Bonjour bonjour !

Je sais, après tant de temps, vous avez dû croire que j'avais abandonné certaines de mes fanfictions, mais je compte bien m'y remettre sérieusement et progressivement. Surtout que "Se battre pour survivre" est une histoire que j'ai pris - je prends toujours - du plaisir à écrire. Je compte aussi reprendre ma fanfiction "La rose a des épines, sentez-les" donc tenez-vous prêt.e.s.

Comme on dit souvent : Mieux vaut tard que jamais. J'espère, tout de même, que la suite des aventures d'Eir et de ses amis vous plaira.

Bonne lecture et à très bientôt !


Chapitre 6

Quand Eir sortit du champs de vision d'Aro Volturi, l'attention du vampire retourna vers Amerseth, Io et Ispene. Même si elles semblaient sincères dans leurs propos, le doute subsistait. Il devait agir prudemment. Ses yeux écarlates se posèrent sur Caïus. Celui-ci dévisageait ses sœurs adoptives comme des potentielles menaces envers sa descendante. C'était compréhensible. Aro ne pouvait pas lui en vouloir mais il n'en pensait pas moins. Néanmoins, Caïus ne patientrait pas aussi longtemps que lui avant de s'occuper de Gidéon. Le seul problème, c'est que ni Aro, ni Caïus, ni Marcus pouvaient le tuer.

C'est un problème fortement épineux...

En entendant un grondement féroce non loin de lui, Aro remarqua le regard hargneux d'Amerseth sur Carlisle. Le Volturi s'interposa une nouvelle fois entre son ami et sa sœur adoptive. Si elle pensait s'en prendre au médecin, elle se mettait le doigt dans l'œil. Et bien comme il le fallait! Aro comprenait déjà l'objet de ce combat de regard. Il devait y mettre un terme. Bien proprement!

- Comment peux-tu laisser une telle abomination être avec elle? pesta Amerseth.

Aro garda son sang-froid pour ne pas faire d'actes inconsidérés. Par contre, cette insulte, il ne pouvait pas la laisser passer. Il effaça la distance entre Amerseth et lui avec une démarche lente, inquiétante. Le roi esquissa un fin sourire, conciliant, mais ses iris envoyaient des éclairs. Cela ne présageait rien de bon. Amerseth frémit et recula d'un pas. Aro se pencha vers elle avec une lenteur mortelle et murmura à l'oreille de la vampire:

- N'en es-tu pas une, très chère?

Aro la vit se raidir. Son sourire s'agrandit sur son magnifique visage. Amerseth émit un sombre feulement. Ispene prit le bras de sa sœur et la tira en arrière, comme pour lui dire d'arrêter. Elles n'étaient là qu'en tant qu'invitées. Brusquer les trois fondateurs du clan Volturi ne feraient qu'empirer la situation.

- Suffit, Amerseth.

Io, qui était restée en retrait pendant toute l'entrevue, se mit devant Aro.

- Nous ne dirons rien à Gidéon...

Caïus éclata de rire, faussement amusé. Une ombre passa sur son visage angélique.

- Permettez-moi d'en douter, cracha-t-il avec véhémence.

- Je vous assure que Gidéon ignore encore qu'elle est réveillée, plaida soudainement Ispene. Nous pouvons lui omettre cette information.

- Oh... Comme c'est aimable de votre part, rétorqua le blond, toujours aussi agressif.

Aro savait ce qui mettait Caïus dans cet état. Lui non plus n'appréciait pas cette sensation. Cela le démangeait, le rongeait de l'intérieur. Vulnérable. Impuissant... Voilà ce qu'ils étaient face à ce danger qui grondait à leurs portes.

- Même si... Cette information n'est pas encore remontée jusqu'à lui, intervint Marcus. Elle finira par l'être. Tôt ou tard. Et je l'espère, sans votre aide...

Io et Ispene se détendirent face aux propos de Marcus. Il semblait être le plus raisonnable des trois. Sans doute, elle pensaient qu'il calmerait la colère de ses deux frères. Caïus se tourna vers Marcus, ouvrit la bouche pour répliquer mais se ravisa en voyant le geste du brun. Quant à Aro, il n'avait pas besoin d'utiliser son pouvoir pour deviner les pensées de Marcus.

- Si vous avez su où nous trouver, reprit ce dernier. C'est parce qu'une personne ou plusieurs, au sein des Volturi, vous l'a rapporté, n'est-ce pas?

