhaitent vous rencontrer, murmura-t-il.
Aro referma la porte d'une manière trop sèche à son goût. Il tiqua, se pétrifia, tendit l'oreille pour écouter les battements du cœur d'Eir et constata qu'elle était toujours endormie. Il se détendit quelque peu toutefois ses sens étaient en alerte.
Pourquoi Amerseth, Io et Ispene étaient là ? Comment les avaient-elles retrouvé ?
Aro culpabilisait de n'être pas assez prudent pour la sécurité de son âme sœur. Il s'en voulut tout de suite. Et si Gideon savait que les Avaloniens se trouvaient ici? Mais peut-être qu'il s'inquiétait pour rien et qu'elles l'attendaient à Volterra. Aro ferma les yeux quelques secondes afin de retrouver un semblant de tranquillité, un semblant de sérénité. Mais comment pouvait-il l'être quand il sait que son Créateur veut la mort de son âme sœur ? N'y a-t-il pas une solution pour éviter une effusion de sang ? Les deux Immortels se déplacèrent rapidement dans le couloir afin d'arriver dans le petit salon.
- À Volterra ? Supposa le Maître des Volturi.
Félix n'eut pas le temps de lui répondre puisqu'Aro vit les trois vampires femelles devant lui. Celui-ci fit un bond en arrière tout en grondant et montrant ses crocs aux nouvelles arrivantes.
Comment ont-elles pu arriver jusqu'ici?
- Que font-elles ici ?
Marcus, Caïus et les autres membres du clan arrivèrent à leur tour dans la pièce.
- Gidéon ne sait pas que nous sommes parties. Si c'est cela qui te tracasse tant, fit la voix d'Amerseth.
Amerseth était la sœur de sang d'Anemeth. Elles étaient jumelles et leurs caractères étaient similaires. Comme si elles étaient une seule et unique entité. Amerseth avait la même beauté surnaturelle que sa jumelle. Et elle dépassait celle d'Heidi ou de Rosalie. Les hommes, humains comme vampires, ne pouvaient se détourner d'elles tellement leur aura était imposante. Io et Ispene étaient plus discrètes et ne dégageaient pas la même énergie que les deux autres. Io avait une longue chevelure châtain claire. Elle la coiffait souvent en longue tresse. Son visage ressemblait à une poupée de porcelaine. Pour Ispene, elle avait de longs cheveux noirs ébènes comme les ténèbres, encadrant magnifiquement son visage pâle et anguleux. Contrairement aux autres vampires qui avaient les yeux rouges, elle gardait ses iris aussi noirs que le charbon.
- Comment avez-vous su que nous étions dans cet hôtel ? S'alarma Aro, toujours aussi fou de rage.
- Vous devriez rester calme, Aro. Elles ont d'importantes nouvelles à nous dire, fit Marcus d'une voix grave.
- Que je me calme ? Comment le puis-je ? Vous savez pertinemment que...
- Du calme ? Fit Caïus. Vous ne voudriez pas déranger nos "voisins", n'est-ce pas ?
Aro pensa tout de suite à Eir puis à ses amis. Et la boule de culpabilité revint à la surface. Il se sentait de moins en moins maître de lui-même. Il se faisait plus manipuler par ses émotions et ses sentiments. Par son angoisse de perdre son aimée aussi. Et cela le rendait fou. Il reprit rapidement contenance et dit d'une voix glaciale:
- Pour quelle raison voulez-vous me voir ?
- Nous voulons présenter nos excuses à votre sœur, Didyme, et à vous.
Aro haussa un sourcil, légèrement perplexe. Il se pinça les lèvres, hésitant. Comment pouvait-il savoir si c'était un piège? Bien entendu, il pourrait utiliser son pouvoir sur Amerseth mais il briserait la promesse qu'il avait faite à son Créateur et à ses "filles".
- Qui s'excuse réellement ? Demanda-t-il plus froidement. Car si je me souviens bien, ce n'est pas vous qui aviez menacé Didyme.
