…
Bon bah… Je sais plus quoi dire pour vous supplier de pardonner mon retard… J'ai beaucoup d'excuses, mais aucune convaincante… J'ai l'impression de vous faire un affront si je continue de vous demander pardon. Sachez tout de même que j'ai honte de pas arriver à être régulière. (snif)
Mais je vais arrêter là l'auto-appitoiement ! PLACE À L'HISTOIRE ! Si ça vous intéresse, y à toujours mes petites notes de fin de chapitre !
(Réponses aux reviews anonymes en tout dernier)
Et encore une fois : MERCI HYDRUS MAELSTROM POUR LA BÊTA ! Sur ce :
! BONNE LECTURE !
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RÉSUMÉ DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS
Après avoir visité le Royaume de Rosa et trouvé la Fée Bleue, notre petite compagnie se dirige vers le Royaume du Bois Dormant où une certaine Maléfique pourrait apporter son aide à Draco/Elsa, afin qu'il puisse apprendre à maîtriser ses pouvoirs et lever la malédiction d'Hiver Éternel qu'il a jeté par mégarde sur Avalon.
Sur le trajet, bien bien précisé par la Fée Bleue, ils font une halte au Lac de Diane, dans le Pays Sauvage de Diana. Avant de partir, la Fée Bleue a confié une plume blanche à Draco/Elsa, plume qui a intégré son corps : il s'agit en fait de l'âme d'Odette, une amie de la fée, morte il y a plus de deux mille ans. Pour s'en débarrasser, la seule consigne de Draco est de se baigner dans le lac, où elle trouverait le repos.
Ce qu'il fait. Au même moment, Harry/Arthur reçoit une poussière dans l'œil et se retrouve comme possédé par l'âme de Siegfried, l'amant d'Odette qui attendait patiemment le retour de son aimée sous la forme d'un immense chêne. S'ensuit une nuit féérique et torride. Après deux millénaires de stase, Siegfried et Odette se retrouvent enfin à travers Harry et Draco (ou Arthur et Elsa) et vivent un amour passionnel sur un rocher au centre du lac, le rocher de leur première fois. Leurs âmes défuntes s'envolent ensemble vers l'au-delà, où ils pourront s'aimer pour l'éternité : ils ont enfin droit à leur fin heureuse.
De nouveau eux-mêmes, Harry/Arthur et Draco/Elsa décident de poursuivre sur leur lancée et plongent dans les eaux du lac. Par la fenêtre, Neville/Lancelot assiste à la mort de l'immense chêne de son enfance, impuissant. Il y voit un mauvais présage.
Mais dans l'ombre, une femme guette. Alors que Hermione/Belle faisait des recherches dans la bibliothèque, elle est attaquée et ligotée. Elle disparaît dans la nuit, dans le silence et l'ignorance de ses amis…
Ce chapitre commence au petit matin.
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¤¤¤¤ — Chapitre 11 — ¤¤¤¤
===La Ballade de Mulan===
PART 1 : "LA GUERRIÈRE DE FEU"
La lumière perça à travers ses paupières closes et Harry papillonna des yeux. Une fraction de seconde, la panique fit battre son cœur plus vite. Il obligea son cerveau à se mettre en branle avant que son corps ne réagisse. Où était-il ? Qui était-il ? Et…
Les images de la nuit dernière lui revinrent en mémoire et un sourire radieux étira son visage. Le poids sur son épaule… Le plus immobile possible, il baissa le regard vers la touffe blonde lovée contre lui. Des cheveux qui partaient dans tous les sens, pleins de plis disgracieux, comme s'ils avaient séché n'importe comment et s'étaient figés dans leur position aléatoire. Draco. Elsa. Odette ? Peu importait, l'homme dont il rêvait depuis plus d'une semaine bavait sur sa clavicule et c'était le plus beau moment de sa vie.
Ils avaient enfin couché ensemble.
Après des années à se poser mille questions, un mois à sentir ses sentiments grandir jusqu'à l'étouffer et les derniers jours à se torturer, la reine était finalement dans ses bras. Et il lui avait fait côtoyer les étoiles.
Leur première fois se dissipait dans un nuage onirique trop opaque pour qu'il se souvienne des détails. Il gardait l'émoi d'un bonheur furieux, à deux doigts de le tuer. Il avait même cru s'éteindre l'espace d'un instant. Peut-être était-il vraiment mort ? La sensation lui paraissait si réelle, il ne s'était pourtant jamais senti aussi vivant qu'à présent. L'intensité avait été telle qu'il avait cru à un mirage, avant de se rappeler qu'ils nageaient en plein contes de fée. Si être dans cet univers signifiait vivre une pareille extase, il ne voulait plus jamais repartir.
Leur seconde fois était bien plus nette dans son esprit. Il n'avait plus eu l'impression d'être un autre homme qui faisait l'amour à la "femme" de sa vie, après des millénaires de stase à l'attendre. Ils avaient fini par redevenir eux-mêmes. Ils s'étaient reconnus pour qui ils étaient vraiment sans que cela ne les arrête. Harry avait dévoré chaque centimètre de sa peau comme un affamé. Même loin de la féérie initiale, la puissance du moment ne s'était pas éteinte, au contraire. Le rêve avait continué, plus cru et érotique, fiévreux et frénétique. Un pur délice.
Il les avait menés sur l'îlot du chêne où ils s'étaient allongés à peine sortis de l'eau. Des feuilles s'étaient collées à leurs épidermes humides et ne voulaient plus les lâcher. Même quand il avait retourné Elsa sur le ventre ou l'avait pris au-dessus de lui, ils n'avaient pas daigné chasser cette verdure encombrante. Draco en avait encore dans sa crinière ébouriffée, ce qui le fit sourire d'autant plus. Son bel endormi embaumait la fragrance fraîche des feuilles de chêne perlées de rosée du matin, une odeur qu'il associerait pour toujours à cette première fois.
Merlin ! Cette nuit avait été magique ! Il n'arrivait pas à en croire sa chance. Il avait toujours le goût de ses lèvres sur la langue et se retenait difficilement de caresser sa peau crémeuse pour ne pas le réveiller. Une branche lui piquait le dos et, nu comme un ver, il commençait à avoir froid, mais il refusait de bouger. Cet instant devait durer le plus longtemps possible, même si ne pas voir son visage l'agaçait. La chaleur et le poids sur son torse l'aidaient à comprendre qu'il ne rêvait pas : son fantasme s'était réalisé, durant une grande partie de la nuit.
Se remémorer chaque seconde le faisait de nouveau durcir. Comment faire autrement alors qu'il n'avait qu'une envie : recommencer ! Au diable leur quête, les royaumes ou les malédictions, il voulait passer les onze prochains mois entre ses cuisses. Harry se demandait en quoi le Draco de la vraie vie pouvait être différent. Peut-être était-il moins beau ? En tout cas, il était certain qu'il était tout aussi désirable.
Un mouvement sur son épaule le sortit de ses pensées et son cœur se mit à battre plus fort. Il s'attendait à contempler ses jolis yeux embués de sommeil, peut-être accompagnés d'un éclat d'incompréhension qu'il s'apprêtait à effacer d'un baiser. Cependant, il n'avait pas pensé qu'il s'éloignerait d'un bond, ni qu'il le fixerait avec cet air terrifié. Un air perdu, apeuré… En attente.
« Elsa ? »
L'interpellé ouvrit plusieurs fois la bouche sans qu'aucun son ne franchisse ses lèvres. Harry aurait dû s'inquiéter ou tenter de le rassurer. À la place, il se retenait de rire. Jamais il n'aurait cru voir le si noble et fier Draco dans cet état : nu comme le jour de sa naissance, des épis sur la tête tel un soleil, des suçons et morsures sur le corps, une feuille collée sur la joue et bien d'autres dans ses cheveux emmêlés. Le tout dans une position précaire où il semblait sur le point de s'écrouler. Mais son hilarité n'était pas partagée, s'il en jugeait par sa mine renfrognée.
« Tu as quelque chose, ici. »
Doucement, il approcha la main de son visage et chassa la plante jaunie d'un frôlement. Elsa paraissait troublé, il en profita pour poursuivre sa caresse plus longtemps que nécessaire. Ils étaient si proches. Sa senteur légère revint à ses narines et l'apaisa. Harry ne concevait plus de vivre sans son parfum d'amande, sans sa chaleur, ses teintes claires, ses yeux brillants… Un doute subsistait dans le regard argenté dont quelques brisures semblaient avoir disparues. Il se pencha vers lui pour l'éteindre de ses lèvres.
« Majesté ! »
Ils sautèrent si vite sur leurs jambes qu'ils manquèrent de chuter. Audhild ? Le premier réflexe de Harry fut de vérifier qu'ils étaient bien dissimulés derrière la végétation pour toute personne située sur la rive. Sa seconde action fut de regarder vers le ciel.
Le jour se levait.
Ils avaient prévu de partir à l'aube.
Bordel de merde !
« J'y vais », murmura Draco.
Harry voulut le retenir pour… il ne savait pas pour quoi. Il n'avait juste pas envie de le laisser partir. Malheureusement, Elsa fut plus rapide et s'avançait déjà à travers les buissons en direction du lac, hors de portée de chuchotements.
Que devait-il faire ? Attendre que la reine et sa dame d'honneur s'éloignent avant de rejoindre le manoir ? Allaient-ils taire leur liaison ? Même auprès de leurs amis ? Quand allaient-ils pouvoir se retrouver en tête-à-tête ? Il leur fallait convenir d'un code secret pour se voir en toute discrétion. Le plus tôt serait le mieux. Dès ce soir. Ou même avant… Cependant, il ne pouvait plus lui poser toutes ces questions.
Et puis, il n'avait même pas ses habits ! Ses chausses n'étaient pas bien loin, mais sa chemise était restée sur le rocher semi-immergé. Tous trempés !
Harry retint un juron au fond de sa gorge, frustré. Tête rejetée en arrière et mains crispées sur son crâne, il poussa un grognement guttural, le seul son qu'il était capable de proférer sans être entendu. Quand il s'étrangla.
Depuis quand l'énorme chêne millénaire était-il mort ?
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Draco nageait au fond du lac afin que sa demoiselle de compagnie ne le remarque pas tant qu'il ne s'était pas suffisamment éloigné de l'îlot. Hors de question qu'elle sache ce qui s'était produit ! Il avait terriblement honte de lui : un homme marié ! Potter, de surcroît ! Était-il à ce point en manque pour qu'il saute sur le premier venu ?
Nerveux, il stoppa sa progression quelques secondes contre un rocher pour se reprendre. Non… Il ne pouvait pas user de sa mauvaise foi sur ce sujet. Toutes les fibres de son être appelaient Arthur avec la rage du désespoir, il ne pouvait pas le nier. Si Odette avait certes pris le contrôle de son corps pour l'obliger à sauter le pas, Elsa en avait largement profité et s'était glissée dans la brêche.
Et Draco aussi…
À bout de souffle, il remonta à la surface.
« Majesté ! » fit une voix soulagée, au loin.
Quelques brasses vers la rive lui laissèrent le temps de se composer un visage neutre. Il devait arrêter de penser à cette fantaisie. Les grandes paumes chaudes qui caressaient sa peau, la langue au goût de miel qui dansait avec la sienne, cette dureté qui le pénétrait et le rendait complètement fou… Par Obéron ! Il s'était mis à quatre pattes devant Potter et voulait y retourner ! Il le sentait toujours en lui, ce qui le rendait fébrile. Il voulait recommencer, encore et encore jusqu'à en mourir. Cela avait été la meilleure partie de jambes en l'air de ses deux vies. Non pas parce que Potter était un virtuose du sexe, mais parce que justement, il était Potter. Lui et personne d'autre. Cette idée l'excitait de nouveau.
L'eau froide l'aida à se calmer. Il devait arrêter de rêver. Ce ne pouvait être que pour une nuit. Une seule et unique nuit à se rouler dans le stupre et la concupiscence, mais c'était terminé à présent. Arthur était un roi marié, Harry était un héros inaccessible et Siegfried était mort. Il n'y aurait pas de prochaine fois. Draco avait envie de pleurer.
« Majesté ! répéta à nouveau Audhild sur un ton de reproche en tournant en rond sur la berge. Mais où étiez-vous passée ?! Cela fait des heures que je vous cherche !
— Des heures, vraiment ? demanda Elsa en s'accrochant au ponton, peu enclin à se montrer nu devant sa suivante.
— Au moins une, en tout cas !
— Je me suis levé tôt pour me laver, c'est tout. J'aurais dû te laisser un mot. Pourrais-tu aller me chercher de quoi m'essuyer ? J'ai oublié de prendre un tissu.
— Naturellement, Majesté ! » fit-elle en courant d'un coup vers le Manoir.
Draco souffla et appuya son front contre le bois. Faire illusion était plus difficile que d'habitude. Cette nuit de rêve à vivre un fantasme impossible, se réveiller contre sa peau chaude et cuivrée, entendre les battements paisibles sous sa poitrine musclée. Il souhaitait remonter le temps pour respirer sa fragrance boisée, sentir son souffle dans ses cheveux, peut-être même oser lui voler un dernier baiser.
La douleur lui vrillait le cœur : tout ceci le laissait avec plus de mal que de bien. Pourtant, il ne regrettait pas une seule seconde et s'interdisait de verser la moindre larme. Il l'avait cherché. Il méritait cette peine. Son visage s'imprima plus fort contre le ponton jusqu'à écraser son nez. Si seulement il pouvait revenir à cet état gelé où il ne ressentait rien. Avant de venir dans ce monde. Avant Perceval. Et surtout, avant le bel Arthur.
Trop vite, Audhild revint avec une grande nappe blanche. Elle alla jusqu'au bout de l'embarcadère pour la lui tendre et détourna pudiquement les yeux. Tremblant autant à cause du froid que de l'émotion, il se hissa sur les planches pour s'envelopper dans la toile. Et juste avant de se couvrir, il remarqua les traces de son péché partout sur son corps. Miséricorde ! Potter s'en était donné à cœur joie ! Comment allait-il cacher tout cela ?!
« Retournons vite dans votre chambre, déclara Audhild en ramassant son chemisier en lin qui attendait depuis la veille au soir. Il ne faudrait pas qu'on vous voit dans un tel accoutrement, ce serait tout bonnement scandaleux ! Quelle idée vous est donc passée par la tête, vraiment. Vous allez me faire avoir des cheveux blancs avant l'heure, Majesté. Ce n'est pas très gentil de votre part.
— Je ne pensais pas rester si longtemps dans l'eau, avoua sincèrement Draco, plus rouge qu'une fraise écrasée.
— Je vais vous aider à vous habiller et…
— Non ! »
Audhild se retourna d'un bond vers lui, choquée par sa réaction. Il ne savait pas quoi dire et remonta son drap pour bien couvrir son cou. Elle ne devait surtout pas voir les suçons qui parsemaient son épiderme ou elle comprendrait ! Leur petite troupe ne comportait pas beaucoup d'hommes, les déductions seraient rapides avant d'arriver à la conclusion qu'il s'était envoyé en l'air avec un roi marié. Toute. La. Nuit !
« Tu as déjà assez perdu de temps à me chercher, tu as sûrement mieux à faire, inventa-t-il en désespoir de cause. Je peux me vêtir seul pour cette fois, ne t'inquiète pas pour moi. »
Ses yeux plissés prouvaient qu'elle n'était pas dupe. Palsambleu !
« Si vous le dites… concéda-t-elle, comme une faveur. Je viendrai seulement pour vous maquiller.
— Est-ce bien nécessaire ? soupira-t-il.
— Il ne faudrait pas que nos compagnons de route voient cette vilaine ecchymose sur votre mâchoire. Je suis certaine que Sinbad voudrait occire la malheureuse branche qui vous a fait cela, n'est-ce pas ? »
Le visage de Draco hésitait entre la pâleur cadavérique et le carmin flamboyant. Que répondre ? La honte le submergeait et il ne put que hocher pitoyablement la tête. Quelle déchéance !
« Si je puis me permettre, avez-vous noté un événement étrange ? lui demanda Audhild tout en se dirigeant vers le manoir.
— Comment cela ? répondit craintivement Draco, sur ses talons.
— Autour de l'arbre.
— Quel arbre ? »
Sa dame de compagnie s'arrêta pour le regarder d'un air curieux. Encore une fois. Il ne comprenait pas ce qu'elle cherchait à lui dire et avait peur de trop en révéler s'il répondait. Il espérait déjà qu'elle n'avait pas déduit qu'il était dans ce lac depuis la veille !
« Le chêne, finit-elle par dire d'une voix hésitante. Cet énorme colosse. Vous ne l'aviez point vu ? Il était si verdoyant hier, je ne pensais pas possible qu'il puisse trépasser en quelques heures seulement. N'avez-vous donc rien remarqué ? »
Un froid étrange se répandit dans les membres de Draco et le fit frissonner. Lentement, il leva les yeux vers les milliers de rameaux et ramilles… nus.