Amerseth, Io et Ispene tressaillirent. Marcus rejoignit Aro, faisant ensemble un front uni.

- Nous avons besoin de leurs identités. Trois noms. Et vous serez libres, déclara Aro.

Caïus gronda fortement, montrant sa désapprobation.

- Si elles peuvent trahir Gidéon, elles le feront aussi contre nous..., fit remarquer l'époux d'Athénodora.

C'est un risque, en effet, pensa Aro.

- Non, elles ne le feront pas.

Caïus tiqua et foudroya Marcus du regard. Clairement, il ne le croyait pas. Plus cette conversation s'éternisait, plus sa patience fondait comme neige au soleil. Il fallait mettre fin à cette discussion avant que la situation ne dégénère.

- Quelle certitude en avez-vous, mon frère?

Marcus scrutait tour à tour les trois femelles vampires. Ses iris rubicon voyaient des éléments que d'autres ne pouvaient remarquer.

- Leur lien est rompu avec Gidéon... Depuis...

Aro arqua un sourcil.

Pourquoi restent-elles avec lui? À moins que Gidéon ait quelque chose qui les empêchent de les éloigner de lui.

- ... Ces liens brisés... En est-il responsable?

Aro fronça les sourcils. Des liens brisés? Avant même d'esquisser un mouvement vers Marcus, celui-ci lui tendait déjà sa main. Aro la saisit avec une avidité non dissimulée. Ses yeux se voilèrent, récoltant toutes les pièces utiles afin de se forger une nouvelle opinion. En l'espace de quelques secondes, sa posture changea. Une tension douloureuse naquit entre ses omoplates. Ses muscles se crispèrent. Et ses iris se dilatèrent, de rubicon, ils passèrent à l'obscidienne.

- Il est bien plus ignoble que je le pensais, murmura Aro.

Ce dernier étudia Amerseth, Io et Ispene sous un nouveau jour. Et cela soulevait encore plus d'interrogation.

Serais-je satisfait de leurs réponses? Si réponses, il y a...

Aro se doutait bien que ce ne sera pas facile. Mais il avait besoin de plus d'éléments.

- Aurait-il oublié que s'en prendre à un compagnon d'éternité est punissable de mort? Grogna-t-il, en avançant d'un pas vers Amerseth.

- Apparemment, ça n'a pas l'air de l'inquiéter plus que ça, nota Sorah, acerbe.

- Sans doute parce qu'il utilise votre influence pour cacher ses méfaits, appuya Alice, judicieusement.

- Gidéon s'offre quelques libertés..., confirma Ispene.

Aro pouvait reconnaître tous les actes commis par les Volturi. Il savait faire la part des choses, même si... Il détestait avouer ses tords. Mais qu'une personne profite et utilise le nom des Volturi pour semer la zizanie, ça, il ne le pardonnerait jamais! Il passa une main dans ses cheveux, comme pour se mettre de l'ordre dans ses pensées. Sa bête noire cherchait à tout prix une faille pour prendre le dessus et arracher leur tête. À cette pensée, il se pétrifia, la mine sombre, les yeux absents.

Était-ce parce qu'il s'est sous-alimenté ses dernières années qu'il n'arrivait plus à se contrôler? Aro devait y remédier, rapidement.

- Pourquoi ne venir que maintenant? Interrogea Caïus, séchement.

À cette question, seul le silence leur répondit. Ce qui ne fit qu'agacer Caïus en plus.

- Gidéon posséde quelques atoûts dans sa manche, révéla Io avec prudence. Si l'une d'entre nous quittait le château, même pour chasser, il le savait et pouvait nous retrouver. S'il jugeait bon que nous mettions trop de temps à revenir.

Aro échangea un bref coup d'œil à Marcus, pour qu'il puisse intervenir avant que Caïus n'agisse de son propre chef.

Combien de Talents Gidéon posséde-t-il? Parviendrons-nous à les démasquer? Elles sont les seules à me donner les réponses que je veux! A moins qu'elles soient, elles aussi, dans le flou? Ou est-ce encore un piège?

Aro fut en proie à un affreux doute. La crainte se tapissait dans l'ombre, attendant son heure pour lui éclater en pleine figure. Il devait parer à toutes éventualités.