Ispene jeta un coup d'œil furtif à Amerseth, qui restait totalement de marbre. Elle avait l'air de craindre le courroux d'Aro.
- Gidéon reconnaît qu'il est allé trop loin et il s'en veut...
D'un coup, Aro éclata de rire. Un rire décalé, distant, légèrement empreint de folie. Presque inquiétant. Il mit une de ses mains sur son front tout en ricanant:
- Depuis quand Gidéon s'excuse-t-il de quoi que ce soit ? Vous savez pertinemment qu'il ne pense pas une seule seconde à ce qu'il dit.
Un silence pesant s'abattit dans la pièce. Amerseth s'avança vers Aro mais Félix fit un pas en avant. La vampire s'arrêta nette.
- À quoi jouez-vous ? S'indigna Io. Vous l'avez dit vous-même, nous n'avons pas menacé votre sœur.
- Mais vous appartenez à son clan, c'est tout comme. Tant que je n'aurais pas de preuve montrant votre sincérité, vous ne m'approcherez pas.
Amerseth garda son visage impassible qui se brisa lentement par un mince sourire. Sa main plongea dans une de ses poches et en ressortit avec un pendentif. Un collier.
Le collier d'Eir.
- Cela vous suffit-il comme preuve ?
Aro n'osa pas le prendre. Et si c'était un piège de Gidéon ? Cela expliquerait la raison pour laquelle il avait le collier d'Eir en sa possession.
- D'après votre réaction, vous connaissez ce magnifique collier.
- Je l'avais vu sur Saoirse, une Maîtresse d'Avalon, que nous avons tué, répondit Aro d'une voix détachée.
La façon dont il le dit ne convainquait guère Amerseth. Elle n'était pas dupe. Comme Eirtraë, elle connaissait bien Aro. Elle pouvait lire en lui même s'il faisait tout pour montrer qu'il allait bien. Et contrairement à la dernière fois qu'elle l'avait vu, il était dans un mauvais état, aujourd'hui, il semblait de bien meilleure forme. Il était sur le qui-vive. Comme s'il voulait garder quelque chose pour lui. Son comportement avait nettement changé. Elle avait perçu une sorte d'inquiétude dans la voix du Volturi. Comme s'il couvait quelque chose qu'il ne voulait pas leur dire.
Mais quoi ?
Amerseth était réputée pour son don, pratiquement similaire à celui de Marcus, mais il était beaucoup plus limité. Elle pouvait voir les visages des âmes sœurs. Et en ce moment même, elle ne cessait de voir le visage d'une jeune femme au long cheveux ondulés et aux yeux vert. Sa peau était d'une blancheur d'albâtre. Tout ce qu'elle pouvait dire, c'est que cette inconnue était encore humaine. Mais pour combien de temps? Amerseth se posait beaucoup de question. L'avait-il déjà rencontré? Car si cette humaine était morte, Amerseth n'aurait pas vu son visage. Ou du moins pas d'une manière aussi distincte et aussi vivante.
La vampire écarquilla les yeux, comprenant la réaction défensive d'Aro. Il venait de rencontrer son âme-sœur et voulait le cacher aux yeux des autres Immortels. Cette femme était donc ici. Avec lui. Dans cet hôtel. Pourquoi n'avait-elle pas pensé à ça plus tôt? D'ailleurs pourquoi changerait-il d'un coup, si brusquement ? Il n'y avait qu'un compagnon d'éternité qui pouvait le faire bifurquer du pouvoir et de la politique. Et Amerseth avait remarqué que la politique d'Aro - et des Volturi en général - n'était plus comme avant.
Serait-ce grâce à cette personne?
- Tu l'as trouvé..., murmura-t-elle, n'en revenant pas de sa découverte.
Aro la fixa d'un air impassible.
Comment avait-il pu être aussi naïf ?