Tout autour de lui, des milliards de feuilles jaunes et rouges tapissaient le sol ou flottaient sur la surface du lac. Il n'avait rien vu. Comment avait-il pu manquer une information pareille ? La gigantesque couronne ne filtrait plus les rayons du soleil, le jour naissant était plus vif et lumineux que de coutume. Même cela ne l'avait pas intrigué. Il n'avait pensé qu'à Potter.
Son cœur se serra lorsqu'il observa l'écorce terne. Le gardien du paysage de son enfance n'était plus, il avait rendu l'âme la nuit même de ses ébats sacrilèges. Et quelque part, il y voyait un lien ou un signe… comme s'il était responsable de sa mort.
« Venez, Majesté. Vous allez prendre froid. »
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Blaise fusillait Ratatosk du regard. Ce sale rongeur était bien trop sage, il préparait forcément un sale coup. La truffe levée vers le ciel, il semblait guetter avec impatience le retour de Hugin, parti pour sa balade matinale. Croyait-il qu'ils l'attendaient pour lever le camp ? Crétin ! Le corbeau albinos était un grand garçon. Même s'il s'agissait de Grégory, qui n'était pas réputé pour sa vive intelligence, ses instincts aviaires le guideraient vers eux. Ou plutôt vers Elsa, toujours en possession de sa plume blanche offerte par le Chat Botté pour l'orienter vers lui. De plus, il restait bien plus rapide qu'un cheval au pas.
L'arrivée de Lancelot le sortit de ses divagations et il boucla la sangle de son paquetage. Ils étaient en retard sur leur programme. Encore. Ils allaient être contraints de forcer l'allure et de s'arrêter plus tard que prévu, il était donc hors de question qu'ils perdent plus de temps. Malheureusement, il paraissait le seul inquiet de ce contretemps : Londubat traînait la patte, la mine sombre et le regard triste. Les trois têtes couronnées n'avaient pas daigné pointer le bout de leur museau et Belle s'était probablement endormie sur un de ses bouquins, l'encre d'une page imprimée sur la joue. Bande de branleurs !
« Qu'est-ce qu'ils foutent ? ne put s'empêcher de râler Sinbad. S'ils veulent s'amuser à la moutarde une journée de plus dans ce trou, faut me le dire ! Moi aussi je regarderai bien les hirondelles, les doigts de pied en éventail !
— Ils se préparent, répondit le chevalier, sans entrain. J'ai vu les rois Arthur et Adam, ils rassemblent les victuailles et font un dernier tour du domaine, au cas où ils trouveraient un équipement qui pourrait nous être utile. Audhild est occupée avec la Reine Elsa, dans ses appartements. Elle ira ensuite récupérer les affaires que Belle a laissées dans sa chambre. J'irai réveiller Hermione dès que nous aurons fini de préparer les chevaux.
— Pourquoi t'y vas pas maintenant ? Je m'occupe des canassons.
— Elle a certainement passé la nuit à lire, mieux vaut la laisser se reposer le plus longtemps possible.
— Ça chauffe les chaises, mais c'est rien que des branlecouilles ! On devrait déjà être partis ! Vas-y que ça fait la grasse mat' pendant que les autres sont au turbin ! Et arrête de faire une tronche de six pieds de long, toi ! Ton arbre a crevé, c'est moche, mais y a pas mort d'homme !
— Tu ne comprends pas, soupira Lancelot en jetant une couverture sur le selle français de Draco. Il était bien plus que cela.
— À la bonne heure ! Qu'est-ce qu'on en a à carrer ? On se casse dans onze mois, tu foutras plus jamais les pieds ici !
— Il était vivant. Il…
— Et il est cané. Fin de l'histoire. Il couvait peut-être une saloperie quelconque, pas de bol que ça tombe pile maintenant.
— La coïncidence ne t'intrigue pas ? l'interrogea Neville en cessant ses manœuvres.
— Si, mais je veux pas le savoir, explosa Blaise en se tournant vers lui, l'air furibond. J'en ai ras le cul des malédictions qu'on se tape pour un oui ou pour un non. On a une mission, concentrons-nous là-dessus. C'est pas le moment de s'éparpiller en cherchant des réponses qui nous serviront à rien. On était même pas censé s'arrêter ici, bordel ! Tout ce qu'on a gagné, c'est des bouquins qui vont alourdir nos montures et des heures perdues à bayer aux corneilles. C'est comme cette histoire de blaze, hier soir : ça va t'apporter quoi de savoir que ta broquille a été faite par un vieux grincheux pour un des insipides roitelets d'Avalon, il y a cent ou dix mille ans ? Ça va changer ta vie, peut-être ? Je fermerais ma gueule si on avait rien de mieux à faire : tant que je suis avec mon Petit Prince, je veux bien suivre vos lubies débiles. Mais c'est pas le cas ! On a déjà assez glandé à Rosa, place à l'action ! Si ça peut te faire bouger le fion plus vite, je veux bien te promettre de revenir ici avec toi pour planter une connerie de gland, une fois que tout sera terminé, ok ? »
Le stupide chevalier le regardait comme s'il lui annonçait qu'il était Davy Johns en personne. La ganache ! Bien sûr que la mort soudaine du chêne millénaire était louche, même carrément surnaturelle, il n'était pas une buse ! Dans un univers comme celui-ci, les causes pouvaient cependant être multiples et variées : marcher sur un caillou ou éternuer devant une bougie pouvait être des explications tout à fait acceptables. Ils ne connaissaient pas les règles de ce monde. Et à chaque terre foulée, une nouvelle histoire se mettait en branle, ils n'avaient pas le temps de s'appesantir sur chacune d'entre elles.
Blaise ajusta une selle d'un mouvement sec et passa à l'équidé suivant sans plus accorder d'attention à son interlocuteur. Du coin de l'œil, il vit que Ratatosk n'avait toujours pas bougé. Ça puait. Il avait un très mauvais pressentiment et voulait vite passer à autre chose pour esquiver la merde qui n'allait pas tarder à leur tomber dessus.
Car s'il ne voulait pas savoir, c'était surtout parce qu'il n'aimerait pas du tout la réponse. Il le sentait. Pas besoin d'être savant pour comprendre qu'une puissante magie s'était brutalement consumée. En une nuit. Il refusait d'y voir un lien avec la présence de la Reine des Neiges et ses fameux Hivers Éternels. Devait-il s'estimer heureux que l'endroit ne soit pas recouvert de glace ?
« Tu as raison, fit tout à coup Lancelot, de retour à l'ouvrage. Nous n'avons pas le luxe de pouvoir enquêter sur chaque incongruité. Mais restons méfiants : il ne serait pas sage d'ignorer un signe du destin quand il se présente à nous. Gardons l'œil ouvert et les sens en alerte. »
Ce qui était justement la crainte de Blaise. Il préférait la magie noire aux mauvais augures.
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Harry ajusta ses manches et tira sur l'arrière de ses chausses pour la troisième fois. Il hésitait à renfiler ses vêtements les plus confortables, même s'ils étaient trempés. La journée allait être longue, si en plus sa toile de laine le grattait, le voyage n'en serait que plus désagréable.
Une corde trouvée en cuisine enroulée sur l'épaule, parce qu'on n'avait jamais trop de cordage, il sillonnait les corridors du rez-de-chaussée et ouvrait toutes les portes sur sa route. Ron et lui fouillaient et fouinaient, à la recherche du moindre petit outil qui pourrait s'avérer utile dans leur périple, comme des aventuriers en quête de butin. Il avait parfois l'impression d'être le personnage d'un jeu de rôle, ces histoires pleines de donjons à explorer et de dragons à combattre dont il avait entendu parler.
Dudley s'était découvert une passion pour ces activités, six ans auparavant, mais Harry n'avait jamais été attiré par le concept : il avait eu son lot de péripéties, durant son adolescence, et avait l'impression d'avoir déjà vécu ces histoires fantastiques dans la réalité. Son cousin lui posait parfois des questions sur sa nature de sorcier, afin de comparer le fonctionnement de la magie décrit dans ses manuels scolaires, avec les jets de dés prévus par son livre de règles. L'un n'avait évidemment rien à voir avec l'autre. Pourtant, Harry regrettait de ne pas avoir écouté plus attentivement les explications de Dudley. Peut-être aurait-il pu trouver des similitudes avec ce monde et avoir de meilleurs réflexes ? Comme recruter des mercenaires pour équilibrer les domaines de compétence de leur groupe. Par exemple : auraient-ils dû demander à un médecin de les suivre ?
À l'angle de l'arche menant au vestibule, près des escaliers, il s'arrêta juste avant de percuter quelqu'un qui arrivait en sens inverse.
Elsa.
Immédiatement, son cœur se mit à battre plus fort. Les images de compagnie hétéroclytes, ou d'aventures type "porte-monstre-trésor", furent remplacées par les souvenirs de baisers ardents et d'étreintes charnelles.
Dieu qu'il était beau ! Frais comme une fleur tout juste éclose, habillé d'une tenue de voyage impeccable, coiffé et maquillé à la perfection. Il n'avait pas l'allure d'une personne qui avait passé la nuit à s'envoyer en l'air. Ses jolis yeux d'argent étaient écarquillés de surprise et ses épaisses lèvres vermeil entrouvertes. La légère rougeur sur ses pommettes fut un indice suffisant pour comprendre que les mêmes réminiscences envahissaient son esprit. Tous deux avaient le souffle haché et le corps crispé, autant d'envie que d'appréhension. Dans son regard, il y avait des questions qui n'appelaient pas de réponses, comme un espoir dont il ne voulait pas et qu'il réclamait pourtant de tout son être. Il restait figé devant lui, incapable de reculer ou d'avancer. Et au lieu de s'interroger, Harry désirait juste le cueillir sur place.
Lorsque Draco tira sur ses doigts, signe de son anxiété, Arthur se pencha pour enfin lui donner ce baiser qu'il n'avait pas pu lui offrir quelques heures plus tôt.
La porte d'entrée s'ouvrit. Ils reculèrent d'un bond.
« Sire ! sourit Neville en s'approchant. J'allais justement vous chercher. Les chevaux sont prêts, il ne nous reste plus qu'à charger les derniers paquetages et nous pourrons partir.
— C'est parfait ! » s'exclama une voix à l'étage.
Audhild ?! Encore ?! Depuis quand était-elle là ?!
« J'ai fini de rassembler toutes nos affaires, chantonna-t-elle en descendant les marches, les bras encombrés de lourds sacs.
— Avez-vous pu prendre celles que Belle a laissées dans sa chambre ? demanda Neville en la rejoignant pour la soulager de tout ce poids.
— Tout à fait, je suis moi-même allée vérifier tous les appartements. Il ne reste plus rien. Je vais faire un tour en cuisine pour récupérer le restant de notre soupe d'hier.
— Dans ce cas, je m'occupe d'aller réveiller Belle, fit le chevalier en confiant les bagages à Harry. Où se trouve le Roi Adam ?
— La dernière fois que je l'ai vu, il choisissait quelques carnets de notes qu'il a trouvé dans un petit bureau, répondit Arthur, frustré d'encore avoir été interrompu. Il pensait faire plaisir à sa compagne. Il allait te demander l'autorisation, Elsa.
— Oui, oui… bredouilla Draco, gêné. Aucun problème.
— Allez donc nous attendre aux écuries, ma reine, proposa Audhild en corrigeant la position d'une mèche blonde dans la coiffure parfaite de sa maîtresse. Nous arrivons vite. »
Elsa ne se fit pas prier et s'enfuit d'un pas précipité par la porte ouverte. Sa jolie cape courte en coton blanc céruse voletait assez haut derrière lui pour laisser entrevoir la courbe de son fessier qu'il savait bien ferme. Seigneur ! Il paierait cher pour de nouveau mordre dans cette chair tendre.
La mort dans l'âme, il se traîna à sa suite, alourdi par son fardeau volumineux. Les occasions pour se retrouver seul avec lui s'annonçaient rares et compliquées. Sa patience allait être mise à rude épreuve et il n'était pas une personne réputée pour sa tempérance. Plutôt pour son obstination.
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Ron espérait que ses trouvailles lui ferait gagner des points auprès de sa femme. Il avait passé une très mauvaise nuit, seul dans un grand lit froid, cerné par le silence et l'obscurité. Ce n'était plus dans ses habitudes. Ou plus exactement, ce n'était plus dans les habitudes du solitaire Adam, car entre sa famille nombreuse, le dortoir à Poudlard et sa vie conjugale, Ron n'avait presque jamais dormi sans personne à proximité. Cela n'avait donc jamais été une "habitude", pour lui.
Plein d'espoir, il fourra les carnets dans sa besace et prit le chemin de la sortie. Harry et lui avaient fait le tour des lieux, il ne voyait pas ce qu'ils pourraient prendre d'autre. Le moment fatidique approchait : réveiller Hermione.
Il avait demandé à Neville de le prévenir quand il irait chercher sa Belle. Ron avait beaucoup réfléchi durant son insomnie. Différents scénarios avaient traversé son esprit afin de retrouver l'affection de son épouse et un plan avait doucement germé dans son crâne.
Premier point : ne plus être agressif. Ce qui était le plus dur, il en convenait. Comme toute sa famille, il était d'une nature sanguine, plus prompt aux accès de colère et autres émotions violentes. Ils étaient pleins et entiers, incapables de cacher les sentiments vifs qui les prenaient à la gorge. Ce pouvait être une qualité, surtout si l'émoi en question était positif. L'amour qu'il ressentait pour sa femme et leur fille, par exemple. Et malheureusement, le personnage qu'il incarnait n'était pas plus modéré, au contraire. Il allait devoir gérer à la fois ses propres emportements et ceux d'Adam. Ce n'était pas gagné.
Deuxième point : tolérer Malfoy. Cette idée le mettait déjà en rage, mais il n'avait pas le choix. Puisqu'il souhaitait regagner les faveurs de Hermione et que celle-ci avait décidé de suivre ce satané Mangemort, il était contraint de le supporter. Qu'ils se lancent dans une quête pour lui, qu'ils doivent se battre pour le protéger, ou qu'il soit obligé de négocier des contrats juteux avec lui, parce qu'il était à la tête du plus puissant Royaume de cette partie du monde, passaient encore. Mais devoir endurer les battements de cils de son meilleur ami, son insupportable odeur post-coïtale, l'amitié improbable de Neville et les affabilités de tout le groupe envers ce petit con, après tout ce qu'il leur avait fait… c'était au-dessus de ses forces ! Pourtant, il se jurait de faire des efforts. Et Merlin savait à quel point il allait devoir en faire !
Troisième point : être présent sans être envahissant. Un dosage subtil qu'il n'était pas encore bien sûr de pouvoir définir. Diable ! Il n'était même pas certain de comprendre là où il voulait en venir. Il devait la laisser respirer, la laisser vivre sa vie rêvée dans les contes de fée, sans pour autant devenir transparent. S'il s'éloignait trop, au point de ne plus exister dans son environnement direct, il aboutirait à l'effet inverse de celui attendu. Il devait rester présent dans son univers à elle. Et pour montrer sa métamorphose, elle devait le voir. Il voulait lui prouver qu'il l'avait entendu et avait pris en compte ses remarques. Certes, trop tardives, mais passons… Pour cela, faire acte de présence lors de ses moments de faiblesse ou quand elle aurait besoin d'aide, était le minimum.
D'où sa présence à son réveil. Il ne voulait pas pour autant être celui qu'elle verrait en premier lorsqu'ils l'extirperaient des bras de Morphée. Au vu de leurs récentes intéractions, il n'aurait pas été sage d'être seul avec elle. Pas tout de suite. Cependant, il voulait être là quand elle s'apercevrait de son retard et qu'elle n'avait pas su s'éveiller à temps pour aider à lever le camp. Tout ce qu'il lui offrirait serait son soutien et sa gentillesse. Il avait même préparé un discours de remerciements pour toutes les informations qu'elle avait récolté en lisant jusque tard dans la nuit. Il ne savait pas encore de quoi il était question, mais il restait certain que sa Belle leur avait déniché des pépites, comme toujours.
Par un hasard qui faisait bien les choses, et il prenait cela comme signe de sa bonne résolution, Ron vit Neville arriver au bout du couloir. Le chevalier lui adressa un sourire confiant et trottina à sa rencontre.
« J'allais justement vous chercher, Roi Ad… Ron.
— Tout est prêt ? s'enquit la Bête, se cognant contre une applique murale tant il était nerveux. Je ne voudrais pas la réveiller trop tôt.
— Nous sommes parés, s'enorgueillit Lancelot en le rejoignant devant la porte de la bibliothèque. Mon r… Harry charge les derniers paquetages, dont ceux de Hermione, et Zabini finit de sceller son palefroi. Elle n'aura qu'à se rafraîchir le visage et prendre ses livres.
— Très bien. Très bien… » hésita Adam en tirant sur son manteau de chenille amarante.