- Après avoir tué nos moitiés, il a pris conscience qu'il avait commis une erreur. Il nous surveillait. Il se doutait que si nous partions, nous irons vous rendre visite. Nous avons dû prendre sur nous et attendre qu'une opportunité se présente.

- La réception, fit Marcus avec une certaine douceur.

Amerseth acquiesça. Caïus s'éloigna d'Athénodora. Il traversa la pièce et vint se poster juste devant les trois vampires. D'un doigt accusateur, il pointa vers le cœur mort de la sœur d'Anemeth.

- Si je comprends bien, Gidéon posséde un traqueur? Et vous venez ici? Vous êtes en train de lui montrer où se trouve Eir! S'exclama rageusement Caïus. Aro! Cette entrevue est terminée! Elles ne resteront pas ici! Si on doit les écouter, il vaut mieux qu'on retourne à Volterra.

- Sur ce point, je vous rejoins, admit Marcus. Plus elles resteront ici, plus elles mettront la vie d'Eir et de ses amis en danger.

Le rendez-vous pour l'acquisition du domaine était prévu tôt dans la matinée. Aro et ses frères pouvaient retrouver Amerseth et les autres à Volterra en cours de journée. Avec une voix calme et diplomate, il écarta ses bras et fit un signe d'apaisement. Son regard disait: "Paix". Un sourire presque espiègle fleurissait sur son visage de marbre tandis que ses mots retentissaient dans la salle:

- Je crois que nous sommes tous d'accord pour une petite pause. Nous vous recevrons demain dans l'après-midi. D'ici-là , j'ose espérer que l'une d'entre vous me permettera de voir vos souvenirs. Non pas que je ne veux pas vous croire mais il reste quand même pas mal de zones d'ombres. Avant de prendre une décision, je préférerais avoir toutes les cartes en main. Des erreurs regrettables peuvent être commises si nous ne tuons pas les malentendus dès le départ.

Ses yeux rubis se braquèrent sur Sorah. Les Volturi savaient leurs erreurs et tentèrent de se rattraper. Ils avaient aussi conscience que c'était un brin trop tard. Malgré cela, ils essayaient de se racheter pour leurs actes auprès des Avaloniens. L'amie d'Eir lui gratifia d'un sourire compatissant et opina de la tête, comme si elle n'en tenait pas rigueur de leur écart de conduite.

Quand notre raison est dictée par la peur, ne prenons-nous pas le risque de s'égarer?

Amerseth considéra les propos de son frère avec beaucoup d'attention. Elle se pinça les lèvres. Il y avait tant de choses à expliquer pour organiser une bonne défense face à Gidéon. Mais cela pouvait attendre le lendemain. Les trois vampires femelles saluèrent avec grâce les souverains et ne s'éternisèrent pas plus en ces lieux. Sauf... Peut-être une: Io. Elle s'arrêta au seuil de la porte et un nom sorti de ses lèvres.

- Corin.

Aro ne cilla pas face à cette dure nouvelle. Et pourtant, il n'en était pas tellement étonné. Athénodora eut plus de mal à s'en remettre. Elle tremblait comme une feuille. Corin était une dame de compagnie, une amie, une confidente. Mais de là à ce qu'elle soit les yeux et les oreilles de Gidéon: tout prenait sens! Caïus sentit la vague de culpabilité venant de sa femme. Il la rejoignit, passa sa main sur son dos et la caressa avec tendresse.

- Ce n'est pas de ta faute. Nous avons été piégés.

Félix et Demetri s'avançèrent à pas de loup vers Aro, attendant patiemment les ordres de leur supérieur. Ce dernier secoua la tête. Félix se redressa, trahissant son étonnement. Toutefois, il le cacha rapidement.

- C'est encore trop tôt. Les fruits ne sont pas encore mûrs. Si nous nous précipitons, nous risquons de ne pas avoir le résultat escompté. Et croyez-moi, vous désirez tous que ces traîtres soient punis. Hm?

Les iris rougeâtres d'Aro se posèrent tour à tour sur Marcus puis Caïus.

- Faisons croire à Gidéon qu'il a encore la main sur nous. Et quand nous aurons tous ses alliés entre nos mains, nous les éliminerons sans hésitation.

Puis Aro se tourna vers Jane et Alec. Sa mine pensive démontrait la lutte intérieure dont il était la proie. Puis il acquiesça, comme s'il venait de prendre la bonne décision. Ou du moins, la meilleure.