Amerseth ainsi que ses sœurs le connaissaient sous toutes les coutures. D'ailleurs n'avait-il pas été initié aux plaisirs charnels avec Anemeth ?Mais ce qui inquiétait fortement le Volturi, c'était bien le pouvoir que possédait la vampire. Son pouvoir était aussi utile que celui d'Eirtraé pour Gidéon. Le regard du roi se posa sur Didyme qui avait l'air aussi angoissé que lui. Marcus lui avait expliqué le lien fort qu'elles partageaient toutes les deux. Et il craignait que si Gidéon attaquait l'une d'elle, l'autre répliquerait automatiquement. Que ce soit l'une ou l'autre, Aro perdrait les deux. Il ne pouvait pas se permettre de les perdre. Ses yeux de braise revinrent sur Amerseth qui abhorrait toujours un doux sourire. Aro ne put savoir si c'était de la sincérité ou de l'hypocrisie.
L'Immortel s'en méfiait alors qu'elle tendait le collier avalonien vers lui. Les iris de la vampire femelle semblait lui dire qu'elle ne dirait rien à Gidéon, ni à ses sœurs. Mais quelle certitude avait-il qu'elle était réellement sincère ? Aro plongea ses mains dans les poches de son pantalon afin d'éviter d'arracher le bijou des mains de la vampire.
- Pourquoi êtes-vous là ? Répéta-t-il d'une voix méprisante. Donnez-moi des explications sur le champs.
Il se retient de grimacer. Peut-être avait-il été un peu trop autoritaire. Un peu trop menaçant. Ce n'était pas bon pour la récolte d'information.
Tant pis, se dit-il.
Mais voir les filles de Gidéon devant lui, au même endroit où se trouvait Eir, le faisait angoisser.
- Autrement quoi, Aro ? Coupa Io, sèchement. Tu comptes nous interroger par de basses méthodes ?
Aro fut surpris par la prise de parole d'Io. Elle était toujours une vampire discrète, docile et polie, qui ne s'énervait pratiquement jamais
- Non, répondit-il.
Mais ce fut tout ce qu'Aro trouva à dire. Il commença à faire les cents pas, attendant impatiemment la fin de cette entrevue afin de retourner dans la chambre de sa bien-aimée. Il ne quittait pas ses autres sœurs du regard. Il souhaitait clairement ne plus les voir ici, dans cet hôtel. Il craignait qu'elles ne s'en prennent à Eir ou à un de ses amis.
- Nous sommes venues ici pour vous prévenir que Gidéon a eu une entrevue avec certains vampires, annonça Amerseth, sérieusement. Il cherche un moyen pour détruire votre alliance.
- N'y avait-il pas d'Avaloniens avec eux ? Des lycanthropes? Demanda Caïus abruptement.
Caïus ne supportait pas que les Avaloniens trahissent sa descendante. Il sera intraitable à ce sujet. Et il n'hésitera pas à les éliminer un par un de ses propres mains. Peu importe si Eir ne lui donnait pas la permission. Il voulait la protéger, coûte que coûte.
- Non, ils étaient masqués. Gidéon a dû prévoir que nous n'étions pas loin de son lieu de rencontre. Nous n'avons reconnu aucunes odeurs familières si c'est ça que tu veux savoir, Caïus, répondit Ipsene. Ni de la part des Avaloniens, ni des lycanthropes, ni de la part des Quileutes.
Aro tiqua. Quelque chose clochait. Il le sentait. Comment Ispene était-elle au courant de l'existence des Quileutes? Mais surtout de leur odeur.
- Pour ce qui est des Quileutes, il me semble que vous n'étiez pas avec nous lors de notre dernier voyage aux Etats-Unis.
- Gidéon te fait suivre. Vous fait suivre. Comment expliques-tu qu'il soit au courant de vos moindres déplacements? Comment expliques-tu qu'il sache les moindres détails de votre alliance avec les Avaloniens?
- Depuis quand nous suit-il? Rétorqua Caïus.