Il était agité, à la fois impatient et craintif. Il avait peur de la réaction de Belle à sa présence. Elle ne faisait que le fuir depuis le début du voyage. Et si elle évitait son regard ? Et si elle partait sans même lui adresser la parole ? Allait-il avoir l'occasion de lui scander la tirade qu'il avait préparée ? Pourrait-il lui montrer les carnets de notes qu'il avait découverts ?
« Tout va bien se passer, tenta de le rassurer Neville en posant une main sur son bras velu. Vous… Tu as pris la bonne décision, Hermione va s'en rendre compte. Cela prendra peut-être un peu de temps, mais vous redeviendrez vite ce si beau couple, heureux et aimant, que vous avez toujours formé. »
Rien n'était moins sûr. Une petite voix dans sa tête ne cessait de le prévenir que l'avenir ne serait pas aussi simple. Il y avait un poil dans son thé, un détail qui lui échappait, mais qui revêtait une grande importance. Ne pas savoir de quoi il s'agissait le rendait fou !
Lancelot n'attendit pas qu'il se reprenne avant d'actionner la poignée de la porte, sûrement pour ne pas lui donner l'occasion de se raviser.
La salle était plongée dans l'obscurité. Volets et rideaux n'avaient pas été ouverts, l'air était vicié et compact, comme figé dans le temps. L'odeur des vieux parchemins, des reliures en cuir et des bougies éteintes agressèrent leurs narines dès l'instant où ils posèrent pied et patte dans cette chapelle de la connaissance.
Le silence était religieux et oppressant, le friselis de leurs habits semblait résonner contre les étagères prêtes à vomir leurs ouvrages. Seul le rayon de jour qui passait par la porte leur permit de voir où ils mettaient les pieds. Ils avancèrent en tapinois, oublieux de leur objectif premier qui était d'éveiller la Belle endormie.
Quelque chose hérissait pourtant la fourrure de la Bête. Un mauvais pressentiment ou un sixième sens en alerte, une goutte de sang sur une rose rouge, à peine perceptible et néanmoins d'un sinistre évident. Il ne pouvait pas l'expliquer, mais sentait la présence méphitique d'un lugubre présage.
Ron oublia ses inquiétudes futiles, ses éloges apprises par cœur, ou les cahiers dans son sac, focalisé sur ce qu'il s'apprêtait à découvrir. Il voulait connaître l'origine de cette peur tout en la redoutant. Prolonger l'incertitude lui donnait l'impression illusoire de repousser le danger, comme si le malheur n'existait pas tant qu'il n'y était pas confronté. Cependant, c'était bien là. Dans ses jarres vibrants. Dans sa truffe frémissante. Dans ses coussinets électrisés.
Cela concernait sa femme.
« Je vais allumer une torche » chuchota Neville dans la pénombre.
Adam hésitait entre le presser ou l'en empêcher. Tous ses muscles étaient crispés dans l'expectative. Sa poitrine tambourinait dans un rythme endiablé, ses cornes le démangeaient et tiraient sur son crâne comprimé. Les yeux écarquillés pour ne rien perdre de ce qu'il allait voir, il attendait la clarté comme le messie ou l'antéchrist.
Et la lumière fut.
Chaise renversée. Grimoires éparpillés. Velins déchirés. Bougies cassées. Cire étalée. Table en travers. Encre épandue. Plume brisée. Notes éclaboussées.
Pétrifié, Ron fixait une minuscule tâche de sang sur le dallage, à la jonction de la pierre bleue et du marbre blanc. Son cerveau avait cessé de fonctionner. Le temps s'était arrêté. Le monde ne tournait plus.
« Seigneur tout puissant » souffla Lancelot d'une voix blanche.
Hermione avait disparu.
[===]
Draco était ravi que Blaise n'ait pas osé faire de remarque sur son retard. Il ne se sentait pas encore assez fort pour faire illusion : un seul mot et il aurait pu rougir comme une tomate bien mûre. Son meilleur ami aurait sans doute deviné pourquoi et il n'avait pas envie de découvrir sa réaction. Se moquer ? Le bouder ? Le réprimander ? L'ignorer ? Il ne voulait pas savoir. Ce serait trop dur à gérer, il avait déjà assez honte de son infamie pour ne pas avoir à supporter le regard accusateur de son ex-amant.
Sinbad l'avait prévenu, c'était effectivement « autre chose que se taper son capitaine corsaire ». Il n'avait pas écouté. Il n'avait pas voulu se croire capable de coucher avec un homme marié. Un collègue souverain. Son ancien ennemi.
« Putain d'Odette de merde » grogna-t-il le plus doucement possible, des trémolos au fond de la gorge.
À l'abri dans un coin du box de son selle français, protégé des regards par les palissades de bois et l'imposante stature de l'animal, Elsa acheva ses borborygmes par un couinement discret. Le front appuyé sur l'épaule de sa monture apprêtée, il cherchait le courage d'oublier la nuit incroyable qu'il avait passée. Peine perdue. Il n'y avait pas une seule once de vaillance dans son maigre corps de pécheur. Rejeter la faute sur l'âme maudite de la princesse déchue, morte depuis des millénaires, était son ultime rempart face à l'opprobre. Mais même cela n'arrivait pas à le convaincre tout à fait.
Parce qu'il y avait eu cette seconde fois. Parce que derrière Siegfried et Odette, il y avait eu Arthur et Elsa. Il y avait eu Harry et Draco. C'était indéniable. Et c'était très très très mauvais. À présent qu'il avait goûté au fruit défendu, il n'avait qu'une seule envie : dévorer la pomme jusqu'au trognon. S'il pouvait même engloutir les pépins et grignoter le pédoncule, il le ferait, quitte à s'empoisonner avec. Cette certitude le tuait ! Il en avait eu la preuve quelques minutes plus tôt, quand il s'était retrouvé face à son complice de crime. Par Obéron ! Il s'était tant retenu pour ne pas se jeter sur lui ! La simple vue de ses yeux sinople ou de sa peau cuivrée lui faisait oublier tous ses principes. Et s'il avait le malheur de respirer son parfum boisé, il ne répondait plus de rien.
C'était une torture ! Impossible d'éviter Potter. Après dix années sans le voir ailleurs que dans un journal qu'il ne lisait plus, le côtoyer était devenu son quotidien. Il devait se construire une carapace pour ne pas céder à la tentation. Immédiatement !
Une caresse sur sa pommette le fit relever la tête dans un sursaut. Il eut à peine le temps de reconnaître le visage qui le hantait que deux lèvres s'emparèrent des siennes. Bois. Musc. Son corps entier se détendit. Ses blâmes s'évaporèrent dans un nuage de coton blanc. Le peu de bravoure qu'il avait peiné à construire fondit comme neige au soleil et emporta ses résolutions dans la misérable flaque qu'était devenu son esprit. Une langue lécha le petit espace menant à sa bouche et se glissa entre ses dents pour rejoindre sa consœur. Leurs salives se mêlèrent. Miel.
Il était perdu.
Sans qu'il ne puisse les commander, ses bras s'enroulèrent autour de la nuque de l'homme qui l'embrassait si bien. Les grandes mains de guerrier entourèrent sa taille et le firent frissonner de délice. Sa mâchoire s'ouvrit plus grand et il répondit à la demande muette avec joie. Son cœur ne s'accéléra pas, mais frappait plus fort dans sa cage thoracique, comme s'il leur donnait un rythme à suivre.
Draco caressa la peau brûlante pour perdre ses doigts dans la crinière noir d'aniline. La prise ferme sur ses reins étreignait parfois ses flancs et imposait un mouvement à ses hanches qui se collaient contre lui. Sans rompre la danse de leurs langues, ils modifiaient de temps en temps l'inclinaison de leurs têtes ou revenaient à leur position d'origine, comme pour profiter de tous les angles possibles, jusqu'à fouiller le moindre recoin disponible. Il se sentait partir. Encore. Plus. Toujours plus.
Petit à petit, la force que son partenaire mettait dans l'échange l'obligeait à reculer. Son dos finit par rencontrer le lambris du mur. Il s'y appuya et agrippa les épaules tendues pour hisser sa jambe contre les obliques. Les mains calleuses qui pétrissaient son fessier l'attrapèrent alors et le soulevèrent. Draco s'enroula autour de lui et se mit à bouger tout son corps pour augmenter la friction.
La température semblait avoir atteint des degrés caniculaires. Il ne savait pas quand ils avaient commencé à déraper et s'en fichait comme de sa première paire de gants. Il ne percevait que ces canines qui mordaient sa lèvre, cette salive qui coulait sur son menton, cette grosseur qu'il sentait durcir contre la sienne. Leurs vêtements les encombraient. À cet instant, son seul vœu était qu'ils disparaissent, afin de pouvoir accueillir cette…
« Sire ! »
Le cri désespéré de Lancelot les ramena à la raison et Arthur laissa ses pieds retrouver le sol.
« Putain… ! » gronda-t-il entre ses dents, l'image même de la frustration.
Front contre front, Harry gardait les yeux fermés dans un effort visible pour calmer… son désir ou sa colère ? Peut-être les deux. Draco restait sagement immobile et tentait de reprendre son souffle. Il n'était pas certain de comprendre ce qu'il venait de se passer. Dans la brume de son esprit engourdi, une question émergea de deux neurones qui se connectaient : ce n'était donc pas le coup d'un soir ?
Il ne put creuser le sujet plus loin : deux billes vert de chrome apparurent à cinq centimètres de lui pour se planter dans ses prunelles. Son palpitant cessa de palpiter et les engrenages de son cerveau coincèrent d'un coup. Un sourire déçu fit pétiller le regard d'un rire forcé.
« Jamais tranquilles, n'est-ce pas ?
— Sire ! répéta la voix affolée du chevalier.
— Retrouvons-nous ce soir. »
Arthur lui donna un bref baiser appuyé et s'en alla rejoindre son vassal paniqué.
Qu'est-ce que… De… Comment ? Pourquoi ?... Quoi ?!
Draco était sonné, pétrifié contre la boiserie. Sous le regard blasé de son palefroi qui attendait qu'on veuille bien s'occuper de lui, il tentait de reprendre pied après cette chimère insensée.
Depuis plusieurs jours, il avait été contraint de reconnaître son attrait grandissant pour le beau Roi Arthur. Sa fierté avait été piquée, sa volonté mise à rude épreuve, mais il avait fait avec, persuadé de pouvoir tenir sa libido en laisse grâce aux talents fougueux de Blaise. Son placebo lui avait finalement été retiré par cette satanée Elsa, qui n'avait d'yeux que pour le charismatique guerrier au sourire étincelant. Il avait résisté, mû par la conviction que ce héros de tous les univers ne pourrait jamais vouloir de lui. Erreur. La nuit dernière, il l'avait propulsé dans les étoiles.
Mais là encore, il s'était réfugié dans l'idée que ce n'était que pour une nuit. Une seule et unique nuit de luxure à vivre ce qui était pour lui le véritable conte de fée. Même s'il ne savait pas comment, Potter avait été drogué par l'âme de Siegfried, qui l'avait rendu tout à coup passionné par son corps possédé par l'esprit de son amour de toujours, Odette. La suite ne pouvait être qu'un simple effet secondaire, ou les restes de cette ardeur si vive qu'elle ne pouvait pas se tarir en quelques secondes. Que croire d'autre ? Comment penser un seul instant que le Survivant Harry Potter puisse désirer le Mangemort Draco Malfoy ? Tout ceci n'était que pure fantaisie.
Pourtant, il venait de l'embrasser. Pas une simple bise sur la joue : ils avaient été prêts à reproduire la folie de la nuit passée. Mille remparts les séparaient : leurs conditions, leurs situations, leur passé, leurs milieux, leurs Royaumes, leurs affiliations, leurs principes, la morale, la loi, leur genre, l'opinion, leurs hiérarchies, leurs amis… Et ce n'était pas assez pour les empêcher de se sauter dessus à la moindre occasion ? Potter lui donnait rendez-vous ce soir même ?! Dans quel monde parallèle venait-il d'atterrir ?
Arthur était marié à une femme qui lui avait permi de rassembler les différents chefs de son État sous sa seule bannière. Une femme dont était fou amoureux son bras droit, vassal et Premier Conseiller. Et il la trompait avec lui ? Comment Elsa pouvait permettre une ignominie pareille ?! Avalon dépendait de la puissance de Loegrie, un tel scandale ferait éclater leurs deux pays ! Pire encore, ils étaient deux hommes. L'homosexualité était un crime puni par les lois du Royaume de Logres ! Cela avait déjà été très surprenant de la part de Perceval, alors que le monarque lui-même s'adonne à une pratique qu'il déclarait officiellement comme criminelle était une terrible injure !
Dans un souffle noué, Draco tira sur ses doigts tremblants. Au moins, Elsa n'avait pas cette peine à ajouter à la longue liste de ses offenses : Avalon acceptait toutes sortes d'unions et leur accordait même le droit de se marier, tant qu'il n'existait aucune forme de contrainte. Maigre consolation. Il ne se sentait pas moins sale. Misérable. Indigne.
« Quoi ?! »
Le hurlement d'Arthur le fit bondir, le cœur au bord des lèvres. Il se précipitait hors de la stalle quand Harry réapparut devant lui, l'air affolé.
« Hermione a disparu, dit-il très vite. Des traces de lutte. Ron s'est lancé à sa poursuite. Sinbad et moi partons l'aider. Tu restes avec Audhild et Neville.
— Qu…
— Tu restes avec Lancelot ! » coupa-t-il dans un cri anxieux.
Ses mains vinrent encadrer son visage avec force et l'obligèrent à le regarder droit dans les yeux. L'inquiétude creusait des plis entre ses sourcils et au coin de ses lèvres.
« Tu restes en sécurité près de Lancelot, répéta-t-il d'un ton désespéré. J'ai confiance en lui, il te protégera. »
Après un second baiser rapide, il s'enfuit sans attendre de réponse. Draco resta interdit.
Venait-il d'être traité comme une faible et fragile damoiselle ?
[===]
Putain de connard de Ratatosk ! Ce crétin de rongeur savait et n'avait pas jugé bon de les prévenir ! C'était pour ça qu'il regardait fixement le ciel : Hugin avait pris le ou les ravisseurs en filature et le rat attendait son retour.
L'écureuil avait de suite grimpé entre les oreilles du pur-sang anglais d'Arthur lorsqu'ils avaient appris la nouvelle. Le temps de détacher les sacoches qui alourdissaient les selles, ils s'étaient mis à galoper comme des forcenés dans une direction inconnue, en suivant les stupides indications de la bestiole orange.
Jusqu'à ce que Sinbad remarque le piaf blanc au-dessus de leurs têtes. Le gros corbeau adaptait son allure à la leur et pivotait parfois à droite ou à gauche pour corriger leur orientation. Le machin roux obéissait à la directive et tirait sur la crinière de la monture pour la faire obliquer. Cet idiot de Potter n'y avait vu que du feu. Au bout d'un moment, Blaise avait fini par le prendre en pitié et lui avait indiqué la présence de ce compagnon de route, d'une voix assez forte pour couvrir le fracas de leur cavalcade.
Ce fut l'expression choquée du roi qui lui mit la puce à l'oreille.
Un corbeau ne pouvait pas voler aussi vite qu'un cheval au galop. Surtout les leurs, si bien entraînés et élevés pour la course. Hugin leur prouvait une fois de plus qu'il était une créature surnaturelle. Et aussi, comment pouvait-il voir où se trouvaient leurs ennemis à travers la canopée ?
Dans quel bordel il avait encore atterri ?! Pourquoi c'était lui que le balafré avait choisi pour cette galopade avec des bestiaux ?! Il détestait ces trucs et ils le lui rendaient bien. Il aurait été plus logique de prendre Lancelot avec lui : c'était lui l'habitué des lieux, il avait tout de même grandi ici ! La petite voix de la raison lui souffla qu'il était le seul combattant à distance, mais il ne voulait pas l'écouter. Une autre pensée, pleine d'ironie, lui glissa qu'il avait obéi sans poser de question, ce qu'il voulait encore moins entendre.
Une ramille lui fouetta la pommette, manquant de l'éborgner, et le ramena au moment présent. C'était pas le moment de divaguer ! Blaise sentit une goutte de sang couler vers son oreille, poussée par la force du vent sur son visage. Il l'écrasa d'un geste rageur. Les éclats du soleil qui perçaient entre les feuillages l'éblouissaient régulièrement, le monde autour de lui n'était composé que de tâches floues vertes et ocres. Il ne savait pas où il était ni où il allait.
Tout se ressemblait. Il n'y avait que des arbres à perte de vue, quelques rochers, des dénivelés, des ruisseaux : il avait perdu tous ses repères et n'avait pas le temps d'en discerner des nouveaux tant ils allaient vite. Ils vouaient une confiance aveugle aux indications des animaux, ce qui allait à l'encontre de ses instincts. Sinbad voulait pister, trouver des traces de passage ou déployer sa carte. Pas cavaler à la diable sans plan ni analyse de situation.