- Je m'en voudrais de ne laisser aucun garde à vos côtés, Carlisle. Surtout s'il avenait que Gidéon passe à l'attaque. C'est pourquoi Félix et Alec resteront avec vous. Sorah?

Aro se tourna vers elle. La création de Carlisle l'observa avec une attention particulière.

- Oui, Aro.

- Vous m'accompagnerez pour le rendez-vous de demain jusqu'au domaine. J'aimerais que vous posiez des barrières de protection. Je veux que cela devienne un refuge pour vous.

- Ce sera fait.

Même sans sa demande, Aro savait que Sorah l'aurait fait. Les traits crispés de la jeune vampire lui disaient que quelque chose la tracassait.

- Mais?

- Cela me prendra un peu de temps. Au minimum une journée ou deux. Au maxi, quatre.

- Autant que cela? Se moqua Demetri, comme si Sorah exagérait.

- Vous croyez quoi? Qu'en fermant simplement les yeux et en claquant des doigts, ça se mettrait en place? Je ne m'appelle pas Joséphine. Ces choses-là prennent du temps, surtout quand nous manipulons notre énergie vitale.

Demetri retint un grognement. Il n'appréciait pas de se faire reprendre de la sorte devant tout le monde. Et surtout pas par une jeune vampire. Un simple rictus, mauvais, traduisit son mécontentement. Sorah croisa les bras sous sa poitrine et frappa du pied. Ses yeux le balayèrent de la tête au pied. Puis une lueur de défi brilla dans son regard.

- Vous ne savez même pas comment nos pouvoirs fonctionnent! Ne remettez pas mes compétences en question, reprit-elle.

- Nous ne doutons pas de vos capacités, se risqua Aro.

Cela n'eut pas l'effet escompté. Bien que calme, Sorah était prête à en découdre.

- Mais lui si, rétorqua-t-elle.

Demetri la dédaignait ouvertement du regard. Sorah fit un pas en avant. Elle réagissait à la provocation du traqueur. Marcus observa la scène avec amusement. Ce qui attira l'attention de ses deux frères. Aro n'eut pas besoin de toucher sa main pour savoir de quoi il en retournait. Lui aussi jubilait de cette nouvelle.

- Ce n'est pas parce que je suis immortelle que mon énergie est éternelle, expliqua-t-elle. En fonction de son utilisation, elle s'amenuise. Ériger des barrières me videra d'une grande partie de mon énergie.

- Merci pour ces précisions, Sorah. C'est très enrichissant. Peut-être devrions-nous vous accorder quelques gardes pour votre protection.

Sorah fit mine de réfléchir avant de refuser l'offre du Volturi. Elle montra Demetri du menton avec une nonchalence digne d'Eir.

- Je vous vois venir. Vous voulez me le refourguer. Il n'en est pas question! Il ne fera que me gêner!

- Pardon?

Demetri eut un air horrifié sur son visage. Il jeta un coup d'œil à Aro, pour avoir la confirmation que ce qu'elle disait était faux. Mais rien qu'à voir le sourire de son maître lui fit comprendre que cette idée saugrenue lui avait belle et bien effleuré l'esprit. Le traqueur grimaça de dégoût.

- Hors de question de jouer les babysitters avec une folle pareille!

Sorah leva les yeux au ciel. Aro se rappela d'un souvenir où il pensait la même chose qu'Eir. Et au final... Quand il voit où tout ceci l'a emmené. Il n'en était que plus heureux.

- C'est sûr que c'est tellement moins bien que de rouler des muscles, lâcha Sorah sans ménagement.

Félix ne put s'empêcher d'éclater de rire tout en se frappant la cuisse. Demetri le fusilla du regard. Sorah esquissa un sourire victorieux. Elle comptait tirer sa révérence quand le traqueur la lorgna avec un sourire carnassier.

- Dis-moi, le côté colérique, c'est une tare récurrente chez les Avaloniens ou c'est juste ta maîtresse qui déteint sur toi?

Le sourire de Sorah se figea mais ne s'effaça guère de son visage. Ses yeux ambrés se fermèrent en deux fentes. L'air s'était étrangement refroidi. Jasper et Alice se rapprochèrent de leur sœur. Elle leur fit un geste comme quoi tout était sous contrôle.

- Je parlerais plutôt de mon côté fougeux et passionné. Mais pas colérique, rectifia-t-elle, fière de sa répartie. Par contre, à l'avenir, si tu veux m'insulter, je te prierais de ne pas mêler ma Maîtresse à ça.