Le blond était bien plus blanc que d'habitude. Aro savait que son frère s'inquiétait pour Eir. Rien que pour Eir. Le reste lui était égale. La sécurité de sa descendante était tout pour lui. Amerseth jeta un coup d'œil à ses sœurs. Le Maître des Volturi eut la désagréable impression que cela voulait dire depuis le début. Il pinça l'arrête de son nez entre ses doigts, légèrement en rogne. Le Volturi leur avait fait confiance. Et voilà qu'il découvrait le pot aux roses après trois milles ans d'existence.
- Je sais que c'est difficile de croire cela. Mais tu connais Gidéon, il refuse de donner notre indépendance. Il a ce besoin de tout contrôler. De tout savoir. Et dès qu'il y a une menace, aussi minime soit-elle, il l'écrase comme un vulgaire insecte.
Aro écarquilla les yeux d'effroi en entendant les mots d'Amerseth. Il se retrouvait dans ces dires. Gidéon l'avait éduqué comme lui, il l'avait voulu. Et non comme Aro l'aurait souhaité. Son Créateur avait toujours réussi à le faire changer de chemin, toujours avec subtilité. Et ce n'était qu'aujourd'hui qu'il le voyait clairement. Il leur avait rabâché depuis le début que les Avaloniennes n'étaient que des êtres voulant l'éradication des vampires alors que ce n'était pas vrai!
Il s'était fait manipuler!
D'un coup, il saisit une petite table et l'envoya à travers le mur. Elle ne résista pas au choc et se brisa. Cela fit trembler les fondations et résonna dans les autres pièces.
Cela fit venir tous les Cullen ainsi que Celiburn, Bran et Sorah. Sans doute pensaient-ils qu'ils se faisaient attaquer. Le forgeron croisa le regard de braise du roi des rois et fronça les sourcils puis eut un éclat de compassion. Comme s'il savait les craintes d'Aro. La colère de l'Immortel retomba rapidement. Ses yeux allèrent directement vers le couloir qui menait à la chambre d'Eir. Celiburn et Bran s'en allèrent, ne voulant guère s'insimiser dans les conversations des Immortels. Quant à Sorah, elle resta parmi eux. Ses yeux topazes ne quittèrent plus les nouvelles arrivantes. Ses lèvres formaient un rictus, mauvais, comme si elle avait la ferme intention de les attaquer. Elle était clairement sur la défense. Jasper et Alice essayèrent de l'apaiser. Sans succès. Le don du Major ne faisait pas l'effet escompté.
- Pendant longtemps, tu marchais dans ses pas, reprit Amerseth, doucement. Il a réussi à faire de toi un clone. Mais... Depuis que tu es avec ces Avaloniens... Tu as l'air... Beaucoup plus... Humain...
La vampire se tut. Son regard se posa sur Carlisle puis revint sur Aro. Comme si elle savait pour eux. Le Volturi grogna en signe d'avertissement.
- Je t'ai dit que je ne dirais rien.
Le frère de Didyme n'y croyait pas. Il montra ses crocs et se fit plus menaçant. Le sourire d'Amerseth se fit plus triste, blessée par le peu de confiance du roi. Mais elle pouvait le comprendre. Elle savait ce que cela faisait d'avoir un compagnon d'éternité et de vouloir à tout prix le protéger des dangers extérieurs. Elle connaissait que trop bien cette peur de perdre l'être le plus cher au monde.
- Il ne faut pas que Gidéon accède à ton coeur, Aro, déclara-t-elle en posant une main réconfortante sur le torse du vampire. Je suis là pour ça. Pour te protéger de lui. Pour protéger ton bonheur. Car il est encore si fragile...
Aro prit la main de l'Immortelle et recula. Eir était la seule femme qui pouvait le toucher et l'approcher d'assez près. La beauté irréelle d'Amerseth, Io et Ispene était bien fade face à celle d'Eir.
- Gidéon compte s'en prendre à la Maîtresse d'Avalon, répéta Ispene, comme pour recentrer la conversation vers ce sujet.
- Quand? Interrogea l'aieul d'Eir.
- Nous ne le savons pas exactement, déclara Amerseth. Il peut l'attaquer soit lors de la réception, soit après.