Cette course folle l'agaçait surtout parce qu'il avait atrocement mal aux jambes et au cul ! Tous les muscles de son corps hurlaient pour qu'il se jette sur un buisson et s'affale dans l'herbe. Il était un marin, pas un cavalier ! Même s'il avait appris à monter dès son plus jeune âge, à défaut d'autres moyens de transport, il ne pratiquait pas cet exercice aussi souvent que ses compagnons de voyage. Il sentait poindre ses limites et ne savait pas combien de temps encore il allait devoir tenir la cadence. Les bandits avaient probablement de longues heures d'avance. Peut-être qu'ils galopaient aussi. Et ils n'avaient toujours pas vu l'ombre du bout de la queue de la Bête.
Ce margoulin était parti comme un zèbre sans même les prévenir ! Branquignol qu'il était, il aurait tout aussi bien pu prendre la mauvaise direction. Ou bien tomber dans un piège ? Hors de question qu'il aille lui sauver les miches, à lui aussi ! Qu'il se démerde ! Si cette bande de bras cassés n'avait pas le bon sens de se concerter, s'organiser ou juste réfléchir avant d'agir, c'était pas à lui de réparer les dégâts !
L'inquiétude le fit grogner. Il était déjà pas bien jouasse de savoir Belle entre de mauvaises mains, il avait pas besoin d'ajouter le monstre à la liste de ses préoccupations. Ça aussi, ça l'énervait. Tout comme leur couillonnade de pas avoir pensé une seule seconde à monter la garde pendant la nuit. Aucun d'entre eux ! Ils avaient tellement été persuadés que l'endroit était peinard. Quels pantes !
Potter prit soudain un virage à quarante-cinq degrés et Blaise le suivit une fraction de seconde plus tard. Il était maintenant à plusieurs mètres derrière lui, avec une vue imprenable sur la grosse croupe luisante de son étalon. Merveilleux. Les sabots arrière du destrier cognaient le sol si fort que de minuscules cailloux et morceaux de terre volaient jusqu'à lui pour le piquer. Blaise se décala en grommelant des insultes. Il avait pas besoin de ça pour arranger l'état de ses nerfs ! Et puis, pourquoi ils avaient…
Stressé, il leva la tête vers le ciel dans l'espoir d'apercevoir le fichu volatile à travers la frondaison. Il parvint à le distinguer, le temps d'une éclaircie : ils ne l'avaient pas perdu de vue. Mais alors… Qu'est-ce qui venait de se passer ? Pourquoi avaient-ils si brusquement tourné ?
[===]
Hermione papillona des yeux. Ce qui la frappa en premier fut l'odeur sauvage de sueur et d'étable mêlées. Puis, la chaleur moite de ce qui collait à son visage et bougeait de manière rythmique. Son corps brinquebalait en cadence et lui donnait l'impression que tous les os de son corps avaient fondu. Enfin, ce fut la pression sur son abdomen : elle était allongée sur le ventre, sur quelque chose de bossu, poisseux et vivant. Presqu'en même temps, une gêne la piqua aux poignets, mais quand elle voulut couiner de surprise, une grosseur lui rappela que sa bouche asséchée était pleine de tissu.
Elle était bâillonnée et ligotée sur le garrot d'un cheval.
« Réveillée ? »
La voix la fit sursauter. Une voix féminine. Belle ne pouvait plus faire semblant d'être évanouie et tenta vainement de se contorsionner pour identifier sa ravisseuse. Ce fut un échec : ses membres étaient trop faibles, elle put à peine se redresser pour apercevoir une cuisse… protégée par une longue tassette en lamelles de cuir renforcées ?
Si les souvenirs de Hermione étaient corrects, ce type d'équipement était réservé aux militaires assez riches pour s'offrir une armure, ou aux brigands assez compétents pour détrousser l'un d'entre eux. La pièce semblait d'excellente facture, donc très chère. Elle n'avait pas vu de trace d'usure, ni du temps ni de coup reçu. Soit cette doublure mobile sortait à peine de chez l'armurier, soit elle était très bien entretenue. Cependant, elle avait aussi remarqué l'apparence exotique de ces protections : ce n'était pas un produit des contrées voisines, cela était flagrant autant par les formes que par les matières. Dans ces régions, les cuirasses étaient plus souvent en plates, mailles ou lamelles d'acier. Et les peaux étaient plus sombres et épaisses, pas longues et souples comme celles-ci.
« Tu ne cherches pas à t'enfuir ? »
D'où venait cette guerrière à la voix si douce et qui possédait pourtant la force d'un homme ? Belle creusait dans sa mémoire pour retrouver une illustration ou une description qui pourrait correspondre à ce qu'elle venait de voir…
Rien.
Elle s'était toujours intéressée aux cultures étrangères de ce monde, mais sa curiosité l'avait plutôt menée vers la politique ou les traditions, jamais vers les différents types d'équipements martiaux. Si elle avait souvenance d'un pays qui autorisait le port d'armes aux femmes, elle n'aurait certainement pas oublié. De ce qu'elle savait, seule Avalon permettait cette liberté, bien que le royaume recensait très peu de soldates.
« Sage décision. Tu n'irais pas bien loin, de toute façon. »
Elle devait user de son esprit de déduction. Un jour, elle avait vu son père revêtir son armure d'apparat pour une cérémonie de la capitale. Il n'avait jamais combattu au front, mais en tant que noble de la Cour, il avait l'obligation de posséder une de ces panoplies militaires, dans le cas où le suzerain entrerait en guerre et l'enverrait sur le champ de bataille. En digne duc, il avait fait ses classes et savait ferrailler… même s'il n'était pas doué.
Le moment resurgit dans un flash. Elle remonta le temps et se revit devant la chambre de ses parents, à espionner avec ses sœurs. Aucune d'entre elles n'avait encore aperçu le patriarche dans un tel accoutrement et elles n'auraient manqué cela pour rien au monde. Certes, elles s'étaient beaucoup moquées de sa gaucherie, peu coutumier qu'il était au poids et à la mobilité réduite de l'attirail, mais elles avaient surtout été fascinées. L'image du beau chevalier en armure s'était imposée dans leurs esprits de pré-adolescentes, légèrement gâchée par le visage de leur vieux paternel moustachu.
Donc, Belle avait déjà vu des tassettes. Totalement différentes et ornées de gravures dorées, mais le mouvement de jambes que son père avait mimé par habitude ne trompait pas : l'articulation devait être parfaitement adaptée à celles du bassin pour ne pas gêner, tout en couvrant les cuisses afin de protéger le point faible entre le plastron et les jambières. À l'époque, elle n'avait pas saisi ce détail qui lui semblait pourtant logique.
Mais la faiblesse de l'armure n'était pas bien grande, concentrée sur l'aine. Alors pourquoi la femme portait une pièce aussi longue ?
« Ça m'a toujours impressionnée, tu sais ? »
Hermione pivota pour observer plus longuement la courbe de la pièce en cuir grège et carmin, dans l'espoir de trouver un détail qui lui permettrait d'en déterminer l'origine. Impossible de tenir plus de deux secondes : elle retomba mollement sur les côtes de l'animal. C'était si frustrant ! Pourquoi n'avait-elle plus de force ? Maigre consolation, elle avait pu constater la finesse de l'ouvrage et deviner que la femme possédait l'attirail complet, puisque sa main aussi était couverte d'un gantelet composé des mêmes lamelles bicolores. Mais cela ne l'avançait à rien.
« Tu as toujours eu cette capacité incroyable de deviner la meilleure façon de réagir aux événements. »
La longueur de la tassette permettait de couvrir toute la jambe, y compris à cheval. Peut-être était-ce cela, l'objectif ? Peut-être la femme n'avait-elle pas de jambières ? Peut-être était-ce un équipement spécialement prévu pour la cavalerie légère ? Mais à part renforcer l'idée que sa ravisseuse était une professionnelle entraînée, cela ne l'aidait pas non plus.
« Harry m'a avoué que ça lui avait sauvé la vie plus d'une fois. »
Cette fois-ci, toute l'attention de Hermione se focalisa sur les paroles de la femme.
« Ça y est ! Je sens à ta crispation que tu as compris. J'avais l'impression que tu ne m'écoutais pas. »
Bien sûr qu'elle l'écoutait ! Mais ses mots sibyllins auraient juste pu sous-entendre que la guerrière connaissait Belle. Hermione n'avait pas encore récupéré tous ses souvenirs, les indices étaient trop pauvres pour lui permettre de provoquer un flash quelconque. Seulement, la mention du prénom "Harry" changeait la donne.
Cette femme était une personne du vrai monde !
« Je suis un peu vexée que tu n'ais pas reconnu ma voix… C'est peut-être à cause du foulard sur mon visage ? »
Un mouvement dans son dos, un bruissement d'étoffe…
« Et maintenant ? »
Le cœur de Hermione rata un battement. C'était impossible. Ce ne pouvait pas être elle ! Interloquée, elle s'agita sur le garrot et le pommeau de la selle lui rentra dans les flancs. Elle ne parvenait toujours pas à se mouvoir correctement. Son irritation ne fit que croître.
« Arrête, tu vas tomber et te faire mal. »
Comment pouvait-elle croire qu'elle se tiendrait tranquille après un tel aveu ?! Son amie ne pouvait pas l'avoir enlevée ! Pourquoi lui ferait-elle une chose pareille ? Pourquoi ne pas s'être simplement présentée devant elle ? Hermione aurait tout fait pour l'aider, quelle que soit sa situation ou ses problèmes. Harry, Ron et Neville aussi se seraient pliés en quatre pour la soutenir. Alors pourquoi en était-elle arrivée à de telles extrémités ? Qu'est-ce qui l'avait empêché de venir à eux ?
« Si je t'ai révélé mon identité, c'est pour que tu comprennes que je ne te ferai jamais aucun mal. Je ne veux pas que tu aies peur. Je dois juste te ramener à ton père. »
C'était donc bien cela ! Qu'avait donc bien pu vendre son père pour pouvoir engager tant de mercenaires ? D'abord Gaston et maintenant elle ?
« Enfin… J'espère que c'est bien toi, mon colis. Mon employeur n'a pas été très précis dans ses descriptions. Après avoir procédé par éliminations, j'avais une chance sur deux. »
Mais de quoi parlait-elle ? Belle en avait assez. Elle ne pouvait pas répondre, ni bouger ! À présent qu'elle savait être en compagnie d'une amie, elle pourrait au moins…
Tout à coup, une idée la frappa : c'était l'occasion parfaite ! Sa ravisseuse pensait la mettre en confiance après s'être dévoilée. Elle avait baissé sa garde. Si elle croyait que son seul nom convaincrait Hermione de la suivre sans poser de questions, elle se fourrait la baguette dans l'œil !
« Et… comment dire… Je n'avais pas du tout envie de voyager avec… Que fait-il avec vous, d'ailleurs ? C'est à n'y rien comprendre. Lui et l'autre serpent sont… Enfin… Il y a aussi cette grosse bête velue qui vous accompagne. Vous semblez avoir vécu d'étranges événements. »
L'entendre palabrer sans pouvoir protester était insupportable. Cette guerrière savait pourtant qu'elle était dans l'incapacité de l'éclairer ! Hermione en profita pour se dandiner, aidée par les mouvements répétitifs des muscles du cheval au pas : son activité pouvait être justifiée par son envie de répondre. En réalité, elle prenait son élan et priait pour que ses déductions précédentes soient justes.
« Calme-toi. Nous allons bientôt faire une halte, je te détacherai à ce moment-là. J'ai tellement de questions à te poser, d'histoires à te raconter. Et je voudrais te parler de… »
Belle n'attendit pas la suite. Une fois l'oscillation parfaite atteinte, elle jeta son visage dans la minuscule ouverture sous la tassette et mordit à pleines dents dans la cuisse ferme. Gagné : pas de jambière !
La réaction fut immédiate : son amie cria de douleur, tira sur les rênes par réflexe, le cheval se cabra et Hermione prit une impulsion pour basculer en arrière et tomber à terre. Le choc des sabots sur le sol et les râles du cheval agité furent des indices suffisants pour lui prouver que la voie était libre. Remerciant le ciel, la chance, les dieux ou la bêtise de sa ravisseuse de ne pas lui avoir lié les chevilles, elle se releva tant bien que mal et se mit à claudiquer sur ses jambes flasques, hors du sentier forestier. Vite ! Avant que la guerrière n'ait repris le contrôle ! Dans les fourrés, la monture pourra difficilement la suivre.
« Hermione ! »
Elle ignora l'appel. Ce n'était pas parce qu'elles se connaissaient dans la vraie vie qu'elle allait se laisser enlever sans résister. Par la Carabosse ! Elle ne savait même pas quel personnage son amie incarnait et les intentions qui la motivaient ! L'adrénaline compensait la mollesse de ses membres, elle devait en profiter pour s'éloigner le plus possible. Cependant, elle n'était pas stupide, elle savait que cette vivacité ne durerait qu'un temps. Sa ravisseuse allait la rattraper si elle n'utilisait pas sa tête correctement.
À l'affût de toutes les cachettes disponibles, elle prenait les chemins les plus difficiles et obstrués qui se présentaient devant elle. Ses vêtements de voyage s'accrochaient et se déchiraient aux branches, les ramilles lui griffaient le visage, les feuillages obstruaient sa vue, mais ce n'était rien comparé à ce qu'allait endurer la guerrière dans son armure ample. Elle avait une chance, une toute petite chance de s'échapper et elle se jouait maintenant ! Elle n'avait que quelques minutes. Peut-être seulement des secondes.
Tous ses sens étaient en alerte. Courir les bras attachés dans le dos tout en esquivant les obstacles était une entreprise ardue, mais elle y parvenait. Elle n'était pas tombée une seule fois et se découvrait une agilité qu'elle n'aurait jamais soupçonnée. Belle commençait pourtant à sentir ses jambes flancher. Il n'y avait plus aucun doute possible. Ce n'était pas une faiblesse dûe à son réveil ou à sa longue immobilité : elle avait été droguée. Ce qui expliquait que la soldate ne se soit pas beaucoup méfiée.
Soudain, elle le vit. L'endroit parfait, à peine visible derrière les restes pourrissants d'un gros tilleul centenaire. Elle n'aurait pas le temps de trouver mieux, son corps commençait à tanguer et ses pieds ne parvenaient plus à enjamber les orties ou à grimper sur les petits rochers. Dans un dernier effort, elle se glissa à l'intérieur du gros terrier creusé à flanc d'une paroi argileuse. Elle s'autorisa un souffle de soulagement avant de faire silence.
Pas un bruit. Uniquement le bourdonnement des insectes, le pépiement des oiseaux ou le froissement de la canopée dans la brise. Le soleil éclaboussait la quiétude du sous-bois. Le temps était doux malgré sa transpiration et la chaleur que dégageait son corps après l'effort. La terre collait à sa peau moite, ses habits souillés l'étranglaient. Pourtant, elle ne bougea pas un cil.
Car dans cette tranquille forêt, un monstre guettait.
[===]
Ron avait vu Hugin. Très loin et une fraction de seconde avant qu'il ne fasse demi-tour, mais il l'avait vu. Être une Bête avait ses avantages. Ses sens étaient décuplés et lui permettaient de discerner ce qu'aucun humain ne pourrait distinguer. Surtout l'odorat. Il pouvait pister une proie sur des kilomètres, repérer la présence d'un intrus à plusieurs centaines de mètres, ou appréhender les émotions d'un individu par les hormones qu'il produisait. C'était de cette façon qu'il avait découvert les sentiments détestables de Harry et son activité nocturne. C'était de cette façon qu'il allait retrouver Belle.
Tel un chien renifleur, il s'était imprégné des fins effluves qui tapissaient encore la bibliothèque. Hormis les bougies, les parchemins, les reliures de cuir, la poussière et la fragrance tant humée de son épouse, un subtil mélange de rose, d'encre et la persistante odeur de Pattenrond qui lui collait à la peau, il avait détecté une légère senteur de lotus, d'encens et de gingembre, comme jetés pêle-mêle dans le feu d'une cheminée. C'était cela qu'il suivait.
Déterminé, il cavalait dans la forêt en détruisant les arbustes qui avaient le malheur de se trouver sur son passage. Il se moquait des sentiers, il pouvait se frayer un chemin sur n'importe quel terrain. Quand un endroit devenait difficile, il sautait sur les troncs des arbres pour avancer. Tout ce qui l'importait était d'aller le plus vite possible en direction de là où s'était trouvé le corbeau blanc.
Et sauver Hermione.
Petit à petit, il percevait ce fumet de braises plus intensément. D'abord léger, comme un halo lointain. Puis, un éclat. Avant de devenir une flamme vivace dans ses naseaux. Il y était presque ! La Bête accéléra, pressée de retrouver sa Belle.