Aro souriait face à ce duel entre les deux vampires. Toutefois, il craignait que cela n'en vienne aux mains. Et c'était bien parti pour, connaissant Demetri. Il ne supportait pas qu'une femme ait le dernier mot. Sorah se détourna de lui. Elle amorça juste un pas...

- C'est quoi l'adage déjà...

- Tu as plutôt intérêt à te taire, prévint Sorah.

- Tel Maître...

En même temps que l'Avalonienne retroussa ses manches d'une manière très protocolaire, elle fit un geste de la main. Et les lèvres de Demetri se scellèrent. De la glace brillait sur sa peau. Le traqueur toucha son visage de ses mains. Constatant que cela ne les rendait pas dans leur état initial, ses yeux vermeils envoyèrent des éclairs à Sorah, qui l'examinait, ravie de son petit tour.

- Continue ainsi. Ta mâchoire tombera. C'est ce que tu veux? Ce serait triste que ton joli minois soit défiguré.

Sorah se rapprocha lentement de lui. Sa main s'ouvrait et se refermait, comme si elle jouait avec une flamme invisible.

- Tu vois... Ce petit tour de passe-passe ne me coûte rien en énergie. Dès le plus jeune âge, on nous l'apprends, justement pour ce cas de figure. La prochaine fois, tourne sept fois ta langue avant de parler. Dans le cas contraire, ce n'est pas tes lèvres que je gèlerais mais toute ta bouche.

Sorah réussit enfin à se retirer sous les regards médusés, admiratifs ou amusés des autres Immortels. Aro soupira. L'Avalonienne venait de remporter la première manche d'un long, très long duel. Il savait, par expérience, que Demetri ne laissera pas tomber cette humiliation. Aro posa sa main sur l'épaule de son protégé et lui murmura avec ce sourire entendu, conciliant, encourageant que le traqueur ne comprenait pas:

- Ne dit-on pas qu'il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour? Néanmoins, ne la détestes pas trop. Cela ne sert à rien de lutter, cela ne fera que t'attirer des ennuis. Et crois-moi, une femme qui t'en veut ne fait pas bon ménage.

Caïus émit un petit ricanement, moqueur. Pour sûr, Aro avait de l'expérience en matière de femmes.


Quand Eir entra dans sa chambre, Didyme l'attendait déjà, assise sur le lit, à triturer ses doigts. La vampire ne réagit pas à son arrivée. Les yeux dans le vague, elle faisait face à son passé, ses souvenirs, ses blessures... De puissantes émotions déferlaient sur elle tel un fleuve déchaîné à la suite de pluies torrentielles. Eir ferma la porte, la verrouilla et se dirigea vers son amie. Encore sous l'effet de l'euphorie suite à ses progrés, l'humaine réessaya de se mettre debout. Comme si ses progrés n'étaient qu'un simple rêve lointain. Avec difficulté, elle se redressa sur ses jambes. Son équilibre était encore précaire. Son cœur prit de la vitesse. Dans une concentration extrême, elle se déplaça avec lenteur. Sa langue sortait légèrement d'entre ses lèvres, signe d'un grand effort. Didyme croisa le regard émeraude d'Eir. L'Immortelle ne put s'empêcher de rire face à la mine concentrée de son amie. Cette dernière esquissa un sourire niais. Eir s'accrocha aux draps et grimpa comme elle le put sur le lit. Ses jambes gardaient une certaine raideur. Elle ne pouvait pas se mouvoir comme elle le voudrait.

Bientôt, pensa Eir. Bientôt, je pourrais à nouveau marcher, courir, sauter... Je pourrais enfin reprendre un semblant de vie normal.

Didyme saisit sa main et la serra, en guise de remerciement.

- Ne dis rien, si tu ne te sens pas prête. Par contre, si tu as besoin d'une oreille attentive, je serais là.

La vampire posa sa tête sur l'épaule d'Eir. Didyme ne pouvait rien dire car aussitôt elle parlerait, aussitôt Aro et Marcus les rejoindraient. Se confier alors qu'ils se trouvaient à quelques mètres d'elles n'était pas une bonne idée. Elle n'était pas prête à les confronter, à affronter leurs regards, leurs dégouts...

- Je l'ai rejeté, murmura Didyme. Il doit me détester...