- Il veut voir s'il peut la soumettre à son autorité, ajouta Ispene. Si c'est le cas, elle survivra, renchérit Io.
- Il la mariera peut-être à lui ou à toi.
Aro réprima un grognement. Personne ne touchera à Eir. La jeune femme lui appartenait. A Carlisle et à lui! Son côté possessif revient en grand galop. Et il eut honte de montrer son attachement à Eir devant autant de personne. Il se fustigea intérieurement.
Idiot! Idiot! Triple idiot!
- Je suis son époux, fit le médecin, montrant à son tour ses crocs. Eir est à moi. Il touche un seul de ses cheveux...
Io lui jeta un coup d'œil, à moitié avec dédain. Comme si elle ne l'appréciait pas. Aro savait que les filles de Gidéon n'aimaient pas le régime alimentaire du médecin.
- D'après les rumeurs, il n'y a eu aucun acte de mariage. Juste un échange de vœux. C'est tout. Vous n'êtes rien pour Gidéon. Juste une aberration qui doit être éliminée.
Carlisle fit un pas en avant, totalement hors de lui. Aro lui prit la main et le stoppa. A son contact, le médecin se calma aussitôt. Il échangea un long regard à son vieil ami et lui conseilla de retourner auprès d'Eir. Sorah émit, elle aussi, un grognement. Comme si elle remplaçait Carlisle. Jasper utilisa son pouvoir pour l'apaiser. Elle se tut mais semblait prête à se jeter sur les trois vampires.
- Que fera-t-il si jamais elle ne se montre pas... Comme il le souhaite? Risqua Marcus.
Un silence s'installa dans la pièce. Amerseth se pinça les lèvres. Ispene semblait en train de compter le nombre de dalles qui se trouvaient sur le sol. Et Io était en pleine contemplation d'un tableau de Pierre Paul Rubens intitulé "Le Massacre des Innocents".
- Dans le cas contraire, il pourrait lui faire du chantage. Il fera en sorte de retourner contre elle tous ceux qui lui sont chers afin qu'elle cède. Qu'elle se soumette. Il la provoquera et l'humiliera devant toute la communauté vampirique juste pour leur montrer qu'il a les pleins pouvoirs, récita Io. Et pour finir il la poussera à vous déclarer la guerre.
Athénodora eut une exclamation de surprise. Elle porta sa main à sa bouche, choquée par les paroles de sa congénère. Son front se plissa d'inquiétude. Elle jeta un coup d'œil à Caïus qui la tenait contre son torse.
- Gidéon a eu vents de certaines rumeurs concernant l'actuelle Maîtresse d'Avalon. Il sait qu'elle n'a jamais voulu le devenir. Qu'elle souhaite retourner à sa petite vie tranquille. Il pourrait très bien lui proposer un marché. Elle abandonne son titre et lui...
Amerseth ne termina pas sa phrase. Jasper feula. Alice le retenait par le bras et tentait tant bien que mal de calmer son âme-sœur.
- Eir n'abandonnera jamais les siens. Elle est droite, humble et intègre. Elle sait prendre ses responsabilités quand il le faut, déclara l'ancien Major. Et elle n'acceptera pas le chantage que ce Gidéon lui fera. Avalon a toujours été gouverné par une femme. Et tant qu'elle n'aura pas de descendance, elle ne lâchera pas son titre.
Jasper venait de couper l'herbe sous le pied de Sorah. Elle acquiesça en silence pour appuyer les dires l'empathe.
- Comme toutes les Maîtresses d'Avalon, fit remarquer Ispene en soupirant.
Aro arqua un sourcil interrogateur. Qu'est-ce qu'elle voulait dire par là? Il s'avança vers Ispene tout en se frottant les mains. L'envie de saisir une des mains de l'Immortelle pour récolter toutes les informations qu'il voulait le démangeait. Affreusement. Mais une promesse est une promesse. Et il devait s'y tenir.
Fichue promesse!
- Que veux-tu dire par là? Demanda-t-il. Vous les connaissez?