Tout à coup, il s'arrêta. Au sommet d'un rocher, il captait les parfums de Hermione et de son ennemi à deux endroits différents. Cela n'avait pas de sens… Le ravisseur l'aurait-il abandonné ? Ou Hermione se serait-elle enfuie ? La connaissant, cette dernière option était crédible. Sa femme avait prouvé plus d'une fois qu'elle était capable d'échapper à des situations bien plus périlleuses et de les sortir du guêpier, eux aussi. Effrayé pourtant par l'idée pernicieuse qu'il ait pu lui arriver malheur, il abandonna la piste du brigand pour se concentrer sur le bouquet de roses.
En moins d'une minute, il arriva dans un endroit reculé et sauvage où aucune piste praticable n'avait été tracée. Son épouse était là, il la sentait. Le bandit n'était pas loin non plus et l'avait sûrement entendu arriver. Ron flairait sa méfiance.
« Hn ? »
Un tout petit son. À peine plus qu'un murmure. Il pivota vivement dans sa direction… et il la vit.
Minuscule tête brune au milieu d'un grand trou sombre, dissimulée derrière un tronc couvert de champignons. En deux bonds, il était à ses côtés, les nerfs à fleur de peau. La voir attachée lui vrilla le cœur et enflamma sa colère. Il retira d'abord son bâillon avec délicatesse, les pattes tremblantes, et s'attaqua aux liens dans son dos. Ses poignets étaient brûlés par la corde, rouge vermeil.
« Tu vas bien ? » fit-il, paniqué et plein de haine envers le misérable qui avait osé toucher son épouse.
Elle semblait calme, juste étonnée de le voir. Pas de blessure visible outre ses mains et quelques égratignures… pourtant…
« Je n'ai rien, murmura-t-elle après avoir mastiqué sa salive et massé sa mâchoire endolorie.
— Il y avait du sang… insista-t-il, incertain. Sur le sol… dans la bibliothèque.
— Ah oui. Ce n'était pas le mien. J'ai réussi à cogner son visage avec ma tête. »
L'information le laissa perplexe. C'était Hermione, à quoi s'était-il attendu ? Il avait tant été affolé qu'il n'avait pas pensé à renifler la petite éclaboussure pour s'assurer de sa provenance. Le soulagement détendit tout son corps. Elle était là, près de lui. Vivante et en bonne santé. Il n'aurait pas pu rêver meilleure issue. Il laissa échapper un bref éclat de rire nerveux, mais sincère.
« Ne fais pas de bruit, elle est toujours là ! le prévint-elle dans un souffle inquiet.
— Pardon, chuchota-t-il en se reprenant. Mais ne t'inquiète pas, je vais… "Elle" ? C'est une femme ?
— Et pas n'importe laquelle. C'est… »
Un signal d'urgence s'alluma dans l'esprit d'Adam. Encens. Braises. Il pivota d'un bond pour protéger Belle de son corps et parvint à stopper une lame qui aurait dû lui transpercer l'épaule. Comment avait-elle fait pour s'approcher autant sans qu'il ne la remarque ?! Le tranchant cisailla durement ses griffes et le fit grimacer de douleur. Il n'avait pas pour habitude de parer les attaques adverses, surtout celles à l'arme blanche, mais s'il avait esquivé, Belle aurait pris le coup à sa place.
« Tu fais beaucoup de bruit, monstre », dit la femme en reculant d'un pas.
Elle fléchit les jambes et adopta une posture martiale qu'il n'avait jamais vu auparavant. Tout était incongru, sur elle. Des bottes en peau beige et souple, garnies de fourrure fauve et maintenues par un lacet grenat. Des chausses en soie rouge de Falun, serrées près du corps. De longues tassettes amples, comme une jupe ouverte, tapissées de lamelles en cuir ocre assemblées par des cordons carmins. Une ceinture de pelage bisque, d'où elle détacha un carquois de courtes flèches, le fourreau de son léger sabre courbe et une outre flasque. Un plastron du même cuir laqué, sans gorgerin, mais assorti de spallières tombantes jusqu'aux coudes. Une soie identique aux chausses recouvrait ses bras et se glissait sous des gantelets montants. Son cou n'était défendu que par une simple écharpe lâche en laine tissée sang de bœuf. Pour couronner le tout, un étrange casque pointu couvrait sa chevelure. Il n'avait jamais observé pareil accoutrement.
Cependant, cette voix lui disait quelque chose… Hermione avait l'air de sous-entendre qu'ils la connaissaient, mais la guerrière portait un foulard qui masquait le bas de son visage et voilait son timbre. Impossible même de deviner qu'il était face à une femme. Seuls ses yeux étaient visibles : bridés et d'un bleu azur éclatant. Une métisse ? Ses cils étaient clairs, sa peau pâle, quelques éphélides parsemaient le contour de ses paupières et ses tempes. Cela ne lui évoquait personne et pourtant, un vague sentiment de familiarité le dérangeait. Comme l'écho lointain d'une autre vie.
« Ne vous battez pas ! s'écria Belle, apeurée. Vous… »
Personne ne l'écoutait : la soldate fondit sur lui en exécutant un étrange moulinet de son arme, qu'il contra à nouveau avec ses griffes endommagées. Le choc fit vibrer tous ses membres et la blessure lui arracha un profond grognement. Il ne pourrait pas subir une troisième attaque. Qui vint pourtant. Très vite, la guerrière pivota et lui asséna une autre frappe de taille, rendue plus puissante par l'élan. Cette fois-ci, la Bête choisit de pousser Hermione au fond du terrier pour éviter le coup. Heureusement, la petitesse de la lame ne lui donnait pas beaucoup d'allonge et seule la pointe lui érafla le ventre. Ce n'était pas passé loin.
« Tu ne te débrouilles pas trop mal, pour un gros gǒu. »
Ron ne lui laissa pas le temps de se remettre en position et la chargea comme un taureau en hurlant de rage. Mais la félonne fit deux pas de côté. Il fonça dans le tilleul pourri qui éclata en morceaux.
Un dangereux grondement roula dans les tréfonds de sa gorge. Lentement, il se tourna vers elle, babines retroussées, crocs au clair, une fureur bouillonnant dans ses yeux assombris par la haine. Le peu de raison qu'il avait gardé se dissipa dans une fumée écarlate. Il ne voyait plus qu'elle, l'ennemie à abattre, ce futur cadavre qu'il prendrait un malin plaisir à éviscérer jusqu'à devenir un tas de chairs sanguinolentes. Loin, très loin dans les vapeurs de sa frénésie, il percevait les protestations étouffées de Hermione. Il s'en moquait.
Il bondit comme un félin. Encore, son adversaire fut plus rapide et l'esquiva. La Bête enchaîna deux coups de griffes successifs, la combattante se baissa et recula. Il jeta ses crocs en avant, elle roula sur le côté. Ses cornes vinrent la frapper, le sabre se heurta aux os et la guerrière dérapa sur la terre, emportée par la force de la créature. D'une roulade, elle sortit de la trajectoire du démon juste avant d'être écrasée contre un rocher. Il heurta la pierre qui se fissura.
À son tour, elle sauta pour l'empaler, mais il la faucha en plein vol d'un violent mouvement de patte latéral qui l'envoya contre un tronc. Elle eut à peine le temps de se redresser qu'il se rua sur elle. Quand elle fusa sur le côté pour l'esquiver, il calcula le moment parfait pour lancer ses griffes, l'accrocher par la taille et la flanquer au sol.
Elle n'essaya pas d'arrêter sa morsure et préféra taillader le membre qui la tenait. Les canines enfoncées dans son épaule, il réussit à passer à travers sa spallière. Mais la douleur l'obligea à lâcher prise. Il hurla, elle rampa, il voulut l'attraper, elle l'évita, il lança ses cornes en avant, elle se déroba au dernier moment.
Ensorcelé par sa folie meurtrière, il prit appui sur sa patte blessée, trébucha et s'écroula. Elle en profita pour marcher sur son crâne avant qu'il se relève. Aidée de l'impulsion, elle l'écrasa au sol dans un saut qui la fit voler haut dans les airs. Il rugit quand il sentit une longue entaille ouvrir le cuir épais de son dos. Épuisé et meurtri, il essayait de se remettre debout, mais elle courait déjà vers lui.
PAN !
Le coup de feu résonna dans la forêt. Des nuées d'oiseaux s'envolèrent en piaillant et la guerrière fut propulsée en avant, coupée dans son élan. Elle tomba à genoux, une main sur le flanc, mais ne lâcha pas son sabre. Au contraire, elle darda un regard plein de haine vers la Bête blessée et serra le manche de son arme à s'en blanchir les phalanges. Quand le son caractéristique d'une course effrénée s'éleva, accompagné du crissement métallique d'une lame qu'on sortait de son fourreau, elle risqua un regard en arrière : Arthur chargeait, Excalibur flamboyant dans les airs. Plus loin, Sinbad armait son second pistolet, concentré sur sa visée. C'était le moment.
La Bête ignora la douleur et le sang qui coulait dans son dos. Il s'élança, ventre à terre. Le temps sembla ralentir. L'adrénaline courait dans ses veines, un tambour cognait ses tempes, le feu brouillait son esprit. Il ne percevait plus rien, hormis cette femme dont un morceau de peau s'était découvert lorsqu'elle s'était retournée. Une chair blanche, à la jonction de la nuque et de l'épaule, entre l'écharpe de laine et le col du plastron. Une viande dans laquelle il allait planter ses crocs et arracher les tendons. Il percevait déjà la chaleur poisseuse du sang sur son museau. Le goût de fer sur sa langue. L'odeur de rouille dans sa truffe…
Elle reporta à nouveau son attention vers lui. Il voyait à son regard qu'elle se préparait à le recevoir. Elle bandait ses muscles. Mais c'était trop tard.
Elle était déjà morte.
« RON ! NON ! »
La guerrière laissa tomber son sabre, les yeux écarquillés de surprise. Une balle ricocha sur le casque qui bascula sur son crâne. Des mèches de feu s'en échappèrent pendant qu'elle tombait en avant, propulsée par la puissance de l'impact.
Ce fut ce qui lui sauva la vie.
Déjà en plein élan, la Bête la manqua d'un poil et sa mâchoire se referma sur le vide. Il dérapa dans la poussière pour faire volte-face et renouveler son attaque. Arthur le dépassa, mais il le remarqua à peine. Il ne le vit pas ralentir ou baisser Excalibur qui perdait de son éclat. Il voulait tuer. Il voulait mordre. Dépecer. Déchiqueter. Il plia ses membres postérieurs. Ses griffes creusaient la terre pour ajouter plus de force à son impulsion.
Au moment où il allait bondir, la femme arracha son foulard et les regarda d'un air horrifié, à mi-chemin entre la terreur et la stupeur.
Ginny.
Le choc le fit chanceler. Il se prit la patte dans sa cape et s'étala au sol.
« Gi… Ginny ? » hoqueta Harry, perdu.
Quelque part sur la droite, des brindilles craquèrent et des feuilles bruissèrent : Hermione essayait tant bien que mal de les rejoindre et titubait sur ses jambes affaiblies.
« J'ai voulu te prévenir, gronda-t-elle en s'arrêtant en cours de route, appuyée contre un arbre. Espèce d'idiot ! Écoute-moi quand j'essaie de te parler ! Tu as failli tuer ta sœur ! »
Il avait failli tuer sa sœur… Les mots sonnaient étrangement dans son esprit. Il n'arrivait pas à réaliser. Cela ne pouvait pas être vrai. Comment avait-il pu ne pas la reconnaître ?
« Mais tu as… tu es… Qui es-tu ? » bredouilla Arthur, pétrifié.
Ginny était livide, ses yeux bleus bridés grands ouverts, braqués sur son frère à l'apparence monstrueuse. Elle ne semblait rien voir d'autre, ni même les entendre. Des pas approchaient derrière Ron, sûrement Zabini. Mais lui non plus ne pouvait pas quitter la jolie rousse du regard.
Sa petite sœur était à la fois reconnaissable et méconnaissable. Son visage rond n'avait pas changé, sa peau conservait la même pâleur, ses tâches de son se trouvaient aux exacts mêmes endroits que dans la vraie vie et la teinte particulière de ses iris était identique à celle de toute leur famille. Cependant, sa chevelure coupée au carré au niveau du menton était plus sombre, plus raide. La forme de ses yeux était typiquement asiatique, son nez plus court, plus rond et plus étroit. Sa bouche était plus petite, même si ses lèvres demeuraient toujours aussi épaisses et bien dessinées. Peut-être moins roses et plus sèches ? Un parfait mélange entre un Weasley et un chinois.
Et comme les autres, elle était magnifique !
La foulée derrière lui accéléra quand les paupières de Ginny se firent lourdes. Le haut de son corps bascula lentement vers l'avant et le pirate se précipita pour la rattraper avant qu'elle tombe.
« Vous papoterez plus tard, les corniauds ! les sermonna-t-il en l'allongeant sur le sol. Elle est en train de nous claquer entre les doigts ! »
L'information sortit Ron de sa torpeur. Il se précipita vers Sinbad qui dénouait habilement spallières et plastron de l'évanouie. Son âme de grand-frère voulait protester, mais sa raison l'en empêcha : ils devaient la soigner. Harry vint aider à défaire l'armure incongrue pendant qu'Adam les observait, incapable de faire quoi que ce soit. Il ne se sentait pas qualifié pour dévêtir sa sœur et la honte d'être responsable de son état le submergeait.
Quand la profonde morsure sur son épaule fut dégagée, la culpabilité l'étouffa. Comment avait-il fait pour ne pas reconnaître le goût du sang de sa famille ? Ses poings se serraient tant que les griffes rentraient dans ses paumes. Ses crocs crissèrent les uns contre les autres. Sa truffe se fronça de dégoût. Il était un monstre ignoble !
« Putain. Je l'ai pas loupée. »
Cette remarque attira son attention plus au sud, vers le ventre blanc à présent découvert. Du sang coulait à flot dans son dos et Harry roula délicatement son ex-fiancée sur le flanc pour révéler la blessure par balle, non loin des reins.
« C'est pas bon, ça… grimaça Zabini.
— Le projectile n'est pas ressorti, signala Harry. Il va falloir l'extraire.
— On peut pas faire ça ici !
— Lancelot est plus habile que moi pour pratiquer les soins, il saura comment procéder. Dépêchons-nous.
— Attends. Faut ralentir l'hémorragie. »
Le corsaire retira son caban et sa chemise pour découper dans les fibres de lin. Il improvisa un bandage de fortune qu'il noua serré autour de la taille, avec l'aide du roi. Ron les regardait faire, démuni. Une terrible épouvante commençait à prendre possession de son esprit. Si les organes étaient touchés… Elle…
Sinbad ne lui laissa pas le temps de paniquer. Sans demander l'avis de qui que ce soit, il prit la jeune femme dans ses bras et chancela sous le poids de cette humaine adulte toujours vêtue de quelques pièces d'armure. Puis, il s'éloigna à grandes enjambées vers l'endroit d'où ils étaient venus.
« Je piques ton zèbre, Potter ! Il filoche plus vite. J'hisse le grand foc en premier, repêchez tout ce fourbi, vous autres. Et oubliez pas mes pétoires, je les ai balancé par là, je crois. »
Malgré sa charge et le terrain accidenté, le pirate quitta rapidement leur champ de vision derrière les buissons. Hugin s'envola à sa suite, probablement pour lui indiquer le chemin du retour. De son côté, Ratatosk tournait en rond sur la branche d'un arbre, impatient de guider les retardataires. Harry ne perdit pas de temps et commença à ramasser l'équipement exotique de Ginny… quand il releva le visage.
« Belle ? Tu vas bien ? »
Ron se tourna d'un coup vers sa femme, toujours prostrée contre le même arbre. Elle n'avait pas bougé d'un cil, la tête appuyée au tronc et la mine revêche. En trois bonds, Adam était près d'elle, le cœur affolé, mais elle l'interrompit avant qu'il puisse lui poser des questions.
« Je vais bien, grogna-t-elle en réponse, l'air épuisé. Je crois… Je crois qu'elle m'a droguée pour m'empêcher de me débattre.
— Comment ?! Mais… !
— Mon esprit est clair, mais mon corps peine à m'obéir. C'est un miracle si j'ai pu m'enfuir.
— Tu…
— Les effets se dissipent, je le sens. Ginny ne m'aurait jamais inoculé une substance néfaste, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il me faut m'armer de patience. Mais en attendant, je… »
Ron ne la laissa pas terminer et la souleva. Les entailles à sa patte le piquaient, la grosse plaie dans son dos le faisait souffrir et les écorchures qu'il s'était infligées dans les coussinets souillèrent les habits de Belle. Pourtant, il ne flancha pas. Ces douleurs n'étaient rien comparées à l'inquiétude qui le rongeait pour les deux femmes de sa vie. Et puis, être une Bête avait ses avantages : il possédait la force d'un ours et la ténacité d'un ratel. Il en fallait plus pour le mettre au tapis.