- Non, Didyme, fit Eir. Marcus ne te détestera pas pour si peu. Crois-moi... Quand il a su que tu étais en vie quelque part, je n'ai jamais vu son visage irradié d'autant d'amour et de tendresse.

- Aro et lui vont m'interroger... Je ne suis pas prête. Je... Je... Je ne peux pas parler de ça.

- Ils t'aiment. Ils ne te forceront pas la main. Si c'est le cas, c'est à moi qu'ils auront à faire. Ils ne me connaissent pas encore complètement quand je me mets en colère.

Eir s'allongea, suivit de près par Didyme. Elle cherchait un moyen pour la réconforter. Mais elle ne savait pas trop comment choisir ses mots. Un traumatisme restait un traumatisme. Sans crier gare, la vampire l'enlaça. Son visage se réfugia sous le menton de l'humaine. Eir passa un bras autour de Didyme et caressa ses cheveux avec tendresse.

- Aro et Marcus ne feront pas deux fois la même erreur. À l'heure qu'il est, ils sont sans doute en train de se morfondre et attendent à la porte pour s'excuser.

Didyme acquiesça lentement. Marcus serait bien du genre à agir de la sorte tandis qu'Aro... Il refusait de montrer ses faiblesses aux yeux d'autant de personne. Il attendra sûrement qu'il n'y ait que Eir et elle pour ouvrir son cœur.

- Eir... J'ai tellement... Peur. Ces dix dernières années... Être auprès de Marcus... De ma famille... C'était comme dans un rêve. Et malgré cela... Je... Je me suis toujours sentie... Comme une étrangère.

Didyme éclata de rire, sans joie. Juste rempli de tristesse. Elle chassa une mèche de cheveux d'un revers de la main. Son regard se porta au loin.

- Des fois... J'ai la sensation... De ne pas être à ma place... Que... Peut-être ... Je suis en pleine crise de démence et... Et... Je suis encore... Leur prisonnière...

Eir la contempla avec tendresse. Elle comprenait les doutes de Didyme. Après avoir été torturée durant de longues années, elle ne pouvait s'empêcher de se demander si tout cela était bien réel. D'un coup, Eir se jeta sur Didyme et l'enlaça, chaleureusement.

- Didyme, tu ne rêves pas. Tu ne délires pas. Est-ce que ma chaleur est une illusion?

- Non, murmura la vampire en se blottissant plus contre l'humaine.

- Ma voix, est-elle un artifice?

- Non...

- Mon odeur, serait-elle une chimère?

- Non...

- Mon cœur, est-il le fruit de ton imagination?

- Non...

- Et notre embrassade, est-elle vraiment irréelle?

Didyme réfugia son visage dans le cou d'Eir. Elle ferma les yeux et se laissa porter par cette tranquillité. Aux battements de cœur d'Eir. À ce son, doux, mélodieux, qui résonnait à ses oreilles. À la temperature de son corps qui réchauffait lentement celui de la vampire. À cette odeur iodée, océanique, et de miel qui embaumait ses poumons. La sœur d'Aro absorbait les ondes d'amour et de tendresse de l'humaine. Elle avait l'impression de s'enfermer dans une bulle. Confortable. Chaleureuse. Protectrice. Son esprit se déconnecta de la conversation qui se tenait à quelques pièces d'elles et des bruits des voitures qui roulaient. Elle plongea dans une sorte de sommeil.

Quand Didyme rouvrit les yeux, le soleil se levait à peine. Ses rayons éclairaient parresseusement la chambre. Ses iris vermillons se posa sur le visage endormi d'Eir. Son bras cachait le haut de sa figure comme si elle se protègeait déjà de la lumière du jour. Ses traits reflétaient une pure sérénité. À croire qu'elle était dépossédée de toute peur envers un monstre comme elle. Peut-être qu'être en compagnie d'un vampire végétarien avait complétement déréglé son instinct de survie.

Non, pensa Didyme. D'aussi loin que je me souvienne, même enfant, Eir était téméraire.

Didyme se glissa hors du lit en faisant attention à ne pas déranger le sommeil de l'humaine. Elle se dirigea vers un petit bureau, s'y installa et trouva un papier et un crayon. Elle resta un moment devant la feuille blanche.

Par où commencer?

Didyme savait qu'elle prenait un risque que cette lettre soit transmise à Aro et Marcus. Mais Eir avait raison. La vampire devait en parler, se confier...

À suivre...