Un nouveau silence s'installa entre eux. Ispene sonda Aro du regard puis répondit calmement:
- Nous non. Mais nous en avons beaucoup entendu parler.
- C'est-à-dire? Insista Caïus.
- Gidéon les déteste. Il connait un rayon sur les Avaloniens, comme s'il avait vécu avec eux.
- Eirtraë m'a dit la même chose mais s'est arrêtée là. Avez-vous autre chose à rajouter? Rajouta Aro, légèrement impatient.
Amerseth inspira, comme pour se donner du courage. Elle entrouvrit les lèvres et sa voix s'éleva dans les airs:
- Hier soir, Gidéon a eu une visite d'un vampire que nous avons... Croisés il y a trente ans.
- Trente ans?
Étrangement, Aro avait un mauvais pressentiment. Sorah gigota. Ses lèvres se pinçèrent. La jeune vampire avait encore du mal à camoufler ses émotions.
- Nous n'avons jamais été correctement présenté à ce vampire. Nous pensons que Gidéon voulait nous cacher quelque chose. Et cela s'est avéré juste puisque ce colis était une humaine.
- Une humaine, répéta Caïus, durement. Qu'est-ce que tu es en train de raconter...
Aro fut soudainement attiré par un mouvement. Il détourna son regard d'Amerseth pour voir Didyme grimacer. Repliées sous sa poitrine, ses mains reposaient sur ses avant-bras. Ses doigts se crispaient à chaque fois qu'Amerseth donnait un peu plus de détails.
- C'était un soir. Nous étions encore dans notre château de Patras, près du mont de Panachaiko lorsque Gidéon le rencontra pour la première fois. Je revenais de la chasse. Quand je les ai vu, Gidéon avait l'air d'être content bien qu'il aurait préféré avoir la fille de cette femme, afin qu'il puisse l'éduquer comme il l'aurait voulu. Comme il a fait pour chacun d'entre nous. Mais ce vampire, un dénommé Jormung, a dit qu'il avait perdu la trace de l'enfant.
A sa droite, Aro sentit Carlisle se raidir. Il semblait comprendre les paroles de l'Immortelle. Caïus devait avoir le même raisonnement que le médecin car il avait resserré son emprise de son épouse. Les iris de braise voguèrent jusqu'à l'épouse de Marcus, qui n'avait pas l'air d'aller bien. Ses yeux étaient exorbités. Ses lèvres formaient un horrible rictus. Un rictus de rage. De colère. De haine. Aro ne l'avait jamais vu ainsi. Il fut choqué de voir qu'elle se tenait à une distance raisonnable de Marcus, qui, lui, ne semblait pas comprendre le comportement agressif de sa compagne d'éternité.
- Apparemment il appartenait au clan des Roumains, ajouta Ispene.
- Jormung se faisait passer pour le bras droit de Vladimir et Stefan, grommela Didyme.
La Volturi releva ses iris pour croiser celui des créations de Gidéon. Elle les fusilla du regard. Marcus voulut se rapprocher d'elle mais elle le repoussa. Aro eut l'étrange impression qu'il y avait une autre information derrière les mots de sa sœur.
-Vous êtes en train de me dire que Seena est encore en vie, dit-elle.
- Je n'en sais rien. J'ai voulu la retrouver pour savoir qui c'était mais... Tout me porte à croire qu'elle est bien la précédente Maîtresse d'Avalon.
Aro passa une de ses mains dans ses cheveux. Il était sous le choc.
- Comment était-ce possible? Les ossements que j'ai retrouvé dans la clairière avaient l'ADN de Seena.
- Gidéon a dû prendre un cadavre et mettre son ADN dessus. Si les Avaloniens mettaient la main dessus, ils ne pourraient remonter jusqu'à lui. Ce qui l'arrangeait bien d'une certaine façon.
- Savez-vous si Gidéon la garder en vie? Et où se trouve ce vampire dénommé Jormung? Interrogea Caïus avec empressement.