Sans effort, il porta son épouse comme le plus précieux des trésors et ignora son couinement surpris. Il savait qu'elle n'aimait pas être traitée comme une fleur fragile et, à ses yeux, elle ne l'avait jamais été. Elle savait se sortir de n'importe quelle situation et venait une nouvelle fois de le démontrer en échappant à sa ravisseuse. Il souhaitait juste qu'elle le laisse s'occuper d'elle, de temps en temps. Juste qu'elle rétracte ses épines pour lui et baisse la garde en sa présence. Elle pouvait lui faire confiance, mais il ne savait pas comment le lui prouver.
Sous le regard réjoui de Harry, Ron s'éloigna avec Hermione. Après tout, il était roi, lui aussi. Il pouvait bien laisser un confrère s'occuper de ramasser les affaires seul.
Il ne vit pas Harry se focaliser soudain sur une pièce de l'armure.
[===]
Lancelot n'était pas content. Après avoir assisté au trépas du chêne millénaire gardien de son enfance, il était relégué à la protection de ces dames. Ou "presque" dames. Il n'était pas un simple garde, pardieu ! Il était un chevalier aguerri qui avait juré de défendre la veuve et l'orphelin, et de secourir les damoiselles en détresse : exactement la situation actuelle ! Le sauvetage de Belle était dans ses cordes. Mieux : c'était sa nature profonde. Et son roi, son propre roi, venait de l'en empêcher. Il avait préféré s'associer à un pirate plutôt qu'à lui. C'était un véritable scandale !
Voir Elsa tout autant en colère apaisait sa frustration. Celui-ci rongeait son frein, de plus en plus énervé, sans que Neville n'en comprenne la véritable raison. Au moins, le chevalier avait un objectif louable, même si peu satisfaisant, et l'objet de sa mission était une reine. Quelque part, ce détail sauvegardait son honneur.
Ils avaient laissé les chevaux brouter l'herbe grasse du parc, toutes les sacoches amoncelées sur un gros rocher plat, non loin. Pour gagner du temps, Draco était déjà allé prendre quelques livres qui pourraient combler la curiosité de Hermione. Quant à Audhild, elle avait utilisé une dernière fois la cuisine pour leur confectionner de bons repas simples qu'ils n'auraient plus qu'à réchauffer. Mais cela ne dura qu'un temps et ils étaient à présent désoeuvrés, contraints d'attendre le retour du reste de leur compagnie. Lancelot n'avait pas pour habitude d'être mis à l'écart.
« Je n'arrive pas à croire que nous nous apprêtons à quitter la maison de notre enfance, sans savoir pourquoi notre arbre a si soudainement péri. »
Elsa et lui avaient sorti de lourdes chaises de bois sur la terrasse en pierre pour patienter. Ils observaient la dame de compagnie s'affairer près des sacs afin d'en répartir le poids et d'ajouter ses plats nouvellement mijotés. Le silence lui avait semblé pesant et il souhaitait les distraire de leur irritation grandissante. Cependant, il ne s'était pas attendu à voir sa cousine se crisper comme un hérisson darderait ses piquants.
« J'ai l'impression de l'abandonner, osa-t-il pourtant continuer, curieux. Il y a peu de chance que nous puissions revenir en ces lieux. Tout cela me cause une terrible amertume dans l'âme.
— Qu'y pouvons-nous, répliqua Draco, sur la défensive. Nous ne pourrons jamais le ramener à la vie, qu'importe notre désir. Aucune réponse ne nous apportera satisfaction, mieux vaut rester dans l'ignorance.
— As-tu vu quelque chose ? »
Sa résignation était inhabituelle, donc suspecte, et la contraction de ses épaules lui confirmèrent ses doutes : Elsa savait ce qui s'était passé. Neville n'en était pas encore à croire qu'il était responsable de cet événement, mais l'idée traçait un chemin délétère dans son esprit. Il devait en avoir le cœur net.
La réponse dut néanmoins attendre : les chocs de sabots d'un cheval au galop retentirent dans le jardin tranquille. Ils se levèrent d'un bond et se précipitèrent en direction du bruit, Audhild sur leurs talons. Le pur-sang anglais d'Arthur arrivait, reconnaissable par sa luisante robe noir pangaré. Mais alors qu'il s'approchait, ils constatèrent que le cavalier n'était pas le roi. Et qu'il n'était pas seul.
« Sinbad ?! » cria Draco, inquiet.
L'effroi commença à saisir Lancelot. Où était son monarque ? Lui était-il arrivé malheur ? Et qui était cette personne qu'il tenait fermement ? Un blessé ? Ou…
Neville ouvrit de grands yeux incrédules lorsqu'il aperçut une chevelure rousse. Ses suppositions hasardeuses se confirmaient au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient et les tâches rouges sur les tissus n'étaient pas de bons augures. Ils remarquèrent à peine le retour de Hugin, qui s'installait sur l'épaule d'Elsa, comme il en avait pris l'habitude.
« Blessure par balle, annonça directement le pirate à peine arrivé. Arthur dit que tu sais faire. Ils suivent derrière. »
Pas besoin d'en dire plus : Lancelot aida Sinbad à porter la jeune femme évanouie tout en donnant ses directives. Audhild hocha plusieurs fois la tête d'un air concentré et fila dans la demeure pour préparer eau chaude, draps propres et rallumer la cheminée. Neville n'avait commandé aucune personne précise, bien qu'il n'avait pas compté sur la participation d'Elsa. De part sa nature royale, évidemment, mais il le savait surtout très maladroit. Mieux valait ne pas l'impliquer.
« Que s'est-il passé ? demanda Draco en les suivant. Pourquoi es-tu revenu seul ? Comment en êtes-vous venus à rencontrer cette… elle. Où est Arthur ? Et les ravisseurs ? Avez-vous retrouvé Belle ? Personne d'autre n'est blessé ?
— Tu vois pas que je suis un peu occupé, là ? coupa Blaise en le voyant rouvrir la bouche. Je répondrai à toutes vos questions, ma douce reine. Mais pas maintenant, bordel ! Putain, Lance-muche ! Fais gaffe, t'es en train de bousiller mon garrot !
— Je fais ce que je peux ! La balle est-elle ress…
— Non ! Ça serait trop facile, pas vrai ? Tu vas avoir l'honneur de nous déballer ton numéro secret de carabin. T'as intérêt à savoir y faire, parce que je veux pas me coltiner la grosse bébête si sa frangine vient à clamser.
— Le Roi Adam va bien ?
— Concentration. Trimballer. Requiller. Tu portes plus rien, couillon !
— J'appuie sur l'hémorragie ! s'énerva Lancelot en butant sur les marches de l'escalier.
— Si une partie de ton cerveau est disponible pour souffler sur les braises, tu peux mettre votre alterque en suspens pour me répondre ! protesta Elsa en s'approchant de Blaise qui poussait la porte avec son dos.
— Putain, tu casses vraiment les couilles, toi ! Ton chéri va bien ! Voilà, t'es content ?! C'est tout ce qui t'intéresse, pas vrai ? »
Dans un sursaut, Neville tourna le visage vers sa cousine et faillit trébucher sur le coup de la surprise, pendant que Hugin claquait du bec pour signifier son mécontentement. Avait-il bien entendu ? Était-ce une mauvaise blague de Blaise ? La jolie teinte cuisse de nymphe émue qui se répandait sur les pommettes pâles de Draco lui glaça les sangs. Il n'y avait aucune équivoque sur l'identité du "chéri" en question. Ce qu'il redoutait était arrivé et l'évidence le frappa avec plus de violence qu'un fléau sur son heaume : Elsa partageait les sentiments d'Arthur.
« Sombre crétin ! gronda Draco, ses iris d'argent assombris de chrome rendus plus dangereux par l'air menaçant de Hugin à son côté. Il est le Roi de Loegrie. Mon allié ! Que crois-tu qu'il se passerait s'il venait à lui arriver malheur durant un voyage en ma compagnie ? Des guerres se sont déclarées pour moins que cela ! Que sa santé et son bien-être me préoccupent plus que la survie d'une parfaite étrangère ne devrait étonner personne ! Cette fille pourrait bien mourir dans d'atroces souffrances, je m'en moque tant qu'Arthur revient sans égratignure ! Et toi, tu l'abandonnes seul dans la forêt ? Un roi ?! Le souverain du plus puissant royaume militaire de cette partie du monde ?! As-tu perdu l'esprit ?!
— Je… euh… bredouilla Blaise, penaud. Il est avec la Bête et…
— Deux rois ?! Encore mieux !
— Elsa… tenta Lancelot.
— Dans ma grande clémence, je veux bien laisser passer ton insolence. Pour cette seule et unique fois ! Mais si jamais Arthur et Adam se font attaquer en ton absence, je n'hésiterai pas à te le faire payer cher ! Tu es mon vassal ! Tu te dois d'agir selon mes intérêts ! Ce qui inclut la sauvegarde de mon plus grand allié au même titre que la mienne ! La sécurité d'Avalon en dépend et elle passe avant tout ! Même avant notre amitié ! Tâche de ne plus jamais l'oublier ! »
Draco tourna les talons, sa courte cape autant secouée par sa colère qu'eux. Grégory s'envola dans le même mouvement et fouetta le visage de Blaise avant de suivre Elsa, qui redescendait les marches du perron pour rejoindre la terrasse. Sinbad et Lancelot s'étaient pétrifiés et ne pouvaient que les observer s'éloigner sans trouver quoi répondre, les bras encombrés par la blessée qui continuait à se vider de son sang.
Neville comprenait le point de vue de la reine. Quelque part, il le partageait. Cependant, il avait déjà vu son roi combattre seul ou partir sans escorte, dans cette vie comme dans l'autre, même si cela n'advenait qu'en dernier recours.
Un court flash lui montra Arthur de dos, courant seul vers une armée ennemie, Excalibur au clair. La bataille de Dubglass, la première contre les envahisseurs saxons. La première fois que l'épée légendaire du Roi Élu par les Dieux Celtes et le Dieu Unique avait été brandie. La première fois que les chevaliers s'étaient retrouvés ensemble sur le champ d'honneur. La première fois que Lancelot avait vu son Seigneur se battre. Il avait foncé en tête dans un rugissement digne d'un lion et tous l'avaient suivi, galvanisés par son courage. Ce jour-là, il avait gagné le respect de ses soldats, des différents clans, de leurs meneurs et du pays tout entier. Son action héroïque lui avait valu l'offre en mariage avec la fille du chef de la tribu la plus influente de Loegrie : la belle et douce Guenièvre.
Cet instant, cette infime seconde où Lancelot l'avait vu se jeter dans la mêlée, sans égard pour sa personne, sans vérifier si son armée le talonnait, avait été le moment où il s'était juré sur son honneur de vouer sa vie à cet homme. Il n'avait jamais regretté d'avoir abandonné Avalon et les Camlann, sa famille de cœur, au profit du Royaume de Logres. Car il avait gagné Arthur.
Et Guenièvre.
Un mouvement de Sinbad le fit revenir à lui. Dents serrées, le pirate reprit le transport de la blessée vers la table d'opération improvisée qu'Audhild était en train de préparer. Il semblait mal à l'aise, voire contrarié, et se gardait bien de poursuivre leurs chamailleries précédentes. Neville respecta son silence, convaincu qu'Elsa se faisait du mouron pour rien, puisqu'Arthur était béni des dieux.
Alors qu'ils piétinaient vers les cuisines, Lancelot se mit néanmoins à douter. Son roi était certes un élu divin protégé par toutes les entités astrales, mais il n'était pas pour autant infaillible. Il demeurait un simple être humain mortel. Et si sa bravoure ne suffisait plus ? Et si ses compétences martiales ne parvenaient plus à assurer sa sécurité ?
Et si les regards des divinités se détournaient de lui ?
Sa protection céleste pouvait lui être retirée si Arthur venait un jour à commettre une faute impardonnable. Un mauvais pressentiment lui comprima la poitrine.
Il était peut-être déjà trop tard.
La mort du chêne… Son chêne… Devait-il y voir un signe de l'opprobre commis ou une simple coïncidence ? La proposition de Tracassin lui revint en mémoire. Le divorce… L'injure serait-elle moins grande ou plus infamante ? Pouvait-il encore risquer un marché ? Son roi y gagnerait autant que lui, mais les conséquences…
Imaginer les implications politiques, sociales ou religieuses lui donnait le vertige. Était-ce cela que le mage noir désirait ? Le chaos ? La chute de l'Occident ? La damnation d'un roi et le blâme d'une reine ? Car c'était cela qui allait se produire : peu importait la vérité, leurs sentiments et le partage des fautes, les apparences et la foule obligeraient Elsa à porter seul la croix. La sorcière qui avait perverti un roi pieu. Arthur subirait le châtiment divin pendant que la Reine d'Avalon souffrirait des foudres des mortels.
Tout ceci ne devait jamais se produire ! Il lui fallait intervenir. Raisonner son roi. Empêcher…
« Le feu est prêt, annonça la dame de compagnie en se lavant les mains dans un seau d'eau fraîche, avant de pointer un pichet du menton. L'alcool le plus pur que j'ai trouvé est dans ce pot. Je vais vous chercher du linge propre. »
Lancelot se secoua, hébété. Il n'était pas l'heure des réflexions : il avait une mourante à remettre sur le chemin de la vie.
La rapidité d'Audhild étonna le chevalier : la table était lavée et drapée d'une nappe blanche immaculée sur laquelle quatre grands baquets et deux pichets d'eau claire attendaient. Un gros brasier ronflait dans l'âtre et des ustensiles avaient même été déposés non loin, prêts à être stérilisés dans les flammes. Elle s'essuya les mains dans un torchon et trottina vers les corridors réservés à la domesticité.
Doucement, les deux hommes déposèrent leur fardeau. Neville ôta sa tunique pleine de sang pendant que son acolyte alla chauffer les couteaux. Au dernier moment, ce dernier suspendit son geste vers les lames et choisit plutôt de s'emparer d'une longue pince en métal. Mais où donc la discrète demoiselle d'honneur avait-elle dégoté cet outil ? Et comment avait-elle anticipé ce besoin ?
« Au moins cinq minutes et au plus près des braises, précisa Lancelot en se savonnant du bout des doigts jusqu'au coude.
— Je sais. Mais le fer est trop épais, le feu sera jamais assez chaud pour qu'il rougeoie.
— C'est exact, nous allons devoir nous en contenter. Tu as déjà fait cela ?
— Les estafilades sont courantes dans la piraterie. C'est pas beau à voir. »
Neville préféra ne pas creuser la question, il avait saisi l'idée. Sans cesser de veiller sur l'activité de Blaise et l'état de la blessée, il se cura consciencieusement les ongles, vérifia l'hygiène du torchon avant de s'essuyer, constata la propreté des brocs mis à disposition et commença à retirer les bandages de sa patiente.
L'hémoglobine se déversa sans attendre et fit fleurir d'intenses rosaces cinabre sur le coton neigeux de la nappe. Lorsqu'il épandit l'eau cristalline sur la plaie pour la nettoyer, l'éclosion de ces coquelicots se teinta de capucine et envahit toute la tablée. Du liquide nacarat ruisselait sur ses bottes et trempait ses braies à présent tachées. Ses mouvements étaient rendus malhabiles par sa chemise alourdie, mais il ne pouvait pas gaspiller le linge qu'Audhild lui rapporterait pour préserver ses habits. Celui-ci devait servir à éponger le sang afin de garder une bonne visibilité sur la blessure.
« Est-ce qu'Elsa s'est épris de mon roi ? »
L'arrêt soudain du corsaire fut comme un coup de poing dans son ventre. Malgré sa nature patiente, Lancelot avait besoin d'une réponse sans équivoque pour anticiper l'avenir. Et il la voulait maintenant.
Des pas précipités se firent entendre. La dame de compagnie revenait.
Blaise reprit la rotation de l'outil dans le feu.
« Et Arthur ? » souffla-t-il.
Une fraction de seconde, Neville vit flou. Il n'obtiendrait pas de confirmation plus claire et devrait s'en satisfaire. C'était déjà trop. Il savait ne pas avoir de leçon à donner sur le péché d'adultère, mais… S'il avait vu juste… Seigneur ! Les dieux ne pardonneraient jamais cette offense.
« Voici les draps ! s'exclama Audhild, essoufflée et les bras chargés d'une lourde pile de tissus pliés.
— Parfait, vous allez me seconder.
— Moi ?
— J'ai l'intime conviction que vous avez déjà eu à pratiquer des soins similaires, sourit-il en se rappelant la longue pince qu'elle leur avait déniché sans qu'il ne lui ait demandé. Votre assistance me sera d'un grand secours. Déposez ceci à portée de main et frottez-vous les ongles. Capitaine Sinbad, la tenaille me semble suffisamment chaude, venez donc la rafraîchir dans ce seau. Il est temps de sortir un plomb de ce ventre. »
[===]
Draco fit craquer ses phalanges pour la troisième fois. La boule d'angoisse qui s'était logée dans son abdomen ne voulait pas dégrossir. Même la présence de Hugin, paisible sur son épaule, ne parvenait pas à le rassurer. Et s'il lui était arrivé malheur ? Et Belle ? Était-elle saine et sauve ? Il n'avait pas voulu poser la question à Blaise, cet impudent lui avait bien trop chauffé les oreilles.