Les yeux d'Aro revinrent sur Didyme, qui ne semblait pas être remise de cette nouvelle. Elle repoussait toujours Marcus, qui insistait toujours autant. Le reste des Volturi ne comprenait pas ses agissements. Aro vint jusqu'à elle, tendit les bras pour la prendre contre lui mais fut violemment poussé. Elle feula brusquement. Son expression se figea et dans ses yeux, son frère y lisait clairement la peur et la honte. Elle s'en voulait. Il la connaissait trop pour qu'elle veuille lui faire réellement du mal. Mais ses gardes perçurent ce mouvement comme une attaque contre leur Maître. Didyme recula jusqu'à un coin de la pièce, totalement acculée. Elle était entourée par Alec, Jane, Félix et Démétri. Les voir ainsi autour d'elle, comme si elle était leur ennemie, lui rappela de mauvais souvenirs. Jasper sentait qu'elle était complètement pétrifiée par la peur. Ses yeux allaient de Félix à Alec. Puis d'Alec à Jane. Et de Jane à Démétri. Elle se recroquevilla tout en se tenant prête à bondir sur eux. Elle ne cessait pas de grogner. L'ancien Major percevait qu'elle les mettait en garde. Qu'elle ne souhaitait pas combattre contre eux mais le compagnon d'Alice savait que les gardes ne l'entendaient pas de cette oreille.
- Vous êtes idiots ou vous le faites exprès? Fit une voix féminine étrangement familière à l'oreille des Cullen et des Volturi.
Tous, sauf Didyme se redressèrent et se tournèrent vers la nouvelle arrivante. Aro trouva Eir sur son fauteuil roulant. Elle avait pensé à s'enrouler dans un peignoir en soie. Ses yeux verdoyants semblaient leur jeter des éclairs. Aro crut qu'elle allait fendre le crâne de ses gardes rien que dans le regard. Elle avait bien les gênes de Caïus. L'humaine ne fit pas attention à Amerseth, Ispene et Io. Elle ne cessait d'observer Félix, Démétri, Alec et Jane. Elle poussa sur ses roues pour avancer et fut bientôt à côté de Félix.
- Sérieusement, vous n'avez rien vu venir? Réprimanda-t-elle. Êtes-vous vraiment aveugle? Maintenant je veux que vous vous éloignez d'elle, tout de suite autrement je m'occuperais personnellement de vous.
- Mais..., commença Félix.
- Il n'y a pas de mais qui tienne, riposta Eir, brusquement. Je veux que vous déguerpissez de cette pièce, illico presto!
Jamais les Volturi n'avaient vu l'Avalonienne hausser le ton sur eux. Aro la dévorait du regard. Et ce qu'il craignait s'était confirmé. On touchait à Didyme, Eir arrivait aussitôt. Comme si elle sentait que son amie était en danger. Il supposait donc que cela allait aussi dans l'autre sens. Cependant, vu comment Didyme était remontée, il avait peur qu'elle s'en prenne à Eir. Il esquissa un pas vers son âme-sœur mais Carlisle l'arrêta. Il lui fit "non" de la tête.
- Vous n'avez même pas vu les prémices..., souffla Eir en se rapprochant prudemment de la vampire. Vous n'avez strictement rien vu. Rien senti. Alors que vous saviez que son passé est lié à ce vampire...
Soudain, Aro eut un doute. Un affreux doute. Avait-elle tout entendu de la conversation?
- Je me demande qui est l'idiot qui a prononcé son nom..., maugréa-t-elle. Je le dépècerai et ferai sécher sa peau au soleil.
Effectivement, il n'y avait plus aucun doute, elle était digne de son aïeul. Amerseth recula, craignant sans doute le courroux de la mortelle. Eir bloqua ses roues avec les freins. Elle respira un bon coup et se hissa sur ses jambes sous les yeux ébahis des Immortels. Les prunelles de Didyme s'écarquillèrent, de surprise.