Ce rustre ! Non seulement il lui avait parlé comme s'il était le dernier des crétins, oublieux qu'il s'adressait à sa reine, mais il avait en plus osé clamer devant Lancelot son attrait pour Arthur ! La colère menaça de le submerger. Draco se mit à faire les cent pas sur la terrasse et Hugin alla se poser sur une corniche pour le laisser libre de gesticuler sans se prendre des coups.
Crainte et rage s'emmêlaient et se disputaient le premier rôle dans son esprit et ses entrailles. Peu importait cependant qui allait gagner la bataille, puisque son maudit corsaire était responsable des deux situations : l'abandon d'Arthur et l'outrecuidance. À cet instant, il rêvait de pouvoir lui abattre une seconde fois son poing dans la figure !
Et s'il avait compris ?
L'idée le gela sur place et il se crut sur le point de tourner de l'œil. Non, Blaise ne pouvait pas avoir… Non. C'était impossible. Il ne l'avait pas croisé à son retour du lac en compagnie d'Audhild. Il ne pouvait pas l'avoir vu trempé jusqu'aux os, nu sous un drap et couvert de suçons. Loué soit Obéron, sa précieuse demoiselle d'honneur avait pris soin de cacher tout cela sous une couche de maquillage avant qu'il ne rencontre qui que soit d'autre. Ou bien l'avait-il aperçu par une fenêtre ? Ou avait-il fait des déductions quand il avait entendu Audhild hurler pour le chercher ? Ou lorsqu'Arthur s'était glissé dans la stalle de son palefroi…
Les écuries. Le baiser.
Après la peur et l'ire, ce fut au tour de la gêne. Draco rougit jusqu'au front au souvenir de leur échange, quelques heures plus tôt. Comment un acte aussi répréhensible pouvait-il être aussi bon ? Pourquoi, alors que la folie de la nuit causée par Siegfried et Odette était passée, Arthur avait-il renouvelé l'expérience ? Cela n'avait pas de sens ! Cela n'aurait jamais dû arriver. Cela ne devait pas arriver ! Désirer était une chose, passer à l'acte en était une autre. Il pouvait commettre une erreur, il n'était qu'un faible humain sujet à la tentation, le pardon existait bien pour une raison. Mais la reproduire ?
Ce n'était pas acceptable.
Néanmoins, il voulait. Se perdre dans ses lèvres, entre ses bras, contre sa chaleur, était un bonheur qu'il n'avait pas été prêt à vivre. Encore moins à contrer. Comment résister ? Elsa s'était pourtant résolue à abandonner tout espoir de bonheur conjugal afin de mieux régner. Son amour appartenait à son peuple, il lui était exclusivement réservé. Draco était d'accord avec ce principe. Cela avait l'avantage d'empêcher quiconque d'interférer avec ses décisions et de remettre en question ses méthodes, même si l'objectif principal était surtout de privilégier Avalon au détriment de tout le reste. Y compris au détriment de sa sœur ou de lui-même.
Mais Arthur…
Il avait bouleversé ses certitudes. Avec son sourire, son soutien, sa solidité, il avait fait fondre le cœur barricadé de glace d'Elsa. Draco ne savait plus où il en était. Il avait la conviction que rien de bon ne pouvait ressortir de cette histoire. Les monarques de deux royaumes, l'un marié et l'autre sûr de demeurer célibataire. Un saint élu saturé de bénédictions et un paria déchu lançant des malédictions. Deux enfants de la guerre nés dans des camps opposés. Un paladin baigné de lumière et un sorcier terré dans l'ombre.
Il ne pouvait être que le méchant.
Celui qui menait le héros à sa perte. Le serpent tentateur qui révélait les mérites du gentil. L'élément déclencheur de l'épopée qui mettait en scène les péripéties pour faire grandir le brave. Le mal sournois déguisé en innocente brebis, jusqu'à ce que le protagoniste principal finisse par lever le voile des apparences. Ses désirs, ses intentions ou ses efforts pour changer importaient peu. Telle était sa place.
Et il ne voulait pas tenir ce rôle.
Draco refusait d'être encore du "mauvais côté". Dans cet univers, il avait tout : un royaume puissant, riche et prospère, une famille aimante, des soutiens sans faille, des gens qui croyaient en lui, un peuple qui comptait sur lui. Pourquoi devrait-il encore devenir l'antagoniste dans ce conte de fée ? Pour une fois, il souhaitait soutenir Potter, pas devenir l'épine dans son pied. C'était pourtant ce qu'il persistait à être. Quoi qu'il fasse, qui qu'il soit, ennemi ou allié, il ne lui causait que des problèmes.
Puis, il y avait ce rendez-vous.
La promesse d'une rencontre, seul à seul, le soir-même. Draco ne pouvait pas nier ce qui allait se produire. Il en mourait d'envie… même si c'était mal. Leur première fois avait été "forcée", il n'avait pas vraiment choisi consciemment, et le baiser dans la stalle pouvait être relégué au statut de "simple accident". Cependant, s'il décidait de rejoindre Arthur à cette occasion, de façon délibérée, il deviendrait coupable. Il ne pourrait plus se cacher derrière des faux semblants. Il n'y aurait plus de pardon possible. Il serait pour toujours le pécheur qui avait dévoyé le si droit et juste Roi Arthur.
Il n'irait pas.
Sa nouvelle résolution propagea un froid dans sa nuque. Une humidité sembla vouloir monter dans ses yeux, mais il la contint au plus profond de son cœur. Il n'avait pas le droit d'être attristé. Elsa avait depuis longtemps fait son choix : son peuple avant tout. Draco ne faisait que l'obliger à respecter ses engagements.
Un mouvement à la lisière de la forêt attira son regard et sa poitrine se mit à tambouriner plus vite. Cette énorme masse sombre ne pouvait être que la Bête… Où était…
Puis, il apparut. Le soulagement répandit une tendre chaleur dans son ventre et il dut s'appuyer sur le dossier d'une chaise pour rester debout. S'il parvenait à les voir, eux aussi. Hors de question qu'ils remarquent sa faiblesse passagère. Paniquer avait été ridicule, mais les blessures de la Weaslette, sortie de nulle part, avaient été loin de le rassurer. Tout cela parce que ce crétin d'Arthur l'avait considéré comme une faible femme sans défense qui devait rester loin du danger et être protégée par un chevalier. Une soudaine envie de lui donner des claques le démangeait !
Alors qu'ils se rapprochaient, Draco prit soin d'arborer un masque d'indifférence froide, voire hostile. Pourtant, réaliser que la Bête était blessée lui fit froncer les sourcils. Celui-ci marchait aux côtés d'un cheval de selle inconnu à la robe louvet, aussi petit et trapu que pourrait l'être un poney. Adam devait garder son bras dans le dos du cavalier pour l'empêcher de chuter : Belle. L'affolement remua à nouveau ses viscères. Elle semblait fatiguée et chancelante, l'air maladif… Puis il y avait Arthur sur le lipizzan de Sinbad, encombré d'une épaisse masse indéfinissable.
Draco les laissa arriver sans intervenir. Il n'était pas certain de savoir par quelle question commencer.
« Comment Lancelot s'en sort-il ? demanda Harry en s'arrêtant près de lui.
— Comme il peut, j'imagine. L'un de vous va-t-il enfin me dire ce qu'il s'est passé ?
— Sinbad ne vous a pas raconté ? s'étonna Hermione en se tenant à Ron pour descendre.
— Sinbad est un imbécile. Sont-ce… des pièces d'armure ? »
À présent qu'il voyait le lourd bagage de près, il ne put s'empêcher de noter la finesse de l'ouvrage. La Weaslette ne portait que de longues tassettes assorties. Cela lui avait semblé étrange, mais il avait eu d'autres préoccupations pour s'en intéresser. De plus, le sang que la rouquine avait déversé dessus en avait masqué la délicatesse.
« Elles sont à Ginny, précisa inutilement Potter. Nous avons dû les lui retirer pour lui confectionner un garrot. Cela vient…
— De l'Empire du Huaxia, compléta Draco.
— Vous connaissez ? s'étonna Belle.
— Une semaine avant notre départ d'Avalon, Elsa a accueilli leurs émissaires pour établir un traité commercial, précisa Arthur en observant Draco prendre le casque pour l'examiner. Je me souviens que leurs soldats portaient des équipements similaires. Cela avait intrigué mes chevaliers.
— Le Huaxia ? fit Adam, quittant pour la première fois sa mine inquiète. N'est-ce pas une nation de l'Est, bien après Arabia ?
— Tu as déjà vu l'un de ses habitants aussi ? s'enquit Hermione.
— Jamais, leur pays est bien trop éloigné. S'ils dépensent une fortune et risquent leurs vies dans un voyage vers l'Occident, ils ne s'arrêtent qu'aux ports des pays les plus riches et prospères, comme ceux de l'Île Fortunée. Pas notre Rosa. Mais j'aimais regarder les cartes dans la bibliothèque. Imaginer que des personnes vivent actuellement une autre existence, avec d'autres mœurs, us et coutumes. Cela me fascine… Enfin, je veux dire. Adam… Adam aime faire cela. Pourtant, je n'avais encore jamais vu pareil accoutrement dans les illustrations de mon Encyclopédie.
— Pour ma part, seuls quelques rares navigateurs intrépides se sont aventurés en Loegrie, mais pas de militaires en armure, précisa Arthur. La coupe de cette cuirasse est semblable à celles en cuir ou en bois que nous avons vu, il y a quelques jours… pourtant, pas tout à fait.
— C'est parce qu'elle n'est pas originaire de la capitale, intervint Draco, tout à son inspection. Vous vous doutez que je n'ai pas fait venir de hauts-dignitaires du Huaxia dans mon Royaume sans avoir au préalable effectué de nombreuses recherches sur eux. Leur nation est immense, découpée en de nombreuses régions avec différentes cultures et traditions. Ils possèdent des produits de grande qualité, dont plusieurs qui nous sont inconnus. Établir une route commerciale avec eux est un pari dangereux, la distance qui nous sépare est énorme et les routes maritimes demeurent incertaines. Mais cela en vaut la peine.
— Je confirme, sourit Harry d'un air mesquin. Tu m'as gracieusement fait profiter de cette rencontre et je t'en remercie. Notre nouveau contrat d'alliance est tombé à point nommé.
— Peu importe, grogna Elsa en lui jetant un regard noir au souvenir de la nuit qu'ils avaient passé à rédiger les pages de leur mariage politique. Là où je veux en venir est que je devais connaître leurs besoins pour leur proposer un échange rentable. J'ai beaucoup étudié les différentes facettes de cet Empire, leurs matières premières, leurs habitudes ou leurs régimes alimentaires. Y compris leur technologie martiale. Alors je peux vous affirmer sans l'ombre d'un doute que cette armure est originaire du Nord du Huaxia, vers les plaines des steppes. Et elle est d'excellente facture. Ce qui est… singulier.
— Peut-être que ceci répondra à tes questions ? »
Arthur dégagea ce qui semblait être le plastron et pointa d'étranges symboles gravés sur le cuir. Elsa faillit lâcher le casque qu'il tenait encore entre les mains. Le sang déserta son visage. Il ferma les yeux quelques instants pour se reprendre. La situation était bien plus catastrophique qu'escompté !
« De quoi s'agit-il ? s'agaça Adam, perdu.
— Le sceau de l'Empereur du Huaxia, répondit Harry. Pendant notre séjour à Avalon, mes chevaliers ont beaucoup discuté avec les soldats de cette contrée et ils m'ont répété tout ce qu'ils ont appris. Je sais donc que seuls les militaires du plus haut rang, ou les héros nationaux, peuvent accéder au privilège de porter ces armes ciselées sur leur armure. À moins que Ginny ait outrageusement volé cet équipement à son digne propriétaire, elle ne peut être qu'une sommité martiale pour tout l'Empire de l'Est. »
Les doigts de Draco tremblaient. Les paroles de son confrère lui faisaient l'effet d'un euphémisme par rapport à la réelle portée des événements. Les Grands Héros qui avaient l'insigne honneur de parader avec le sceau de l'Empereur se comptaient sur les doigts de la main. Les soldats arboraient les couleurs, les porte-étendards agitaient les symboles, les généraux brandissaient fièrement un brassard brodé de l'écusson impérial. Mais les gravures du sceau dynastique n'étaient réservées qu'à l'élite de l'élite. Des êtres fidèles et chers au cœur du souverain. Que faisait une telle personnalité si loin de son pays ? À jouer les mercenaires et enlever des jeunes filles en échange d'un peu de monnaie ?!
« Le Huaxia… fit pensivement Hermione. N'est-ce pas l'équivalent de la Chine du vrai monde ?
— Effectivement, sourit Harry. Il semblerait que Ginny ait revêtu les habits d'un personnage de légende chinoise. Je n'en connais qu'une seule et elle correspond en tous points à ce que nous venons d'apprendre.
— Mulan, confirma-t-elle, en tanguant sur ses jambes. Mais une Mulan "après la légende". Ce sceau nous prouve qu'elle a déjà accompli son épopée et qu'elle a été reconnue comme héroïne auprès de l'Empereur. Il me semblait pourtant qu'elle rendait les armes, à la fin de son conte ?
— Une "héroïne" ? s'étonna Ron. Ma petite sœur ?
— Nous ne sommes plus à une divergence près, reprit Arthur en haussant les épaules. Mais il existe des tas d'autres mythes dont nous ne soupçonnons pas l'existence, il se peut qu'elle soit une toute autre personne. Même si rencontrer cette guerrière me plairait beaucoup.
— Tu bavarderas avec elle quand elle se sera remise, rétorqua Elsa, piqué. Plus important : comment s'est-elle retrouvée dans cet état ?
— Un coup de feu de Sinbad. »
Cette fois-ci, Draco dut se retenir au bras de Harry pour ne pas chuter. Son vassal. Son propre vassal deviendrait le meurtrier d'une légende du Huaxia si celle-ci venait à mourir. Sa relation avec cet Empire, à peine ébauchée après moults efforts et difficultés, pourrait prendre un tour funeste. Leurs échanges seraient…
Mais il y avait un espoir. Un maigre petit espoir : le Huaxia était patriarcal et n'offrait pas de postes à responsabilités aux femmes. Cela lui avait causé de nombreux problèmes pour instaurer un dialogue d'égale à égal. Si l'Empereur n'avait pas connaissance de sa nature, si Elsa présentait la révélation avec beaucoup de diplomaties, peut-être…
« Elle ne mourra pas. »
L'affirmation d'Arthur le laissa pantois. Ils se dévisagèrent en silence.
« Évidemment ! rétorqua Ron de sa voix de Bête. Elle est ma sœur !
— Ne mettons pas la calèche avant les Sombrals, intervint Hermione en se tenant plus droite pour paraître moins flageolante. Attendons de savoir comment Lancelot va s'en sortir, nous aviserons ensuite.
— Que veux-tu dire ? s'énerva Adam, la mâchoire crispée.
— Que nous devons prendre les problèmes les uns après les autres. Il nous faut d'abord mettre tout en œuvre pour sa survie. Allons voir s'ils ont besoin de notre aide. J'ai repéré quelques ouvrages médicaux dans la bibliothèque, cela pourrait s'avérer utile. Et tu as également besoin de soins !
— Tu dois te reposer !
— Je vais bien ! Les effets se dissipent, ce n'est qu'une faiblesse passagère.
— Aurais-tu été empoisonnée ? questionna Draco, intrigué.
— Ou droguée, grimaça-t-elle. Je ne sais pas par quoi. »
Belle tenta d'amorcer un pas vers le manoir, mais en fut empêchée par la poigne de la Bête qui continuait à la soutenir. Seules les explications d'Arthur à Elsa les distrayaient assez pour éviter qu'une dispute n'éclate entre les deux mariés. Les symptômes semblaient familiers à Draco. Il était certain d'avoir lu un chapitre qui listait les exactes mêmes réactions durant ses recherches. Une méthode traditionnelle des steppes, justement. Lieu d'où la guerrière semblait être originaire…
« Le scorpion doré de Mandchourie ! s'exclama-t-il tout à coup, surpris par sa mémoire.
— Un scorpion ? s'étonna Harry.
— Un venin inoffensif, rassurez-vous. Il est même employé pour soulager différents maux. J'avais espoir d'inclure cette substance dans le traité commercial, mais les xian ont vite rejeté l'idée, malheureusement. De ce que j'en ai lu, Belle a raison : elle ne risque rien. Il faut juste un peu de patience.
— Et si ce n'était pas ça ? contra Adam d'un air suspicieux.
— Penses-tu ta sœur capable de nuire à ta femme ? rétorqua Draco, agacé. Que veux-tu faire d'autre ? Le venin s'est déjà propagé dans son corps, l'empêcher de bouger maintenant n'aiderait en rien.
— Maintenant que tu es rassuré, peut-on rejoindre les autres ? rouspéta Hermione en tapant du pied.
— Allons-y », concéda Arthur.
Il reprit le casque des mains d'Elsa et le remit avec les autres pièces, solidement arrimées à la selle de Sinbad. Ron bougonna encore un peu, mais accepta enfin de suivre les mouvements pressés de sa femme, sans la lâcher pour autant. Draco s'apprêtait à leur emboîter le pas quand une main se posa sur son bras. Chaude. Ferme. Légère.
« Est-ce que tu vas bien ? »
La voix suave de Harry vibra sur son épiderme jusqu'à frôler son échine. Un frisson le traversa. Le parfum boisé semblait plus intense, les billes malachite le transperçaient de part en part, les doigts épais le brûlaient de l'intérieur. Un goût de miel lui revint en bouche. Draco se crut prisonnier d'un sortilège, incapable de réagir. Des souvenirs indécents l'assaillirent. Des caresses sur son corps, des souffles dans son cou, des sons humides…
Arthur fit un pas vers lui et ce fut suffisant pour le réveiller. Vif, il recula de deux pas et brisa le contact visuel.
« Je suis juste inquiet » avoua-t-il seulement, incapable de formuler la liste infinie de ses préoccupations.
Et il s'enfuit. Sans se retourner.
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NOTE DE L'AUTEUR :
Yes ! Je sais pas quoi dire ! _ Une première pour mes notes ! À force de m'excuser, ça devient creux. Il va falloir que j'apprenne à assumer mes fautes sans vous donner l'impression que c'est du foutage de gueule (ça n'en est pas, juré !) Je pourrais vous lister les mille-et-une raisons qui ont retardé la parution du chapitre, mais aucune ne trouvera grâce à vos yeux (et surtout pas aux miens… franchement, je me dégoûte moi-même).
J'imagine que vous avez pensé que la suite ne viendrait jamais. Et là, je me dois de vous rassurer : J'AI DÉJÀ ÉCRIT LE CHAPITRE SUIVANT ! (capslock pour montrer ma joie). Vous allez me dire "Mais si t'as déjà écrit le prochain chapitre, pourquoi celui-ci a tant tardé à paraître ?" … et là, j'ai aucune vraie réponse. Je l'ai relu dix mille fois. J'ai corrigé dix mille choses. Même la veille de la publication, je bidouillais encore des trucs dessus. Et je crois que ça va faire pareil pour le suivant… Juste, sachez que c'est pas abandonné. Je suis juste en ce moment le PIRE escargot du monde ! Je passe mille ans pour faire UN truc. C'est insupportable ! Ça me déprime, parce que la liste des choses à faire s'allonge plus vite que je n'arrive à les accomplir. Faut que j'apprenne à aller plus vite, même si c'est contre ma nature profonde…
Donc bah voilà… Pardon. Parce que même si le prochain chapitre est déjà écrit, je me connais. Je sais que je vais encore mettre mille ans pour le sortir, à toujours bidouiller des trucs dans tous les sens et à partir en vrille sur des centaines d'autres tâches qui se multiplient comme des petits pains… Bref ! C'est pas du tout abandonné ! Je suis juste un escargot tenace. Et ze vous aime ! Je prie pour que vous soyez encore là malgré mon retard. Et que vous ayez la gentillesse de me laisser un petit commentaire (même si vous pardonnez pas _)... Parce que ça reste mon carburant numéro 1 ! Je vais parfois les relire quand j'ai un coup de mou (et ça fait du bien !).
Sinon, à part mon auto-flagellation pleine de regrets et d'incertitudes, que puis-je vous raconter sur les choix scénaristiques ? Je crois que vous aurez envie de donner une ou deux claques à Draco, héhé. Avec ses "oui / non" ou ses "je veux mais je dois pas" perpétuels. La fin est fait exprès : Harry fait un pas en avant, Draco en fait deux en arrière. Ça va durer encore un peu, mais faites confiance à Harry : lui ne se pose pas de question ! Est-ce un bien ou un mal ? Vous verrez. Mais bon, vous vous doutez que Draco tergiverse pas pour rien non plus. Ils sont certes là que pour un an, ce à quoi il pense peut aussi s'appliquer à leur vraie vie post-guerre. Et puis, Draco n'étant pas tout à fait physiquement comme il est réellement, c'est un peu normal d'avoir de GROS doutes pour l'avenir. Je suis peut-être un chouille insistante sur ce point dans ce chapitre et le suivant, mais je suis pas sûre d'arriver à vraiment bien expliquer tout ça à travers Elsa et Lancelot (qui, lui aussi, voit le drame venir). Vous me direz si ça passe ou si ça casse ? Ça me permettra de mieux voir comment adapter le chapitre suivant. (aidez moaaaaaaaaaa)
Quant à Mulan ! VOUS L'AVIEZ PAS VU VENIR, HEIN ?! Je suis beaucoup trop fière de moi sur ce coup, héhéhé. J'avais fait exprès de mettre en scène le Huaxia à Avalon pour pas qu'elle tombe comme un cheveu dans la potion ! J'en dirais pas plus sur ses intentions et le scénario de son conte, je vous laisserai le découvrir dans les chapitres suivants (on en apprend plus dans le prochain, justement). Avec elle, ça va faire un nouveau personnage à gérer (je suis folle, ils sont 7 sans compter Audhild) avec un tout nouveau caractère (que j'espère pouvoir gérer, on verra). J'ai hâte !
Petite parenthèse : je pensais pas que Audhild prendrait tant de place dans l'histoire. Au début, je l'ai mise parce que c'était pas crédible que la reine se barre de son royaume sans personne de son pays… Déjà que c'est pas ultra crédible qu'il n'y ait pas un minimum d'escorte (deux souverains avec des pirates… c'est…. impossible. Normalement… mais tant pis, ça m'arrangeait pas de faire autrement !). Du coup, j'avais mis une dame de compagnie "histoire de". Et finalement, elle a son petit rôle ! Elle devenait un peu bonne à tout faire (parce que les autres sont des manches, surtout Draco). Du coup, j'ai voulu corriger le tir : bim ! Elle sait soigner. Ça fait une guérisseuse (à peu près) dans leur compagnie d'aventuriers. Un healer, c'est un peu la base. Le tank, ça serait plutôt Neville/Lancelot. Le sorcier, Draco/Elsa. Le DPS corps-à-corps, Harry/Arthur. L'érudit, Hermione/Belle. Le druide (ou mage de la Bête), c'est Ron/Adam. Le DPS distant + voleur, Blaise/Sinbad. Et maintenant, on a… un DPS corps-à-corps + DPS distant + rôdeur avec Ginny/Mulan. Ouais, ça manque clairement de heal tout ça. Et je compte pas lâcher la petite Audhild de si tôt ! Je crois qu'elle devient un peu mon joker quand j'ai besoin d'un truc… Faudra que je lui trouve sa petite histoire, quand même. Il me faut honorer son utilité pour la remercier d'être si pratique et conciliante. Elle est l'un des rares perso qui se laissent faire, ça fait du bien.
Parenthèse Audhild close : retour à Mulan. J'ai fait pas mal de recherches sur l'origine de la légende. J'ai entendu énormément de variantes différentes de la fin, comme le fait que l'Empereur lui impose un choix cornélien : soit elle devient l'une de ses maîtresses, soit elle est condamnée à mort (malgré qu'elle ait sauvé l'Empire). Bah figurez-vous que j'ai rien retrouvé de cette possible fin dans mes recherches (je cherche peut-être pas au bon endroit… ou peut-être que j'ai pas cherché assez longtemps parce que ce que j'ai trouvé me plaisait bien). En fait, à la fin, ils ont pas compris que c'était une femme et au moment des récompenses, à la distribution des richesses, des terres et des titres, elle demande juste un chameau pour rentrer chez elle. Elle lâche l'armure et reprend les robes. Et quand ses anciens compagnons d'arme vont la voir, ils en reviennent pas de découvrir que c'était une femme. Et c'est tout, ça se finit comme ça (autant vous dire que dans ma version, elle ne lâche pas les armes du tout ! JAMAIS !)
J'y connais absolument RIEN en histoire de la Chine, donc je vais pas vous faire l'affront de tenter d'expliquer un truc que je ne sais pas. Mais apparemment, la légende vient d'une ballade nommée très originalement "La Ballade de Mulan", qui date du IVe - Ve siècle. Et… Mulan vient du NORD. Dans les Steppes. Oui, oui : Mulan est pas très loin d'être mongole ! Pas tout à fait non plus, faut pas déconner, mais vraiment pas loin du tout. J'ai adoré ça, alors j'ai fait en sorte qu'elle l'était presque aussi. D'où son armure ! La description que j'en ai faite vient de mes recherches sur les armures mongoles. Je suis pas certaine que leur "longue jupe" soit vraiment appelée "tassettes", mais j'ai pas trouvé mieux, pour le coup. J'ai fait avec ce que je pouvais. Si un historien pro-armure asiatique passe dans le coin, il hurlera probablement au sacrilège. (pareil pour la technique de combat, j'ai totalement improvisé ! J'ai plus misé sur l'esquive et les mouvements fluides, plutôt que la force brute dont seraient capables Arthur et Lancelot, par exemple. Mais ça va pas plus loin.). D'ailleurs, la race de son cheval est un "cheval mongol" (j'ai cru que je trouverai un autre nom méga classe et j'ai passé des heures à chercher alors que j'aurais pu trouver en cinq minutes… tout ça pour un cheval… tsss…). J'en ai pas encore parlé (c'était pas trop l'occasion, mais ça viendra) de sa selle très particulière. Pour les mongols, c'est tout un art !
Bref, je me suis totalement enjaillée sur la Mongolie, héhé. Elle bosse pour la Chine, mais elle est full mongole (dans cette histoire). Dans la vraie ballade, il s'agit juste des Wei du Nord, je pense. De simples voisins de la Mongolie. Mais bon bah ça m'a plu, alors je suis partie dans mon délire. Vous la sentez ma fascination pour la Mongolie ? J'y connais rien, mais j'adore tout ce que dégage l'imaginaire de ce pays, Gengis Khan et le nomadisme. Ça n'aura rien à voir avec Mulan, mais tant pis. Ça me fera ma petite dose.
Mais je vous rassure, je passerai quand même vers la Chine et l'Empereur pour parler de son histoire. J'ai déjà deux trois bases dont je fais mention au chapitre suivant. D'ailleurs, j'ai cherché le sceau de l'Empereur pour voir à quoi ça ressemblait pour en parler. Par contre, le coup de graver le sceau sur l'armure pour les héros ou les personnalités militaires importantes, ça c'est de la full impro. Je devais juste faire valider son statut et montrer que c'était pas n'importe qui, aux yeux des autres personnages. Et les recherches d'Elsa en amont ont été très pratiques pour expliquer le tout.
Autre détail : le venin du Scorpion Dorée de Mandchourie. Véridique ! C'est totalement inoffensif, ils en mangent. Et les effets sont à peu près ceux de l'histoire (presque, j'ai peut-être un poil exagéré pour justifier que Hermione ait du mal à s'enfuir et que Ginny ne se méfie pas). Par contre, j'ai galéré de fou pour trouver tout ça ! C'est Akhma, sur le discord Potterfictions, qui a réussi à me dégoter les infos. Parce que… on a rien en français (ou presque rien). Tout était qu'en anglais. Ça m'a saoulé. J'ai failli changer d'idée à cause de ça. Et chatGPT, la seule fois où je l'utilise, ne m'a dit que de la merde. J'avais déjà pas confiance en lui, je l'utilise une fois et ça me vaccine totalement. Les gens : faites vos propres recherches vous même ! Déjà, c'est gratifiant quand on trouve. Mais en plus, vous prenez moins de risques de dire des bêtises en vérifiant vos sources. Non mais chatGPT partait dans un gros délire de plante appelée "chapeau? de sorcier" introuvable, qui aurait des effets similaires alors que pas du tout… C'était ridicule. On aurait dit qu'il m'inventait une histoire pour me faire plaisir. Ce jour-là, j'étais tellement énervée… J'y ai passe l'aprem ! Juste pour trouver ce venin dont j'ai failli ne même pas parler. Ça devait se sentir un peu que l'information donnée par Draco, à la fin, était un peu forcée. Il fallait que je rentabilise cette journée perdue ! Hors de question que je balance pas l'info.
Que puis-je dire d'autre… Ah oui ! Le choix de prendre Ginny (rousse, blanche, caucasienne) pour incarner Mulan (pure asiatique). Et bien je me suis dit que la seule asiatique disponible étant Cho, que je ne voyais pas DU TOUT dans le rôle de Mulan… c'était peut-être un peu raciste de cantonner l'asiat à un rôle d'asiat, quelque part. Ou peut-être que c'est l'inverse. Mais si on part du principe que j'ai foutu un mec dans le rôle d'une femme, et que ça a joué sur son physique même s'il garde des attributs masculins, je voyais pas pourquoi je pouvais pas m'amuser à faire aussi des mélanges ethniques. Donc bah voilà, je vous présente ma Ginny métisse, auburn aux yeux bleus bridés. J'ai déjà mis l'un des rares noirs dans le rôle d'un perse… Cho aura aussi son personnage de conte qui ne sera pas un personnage asiatique. Et pareil pour Dean, ou Kingsley, ou les sœurs Patil. Je mise sur le caractère et l'histoire, pas sur l'ethnie. Qui sait ? Jasmine sera peut-être un garçon caucasien ? Et Robin des Bois, une femme arabe ? J'avoue que je m'en fiche un peu, ça n'a pas d'importance pour moi, tant qu'ils sont là et ont un rôle à jouer.
Par contre, je réfléchis encore pour savoir si je vais le justifier à un moment… Il est vrai que les dames de compagnie d'Elsa sont surprises du changement de genre de leur reine. Alors il faudra probablement que je trouve une pirouette quelconque. Mais j'ai peur que ça fasse trop lourd. J'ai une idée pour Mulan, mais le moment pour en parler n'arrivera pas avant un petit moment. Qu'en pensez-vous ? Est-ce important pour vous que ces mélanges aient un sens ? Que ça influe sur le récit ? Je pense que certains de mes personnages seront juste ainsi depuis le début (ex : Parvati en Cendrillon, en fait on apprend que les parents de Cendrillon viennent d'Inde, de base. Je dis ça au hasard). Du coup, les gens ne se poseront pas de questions sur un changement quelconque. Mais peut-être que pour d'autres, ça sera une métamorphose, comme ce qu'il s'est passé pour Draco. Je verrai au cas par cas, mais votre avis m'intéresse. C'est un très vaste débat et je ne cherche pas à offenser quiconque. Juste à raconter une histoire sans faire de la politique ou alourdir mon propos. Du coup, qu'en pensez-vous ?
Je crois que je vais m'arrêter là. J'ai déjà plus parlé que je ne le pensais.
Laissez-moi un petit commentaire, si ça vous a plu ? Ou si vous voulez me taper dessus pour mon retard ?...
À très vite, je l'espère ! Je tenterai d'être plus rapide, mais je promets rien… Apparemment, je suis incapable de tenir des délais, donc bon… Mais je garde toujours l'espoir de pouvoir publier plus vite.
À bientôt !
Ashu
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Réponses aux reviews anonymes :
- Luna : mon petit blob (blog ?) toujours là ! Ça me fait tellement plaisir ! T'es toujours la première à répondre présent, ça me touche vraiment beaucoup ! Seras-tu toujours là cette fois-ci ? Le suspens est à son comble !
- Clem : Merci pour tes félicitations ! Et merci de m'avoir attendu avec impatience ! Est-ce que ce sera toujours le cas ? J'espère ! _ Et j'espère aussi que tu ne seras pas déçue, là non plus. Je n'ai pas d'autre scène aussi épique que celle du lac qui part assez loin, mais je t'offre ce combat que j'ai adoré écrire, héhé ! L'histoire de la bague de Neville aura une réponse, mais ce ne sera pas pour tout de suite. Je peux juste t'offrir l'indice que c'est… euh bah un indice super important pour… euh… une sorte de résolution finale ? (je veux pas en dire trop). Pour Hermione, tu sais qui l'enlève maintenant. Pourquoi, ce sera pour plus tard (héhé, je vais pas répondre à tout non plus). Pour le Harry Draco, ça va avancer. Ils ont déjà mis du temps à ken, et même contre leur "volonté", ils vont pas se sauter dans les bras tout de suite non plus. Ce serait trop facile. Tracassin… Hmmm… Tracassin… Il va revenir. Il est prévu dans un arc pas si lointain que ça. Mais je pense que tu peux attendre plusieurs chapitres avant ça, haha. AH YES ! Ravie que tu aies kiffé la baffe de Draco sur Blaise ! J'y ai pris beaucoup de plaisir, je l'avoue sans honte. Merci énormément pour ton commentaire ! J'adore voir à quel point tout ça t'intrigue. Diantre, j'ai trop envie de tout dire, je dois me retenir ! Je prie pour que tu sois toujours là avec ce chapitre-ci. Je te dis donc à bientôt, le cœur gonflé d'espoir ! Merci vraiment énormément !