- Je ne dis pas que je pourrais te guérir. Ce genre de plaie ne se referme jamais complètement... On pense qu'elle cicatrise. Que ça va passer mais elle peut réapparaître, et éclater en pleine figure... Peu importe le nombre de fois où tu tomberas, je serai toujours là pour tendre la main. Alors accepte-la. Et je t'aiderai à te relever. A t'élever...
Son équilibre était précaire mais Aro sentait sa détermination. Il se rapprocha un peu plus de son aimée, toujours aussi envoûté. L'humaine fit un pas. Timidement. Lentement. Puis un autre. Tout aussi fragile. Elle faillit tomber mais se rattrapa juste à temps.
- ... Autant de fois qu'il le faudra...
Ce n'est que lorsqu'elle fut suffisamment proche de Didyme qu'elle lui tendit sa main.
- Prouvons-leur qu'ils ont tords. Prouvons-leur que nous pouvons devenir plus fortes. Faisons de notre faiblesse une force.
Didyme semblait totalement subjuguée par les progrès d'Eir. Elle n'avait plus peur. Elle s'était redressée. Et d'un coup, la vampire se jeta dans les bras de la mortelle. Aro, voyant cela, sourit tendrement. Il voulut serrer sa sœur dans ses bras aussi. Cependant, il comprenait que Marcus, Caïus, les gardes et lui avaient ravivé de mauvais souvenirs. Il s'en voulait tellement...
- Didyme passera le reste de la nuit avec moi. Que tous les vampires mâles se tiennent à distance de ma chambre, déclara la Maîtresse d'Avalon.
L'épouse de Marcus quitta la pièce en longeant les murs tout en gardant un œil sur les autres Immortels. Une fois qu'Eir entendit la porte se refermer, elle se remit dans son fauteuil roulant et poussa un soupir de soulagement. Elle enleva les freins et découvrit la présence Amerseth, Io et Ispene. L'Avalonienne les dévisagea, soupçonneuse. Aro s'avança vers elle, tout souriant. Il était tout fier de savoir qu'Eir pourrait bientôt remarcher. Constatant son humeur joyeuse, Eir lui offrit à son tour son plus beau sourire. Cependant, l'un comme l'autre, ne voulut se prendre la main. Toujours par pudeur mais aussi pour la sécurité de la jeune femme. Aro ignorait encore s'il pouvait faire confiance aux vampires femelles.
Amerseth s'élança vers Eir afin de se présenter.
- Je sais qui vous êtes, fit l'humaine en fixant l'Immortelle du regard.
Eir avait bien appuyé sur le "qui". Aro fronça les sourcils, interrogateur. Se pourrait-il qu'elles se connaissent? Ou alors Eir l'avait déjà vu dans un de ses souvenirs?
- Si vous voulez que je vous fasse confiance. Il va falloir que vous convainquiez mon père.
Sur ces mots, elle se dirigea vers Caïus. Elle se mit sur ses jambes et lui donna un baiser sur la joue. Puis elle retourna dans son siège.
- Prouvez à mon père que vos intentions sont bonnes et peut-être que j'envisagerai de faire plus ample connaissance. Mais pour le moment, Morphée m'appelle.
Elle donna quelques coups sur ses roues et alla près de Carlisle, qui semblait, lui aussi, très ravi de voir les progrès d'Eir. Elle saisit sa chemise et le força à se baisser afin qu'elle puisse l'embrasser. Son baiser fut langoureux et sensuel. Aro se retient de tout commentaire, tout comme de se jeter sur Eir pour la prendre. Car depuis qu'elle avait défendu sa sœur, la tension dans son corps ne voulait pas redescendre. Et cela le frustrait à un point que la mortelle ne pouvait guère l'imaginer. Il devait juste prendre son mal en patience. Il le savait et l'acceptait même si cela était difficile.
- Bonne nuit, à demain!
L'humaine disparut dans le couloir sous le regard du Volturi. Quand il se tourna vers Amerseth, il fut surpris par son expression qui disait clairement: "Qu'attends-tu pour la réclamer?" Aro ne souhaitait pas précipiter les choses. Il voulait les faire dans le bon ordre bien que le danger rôdait autour d'eux.
